Napoléon III face à la crise économique de 1857-1858

Auteur(s) : WOLFF Jacques
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1857 est une année d’importance pour le Second Empire. Elle est celle du début de la première crise économique. Pourtant elle ne prend pas Napoléon III au dépourvu. Le rapprochement auquel il a procédé de ses projets et des obstacles à son action l’a conduit à réfléchir à l’éventualité d’un ralentissement de l’activité économique et aux moyens de le surmonter plus ou moins complètement.

Ses projets sont bien connus. L’un, que l’on retrouve entre autres chez Napoléon Ier, est de fonder une dynastie. Il s’agit de se survivre ou encore de battre la mort, de se montrer plus fort qu’elle, de rester dans la mémoire des temps.
L’autre est la volonté de puissance pour la société française. Elle se comprend comme l’acquisition de la prépondérance en Europe, tout au moins continentale. Elle s’est manifestée dès l’établissement de l’Empire avec la guerre contre la Russie en vue de l’empêcher de contrôler les Détroits (1) et d’accroître sont influence en Europe (1854-1856) ; elle doit être dans un avenir proche (1859) la lutte contre l’Empire d’Autriche pour l’unité italienne, ce qui devrait avoir pour effet la diminution de sa puissance au centre de l’Europe ainsi que de sa prétention à diriger la Confédération germanique (2). Elle est aussi la volonté d’étendre l’influence française dans le monde (3).
La puissance politique ne se conçoit pas sans la puissance démographique et économique. Des moyens importants et pouvant être sans cesse renouvelés s’avèrent indispensables. L’accent doit alors être placé sur un développement économique, monétaire et financier. Le processus d’industrialisation entamé il y a plus de trois-quarts de siècle (4) et qui a acquis depuis 1830 un rythme plus élevé s’accélère dès 1851-1852 sous l’impulsion de quelques branches industrielles comme les chemins de fer (5).
La puissance économique doit également permettre l’amélioration du bien-être des individus (6). Il importe de lutter contre la misère matérielle, le besoin, la pauvreté. En 1844 Napoléon III a écrit une brochure intitulée « L’extinction du paupérisme ». Il ne l’a pas reniée. En ce sens un accroissement du produit national plus rapide que celui de la population doit se traduire par une augmentation du niveau de vie (7) (8).
La réalisation de la puissance et du bien-être réclame au moins un demi-siècle. Napoléon III sait que le temps lui est compté. Il a 43 ans en 1851; le prince Impérial est né en 1856. Il faut que l’Empire dure jusqu’à la fin des années 1870.
De fait, à s’en tenir au seul point de vue économique, Napoléon III se trouve devant une incertitude de taille. Il est, de même que les économistes de l’époque, loin de tout savoir sur les caractéristiques de l’évolution économique pour la raison simple que toutes les données ne sont pas disponibles (9) et que le phénomène d’industrialisation étant trop récent il ne dispose pas d’un recul suffisant permettant de tirer du passé de quoi apprécier les phénomènes récents et d’essayer de prévoir l’avenir. Encore faut-il nuancer.
Il y a ce qu’il sait, ce que les économistes ont dégagé sur ce point (10) et ce à quoi il a sans doute réfléchi durant son séjour en Angleterre. Ainsi les variations de l’activité économique à moyen terme ont-elles été reconnues et discutées. L’accent a été mis sur le passage de l’essor à la dépression, c’est-à-dire sur la « crise ». Elles prennent place dans l’agriculture comme dans le commerce et l’industrie. Elles se propagent (11). Elles sont rythmées par l’économie anglaise (12). Elles ont de profondes répercussions économiques (par exemple baisse des prix), sociales (chômage) et politiques (émeutes, révoltes) (13). Elles ont été partiellement expliquées de différentes manières aussi bien par Ricardo, Malthus, Say dès le premier quart du siècle, qui ont fait ressortir la substitution de la machine à l’individu, l’insuffisance de la demande et les erreurs collectives d’anticipation. Napoléon III est, sans aucun doute, certain que de telles fluctuations ne manqueront pas de se produire avec plus ou moins de force dans un avenir plus ou moins lointain et qu’il doit être prêt à faire face à la pire éventualité.
Il y a ce qu’il ne sait pas mais que nous, nous savons aujourd’hui, ce qui conduit à mieux apprécier le rôle joué par la chance en sa faveur. Les fluctuations de l’activité économique ne se déroulent pas seulement à court et moyen terme mais aussi à long terme sur une durée approximative de vingt-cinq ans. Cette périodicité sera seulement dégagée dans les années 1920 (14) quand on disposera d’un recul suffisant. Un économiste anglais en parlera au début des années 1880 (15) ; il aura été précédé par un autre, dont les travaux seront peu connus, dans les années 1840 (16). Ainsi des hausses et des baisses de prix de longue durée se succèderaient-elles ; hausse de 1789 à 1812-1817, baisse de cette date à 1848-1850, hausse ensuite jusqu’en 1872. En d’autres termes Napoléon III se trouve sans le savoir porté par une phase de hausse à long terme dont une des caractéristiques est que les variations d’activité à moyen terme qui la composent ont des périodes d’essor longues et fortes et des périodes de dépression relativement brèves et faibles (17). Mais il va être obligé d’agir en ignorant ce mouvement favorable qui joue comme un conditionnement et facilite sa tâche.
Ainsi le lancinant problème qui se trouve posé à Napoléon III dès 1851 s’énonce-t-il simplement. Comment réaliser les fins poursuivies alors qu’il est une grande incertitude d’ordre économique ? Une variation de l’activité économique surviendra-t-elle et, dans l’affirmative, à quel moment ? Quelle sera son intensité ? Quelles pourront être ses conséquences économiques, politiques et sociales ? Qu’arrivera-t-il au régime ? Comment seront-elles surmontées ? Chaque jour l’Empereur lit les rapports lui parvenant des représentations françaises dans les principaux pays étrangers, prend note des observations qui lui sont adressées de tout côté, étudie les situations de la Banque de France. Il doit, à chaque instant, essayer de ne passe faire surprendre. Lourde tâche !
En 1857 arrive le temps redouté des épreuves.
L’expansion des années 1850-1857 est générale. Elle présente des traits particuliers pour la France.

Un essor général, un essor particulier. 1850 / 1851 – 1857

I.– L’essor en Angleterre et aux États-Unis
Dans ces deux pays l’essor est rapide et incontrôlé.

1) En Angleterre l’expansion résulte de deux causes principales.
L’une est la découverte et l’exploitation de terrains aurifères, se traduisant dans un premier temps par une hausse des débouchés extérieurs (18) (1850) puis par celle de l’exportation de capitaux et, même, de main d’oeuvre, ainsi que de la demande de fret amenant celle des taux de fret (19). Enfin vient une stimulation de l’industrie de la construction navale : le tonnage des bateaux en construction et lancée augmente d’autant que de nouveaux chantiers de construction sont édifiés.
L’autre, plus importante, est la construction de chemins de fer. Avec la baisse des prix de la fin des années 1840, celle de l’intérêt et des salaires ainsi que les économies réalisées sur les frais généraux, les perspectives de profit se sont améliorées. Ainsi le revenu net par kilomètre augmente-t-il de 10% (20); il en est de même du rapport recette / capital engagé (21). La fabrication de rails s’effectue non seulement pour le pays mais encore pour l’extérieur et, notamment, les États-Unis.
L’industrie sidérurgique ainsi que celle des mines se trouvent alors entraînées. De nouvelles usines sont édifiées et de nouveaux puits creusés. Entre 1850 et 1857 la production de fonte s’accroît de 60% (22). De même construit-on de nouvelles usines textiles dans le Lancashire (23) ; le nombre des établissements textiles s’accroît (24) aussi bien que celui des broches (25), des métiers et des effectifs ouvriers (26).
Cet essor s’accompagne d’une hausse rapide des prix de gros (27). Le prix du blé double presque (28). De son côté le total de ses comptes double également (29).

