Document > Traité de Tilsit avec la Russie (7 juillet 1807)

Auteur(s) : KERAUTRET Michel
Partager

Présentation

Après la bataille de Friedland, les deux adversaires étaient également las de la guerre. La Russie redoutait une insurrection de ses provinces polonaises. Napoléon craignait de s’enfoncer dans les immensités russes. L’armée d’Alexandre avait beaucoup souffert, mais les soldats français étaient fatigués. On trouva donc son compte, de part et d’autre, à une paix qui ne laissait ni vainqueur ni vaincu. Cette réconciliation prit des formes spectaculaires, qui frappèrent l’imagination des contemporains : la rencontre des deux empereurs sur le radeau ancré au milieu du Niemen, fleuve formant la frontière entre la Prusse et la Russie ; puis deux semaines de conversations chaleureuses dans la ville de Tilsit, pour aboutir à ce traité qu’on a pu comparer à celui de Yalta, pour le partage du continent qu’il semblait opérer.
La Russie, bien que vaincue militairement, ne cédait pas le moindre territoire, mais elle renonçait par un article secret au protectorat de fait qu’elle exerçait sur les Sept Îles, en principe indépendantes. La France recouvrait donc Corfou, acquise en 1797 et perdue en 1799. En contrepartie, le tsar annexait la province polonaise de Bialystok, enlevée à la Prusse. Celle-ci faisait tous les frais de la paix, perdant la moitié de son étendue et de sa population. Le roi Frédéric-Guillaume n’avait été invité à Tilsit qu’en partenaire de second ordre, sans cesse humilié par Napoléon qui vit en lui un « benet ». La reine Louise déploya vainement tous ses charmes, Napoléon y fut moins sensible que naguère Alexandre. On connaît l’anecdote fameuse de la rose offerte avec un sourire gracieux en échange de Magdeburg, et refusée par l’empereur. Celui-ci avait peut-être songé à rayer la Prusse de la carte, purement et simplement. En tout cas, il affecte ici de n’y avoir renoncé que pour complaire à Alexandre : provocation inutile, qui ajoutait le mépris à la dureté.
En échange d’une paix sans annexion, Napoléon obtenait la reconnaissance de son régime, et surtout, par des articles secrets, l’intégration de la Russie à son système de lutte contre l’Angleterre : elle devait offrir sa médiation entre les deux adversaires, et en cas d’échec, fermer à son tour ses ports au commerce britannique. Napoléon, de son côté, ferait de même entre la Russie et la Porte.
Mais on alla beaucoup plus loin lors de ces journées d’euphorie, même si tout ne fut pas noté dans le traité, ce qui permit des volte-face ultérieures. Napoléon consentit à ce que le tsar enlevât la Finlande à la Suède (toujours en guerre avec la France), et l’on parla d’un éventuel partage de l’empire ottoman. L’empereur des Français, tout à son bonheur, paraît bien avoir été la dupe d’Alexandre, s’il faut en croire certaines lettres de ce dernier. En tout cas, les intérêts de la Russie ne coïncidaient pas assez avec les siens pour que l’alliance fût durable. Napoléon sacrifiait d’un seul coup, pour une chimère, l’édifice patiemment construit des alliances turque et perse. Il était conduit en outre à un sentiment de fausse sécurité qui contribua aux développements ultérieurs.


Michel Kerautret
(Extrait des Grands traités de l’Empire (1804-1810). Remerciements à Nouveau Monde éditions)

