Document > Jean-Etienne Portalis : « Qu’est-ce qu’un Code Civil »
Extraits d’un texte fondamental pour comprendre ce que sont une loi et un code civil.

Au lycée
Révolution / Consulat / Ier Empire
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À la fin des travaux de la première commission de travail sur le Code Civil (1801), un long « discours » introductif fut joint à l’avant-projet. Il était signé par le grand juriste Jean-Étienne Portalis (1746-1807), qui avait été membre de la commission. En voici quelques extraits qui, au-delà du Code proprement-dit, explique avec brio ce qu’est une loi.

Document > Jean-Etienne Portalis : « Qu’est-ce qu’un Code Civil »<br>Extraits d’un texte fondamental pour comprendre ce que sont une loi et un code civil.
Jean-Etienne-Marie Portalis (1744-1807),
in "Le siècle de Napoléon", peint par F. Philippoteaux,
lithographié par Ch. Bour., 1846
© Fondation Napoléon

EXTRAITS

Intérêt de bonnes lois civiles

De bonnes lois civiles sont le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir ; elles sont la source des mœurs, la palladium de la propriété, et la garantie de toute paix publique et particulière : elles le maintiennent ; elles modèrent la puissance, et contribuent à la faire respecter, comme si elle était la justice même. Elles atteignent chaque individu, elles se mêlent aux principales actions de sa vie, elles le suivent partout ; elles sont souvent l’unique morale du peuple, et toujours elles font partie de sa liberté : enfin, elles consolent chaque citoyen des sacrifices que la loi politique lui commande pour la cité, en le protégeant, quand il le faut, dans sa personne et dans ses biens, comme s’il était, lui seul, la cité tout entière. Aussi, la rédaction du Code civil a d’abord fixé la sollicitude du héros que la nation a établi son premier magistrat, qui anime tout par son génie, et qui croira toujours avoir à travailler pour sa gloire, tant qu’il lui restera quelque chose à faire pour notre bonheur.

Qu’est-ce qu’une loi ?

Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu’un sacerdoce. Il ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites ; qu’il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s’il est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ; qu’il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux ; qu’en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même, qu’il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative ; qu’au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer ; que l’histoire nous offre à peine la promulgation de deux ou droit bonnes lois dans l’espace de plusieurs siècles ; qu’enfin, il n’appartient de proposer des changements, qu’à ceux qui sont assez heureusement nés pour pénétrer, d’un coup de génie, et par une sorte d’illumination soudaine, toute la constitution d’un État.

> Lire en entier le texte de Portalis en ligne

> Écouter une émission consacrée à Portalis, sur Canal Académie (2005 ; durée : 59 min.)

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