2) Les États-Unis connaissent, eux aussi, une période d’expansion marquée par une plus grande intensité.
Le chemin de fer entraîne l’économie. La longueur du réseau ferré est multipliée par 2,5 entre 1851 et 1857 du fait d’un important investissement (30).
Là encore les secteurs entraînés connaissent une forte augmentation de leur production (ainsi de la fonte et de la houille). L’urbanisation (développement des villes existantes, création de villes nouvelles) amène une hausse du prix des terres. Mais, plus encore que sur les terrains à bâtir, la spéculation porte sur les terres vierges que l’État concède aux immigrants comme aux nationaux moyennant finance et rendues accessibles et exploitables par le chemin de fer (31).
De même la production de biens de consommation en plus grande quantité accompagne celle des biens de production. Le crédit se développe fortement (32). Les banques se multiplient (33) et de décembre 1856 à juin 1857 développent encore leurs opérations (34).
Pourtant, assez rapidement, le mouvement d’expansion se ralentit dans les deux pays. La hausse des prix se fait plus lente. Les désillusions sont nombreuses. Les mines d’or ont déçu bien des espérances, les chemins de fer récemment construits ne donnent pas les résultats attendus, les coûts de production ont été estimés à un niveau inférieur à ce qu’il aurait dû être, les perspectives de profit diminuent, la situation monétaire et financière se détériore. En outre un important stockage de produits agricoles a pris place.
Il ne manque plus qu’un incident pour qu’éclate une crise et qu’on passe de la prospérité à la dépression.

II.– Un autre essor en France
Ici l’essor à moyen terme revêt un aspect particulier en ce sens qu’il devient indissociable de l’ordre politique. On se trouve en présence d’une expansion à la fois favorisée et surveillée. Napoléon III se préoccupe de sa régularité de différentes manières, mais cet effort est imparfait.

1) Dès 1852, presque immédiatement après le coup d’État, une forte impulsion est apportée aux entreprises de chemins de fer, ce secteur étant reconnu comme étant un moteur entraînant à sa suite d’autres secteurs de l’économie et aidant à la création de nouvelles industries. Les pouvoirs publics s’efforcent de remédier à la rigueur des contrats de concession antérieurs à 1847 (35) et, pour ce faire, modifient le mode de participation de l’État à la construction des lignes nouvelles et à la durée des concessions. La concession à court terme laisse la place à la concession à long terme; la participation de l’État en nature sous forme d’exécution d’une partie des travaux est remplacée par une participation financière prenant la forme de subvention; les différentes compagnies sont fusionnées de manière à diminuer les frais généraux et à assurer à l’État de plus grandes facilités pour exercer son contrôle (36).
La baisse des prix, des salaires et de l’intérêt ayant pris place depuis 1848 rend possible et avantageuse la création de nouvelles lignes. Dans ces conditions, les mesures ainsi prises amènent la demande d’une série de concessions et on prévoit à la fin de l’année que les constructions nouvelles devraient être « le point de départ d’une reprise de l’essor industriel et commercial interrompu en 1847 » (37).
Toutefois des tensions État / entreprises ne tardent pas à se manifester.
D’une part, instruit par l’expérience, le gouvernement se veut soucieux de modérer les à-coups de l’expansion et d’éviter une « fièvre » des chemins de fer semblable à celle ayant précédé la crise de 1847. Dès 1855 il décide de refuser toute nouvelle concession. Il s’ensuit que l’accroissement du réseau passe de 590 kilomètres en 1854 à 890 en 1855 et revient à 665 en 1856.
D’autre part, les intérêts de toutes sortes et les chambres ayant une vision à court terme s’émeuvent d’un tel ralentissement de la construction qui, par un effet de propagation, atteint l’ensemble de l’industrie.
Le gouvernement se laisse alors fléchir et accroît le nombre de kilomètres concédés. Mais, profonde erreur, au lieu de procéder à un simple rattrapage, il se livre à une augmentation sans précédent, qui annihile tous ses efforts antérieurs de régularisation. Ainsi, en 1856, concède-t-il 4205 nouveaux kilomètres, ce qui conduit à la construction de 1263 kilomètres en 1857, soit une augmentation d’un peu plus d’un tiers par rapport à 1855 et presque un doublement relativement à 1856. La régularisation laisse la place à une profonde variation.
De même, le problème du financement revêt une autre dimension. Les fonds réclamés pour de telles constructions passent, en valeur absolue, de 250 millions de francs pour 1852-1854 à 500 millions en 1855 et 520 en 1856. Leur origine change : si, entre 1848 et 1851 les deux tiers sont fournis par l’État, il ne s’agit plus que de 10% entre 1852 et 1856.
La propagation vers les industries de base se déroule comme dans les autres pays. La production de fonte fait plus que doubler (38) de même que pour le fer et l’acier (39) ; elle triple pour le minerai de fer (40) et s’accroît de 80% pour la houille (41).
La production de biens de consommation augmente également (coton et soie par exemple) ainsi que la construction en général du fait notamment de la migration des campagnes vers les villes. Il en est de même du commerce extérieur et des revenus des particuliers (42).

2) Le second essai de direction se rapporte au crédit. Le développement des échanges en quantité et en valeur s’accompagne naturellement de celui du crédit. Le nombre de lettres de change présentées à l’escompte s’accroît (ainsi la moyenne du portefeuille de la Banque de France passe-t-elle de 115 millions de francs en 1851 à 556 en 1857, soit presque un quintuplement) (43). Cela fait maintenant plus d’un demi-siècle que sont étudiés et connus les effets d’une expansion du crédit, le rapport qu’elle doit entretenir avec les réserves métalliques des banques, les différentes liaisons entre les éléments de la masse monétaire dans un régime de convertibilité. Des prêts trop importants ne peuvent avoir que des effets néfastes sur l’activité économique. Le volume et le prix du crédit doivent pouvoir être contrôlés.
Dans cet esprit de régularisation de l’activité économique, deux mesures sont prises.