Traité

S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin et S.M. l’Empereur de toutes les Russies, étant animés d’un égal désir de mettre fin aux calamités de la guerre, ont à cet effet nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :
S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, M. Charles-Maurice Talleyrand, Prince de Bénévent, son grand chambellan et ministre des Relations extérieures, grand cordon de la Légion d’honneur, chevalier grand-croix des ordres de l’Aigle noir et de l’Aigle Rouge de Prusse, et de Saint-Hubert de Bavière ;
Et S.M. l’Empereur de toutes les Russies, M. le Prince Alexandre Kourakine, son conseiller privé actuel, membre du Conseil d’Etat, sénateur chancelier de tous les ordres de l’Empire, chambellan actuel, ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S.M. l’Empereur de toutes les Russies près S.M. l’Empereur d’Autriche, et chevalier des ordres de Russie, de Saint-André, de Saint-Alexandre, de Sainte-Anne de première classe, et de Saint-Wolodimir de la première classe, de l’Aigle Noir et de l’Aigle Rouge de Prusse, de Saint-Hubert de Bavière, du Danebrog et de l’Union parfaite de Danemark, et bailli grand-croix de l’Ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem ; et M. le Prince Dmitry Lobanov de Rostov, lieutenant général des armées de S.M. l’Empereur de toutes les Russies, chevalier des ordres de Sainte-Anne de la première classe, de l’ordre militaire de Saint-Georges, et de l’ordre de Wolodimir de la troisième classe ;
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs sont convenus des articles suivants :

                                                                       ARTICLE 1er
Il y aura, à compter du jour de l’échange des ratifications du présent traité, paix et amitié parfaite entre S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, et S.M. l’Empereur de toutes les Russies.

                                                                       ARTICLE 2
Toutes les hostilités cesseront immédiatement, de part et d’autre, sur terre et sur mer, dans tous les points où la nouvelle de la signature du présent traité sera officiellement parvenue. Les Hautes Parties Contractantes la feront porter, sans délai, par des courriers extraordinaires, à leurs généraux et commandants respectifs.

                                                                       ARTICLE 3
Tous les bâtiments de guerre ou autres appartenant à l’une des Parties Contractantes ou à leurs sujets respectifs, qui auraient été pris postérieurement à la signature du présent traité, seront restitués, ou en cas de vente, le prix en sera restitué.

                                                                       ARTICLE 4
S.M. l’Empereur Napoléon, par égard pour S.M. l’Empereur de toutes les Russies, et voulant donner une preuve du désir sincère qu’il a d’unir les deux nations par les liens d’une confiance et d’une amitié inaltérables, consent à restituer à S.M. le Roi de Prusse, allié de S.M. l’Empereur de toutes les Russies, tous les pays, villes et territoires conquis et dénommés ci-après, savoir :
-la partie du duché de Magdeburg située à la droite de l’Elbe ;
-la Marche de Prignitz, l’Uckermark, la Moyenne et la Nouvelle Marche de Brandebourg, à l’exception du Cottbuserkreis, ou cercle de Cottbus, dans la Basse-Lusace, lequel devra appartenir à S.M. le Roi de Saxe ;
-le duché de Poméranie ;
-la haute, la basse et la nouvelle Silésie, avec le comté de Glatz ;
-la partie du district de la Netze, située au nord de la chaussée allant de Driesen à Schneidemühl, et d’une ligne allant de Schneidemühl à la Vistule par Waldau, en suivant les limites du cercle de Bromberg, la navigation par la rivière de Netze et le canal de Bromberg, depuis Driesen jusqu’à la Vistule, et réciproquement, devant être libre et franche de tout péage ;
-la Pomérélie, l’île de Nogat, les pays à la droite du Nogat et de la Vistule, à l’ouest de l’ancienne Prusse et au nord du cercle de Kulm ;
-l’Ermland, et enfin le Royaume de Prusse, tel qu’il était au 1er janvier 1772, avec les places de Spandau, Stettin, Küstrin, Glogau, Breslau, Schweidnitz, Neisse, Brieg, Kosel et Glatz, et généralement toutes les places, citadelles, châteaux et forts des pays ci-dessus dénommés, dans l’état où lesdites places, citadelles, châteaux et forts se trouvent maintenant, et en outre, la ville et la citadelle de Graudenz.

                                                                       ARTICLE 5
Les provinces qui, au 1er janvier 1772, faisaient partie de l’ancien royaume de Pologne, et qui ont passé depuis, à diverses époques, sous la domination prussienne, seront, à l’exception des pays qui sont nommés ou désignés au précédent article, et de ceux qui sont spécifiés en l’article 9 ci-après, possédés en toute propriété et souveraineté par S.M. le Roi de Saxe, sous le titre de duché de Varsovie, et régies par des constitutions qui, en assurant les libertés et les privilèges des peuples de ce duché, se concilient avec la tranquillité des États voisins .

