1810 : le mariage de Napoléon Ier et Marie-Louise d’Autriche

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Projet de mariage

Avant même la dissolution du mariage, on songe déjà à une union avec la Maison d'Autriche.

Le 25 décembre 1809, Metternich écrivit à Schwarzenberg, l'ambassadeur autrichien à Paris : « Si le divorce de Napoléon a lieu, il serait possible que l'on vous sondât sur une alliance avec la Maison d'Autriche. Je connais un parti qui à Paris s'emploiera très-directement en faveur de cette idée : c'est celui qui depuis longtemps vise à mettre des bornes aux bouleversements de l'Europe. » [Lettre in Mémoires, documents et écrits divers laissés par le Prince de Metternich, 1881-1884, vol. II, p. 312]. Comme Metternich était sans aucun doute informé du divorce civil du couple impérial, il faisait référence alors à l'annulation du mariage religieux, qui devait encore être négocié.
 
L'annulation du mariage avec Joséphine confirmée. Napoléon est libre de continuer sa quête d'une nouvelle impératrice.
Le 27 janvier 1810, Metternich écrivait à sa femme : « Je regarde cette affaire comme la plus grande qui puisse dans ce moment occuper l'Europe ; je vois dans le choix que fera l'Empereur la possibilité de gage d'un ordre de choses non moins conforme aux intérêts généraux de tant de peuples qui, après des secousses aussi affreuses et multipliées, aspirent à la paix, qu'aux intérêts particuliers de ce prince. » [Cité in Mémoires, documents et écrits divers laissés par le Prince de Metternich, 1881-1884, vol. II, p. 316].

Le choix de la fiancée

Maintenant que son union avec Joséphine avait été dissoute, la priorité pour Napoléon était désormais de se marier afin d'assurer sa succession. Un conseil privé se tint le 21 janvier 1810 durant lequel les conseillers de l'Empereur (Cambacérès, Murat, Berthier, Champagny, Lebrun, Eugène, Talleyrand, Fontanes et Maret) donnèrent leur opinion sur les trois fiancées potentielles : Maria Auguste, Princesse de Saxe, la Grande duchesse, Anna Pavlovna, la plus jeune des soeurs d'Alexandre Ier et l'Archiduchesse d'Autriche Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine.

D'après les mémoires de Cambacérès le choix se discuta entre Anna Pavlovna (âgée tout juste de quinze ans) et Marie-Louise. Mais Napoléon écarta rapidement la Grande duchesse comme il l'indiqua dans une lettre à Champagny en date du 6 février 1810 :
« L'Empereur y a remarqué que la princesse Anne n'était pas encore réglée ; que quelques fois les filles restent deux années entre les premiers signes de nubilité et la maturité ; que rester trois ans  sans espérance d'avoir des enfants contrarierait les intentions de l'Empereur ». [Correspondance de Napoléon Ier, réimpression de l'édition du Second Empire, 2002, n° 16210]

En vérité, ce refus d'épouser la princesse russe résultait du temps pris par la cour de Russie pour répondre à la demande française. L'impératrice douairière et mère de la promise, Maria Fedorovna, avait seule autorité pour décider du mariage de ses filles, mais si elle affirma son désaccord en tant que mère, elle laissa à son fils Alexandre le soin de décider pour des raisons politiques. Ce dernier était contre le mariage, mais sa réponse tardait (et c'est ainsi que les courriers français et russes se croisèrent). Le temps pressant, Napoléon décida de tenir la Russie au courant de sa décision, il écrivit alors à Champagny la même nuit :
« Demain au soir, quand vous aurez signé avec le prince Schwarzenberg, vous en expédierez un second pour faire connaître que je suis décidé pour l'Autrichienne ». [Lettre de Napoléon à Champagny en date du 6 février 1810, Correspondance de Napoléon Ier, réimpression de l'édition du Second Empire, 2002, n° 16 211]

Maintenant que le choix final s'était porté sur Marie-Louise, les préparatifs commencèrent et les instructions furent données à Louis-Guillaume Otto, ambassadeur de France en Autriche :
«Le courrier portant le contrat de mariage pouvant arriver le 13 de ce mois à Vienne, il pourra [Otto] en expédier un le 14, avec l'assurance des ratifications, il arrivera à Paris le 21. Le Prince de Neuchâtel, étant destiné à être envoyé comme ambassadeur extraordinaire pour demander la princesse en mariage, pourra partir le 22 ; il arrivera à Vienne le 28 ou le 29, et fera la demande le lendemain de son arrivée. […] Le mariage pourra se faire le 2 mars. La princesse achèvera le carnaval à Vienne et en partira le 7, jour des Cendres. On arrangera les choses de manière qu'elle puisse arriver vers le 26 à Paris. » [Correspondance de Napoléon Ier, réimpression de l'édition du Second Empire, 2002, n° 16 218]
 