a) L’une, en 1855-1856, est la lutte contre la spéculation.
La Bourse avait accueilli favorablement le gouvernement de Napoléon III parce qu’il procurait la sécurité aux intérêts, un élan aux affaires et une impression de force et de durée. Il en avait résulté une hausse du cours des valeurs de près de 50% en deux ans (44). Le marché de Paris semblait être devenu celui de l’Europe. Le nombre des valeurs cotées avait augmenté (45). La multiplication des emprunts publics (État, département, villes), du Crédit foncier, des compagnies de chemins de fer, françaises et étrangères, avait été importante. Suivant que les nouvelles de la guerre de Crimée laissaient présager le terme ou la prolongation des hostilités, les cours oscillaient accentuant les chances de réaliser des différences. Le recul momentané des cours à la fin de décembre 1855 n’avait pas mis un frein à cette passion.
Le gouvernement prit rapidement conscience du fait que les épargnes se trouvaient détournées vers la Bourse au lieu de s’investir dans les entreprises de chemins de fer et, surtout, de la place tenue par la spéculation. Il entreprit alors de calmer cette « activité fiévreuse ».
Le 8 mars 1856 le Ministre de l’Intérieur, Billaud, invite le Préfet de police à rechercher les agences d’affaires qui feignaient d’avoir des intelligences occultes dans les « régions officielles  » et faisaient commerce de leurs prétendus crédits et informations.
Le 9 mars le Moniteur indique la volonté du gouvernement de résister à des entraînements « exagérés » et celui-ci décide « qu’aucune entreprise donnant lieu à une émission de valeurs nouvelles ne serait autorisée cette année ».
Le 17 juillet est votée une loi pour combattre abus et fraudes trop fréquents dans les sociétés en commandite par actions qui, n’étant pas sujettes à l’autorisation gouvernementale, se multipliaient. Elle interdit aux sociétés de diviser leur capital en actions de moins de cent francs lorsque celui-ci n’excède pas 200000 francs et de moins de 500 francs lorsqu’il est supérieur. En outre elle veut qu’une société ne puisse être définitivement constituée qu’après souscription de la totalité du capital social et versement par chaque actionnaire du quart au moins des actions souscrites par lui, que ces actions ne soient négociables qu’après versement des deux cinquièmes, qu’elles soient nominatives jusqu’à entière libération. Enfin elle institue un Conseil de surveillance.
Le 1er janvier 1857 est établi un droit d’entrée de un franc à la Bourse des valeurs et de cinquante centimes à la Bourse des marchandises au profit de la ville de Paris. Un peu plus tard est refusée au Crédit mobilier l’émission d’obligations.
Ces mesures sont naturellement blâmées (46) motif pris de ce qu’elles amènent le gouvernement à « comprimer l’essor général ». À cet égard la mesure du 9 mars 1856 est rendue responsable de la lourdeur des valeurs et de l’atonie qui commence à peser sur le marché; elle est accusée de contenir l’esprit d’entreprise au risque de le « tuer tout à fait ».

b) L’autre est la prorogation du privilège de la Banque de France le 9 juin 1857.
La loi de 1840 avait prorogé ce privilège jusqu’au 31 décembre 1867 avec la faculté de substituer à cette date celle du 31 décembre 1855. Cette faculté ayant été supprimée, il parut nécessaire de prendre des mesures car les attaques s’étaient faites plus vives pour la raison que les importantes demandes de crédit provoquées par le développement de l’activité, la diminution de l’encaisse et le gonflement du porte-feuille l’avaient amené à prendre des mesures restrictives (hausse du taux de l’escompte à 6% en janvier 1856 puis, après un retour à 5%, à nouveau une hausse à 6%; abaissement de la durée de l’escompte de 90 à 75 et même 60 jours, le montant des escomptes étant passé de 2,9 à 3,7 milliards de francs de 1854 à 1855).En outre, un arriéré provenant de la guerre de Crimée pourrait être réduit par une telle mesure.
Le capital de la Banque est alors doublé (de 91250 à 182500 actions), les actions nouvelles faisant l’objet d’une attribution exclusive aux propriétaires des anciennes, ce qui selon l’exposé des motifs de la loi constitue « un moyen d’accroître le crédit de la Banque et, par conséquent, la force de son action ». Les cent millions ainsi obtenus devaient être versés en 1859 à l’État en atténuation des découverts du Trésor contre attribution à la Banque de la somme correspondante de rentes 3% au cours du mois précédent chaque versement (47), (48).
En outre, la Banque se voit accorder de plus grandes possibilités d’intervention : procéder à des avances sur les obligations du Crédit foncier comme elle pouvait le faire sur les fonds publics, les valeurs de chemins de fer et la ville de Paris ; élever, en fonction des circonstances, au dessus de 6% le taux de ses escomptes ; abaisser à cinquante francs la limite minimum de ses billets. Elle devait faire aussi au Trésor une avance permanente de 80 millions à réduire à 60 par des remboursements annuels de 5 millions (49).
c) Il est un domaine d’intervention / direction inséparable de la monnaie et du crédit, celui des finances publiques qui est oublié ou plutôt mal compris. En effet la croyance fermement répandue est que le budget annuel de l’État doit être voté en équilibre, recettes et dépenses doivent être égales. Il s’agit d’un dogme qui doit toujours être appliqué sous peine des sanctions les plus sévères dans l’ordre économique (50).
Or il faut distinguer entre budget voté et budget réalisé, celui-ci pouvant différer largement de celui-là et se trouver plus ou moins fortement déséquilibré (51). Surtout, mais on n’en prendra conscience qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, un budget équilibré peut avoir un effet expansionniste sur l’économie du seul fait que les dépenses se sont accrues d’une année à l’autre (52). En ce sens les années 1855-1858 revêtent un aspect tout différent.
Les budgets votés s’accroissent. Ainsi a-t-on pour 1855, 1562 millions de dépenses et 1566 de recettes (avec une autorisation d’émission de Bons du Trésor de 250 millions francs), puis pour 1856, 1598 et 1601, pour 1857, 1698 et 1709 et pour 1858, 1717 et 1737 millions de francs. En quatre ans les dépenses prévues ont augmenté de155 millions, soit 10 % de celles de 1855.
Les réalisations sont tout autre à partir de 1856. En effet les dépenses sont de 2195 millions et les recettes de 2307 (loi de règlement du 16 juin 1859), celles de 1857 de 1872 et 1911 (loi du 6 juillet 1860) et celles de 1858 de 1858 et 1890 (loi du 3 juillet 1861).
Les effets sont complexes et ne peuvent être établis avec certitude. D’un côté les différences entre budgets prévus et budgets réalisés sont nettes, atteignant, pour les dépenses, 10% pour 1857 et 1858 et 40% pour 1856. D’un autre côté on enregistre des variations considérables à la baisse des dépenses entre 1856 et1857 (–13%), ce qui constitue un frein à l’expansion et le fait que les recettes ont toujours été supérieures aux dépenses (de 2 à 5%) ce qui a pu constituer un léger effet de ralentissement. Peut-être, involontairement, le budget a-t-il contribué à la régularisation de l’activité économique.
Ainsi le constat ne peut-il être que nuancé. La volonté d’une croissance forte et régulière existe chez Napoléon III. Les moyens d’intervention pour parvenir à ce but sont développés et de nouveaux moyens mis en place. Mais leur application n’est pas encore parfaite et, de plus, elle survient relativement tard (1856). L’accélération de l’expansion ne pourra être maintenue.
L‘économie française va avoir à subir les effets d’une crise née à l’extérieur et qui ne pourra pas ne pas l’affecter.

Une crise inégale. 1857-1858

La crise survient au troisième trimestre de 1856. Elle se montre plus ou moins intense suivant les pays mais est relativement brève, surtout en France.