                                                                       ARTICLE 6
La ville de Dantzig, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection de S.M. le Roi de Prusse et de S.M. le Roi de Saxe, et gouvernée par les lois qui la régissaient à l’époque où elle cessa de se gouverner elle-même.

                                                                       ARTICLE 7
Pour les communications entre le royaume de Saxe et le duché de Varsovie, S.M. le Roi de Saxe aura le libre usage d’une route militaire à travers les possessions de S.M. le Roi de Prusse. Ladite route, le nombre des troupes qui pourront y passer à la fois, et 1es lieux d’étapes, seront déterminés par une convention spéciale faite entre Leurs dites Majestés, sous la médiation de la France .

                                                                       ARTICLE 8
S.M. le Roi de Prusse, S.M. le Roi de Saxe, ni la ville de Dantzig ne pourront empêcher par aucune prohibition, ni entraver par l’établissement d’aucun péage, droit ou impôt, de quelque nature qu’ils puissent être, la navigation de la Vistule.

                                                                       ARTICLE 9
Afin d’établir, autant qu’il est possible, des limites naturelles entre la Russie et le duché de Varsovie, le territoire circonscrit par la partie des frontières russes actuelles, qui s’étend depuis le Bug jusqu’à l’embouchure de la Lossosna, et par une ligne partant de ladite embouchure et suivant le thalweg de cette rivière, le thalweg de la Bobra  jusqu’à son embouchure, le thalweg de la Narew, depuis le point susdit jusqu’à Suraz, de la Liza jusqu’à sa source près le village de Mien, de l’affluent de la Nurzeck, prenant sa source près le même village, de la Nurzeck, jusqu’à son embouchure au-dessus de Nurr, et enfin le thalweg du Bug, en le remontant jusqu’aux frontières russes actuelles, sera réuni, à perpétuité, à l’Empire de Russie .

                                                                       ARTICLE 10
Aucun individu de quelque classe et condition qu’il soit, ayant son domicile ou des propriétés dans le territoire spécifié en l’article précédent, ne pourra, non plus qu’aucun individu domicilié, soit dans les provinces de l’ancien royaume de Pologne qui doivent être restituées à S.M. le Roi de Prusse, soit dans le duché de Varsovie, mais ayant en Russie des biens-fonds, rentes, pensions ou revenus, de quelque nature qu’ils soient, être frappé dans sa personne, dans ses biens, rentes, pensions et revenus de tout genre, dans son rang et ses dignités, ni poursuivi ni recherché en aucune façon quelconque, pour aucune part, ou politique ou militaire, qu’il ait pu prendre aux événements de la guerre présente.

                                                                       ARTICLE 11
Tous les engagements et toutes les obligations de S.M. le Roi de Prusse, tant envers les anciens possesseurs, soit de charges publiques, soit de bénéfices ecclésiastiques, militaires ou civils qu’à l’égard des créanciers et des pensionnaires de l’ancien gouvernement de Pologne, restent à la charge de S.M. l’Empereur de toutes les Russies et de S.M. le Roi de Saxe, dans la proportion de ce que chacune de leurs dites Majestés acquiert par les articles 5 et 9, et seront acquittés pleinement, sans restriction, exception ni réserve aucune.

                                                                       ARTICLE 12
LL. AA. SS. les Ducs de Saxe-Cobourg, d’Oldenburg et de Mecklenburg-Schwerin, seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ses États ; mais les ports des Duchés d’Oldenburg et de Mecklenburg continueront d’être occupés par des garnisons françaises, jusqu’à l’échange des ratifications du futur traité de paix définitive entre la France et l’Angleterre.

                                                                       ARTICLE 13
S.M. l’Empereur Napoléon accepte la médiation de S.M. l’Empereur de toutes les Russies, à l’effet de négocier et conclure un traité de paix définitive entre la France et l’Angleterre, dans la supposition que cette médiation sera aussi acceptée par l’Angleterre, un mois après l’échange des ratifications du présent traité.