Le 23 février 1810, Napoléon Ier écrivit à l'empereur d'Autriche François Ier : « Monsieur mon Frère, je fais partir demain mon cousin le vice-connétable, prince de Neuchâtel, pour demander à Votre Majesté Impériale l'archiduchesse Marie-Louise, sa fille, en mariage. Les hautes qualités qui distinguent si éminemment cette princesse, l'avantage précieux qu'elle a de lui appartenir, me font désirer vivement cette union. On me fait espérer que Votre Majesté voudra y consentir. » [Lettre n° 16 287, Correspondance de Napoléon Ier, édition du Second Empire, réimpression 2002, tome X, p. 240]

Marie-Louise dans la perspective de sa prochaine union

Le 23 février 1810, une semaine après la ratification de la convention portant contrat de mariage entre Napoléon et Marie-Louise, Napoléon envoie une lettre à sa future épouse : « Les brillantes qualités qui distinguent votre personne nous ont inspiré le désir de la servir et honorer […]. Pouvons-nous nous flatter qu'elle ne sera pas déterminée uniquement par le devoir de l'obéissance à ses parents ? Pour peu que les sentiments de Votre Altesse Impériale aient été de la partialité pour nous, nous voulons les cultiver avec tant de soins, et prendre la tâche si constamment de lui complaire en tout, que nous nous flattons de réussir à lui être agréable un jour […] » [Correspondance de Napoléon Ier, réimpression de l'édition du Second Empire, N° 16 288]. Cette lettre convenue pour préparer l'archiduchesse à son union avec Napoléon montre à quel point l'Empereur désire que la jeune femme se trouve dans les meilleures dispositions pour lui donner rapidement un héritier, ce qui est le but de cette nouvelle union qui doit de même lui assurer une plus grande légitimité aux yeux des grandes cours d'Europe.
Il est vrai que l'Archiduchesse autrichienne, et Napoléon ne peut l'ignorer, a été élevée dans l'exécration de celui, qu'elle appelle « l'ogre corse », « l'Antéchrist » ou « le Hun », elle grandit, comme elle s'en confia à Méneval, « sinon dans la haine, au moins dans les sentiments peu favorables à l'homme qui avait mis plusieurs fois la maison de Habsbourg à deux doigts de sa perte, qui avait obligé sa famille à fuir de sa capitale et à errer de ville en ville au milieu de la confusion et de la consternation. » [Méneval, Napoléon et Marie-Louise, Souvenirs historiques, Amyot, paris, 1844. P. 329-330]

Tout d'abord l'idée de ce mariage lui fait horreur et elle ne peut le croire : « Napoléon, a trop peur d'un refus et trop envie de nous faire encore mal pour faire une pareille demande, et papa est trop bon pour me contraindre sur un point d'une pareille importance. ». Dans l'attente de la décision, elle écrit le 22 janvier 1810 à l'une de ses amies, Melle Poulet : « Depuis le divorce de Napoléon, j'ouvre la Gazette de Francfort dans l'idée d'y trouver la nomination de la nouvelle épouse, et j'avoue que ce retard ma causes des inquiétudes involontaires […] je remets mon sort entre les mains de la divine Providence […] Si le malheur voulait, je suis prête à sacrifier mon bonheur particulier au bien de l'Etat, persuadée que l'on ne trouve la vraie félicité que dans l'accomplissement de ses devoirs, même au préjudice de ses inclinaisons. », puis à son père : « J'attends votre décision avec un respect filial. ». François Ier n'osa pas lui annoncer son prochain mariage et délégua la mission à son ministre. Elle se résigna et accepta son destin sans amertume.
[Correspondance de Marie-Louise (1799-1847), Charles Gérold, Vienne, 1887]

La demande en mariage officielle, le contrat et le mariage par procuration

Maintenant que le choix de la fiancée s'est arrêté sur l'archiduchesse Marie-Louise de Habsbourg et qu'un accord tacite existe entre les deux parties, Napoléon délègue en urgence Berthier, son chef d'état-major à Vienne pour faire la demande officielle de la main de Marie-Louise. Berthier, parti en hâte le 24 février 1810 arrive incognito dans la capitale autrichienne le 4 mars 1810. Dès le lendemain de son arrivé en après avoir rencontré le ministre des Affaires étrangères, il est introduit en grande pompe auprès de leurs Majestés. C'est le 8 mars, que lors d'une audience solennelle dans la salle du couronnement que Berthier se déroule la demande officielle. François Ier en grand uniforme de feld-maréchal, paré de la toison d'or, reçoit Berthier, prince de Neuchâtel qui lui lit a haute voix la demande officielle écrite par Napoléon. Marie-Louise présente donne son consentement.