I. – Le rôle des États-Unis
La crise apparaît aux États-Unis en août 1857.
Les mois de juin, juillet et août se caractérisent par des difficultés dans les affaires qui se répercutent sur les banques du fait du montant toujours croissant de billets présentés au remboursement et des demandes d’escompte.
La bonne moisson (en termes physiques) en Europe porte un coup fatal à la spéculation agricole. Le stockage des produits agricoles s’était fortement développé. Les exportations vers l’Europe avaient diminué provoquant un déséquilibre de la balance commerciale. Ce dernier doit maintenant être soldé en or tandis qu’on cherche à maintenir des prix élevés en accroissant encore les stocks. Ainsi se trouve accrue la demande de crédit au moment où son offre diminue étant donné l’insuffisance de la base métallique.
De juin à août le prix du blé chute alors tandis que se manifeste un fléchissement sur tous les biens. Les actions des chemins de fer entament une baisse à la Bourse de New York dès juillet.
Les évènements se précipitent.
En août, sous l’influence d’une forte demande de crédit, la banque Ohio Life and Insurance Company suspend ses paiements (53). Le 22 août les banques, en accord avec le commerce, suspendent momentanément leurs opérations, à New York (54). Elles sont suivies au début de septembre par les banques du Maryland et de Pennsylvanie, puis par d’autres banques importantes à Baltimore, Philadelphie et Boston. Le taux de l’escompte s’accroît fortement (55). Dans le courant de septembre se produit à New York une baisse rapide et violente des actions de chemin de fer (56). Le 13 octobre les banques, d’un commun accord entre elles et avec le commerce, suspendent leurs paiements métalliques. Elles les reprennent le 11 décembre.
On peut dire que la crise monétaire et financière est terminée à la fin de l’année.
Elle a des répercussions longues et sévères sur l’économie. L’accroissement du réseau ferré se ralentit de 20 à 30 % (57) tandis que les recettes diminuent (58). Le nombre des faillites augmente (59). Le commerce reste très déprimé au premier semestre de 1858. Les industries de base présente un recul tout aussi ample (60).

II. – La propagation en Angleterre
La crise américaine se propage immédiatement en Angleterre.
Elle est d’abord une crise de change entraînée par le déséquilibre de la balance commerciale. La réserve de la Banque d’Angleterre diminue de près de moitié (61). Le 8 octobre le taux de l’escompte passe à 6% et le 10 à 7%, ce qui n’empêche pas la poursuite des sorties d’or.
Elle se complique, comme aux États-Unis, d’une crise de crédit intérieure. La baisse des prix affecte la circulation des marchandises, oblige les négociants à recourir au crédit et précipite la chute de banques engagées dans des opérations imprudentes (62).
Là encore le déroulement est bref et intense.
Le 11 novembre l’encaisse de la Banque d’Angleterre diminue fortement (63) de même que la réserve de billets (64). Le 12 le chancelier de l’Échiquier promet une loi d’indemnité au cas où la Banque d’Angleterre se trouverait dans l’obligation d’enfreindre les prescriptions du Banking Act de 1844. Il s’ensuit, jusqu’au 18 novembre, une forte demande d’or pour solder les importations auxquelles ne correspondent plus les importations ainsi que de billets. L’excès de l’émission de billets sur le chiffre fixé par l’Act de 1844 se monte à 0,928 millions de livres le 20 novembre. Il n’est plus que de 15000 livres le 30 novembre.
Jusqu’au 18 novembre on a besoin de métal car il s’agit d’une crise de change. À partir du 19 novembre on se trouve en présence d’une liquidation d’une crise intérieure à laquelle suffit le billet. Le portefeuille de la Banque d’Angleterre s’accroît rapidement, le taux de l’escompte atteint 10%. La fuite du métal-or cesse dès le 25 novembre: la demande de crédit atteint son maximum le 2 décembre.
Là encore la crise monétaire et financière est terminée à la fin de l’année.
Les suites sont, elles aussi, sévères.
La construction ferroviaire avait déjà subi une diminution avant 1857 (65). La moitié des autorisations d’expropriation ne sera pas utilisée. Les recettes diminuent (66). Dès le mois de novembre le temps de travail dans l’industrie métallurgique est réduit (67). À la fin de l’année des hauts fourneaux sont arrêtés (68). Les salaires diminuent de 20% (69). Le chômage s’accroît. La consommation de coton subi une baisse (70) tandis qu’augmente le stock disponible et que diminuent les exportations de tissus de coton.

III. – La crise en France
En France la crise est différente et peut être dite relativement modérée par rapport à celle des États-Unis et de l’Angleterre.
Elle commence par être monétaire.
L’encaisse de la Banque de France subit de fortes variations diminuant de 27% entre juin et octobre (71) et atteignant son point le plus bas le 20 novembre ayant diminué de 14% en un mois (72), et ne représentant plus que le tiers du montant des billets en circulation. Mais il faut remarquer que son portefeuille s’accroît (73), ce qui signifie qu’il n’y a pas eu de restriction du volume du crédit et que la manipulation du taux de l’escompte a été largement utilisée, celui-ci passant à 6%, puis, comme cela était devenu possible depuis la réforme du 9 juin 1857, à 7, 8, 9 et, enfin, 10%.
La baisse des actions est forte à la Bourse de Paris, mais, fait notable, celle des fonds d’État est extrêmement minime, n’atteignant que 25%, et, en décembre, le niveau de ces derniers est supérieur à ce qu’il était en juin (74).
Les répercussions économiques ne tardent pas.
La construction des lignes de chemin de fer se ralentit. Des lignes avaient été construites à partir de devis mal élaborés, trop optimistes ou n’ayant pas tenu compte de la hausse des prix. Les lignes les plus récentes sont celles ayant le rendement kilométrique le plus faible (75). Le nombre de kilomètres construits diminue ainsi de 1260 m en 1857 à 1190 en 1858.
La production de produits minéraux diminue de 7 à 9% (ainsi des combustibles et du minerai de fer) (76), celle de l’acier de 6% (77) et le chômage s’accroît de 7% dans les mines de charbon.
Il en est de même pour les biens de consommation. Par exemple la consommation de coton recule de 13%. Le nombre de faillites s’accroît.
Enfin il faut bien voir que le volume de l’escompte à Paris diminue de moitié (78).
La crise, crise de change et crise de crédit intérieur, affecte ainsi plus ou moins fortement toutes les économies de l’époque unies par des liens monétaires, financiers et économiques plus ou moins développés (79). Elle est suivie d’une récession économique, elle aussi de durée et d’intensité variables.
L’économie française est la moins atteinte. Il faut voir dans ce fait la conjonction d’une série de phénomènes: une situation-degré d’industrialisation; volume, nature, direction et protection du commerce extérieur la rendant moins sujette aux fluctuations que les économies américaines et anglaises ; une surveillance attentive du déroulement des événements ; la prise de mesures par la Banque de France (légère hausse du volume de l’escompte, manipulation du taux de l’intérêt avec une hausse particulièrement sensible). Plus que tout il faut, sans aucun doute, mettre au premier rang la confiance du public envers le régime, s’exprimant par la quasi-stabilité du 4,5% 1852 et sa hausse en décembre à un niveau qui est le plus élevé de l’année, et envers l’avenir économique, se signalant par le retour des cours des actions des chemins de fer des Compagnies Paris-Orléans et du Nord à un niveau proche de celui, le plus haut, de juin (80). Enfin l’éventualité de l’introduction d’une clause de garantie d’intérêt dans les contrats de concession des chemins de fer (qui sera effective en 1859) joue fortement dès la fin de l’année pour atténuer la récession qui ne sera plus vue que comme une situation destinée à être rapidement surmontée.

Une crise suivie et appréciée en permanence

L’évolution économique, monétaire et financière des principaux pays est suivie avec attention afin d’apprécier le moment présent, discerner quelle sera la tendance à venir la plus probable et envisager ses répercussions. Les représentants français à l’étranger tiennent journellement le gouvernement et l’Empereur informés. De son côté la presse fournit analyses et commentaires. La crise est au centre des préoccupations de Napoléon III pendant le dernier trimestre de 1857. L’enjeu est de taille. Chaque jour celui-ci se demande si elle aura un effet sur le régime et, dans l’affirmative, lequel.

I.– Les informations des ambassades françaises
Les rapports provenant des ambassades françaises sont nombreux, développés et précis.