                                                                       ARTICLE 14
De son côté, S.M. l’Empereur de toutes les Russies, voulant prouver combien il désire d’établir entre les deux Empires les rapports les plus intimes et les plus durables, reconnaît S.M. le Roi de Naples, Joseph Napoléon, et S.M. le Roi de Hollande, Louis Napoléon.

                                                                       ARTICLE 15
S.M. l’Empereur de toutes les Russies reconnaît pareillement la Confédération du Rhin, l’état actuel de possession de chacun des souverains qui la composent, et les titres donnés à plusieurs d’entre eux soit par l’acte de confédération, soit par les traités d’accession subséquents.
Sadite Majesté promet de reconnaître, sur les notifications qui lui seront faites de la part de S.M. l’Empereur Napoléon, les souverains qui deviendront ultérieurement membres de la Confédération, en la qualité qui leur sera donnée par les actes qui les y feront entrer.

                                                                       ARTICLE 16
S.M. l’Empereur de toutes les Russies cède, en toute propriété et souveraineté, à S.M. le Roi de Hollande, la seigneurie de Jever dans l’Ost-Frise .

                                                                       ARTICLE 17
Le présent traité de paix et d’amitié est déclaré commun à LL. MM. les Rois de Naples et de Hollande, et aux souverains confédérés du Rhin, alliés de S.M. l’Empereur Napoléon.

                                                                       ARTICLE 18
S.M. l’Empereur de toutes les Russies reconnaît aussi S.A.I. le Prince Jérôme Napoléon comme Roi de Westphalie.

                                                                       ARTICLE 19
Le Royaume de Westphalie sera composé des provinces cédées par S.M. le Roi de Prusse à la gauche de l’Elbe, et d’autres États actuellement possédés par S.M. l’Empereur Napoléon.

                                                                       ARTICLE 20
S.M. l’Empereur de toutes les Russies promet de reconnaître la disposition qui, en conséquence de l’article 19 ci-dessus et des cessions de S.M. le Roi de Prusse, sera faite par S.M. l’Empereur Napoléon (laquelle devra être notifiée à S.M. l’Empereur de toutes les Russies), et l’état de possession en résultant pour les souverains au profit desquels elle aura été faite.

                                                                       ARTICLE 21
Toutes hostilités cesseront immédiatement, sur terre et sur mer, entre les forces de S.M. l’Empereur de toutes les Russies et celles de Sa Hautesse, dans tous les points où la nouvelle de la signature du présent traité sera officiellement parvenue. Les Hautes Parties Contractantes la feront porter, sans délai, par des courriers extraordinaires, pour qu’elle parvienne, le plus promptement possible, aux généraux et commandants respectifs.

                                                                       ARTICLE 22
Les troupes russes se retireront des provinces de Valachie et de Moldavie, mais lesdites provinces ne pourront être occupées par les troupes de Sa Hautesse jusqu’à l’échange des ratifications du futur traité de paix définitive entre la Russie et la Porte Ottomane.

                                                                       ARTICLE 23
S.M. l’Empereur de toutes les Russies accepte la médiation de S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, à l’effet de négocier et conclure une paix avantageuse et honorable aux deux Empires. Les plénipotentiaires respectifs se rendront dans le lieu dont les Parties intéressées conviendront, pour y ouvrir et suivre les négociations.

                                                                       ARTICLE 24
Les délais dans lesquels les H.P.C. devront retirer leurs troupes des lieux qu’elles doivent quitter en conséquence des stipulations ci-dessus, ainsi que le mode d’exécution des diverses clauses que contient le présent traité, seront fixés par une convention spéciale.

                                                                       ARTICLE 25
S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, et S.M. l’Empereur de toutes les Russies se garantissent mutuellement l’intégrité de leurs possessions et de celles des Puissances comprises au présent traité de paix, telles qu’elles sont maintenant ou seront en conséquence des stipulations ci-dessus.

                                                                       ARTICLE 26
Les prisonniers de guerre faits par les Parties Contractantes ou comprises au présent traité de paix, seront rendus réciproquement sans échange et en masse.