Le 9 mars 1810, Berthier et Metternich signent le contrat de mariage par lequel elle apporte une dot équivalent à 400 000 francs, et renonce à la succession des royaumes, provinces et districts de la couronne autrichienne. Deux jours plus tard, le dimanche 11 mars a lieu, à 17h30, dans l'église des Augustins, toujours par procuration, le mariage religieux. Napoléon est représenté par l'archiduc Charles.

L’ « échange » de Marie-Louise

Le 13 mars 1810, Marie-Louise quitte Vienne avec son train de 83 voitures. Le 14, elle s'arrête à Enns où elle loge au château du prince Auersperg. Le lendemain c'est à Ried qu'elle s'arrête avant le grand rite d'échange qui se déroule le lendemain près du village de Saint-Pierre. Marie-Louise est remise au maréchal Berthier. Dans une lettre, envoyée le soir même à son père, l'impératrice décrit l'événement : « Aujourd'hui j'arrivai à deux heures de l'après-midi au camp français, dans la baraque de Braunau. Après m'être arrêtée quelque temps dans la baraque autrichienne, je me suis rendu sur un trône placé dans la pièce de neutralité. Après qu'on eut lu les actes, tous mes compatriotes me baisèrent la main […] ; j'eus des frissons et je perdis tellement contenance que le prince de Neuchâtel commençait à pleurer. Le prince Trauttmansdorf me remit et on me présenta toute ma cour.[…] ». On procède dans la même journée à la « grande toilette », Marie-Louise est accompagnée par la reine de Naples. Marie Louise écrit : « une toilette qui dura deux heures ; je vous assure que je suis déjà, aussi parfumée que les autres françaises ».

La fin du voyage jusqu’à Compiègne

Le 17 mars 1810, le convoi s'avance en terre bavaroise et gagne dans l'après-midi le bourg d'Haag où l'attend Louis de Bavière qui doit conduire Marie-Louise dans la capitale des Wittelsbach.

Marie-Louise repart le 19 mars 1810. Les équipages maintiennent une vive allure et traversent Ulm, Stuttgart, Carlsruhe, Rastatt… Elle traverse ensuite le Rhin sur un pont de bateaux. Elle le traverse à pied au bras de Mme Lannes. Elle quitte l'Alsace le 24 mars et suivit un itinéraire balisé : Saverne, Phalsbourg, Lunéville, Nancy, Toul, Ligny, Bar-le-Duc, Châlons, Reims. Le soir du 26 le convoi arrive à Vitry-sur-Marne et en repart le lendemain sous l'escorte d'un détachement du 7e régiment de chasseurs. La rencontre solennelle des deux époux est alors prévue pour le 28 après-midi. Le 27 mars 1810, tout se déroule à peu près comme prévu et Marie-Louise arrive sans encombres à Compiègne. Napoléon, impatient de connaître sa nouvelle épouse et voulant lui éviter une rencontre solennelle épuisante, avait rejoint le cortège au village de Courcelles.

Arrivés à Compiègne en fin de journée, l'Empereur et l'Impératrice descendent ensemble du carrosse et gravissent le perron. On présente ses appartements à Marie-Louise.

Le mariage

Le 31 mars 1810, le couple impérial arrive à Saint-Cloud, Marie-Louise est présentée à la Cour.

Le lendemain, 1er avril, le mariage civil est célébré au Palais suivant tous les détails réglés par M. de Ségur, Grand Maître des cérémonies, en présence de la Cour et de la famille impériale. Suivirent un dîner et un spectacle : Iphigénie en Aulide de Racine avec Talma dans le rôle d'Achille.

Le 2 avril 1810, se déroule le mariage religieux dans le Salon carré du Louvre transformé pour l'occasion, en chapelle, par l'architecte Fontaine, sur les indications d'Isabey. Le soir un grand banquet du mariage est organisé dans la salle de spectacle du palais des Tuileries transformé en salle de fête.

Le 3 avril, au lendemain du mariage, une réception est organisée dans la salle du trône. L'Empereur et l'Impératrice entourés des princes, des princesses et de la Cour, reçoivent les hommages et les félicitations des Corps de l'Etat

 
Napoléon n'attend guère pour voir son voeu d'avoir un héritier légitime se réaliser. En effet, le 20 mars 1811, l'Impératrice Marie-Louise donne naissance à Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, fils de Napoléon Ier et héritier du trône impérial. L'enfant reçoit le titre de Roi de Rome.


 
E. Papot, H. Davey Wright 2010

Cette chronologie fait partie de notre dossier thématique : 1er-2 avril 1810 : le mariage de Napoléon Ier et Marie-Louise

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