1) Aux États-Unis le comte de Sartiges, ministre de France à Washington, invité par les directeurs des nouvelles compagnies de chemins de fer à participer à un voyage d’inauguration dans les États du centre en l’honneur du Président Buchanan, des membres de son cabinet et du corps diplomatique écrit au comte Walewski, ministre des Affaires Étrangères, le 21 juin 1857. Il constate la spéculation qui existe dans le pays.
« La spéculation suit naturellement ces deux grands éléments (les bras et les capitaux) de fortune rapide et la ville (Chicago) tout entière est livrée à une fièvre d’agiotage qui dépasse comme folie et qui atteint comme résultat tout ce qu’à New York et Saint-Louis l’on a vu dépasser et atteindre. Tel terrain, acheté 4000 dollars il y a trois années, a été revendu 100000 il y a six mois et représente à ce moment une valeur de 150000 dollars ».
Le 4 octobre il fait parvenir une première analyse de la crise.
« La baisse de 30% qui vient de se produire sur les actions des chemins de fer américains a été suivie d’une crise monétaire qui affecte sérieusement l’existence des banques sur lesquelles reposent aux États-Unis le système d’échange et les institutions de crédit. Le nombre total des banques fondées avec ou sans charte est de 1416. Ces banques, dans la plupart des États-Unis, viennent de suspendre leurs paiements en espèces. L’interruption des paiements a causé la dépréciation des billets en circulation émis par les banques et les compagnies autorisées et, en même temps, une nouvelle baisse de toutes les valeurs industrielles. Faute de trouver à négocier ces valeurs au comptant ou même à les faire recevoir en garantie d’emprunts, les banques, les compagnies, les marchands, les propriétaires, avec des portefeuilles remplis d’actions et d’obligations, se sont trouvés incapables de faire face à leurs engagements et les faillites ou les suspensions de paiement se succèdent avec une rapidité inquiétante…
Lorsque le crédit fait subitement défaut aux institutions ainsi organisées, elles ne peuvent ni rembourser en espèces le papier qu’elles ont émis, ni trouver à emprunter sur la garantie de ce même papier. Elles doivent donc liquider ou suspendre… Or, dans ce pays, les transactions commerciales et particulières reposent à peu près uniquement sur le système de crédit, fourni ou garanti par les banques; il en résulte que les faillites ou même les suspensions perturbent les relations financières des Américains entre eux et avec l’étranger… ».
Le 12 octobre il précise cette analyse.
« Causes de la crise: la sortie du pays des espèces par suite d’une importation immodérée; les spéculations téméraires; enfin la principale (celle que les Américains aiment le moins avouer): les immenses entreprises de toutes sortes, celles des chemins de fer, particulièrement, commencées avec les seuls capitaux fournis par le placement des actions et obligations des compagnies américaines sur les marchés étrangers, ceux de l’Angleterre principalement. »
Il ajoute:
« Dans la communauté commerciale des États-Unis, le crédit des uns ne s’appuie pas sur autre chose que le crédit des autres et il suffit que la confiance fasse défaut à une petite portion de cette communauté, soit banque, soit compagnie, soit même des individus isolés, pour que la marche du crédit tout entière s’arrête. »
Le 26 octobre, après la suspension des paiements en espèces ayant eu lieu deux semaines auparavant, il présente les conséquences de la crise monétaire.
« Dans les États manufacturiers du Nord, les fabriques ont congédié les deux tiers de leurs ouvriers ou fermé, et on ne prévoit pas le jour où elles pourront reprendre leur activité… Au début de la crise, l’on s’était flatté qu’aux dépens de désastres individuels, les affaires générales pourraient reprendre dans un bref délai; mais depuis, et après avoir écarté les causes secondaires, l’on a été amené à reconnaître que le mal était profond, parce qu’il tenait au système même du crédit aux États-Unis « .
La crise monétaire s’atténuant, le gouvernement français en est immédiatement prévenu le 15 novembre.
 » L’or commence à reparaître sur la place de New York, encouragé par les arrivages d’Angleterre d’espèces monétaires…Les actions des compagnies de chemins de fer ont remonté. Les Anglais envoient des métaux précieux pour acheter des cotons du Sud et des actions des compagnies de chemins de fer ».
Il note :
« Quant à la condition du pays, au point de vue du commerce, de ses manufactures et de son agriculture, elle a éprouvé une commotion trop violente pour pouvoir se remettre avec la facilité du marché monétaire. »
Le 8 décembre il adresse un long compte rendu du message du Président Buchanan du 7 décembre devant le Congrès à propos de la crise.

2) En Angleterre, le consul général de France, M. Gaillard de Ferry, se livre, lui aussi, à une analyse pénétrante destinée à éclairer le gouvernement français.
Le 19 décembre 1857 il présente son analyse.
« Cause de la crise anglaise : celle des États-Unis. Là le commerce a abusé des facilités qui lui étaient données par l’organisation bancaire du crédit américain… Il en est résulté que ces établissements (les banques) désireux d’utiliser une forte portion de leur encaisse métallique l’ont insensiblement convertie en titres de la dette publique, actions de chemins de fer et autres valeurs difficilement réalisables à un moment donné. Il n’est pas surprenant, dès lors, qu’une demande considérable et subite de numéraire, à la suite d’une panique justifiée ou non, ait suffi pour renverser le fragile édifice du crédit public américain ».
Et, comme M. de Sartiges, il porte une vue pessimiste sur l’année à venir.
« Aujourd’hui, la crise proprement financière est passée; il est à craindre que la crise commerciale ne soit qu’à son début, car il s’agit maintenant de régler les comptes, de vendre avec perte (25 à 70%) des marchandises achetées à des prix exorbitants. Les faillites seront nombreuses pendant encore longtemps et le commerce et l’industrie ne se relèveront pas promptement » (81).
Ainsi donc l’Empereur dispose-t-il d’un atout incomparable. Il sait ce qui va se passer et, cela, en un double sens.
Pour ce qui est du début de la crise monétaire, celle-ci naissant aux États-Unis et se propageant vers d’autres pays, il existe un décalage de temps pouvant être mis à profit et permettant de se préparer à faire face à une nouvelle situation. Il est, ainsi que le gouvernement, informé; il sait ce qui doit survenir dans un délai relativement rapproché. Il ne sera, en aucun cas, pris par surprise.

Il en est de même pour la fin de la crise. Dès la mi-novembre il sait que celle-ci est en voie d’atténuation aux États-Unis et qu’il en sera bientôt de même. Il ne s’agit plus pour lui que d’attendre et « tenir » pendant quelques semaines et, surtout, ce qui est fondamental, paraître dominer et infléchir le cours des évènements en faisant preuve de calme et d’assurance ainsi qu’en refusant toute mesure inhabituelle susceptible de faire croire que la situation monétaire est mauvaise et se détériore. Bref, comme on dit, avoir des nerfs d’acier, de la glace dans les veines et l’impassibilité de la figure d’un joueur de poker.
Mais Napoléon III a déjà remplacé ce souci par un autre. Il se pose la question : quelles seront les répercussions proprement économiques de cette crise monétaire ? Seront-elles importantes ? Quelle pourra être leur durée ?