                                                                       ARTICLE 27
Les relations de commerce entre l’Empire Français, le Royaume d’Italie, les Royaumes de Naples et de Hollande, et les États confédérés du Rhin, d’une part, et d’autre part, l’Empire de Russie, seront rétablies sur le même pied qu’avant la guerre.

                                                                       ARTICLE 28
Le cérémonial des deux Cours des Tuileries et de Saint-Pétersbourg entre elles et à l’égard des ambassadeurs, ministres et envoyés qu’elles accréditeront l’une près de l’autre, sera établi sur le principe d’une réciprocité et d’une égalité parfaites.

                                                                       ARTICLE 29
Le présent traité sera ratifié par S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie et par S.M. l’Empereur de toutes les Russies. L’échange des ratifications aura lieu dans cette ville dans le délai de quatre jours.

Fait à Tilsit le 7 juillet (25 juin) 1807.
Ch. M. TALLEYRAND, prince de Bénévent. Le prince Alexandre KOURAKINE
Le prince Dmitry LOBANOF de ROSTOV.

Articles séparés et secrets

                                                                       ARTICLE 1er
Les troupes russes remettront aux troupes françaises le pays connu sous le nom de Cattaro.

                                                                       ARTICLE 2
Les Sept Îles seront possédées en toute propriété et souveraineté par S.M. l’Empereur Napoléon.

                                                                       ARTICLE 3
Consent S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, à ne point inquiéter ni rechercher directement ou indirectement aucun sujet de la Sublime Porte, et spécialement les Monténégrins, pour aucune part qu’ils aient prise ou pu prendre aux hostilités contre les troupes françaises, pourvu que désormais ils vivent paisiblement.

                                                                       ARTICLE 4
S.M. l’Empereur de toutes les Russies s’engage à reconnaître S.M. le Roi de Naples Joseph Napoléon comme Roi de Sicile aussitôt que le Roi Ferdinand IV aura une indemnité telle que les îles Baléares ou l’île de Candie ou toute autre de même valeur.

                                                                       ARTICLE 5
Si, lors de la paix future avec l’Angleterre, le Hanovre vient à être réuni au royaume de Westphalie, un territoire formé de pays cédés par S.M. le Roi de Prusse à la rive gauche de l’Elbe, et ayant une population de trois à quatre cent mille âmes, cessera de faire partie de ce royaume et sera rétrocédé à la Prusse.

                                                                       ARTICLE 6
Les chefs des maisons de Hesse-Cassel, de Brunswick-Wolfenbuttel et de Nassau-Orange jouiront d’un traitement annuel et viager dont jouiront également les princesses leurs épouses si elles leur survivent.
Le traitement du chef de la maison de Hesse-Cassel sera de deux cent mille florins de Hollande. Le traitement du chef de la maison de Brunswick-Wolfenbuttel sera de cent mille florins de Hollande. Ces traitements seront acquittés par le roi de Westphalie.
Le traitement du chef de la maison de Nassau-Orange sera de soixante mille florins de Hollande et acquitté par S.A.I. le grand-duc de Berg.

                                                                       ARTICLE 7
Les articles ci-dessus séparés et secrets auront la même force et valeur que s’ils avaient été textuellement insérés dans le traité patent de ce jour et ils seront ratifiés en même temps.

Fait et signé à Tilsit le 7 juillet (25 juin) 1807.
Ch. M. TALLEYRAND, prince de Bénévent. Le prince Alexandre KOURAKINE
Le prince Dmitry LOBANOV de ROSTOV.

Traité d’alliance

S.M. l’Empereur de toutes les Russies et S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, ayant spécialement à coeur de rétablir la paix générale en Europe sur des bases solides et, s’il se peut, inébranlables, ont à cet effet résolu de conclure une alliance offensive et défensive, et nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir [les mêmes que pour le traité de paix] ;
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivants :

                                                                       ARTICLE 1er
S.M. l’Empereur de toutes les Russies et S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, s’engagent à faire cause commune, soit par terre soit par mer, soit enfin par terre et mer, dans toute guerre que la Russie ou la France serait dans la nécessité d’entreprendre ou de soutenir contre toute puissance européenne.