II.– Les analyses et commentaires de la presse
Les journaux français s’intéressent de près à la crise. Encore faut-il bien voir comment ils présentent les évènements et quelle appréciation ils portent :

1) Le Journal des Débats est sans doute à la fois le plus ancien et le plus « sérieux » ainsi que le plus important de la presse parisienne.
Le 16 octobre il écrit à propos de la France :
 » La marche du revenu public fait chez nous un contraste frappant avec la situation générale des affaires extérieures. Pendant qu’en Allemagne comme aux États-Unis, le marché des capitaux est en proie aux crises financières qu’y a déterminées un regrettable excès de spéculation, crises qu’aggravent comme toujours les paniques de la foule et qui naturellement se résolvent en embarras commerciaux, dont l’Angleterre et nous aussi avons à souffrir, le fonctionnement de la vie économique de notre pays s’opère, pourtant, avec calme, avec régularité et dans des conditions de prospérité relative. Les rentrées des impôts directs s’effectuent avec facilité. »
Le 26 octobre, toujours rassurant, il précise :
« …l’argent n’est pas rare, mais il se réserve, il se méfie…Tôt ou tard, les points d’appui ne manqueront pas. Mais qui a le courage de prendre les devants et de ne pas s’arrêter aux embarras momentanés du marché ? Nous ne serions pas aperçus de la crise sans l’Amérique qui a fait, mais à pas de géant, les mêmes imprudences que nous. »
Le 29 octobre il se livre à un exposé général :
« La crise qui, depuis un mois, s’appesantit de plus en plus sur les États-Unis et qui préoccupe à si juste titre l’Europe, diffère peu de celles qui l’ont précédée, si ce n’est par son intensité. »
Qui est complété le 13 novembre :
« Il était impossible que l’ébranlement des marchés anglais et américain ne réagît pas d’une façon fâcheuse sur le nôtre, moins éprouvé jusqu’ici. Solidarité, telle est, aujourd’hui, la loi des nations dans la bonne conduite comme dans la mauvaise fortune. »
Enfin, durant le dernier trimestre de l’année, il tient ses lecteurs au courant en publiant des dépêches permettant de retracer la propagation de la crise dans le monde. Ainsi trouve-t-on des nouvelles de Vienne (11 et 15 octobre), de Francfort (20 octobre), de Prague (1er décembre), de Berlin (2 et 5 décembre), de Stockholm (2, 4 et 5 décembre), de Varsovie (1er décembre), de Madrid (24 novembre et 4 décembre), de Copenhague (4 décembre).
Toutes tracent un bilan rapide, indiquent les faillites, estiment le nombre de chômeurs. Elles risquent une appréciation comme on peut le voir le 5 décembre à propos de Stockholm :
 » Les nouvelles sont déplorables et alarmantes. Il existe partout une telle surabondance de produits que nous sommes habitués à exporter (grains, fer, bois, etc) que tous les magasins en regorgent littéralement.  »

2) La crise est également suivie par les autres journaux.
Le Bulletin Commercial écrit ainsi le 4 novembre :
 » La position générale de notre commerce ne s’est pas améliorée. Nous ressentons en ce moment plus vivement que jamais le contre-coup des spéculations effrénées faites par les Américains sur les marchandises aussi bien que sur les effets publics. C’est une cause d’arrêt pour les transactions sérieuses. »

Le 1er décembre, la crise allant en s’atténuant, un rédacteur écrit avec fierté :
 » Le résultat de la mémorable crise de 1857 sera une gloire certaine pour le commerce français. Cruellement frappé au dehors, écrasé au dedans par des conditions de crédit exorbitantes, manquant des ressources sur lesquelles il devait le plus compter, et accablé par une dépréciation générale des prix, il s’est néanmoins tiré d’affaires sans accidents graves, parce qu’il agissait selon des méthodes saines, prudentes, qu’il avait su résister aux entraînements séduisants et aux spéculations artificielles qui ont poussé tant d’autres pays dans des difficultés inextricables et les ont couverts de ruines. »

3) Mais, au-delà, il est une autre position.
La Patrie, se faisant l’écho des inquiétudes du public, parle, dans la seconde quinzaine du mois de novembre, de suspension des paiements et de moratoire. Elle déclare même que le seul moyen d’échapper à de plus grands dangers est que le gouvernement décrète le cours forcé des billets.

C’est le Moniteur qui, le 11 décembre, en publiant une lettre de l’Empereur semble à la fois clore le débat et marquer la fin de la crise. En effet, celui-ci écrit :
 » Nous avons pu conjurer la crise et défier les tristes prédictions des alarmistes par quelques simples mesures de prudence. Je vous prie de démentir bien haut tous les problèmes absurdes qu’on attribue au gouvernement. Je suis bien décidé à ne point employer ces moyens empiriques auxquels on n’a recours que dans les cas, heureusement très rares, où des catastrophes au-dessus de la prévoyance humaine viennent fondre sur le pays. »

La lecture de la presse révèle ainsi de grandes différences relativement à celle des comptes rendus des ambassades. Tout se passe comme si, étant donné la situation des journaux français dans les années 1850, il s’agissait d’informer avec retard le public du déroulement de la crise, d’en donner une représentation affadie, de montrer combien l’économie française ne subit que légèrement les influences extérieures, et d’exalter le sang froid et la prudence des hommes d’affaires et des Pouvoirs publics. La Presse rassure, met en valeur l’action de l’Empereur et maintient la confiance en celui-ci.

Faut-il s’en étonner ? Certainement pas. Il s’agit-là d’un exemple du maniement des foules. Napoléon III et son gouvernement font ce que n’importe quel pouvoir politique aurait fait : empêcher l’apparition de tout doute quant au bien fondé de la conduite du pays dans le présent comme dans l’avenir.

Le 31 décembre 1857

Sans aucun doute, le dernier jour de 1857, durant le réveillon, Napoléon III laisse-t-il courir sa pensée tout en considérant ses invités avec son visage impénétrable caractérisé par un demi-sourire énigmatique. Il peut être satisfait mais ne doit pas le laisser paraître. La tension supplémentaire qui a été la sienne depuis près de six mois est en voie d’atténuation permettant le retour au niveau « normal ».
Il repasse rapidement en revue les événements qui viennent de se dérouler, procédant à un bilan global.
La crise monétaire a été de courte durée, un trimestre environ, d’une intensité moindre que celle subie par les États-Unis et l’Angleterre. Elle a conduit à éliminer les entreprises ayant fait preuve de trop d’imprudence, s’étant engagées dans des projets irréalisables et ayant pensé que l’expansion durerait toujours. Elle va se poursuivre par une dépression d’ampleur relativement modérée et d’une durée supportable. Elle ne devrait pas laisser de traces trop profondes dans les esprits, des crises d’une plus grande intensité s’étant déjà déroulées dans le passé, telles celles de 1836 / 1837 et de 1847 / 1848.
Le régime n’a pas été atteint. On n’a pas assisté à des révoltes ouvrières conduisant à l’intervention de la troupe; aucun prétendant royaliste ne s’est manifesté; le trône impérial n’a pas été dénoncé comme présentant des faiblesses. La solidité est toujours présente ce qui ne peut que provoquer le découragement des opposants de toutes sortes pour longtemps. On n’attaque pas un régime fort détenant la confiance de la nation.
Par là même, et c’est le point fondamental, il pense que désormais il dispose de plusieurs années avant que se reproduise un tel phénomène. Ce qui l’intéresse n’est pas le court/moyen terme, les dix-huit mois ou les deux ans de marasme qui vont suivre, mais le long terme et le moment auquel, après la période de prospérité qui suivra cette dernière, une nouvelle crise surviendra. La fixe-t-il à une échéance de six ans, temps pendant lequel aucun problème économique grave ne devrait se poser ? Disons plus simplement qu’une vigilance accrue sera nécessaire à partir du début des années 1860.

Son esprit dresse déjà des plans pour ces années. Il voit loin et grand. Avant tout il ne peut se dissimuler un fait : l’évolution de l’économie française dépend, plus qu’on aurait pu le croire peu de temps auparavant, de celle d’autres pays, États-Unis et Angleterre. Il ne pourra alors parvenir à ses objectifs qu’avec une économie plus puissante et mieux assise. L’impératif est toujours celui d’un développement agricole et industriel rapide qu’il convient d’améliorer et de renforcer par la constitution d’un système bancaire moderne, la création de nouvelles formes de société facilitant d’importants rassemblements de capitaux et la mise en oeuvre de nouvelles relations de travail.

Mais aussi action interne et action externe ne peuvent être séparées et s’influencent l’une l’autre. Le développement peut se trouver encore accéléré par le renforcement des liens entre les deux premières puissances commerciales du monde (France, Angleterre), sur la base du libre-échange ce qui permettra une répartition plus efficiente des ressources productives après une période d’adaptation. Le succès de la guerre de Crimée ayant abouti à donner à la France une influence prépondérante dans les Balkans, en Égypte et en Perse, la politique hégémonique va pouvoir se diriger vers l’Italie et aboutir à l’abaissement de l’Autriche. Et puis, les espaces politiques et économiques, où s’exerce la prépondérance française pourront, à plus long terme encore, être renforcés par la constitution d’une première union monétaire à partir d’une harmonisation des systèmes monétaires existants d’un certain nombre de pays, prélude à une association plus intense et plus générale avec d’autres pays et procurant les avantages d’un système uniforme. Le but ultime est celui d’une zone monétaire constituée autour du franc, devise nationale, devise dominante, devise internationale.
Napoléon III est-il en ce 31 décembre satisfait davantage par la manière dont la crise a été surmontée ou par les perspectives qui lui sont ouvertes ? La réponse est simple : le véritable grand homme politique est celui qui vit dans l’avenir.

Bibliographie

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– E. Zylberman : La croissance et les comptes économiques de la France sous le Second Empire. Thèse. Paris, 1969 (avec une importante bibliographie).
Ainsi que :
– Marx-Engels : Correspondance. Lettres de Marx à Engels des : 15 août 1857, 20 octobre, 13 et 24 novembre, 8, 18 et 25 décembre.
– Lettres de Engels à Marx des 29 octobre, 15 novembre, 7, 11, 17 et 31 décembre 1857, 6 janvier, 17 mars, 9 avril et 7 octobre 1858.