                                                                       ARTICLE 2
Le cas de l’alliance survenant et chaque fois qu’il surviendra, les H.P.C. règleront par une convention spéciale les forces que chacune d’elles devra employer contre l’ennemi commun, et les points où ces forces devront agir ; mais dès à présent, elles s’engagent à employer, si les circonstances l’exigent, la totalité de leurs forces de terre et de mer.

                                                                       ARTICLE 3
Toutes les opérations de guerre communes seront faites de concert, et ni l’une ni l’autre des Parties Contractantes ne pourra, dans aucun cas, traiter de la paix sans le concours ou le consentement de l’autre partie.

                                                                       ARTICLE 4
Si l’Angleterre n’accepte pas la médiation de la Russie, ou si l’ayant acceptée, elle n’a point le 1er novembre prochain consenti à conclure la paix en reconnaissant que les pavillons de toutes les puissances doivent jouir d’une égale et parfaite indépendance sur les mers, et en restituant les conquêtes par elle faites sur la France et ses alliés depuis 1805, où la Russie a fait cause commune avec elle, une note sera, dans le courant du dit mois de novembre, remise au cabinet de Saint-James par l’ambassadeur de S.M. l’Empereur de toutes les Russies.
Cette note, exprimant l’intérêt que Sa dite Majesté Impériale prend au repos du monde et l’intention où elle est d’employer toutes les forces de son empire pour procurer à l’humanité le bienfait de la paix, contiendra la déclaration positive et explicite que, sur le refus de l’Angleterre de conclure la paix aux conditions susdites, S.M. l’Empereur de toutes les Russies fera cause commune avec la France, et pour le cas où le cabinet de Saint-James n’aura pas donné au 1er décembre prochain une réponse catégorique et satisfaisante, l’ambassadeur de Russie recevra l’ordre éventuel de demander ses passeports le dit jour et de quitter immédiatement l’Angleterre.

                                                                       ARTICLE 5
Arrivant le cas prévu par l’article précédent, les H.P.C. feront de concert, et au même moment, sommer les trois cours de Copenhague, de Stockholm et de Lisbonne de fermer leurs ports aux Anglais, de rappeler de Londres leurs ambassadeurs et de déclarer la guerre à l’Angleterre.
Celle des trois cours qui s’y refusera sera traitée comme ennemie par les H.P.C., et la Suède s’y refusant, le Danemark sera contraint de lui déclarer la guerre .

                                                                       ARTICLE 6
Les deux hautes parties contractantes agiront pareillement de concert et insisteront avec force auprès de la Cour de Vienne pour qu’elle adopte les principes exposés dans l’article 4 ci-dessus, qu’elle ferme ses ports aux Anglais, rappelle de Londres son ambassadeur et déclare la guerre à l’Angleterre.

                                                                       ARTICLE 7
Si au contraire l’Angleterre, dans le délai spécifié ci-dessus, fait la paix aux conditions susdites (et S.M. l’Empereur de toutes les Russies emploiera toute son influence pour l’y amener), le Hanovre sera restitué au roi d’Angleterre en compensation des colonies françaises, espagnoles et hollandaises.

                                                                       ARTICLE 8
Pareillement, si par une suite des changements qui viennent de se faire à Constantinople, la Porte n’acceptait pas la médiation de la France, ou si après qu’elle l’aura acceptée, il arrivait que, dans le délai de trois mois après l’ouverture des négociations, elles n’eussent pas conduit à un résultat satisfaisant, la France fera cause commune avec la Russie contre la Porte ottomane, et les deux H.P.C. s’entendront pour soustraire toutes les provinces de l’Empire ottoman en Europe, la ville de Constantinople et la province de Roumélie exceptées, au joug et aux vexations des Turcs.

                                                                       ARTICLE 8
Le présent traité restera secret et ne pourra être rendu public ni communiqué à aucun cabinet par l’une des parties contractantes sans le consentement de l’autre.
Il sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Tilsit, dans le délai de quatre jours.

Fait à Tilsit le 7 juillet 1807.
Charles-Maurice de TALLEYRAND, prince de Bénévent.
Le prince Alexandre KOURAKINE.
Le prince Dmitri LOBANOV de ROSTOV

Partager