Notes

(1) La Convention des Détroits (1841) ferme à la Russie la route de Constantinople. En 1853 la Russie suggère de démembrer la Turquie.
(2) Créée en 1815. L'Autriche veut isoler la Prusse et détruire le Zollverein, mais échoue en 1853 dans son projet d'hégémonie en Allemagne.
Voir J. Wolff : Histoire économique de l'Europe. 1000-2000. Éditions Economica. Paris, 1995.
(3) Par exemple expédition de Chine (1860) ou établissement de la France en Annam.
(4) Le Creusot date de 1783.
(5) Voir, sous la direction de F. Braudel et E. Labrousse : Histoire économique de la France. Vol. III. PUF, Paris, 1976.
(6) Pensons aux monographies de Le Play sur les ouvriers européens.
(7) Voir E. Zilberman.
(8) Voir J. Fourastié : Les écrivains témoins de leur temps.
(9) La Statistique Générale de la France date de 1837.
(10) Le Journal des Économistes a été fondé en 1841.
Le Dictionnaire d'Économie politique de Coquelin-Guillaumin, paru en 1853 contient, outre la rubrique crise commerciale les rubriques suivantes : accumulation, agiotage, argent, balance du commerce, banque, billets de banque, bons du Trésor, budget, capital, clearing house, consommation, distribution des richesses, division du travail, emprunts publics, épargne, exportation, finances, fortune publique, fortune particulière, frais de production, importation, impôt, machines, main d'oeuvre, métaux précieux, monnaie, offre et demande, papier-monnaie, paupérisme, production, produit net, progrès industriels, revenu, richesse, statistique, Trésor, union douanière.
(11) Mais, pour Villèle en 1825, ce qui arrive à Londres ne gouverne pas ce qui survient à Paris. Voir J.Wolff : Le financier Ouvrard, p. 224. Éditions Tallandier. Paris, 1992.
(12) Mais les États-Unis jouent un rôle en 1836-1839.
(13) Il n'est que de penser à la révolte des canuts lyonnais au début des années 1830 ou au mouvement chartiste en Angleterre dans les années 1830-1840.
(14) Voir N.D. Kondratieff : Les grands cycles de la conjoncture, 1922/1925.
(15) S. Jevons, 1884.
(16) Hyde Clark en 1847.
(17) À l'inverse, en période de baisse des prix, les phases d'essor sont relativement courtes et faibles et celles de dépression longues et fortes.
(18) Il convient de rappeler les changements survenus dans la production mondiale d'or qui gouvernent partiellement la période. Une hausse de la production signifie celle des réserves/encaisses des banques centrales, des possibilités de crédit accrues, des variations du taux de l'intérêt ainsi que la hausse de la demande d'importation du pays producteur et des exportations des pays industrialisés.
Des mines d'or sont découvertes en Californie en 1849 et en Australie en 1850. Une des conditions permissives de l'expansion se trouveainsi remplie.
Voir E. Levasseur : La question de l'or. Guillaumin. Paris, 1858.
La production d'or se monte en 1841-1850 à 57,7 tonnes et en 1861-1866 à 199,3 tonnes, soit une multiplication annuelle par plus de six.
La production de Californie est de 8 tonnes en 1848, 54,7 en 1851 et 120,6 en 1856 et celle d'Australie de 18 tonnes en 1851 et de 103,5 en 1856.
(19) Sans doute un doublement.
(20) De 21 L 12 s en 1855 à 23 L 19 en 1856.
(21) De 7,3 à 7,5 pour les mêmes années.
(22) De 2,25 à 3,6 millions de tonnes.
(23) 81 en 1851.
(24) De 4600 en 1850 à 5120 en 1856.
(25) De 26,6 à 33,5 millions pour les mêmes dates.
(26) Respectivement de 0,3 à 0,37 million et de 0,6 à 0,69 million.
(27) Par exemple + 8% entre 1853 et 1854.
(28) De 1 Livre 18 s en 1851 à 3 Livres 16 s en 1856.
(29) De 25 millions de Livres en 1853 à 49 en 1857.
(30) Plus d'un milliard de dollars dont 0,73 pour 1855-1856.
(31) 1,6 million de dollars en 1852-1853 et 11,5 en 1856.
(32) Voir C. Juglar : Des crises commerciales. 1862. p.468 et sq. Ainsi entre 1853 et 1857 l'escompte passe-t-il de 322 millions de dollars à 684, soit +100% ; la circulation monétaire de 114 à 214 millions ; les dépôts de 91 à 230 millions. La réserve métallique s'élève de 35 à 59 millions entre 1847 et 1856.
(33) Elles sont 707 en 1846 avec un capital de 196 millions et 1416 en 1857 pour un capital de 370 millions.
(34) A New York, en août 1857, les emprunts équivalent à la somme du métal, des billets et des dépôts. Les banques ont attiré les dépôts en leur concédant d'importants intérêts et les prêtent à des spéculateurs.
(35) Voir Systermans : Des chemins de fer en France et à l'étranger. Annales Block, 1859, p.205.
(36) Ainsi les compagnies du Centre d'Orléans à Bordeaux et de Tours à Nantes, les compagnies de Lyon à Avignon, d'Avignon à Marseille, Arles à Beaucaire, Arles aux mines de la Grande Combe, Montpellier à Sète, Montpellier à Nîmes, Rognac à Aix, Marseille à Toulon.
(37) J. Garnier dans les Annales Block, 1853, p.493.
(38) De 0,4 à 0,87 million de tonnes.
(39) De 0,25 à 0,58 million de tonnes.
(40) De 1 à 3 millions de tonnes.
(41) De 4,4 à 7,9 millions de tonnes.
(42) Ainsi le dividende versé par le Crédit Mobilier représente-t-il 10% du capital en 1853, 12% en 1854, 44% en 1855 mais seulement 24% en 1856.
De son côté le salaire du mineur de houille s'élève, en valeur nominale, de 609 francs en 1853 à 700 en 1857 (+16%), celui du mineur de fer de 361 à 440 francs (+22%), celui de l'ouvrier métallurgiste de 361 à 504 francs (+40%).
Sans doute, en général, enregistre-t-on une hausse de 14 à 19% du salaire réel pour les hommes et de 8% pour les femmes du fait d'une hausse des prix agricoles (les hauts prix de l'hectolitre de blé persistent à 28 francs en 1855, 29 en 1856 et 30,75 en 1857).
Voir E. Levasseur : "Influence de l'or sur la condition des personnes ". Journal des Économistes, 1858, p.216-238.
(43) Il en est de même en Angleterre, aux États-Unis, en Allemagne ou en Autriche.
(44) P. Dupont-Ferrier : Le marché financier de Paris sous le Second Empire, p.190.
(45) On pouvait, dit-on, acheter ou vendre un million de rentes sans faire varier les cours de vingt-cinq centimes ou écouler 10000 actions sans affecter sensiblement les prix (Aycard). La phrase est connue. Mais alors comment expliquer cette hausse des cours et l'importance de la spéculation ?
(46) Journal des chemins de fer. 21 janvier 1857.
(47) Sans que ce cours pût être inférieur à 75 francs.
(48) Les rentes sont prises sur les 33,9 millions appartenant à la Caisse d'amortissement et provenant des consolidations successives de sa réserve.
(49) Ce ne fut pas la seule émission de rentes effectuée en 1857. La Caisse de dotation de l'armée créée le 28 avril 1855 disposait d'un excédent de 32 millions pour 1856 et on en prévoyait un de 25 millions pour 1857 et un autre du même montant pour 1858. Ce capital fut destiné à atténuer d'autant les découverts du Trésor (loi du 25 juin 1857) et il fut créé le montant de rentes 3% nécessaire pour en donner la contre-valeur à la Caisse de dotation de l'armée. Il s'agissait donc d'un emprunt déguisé analogue à celui accompagnant la prorogation du privilège de la Banque.
(50) Aujourd'hui encore on parle de "la règle d'or du budget" c'est-à-dire le vote en équilibre de celui-ci.
(51) On laisse de côté les déséquilibres entraînés par l'inadéquation des recettes et des dépenses dans l'année.
(52) Voir le célèbre article de T.Haavelmo : "Multiplier effect of a balanced budget". Econometrica, 1945. - T. Haavelmo a reçu le prix Nobel d'économie en 1989.
(53) Son passif se monte à 5 millions de dollars pour un capital de 2 millions.
(54) La somme des prêts consentis par les banques excède de 12 millions de dollars l'ensemble de leurs ressources.
(55) 13 à 14% pour certains comme Tougan-Baranovsky, 30 à 40% selon M. de Laveleye.
(56) Ainsi, pour prendre un exemple l'action de la Compagnie Cleveland-Pittsburg passe de 65,25 dollars le 15 décembre 1856 à 9,25 et celle de l'Erie de 60,3/8 à 13,75.
(57) Entre 1856 et 1857 le réseau s'est accru de 14% (de 21 400 à 24 300 milles). La hausse pour 1858 est de 2 000 milles et de 1 647 milles en 1859.
(58) De 20% pour le New York Central Railroad ou le Baltimore-Ohio entre 1857 et 1858.
(59) 4937 en 1857 avec un passif de 291 millions de dollars.
(60) Entre 1857 et 1858, la production de fonte diminue de 14% (de 0,798 à 0,705 million de tonnes). 120 hauts fourneaux sont arrêtés amenant le chômage de 40000 ouvriers.
(61) 6,1 millions de Livres le 5 septembre et 3,2 le 17 octobre.
(62) Exemples de la Barings Bank, le 27 octobre avec un passif de 5 millions de Livres, de la Western Bank d'Écosse le 9 novembre avec une perte de deux millions de Livres ou de la Borough Bank de Liverpool, "soeur jumelle" de New York.
(63) De 11,5 millions de Livres le 5 septembre à 9,5 le 17 octobre et 7,2 le 11 novembre.
(64) De 0,96 million à 0,3 le 12 novembre.
(65) À cette date il reste encore 4800 milles de voies ferrées à construire.
(66) De 3,3% entre 1857 et 1858.
(67) À 36 heures hebdomadaires.
(68) 109 en Angleterre et en Écosse mettant en chômage 34000 ouvriers.
(69) Les fondeurs en Écosse gagnent 5s en 1856, 3s à 4s en 1857 et 3s à 3,6s en 1858.
(70) De 7% de 403 000 tonnes en 1856 à 374000 en 1857. Les exportations de tissus de coton baissent de 15%.
(71) 291 millions de francs le 20 juin 1857 et 212 le 20 octobre.
(72) À 181 millions.
(73) De 569 à 622 millions entre le 20 juin et le 20 octobre.
(74) Ainsi a-t-on :
Juin Septembre Décembre
(au plus haut) (au plus bas)
Paris-Orléans 1490 1307 (– 12,2%) 1377,5
Nord 990 840 (– 16,6%) 965
Ouest 785 687 (– 12,4%) 685
Midi 780 620 (– 20,5%) 570
Banque de France 3600 2720 (– 24%) 3250
4,5% 1852 92 90 (– 2%) 93,5
Il n'est que de faire la comparaison avec la baisse des actions de chemins de fer aux États-Unis donnée plus haut.
(75) La recette moyenne passe de 45 200 francs en 1857 à 41 400 en 1858 (–10%).
(76) De 7,9 millions de tonnes en 1857 à 7,35 pour les combustibles minéraux entre 1857 et 1858. De 3,07 à 2,79 (–9%) pour le minerai de fer.
(77) Le fer et l'acier voient leur production diminuer de 586 000 tonnes à 553 000 tonnes (–6%). Mais la fonte enregistre une baisse beaucoup plus forte de158 000 tonnes à 125 000(– 21%).
(78) Il est à 1 468 millions en 1858 et à 1414 en 1859.
(79) Il n'a volontairement pas été tenu compte ainsi de la propagation de la crise à Hambourg, Brême, Copenhague, Leipzig.
Hambourg est le point de rencontre des échanges entre l'Allemagne et la Russie, d'une part et, d'autre part. L'Amérique, l'Angleterre, les pays scandinaves et la France.
(80) Le Nord est vu comme une région industrielle d'avenir.
(81) On laisse de côté les rapports adressés par M.Cintrat, consul général de France à Hambourg, au ministère des Affaires Étrangères.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
415
Numéro de page :
5-23
Mois de publication :
oct.-nov.
Année de publication :
1997
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