La bataille d’Aspern – Essling (21-22 mai 1809)

Auteur(s) : DELAGE Irène (trad.), HICKS Peter
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Depuis la bataille d'Austerlitz, l'Autriche avait tenté de reconstituer son armée, malgré les promesses et les accords convenus de ne pas le faire. Les deux années précédant la campagne de 1809, des reformes furent entreprises, le principe de la conscription introduit, l'infanterie renforcée, l'artillerie réorganisée, les services de santé modernisés, et une milice nationale, la Landwehr, constituée de 150 bataillons, créée (édits des 12 mai et 9 juin 1808). Déjà en octobre 1808, l'Autriche avait envoyé en Angleterre des diplomates afin de tenter d'obtenir (mais sans succès) une aide financière britannique pour une nouvelle campagne contre la France. Animé par un désir de vengeance depuis la défaite de 1805, le parti défendant l'idée d'une nouvelle guerre à la cour de Vienne profita des difficultés de Napoléon en Espagne (marquées notamment par la capitulation de Baylen), pour appuyer de nouveau son projet. Trois éléments concouraient alors à favoriser le parti de la guerre : la montée d'un nationalisme autrichien, l'amertume liée à l'exclusion d'Italie et d'Allemagne, à la présence franco-bavaroise au Tyrol et à celle des Saxons à Varsovie, et pour finir la promesse de la Russie de rester en dehors de tout conflit entre l'Autriche et la France, guerre que Metternich considérait comme inévitable (1).
 
Le gouvernement autrichien prit officiellement la décision d'entrer en guerre contre la France le 8 février 1809. Après avoir encouragé la révolte de Hofer au Tyrol, l'Autriche envoya des troupes en Bavière, leur faisant traverser l'Inn, entre Braunau et Schaerding. Un « Appel à la nation allemande », écrit par Frederick Schlegel, fut distribué à la population comme 125 000 soldats entraient dans le royaume. Dans ce texte, les Autrichiens prétendaient vouloir « se battre pour rendre à l'Allemagne son indépendance et son honneur ». Cette déclaration, associée au soulèvement au Tyrol, permit aux troupes autrichiennes d'être bien acceptées. Il n'y eut aucune opposition de la population, et les troupes françaises se retirèrent avant l'arrivée de l'archiduc Charles.

Outre ce retrait, la situation française se trouva être compliquée par des difficultés de communication. En effet, au début de la campagne, Napoléon dirigeait ses troupes à distance. Mais en raison de conditions atmosphériques difficiles, empêchant les transmissions télégraphiques, et le croisement des courriers, Berthier reçut des ordres contradictoires, ce qui provoqua confusion et désorganisation dans les actions de « l'Armée d'Allemagne » française. L'arrivée de l'Empereur le 17 avril 1809 allait mettre fin à ce début de pagaille. Les cinq jours suivants, du 19 au 23 avril, Napoléon conduisit la « manoeuvre de Landshut » qui fut marquée par les victoires à Tengen, Abensberg, Landshut, Eckmühl, Neumarkt et Ratisbonne (Regensburg). Les troupes de l'archiduc Charles furent forcées de se retirer vers Vienne, en passant par la rive Nord du Danube, alors que les troupes françaises restaient sur la rive opposée. La prise de contrôle de têtes de pont dicta la stratégie des jours suivants. Ainsi, l'un des derniers ponts encore en place se trouvait à Linz, tandis qu'un important point de passage se situait de l'autre côté du Traun, (un affluent du Danube). Pour s'en assurer la maîtrise, une terrible bataille se livra à Ebersberg le 3 mai. 8 000 hommes commandés par Masséna affrontèrent pendant 8 heures les 35 000 Autrichiens d'Hiller. Cet affrontement acharné causa plus de 5 000 morts et blessés, et le village lui-même, dévasté par le feu et les combats, devint l'image même des horreurs de la guerre. Tous ceux qui traversèrent le village au lendemain de la bataille furent ainsi marqués à jamais par la vision des ruines et des corps carbonisés.
 
Ce succès, cependant, ouvrait la route vers Vienne. Hiller traversa Krems le 8 mai, pour continuer sa retraite au nord du Danube, détruisant au passage des ponts, à Enns et à Mauthausen. Les troupes françaises entrèrent dans la capitale autrichienne le 12 mai. A la différence de ce qui avait pu se passer en 1805, la population s'avéra agressive et belliqueuse envers les Français. L'archiduc Maximilien entreprit de constituer une milice, dans une tentative dérisoire d'empêcher l'entrée des Français dans la ville. Face à la résistance tenace de la population, plusieurs quartiers de la ville furent bombardés. Cependant, après un bref sursaut de résistance, les autorités de la ville capitulèrent, remettant les clefs de la cité aux envahisseurs français, et l'occupation se mit en place, comme trois ans plus tôt, sous une administration française très ferme, cette fois-ci celle d'Andréossy et de Savary.
L'archiduc Charles ne baissa pas les bras pour autant. Il concentra ses forces sur la rive du Danube opposée à Vienne, en attendant de voir ce que Napoléon allait faire. L'Empereur français voyait clairement que plus la campagne durerait, plus il serait difficile pour lui d'avoir la maîtrise de la situation. Il bouscula les choses, envoya des hommes en reconnaissance sur la rive sud du Danube pour repérer les endroits propices à la construction de ponts, construction qui jouerait un rôle déterminant lors de la bataille d'Aspern – Essling. Napoléon choisit de faire passer ses troupes entre Kaiser-Ebersdorf (juste à l'est de Vienne) et l'île de Lobau via deux petites îles, Schneidergrund et Lobgrund. Le premier ouvrage devait être assez important, le second moins, mais il s'agissait surtout de traverser le puissant Danube. Ainsi, les ingénieurs durent réaliser quantité de menus miracles juste pour conserver les ponts intacts. Le chantier débuta le 19 mai et fut supervisé par Napoléon lui-même. Tous les hommes, quel que fut leur rang, et donc les officiers y compris, durent participer à l'effort. Mais les eaux étaient grossies par la fonte des neiges et le niveau du fleuve montait toujours, le 20 mai un navire et des débris frappèrent le fragile pont Schneidergrund / Lobgrund, et peu après le pont d'Ebersdorf se rompit, ce qui provoqua un retard de 10 heures sur les prévisions de passage des troupes. (2)
Le maintien des ponts en bon état, afin de permettre le passage de nombreux soldats et de quantité de matériels, indispensables aux prochains affrontements, était stratégiquement indispensable et requérait véritablement une attention de tous les instants.
 
Au premier jour de la bataille, le dimanche de Pentecôte 21 mai, Napoléon se trouvait sur l'île de Lobau, coupé de la rive sud du Danube, avec 24 000 hommes et 60 canons, face au gros de l'armée autrichienne (près de 95 000 hommes et 200 canons). Le 4ème corps de Masséna occupait une position près d'Aspern face à l'aile droite des Autrichiens, la division Molitor avait investi Aspern même, Lasalle, Espagne et Nansouty de la cavalerie de Bessière se placèrent au centre, tandis que Boudet et le 2ème corps de Lannes et de Saint-Hilaire prenaient position près du petit village d'Essling. L'armée principale autrichienne, elle, était placée un peu à l'ouest de Wagram. Tôt le matin du 21, les Autrichiens reçurent l'ordre de lancer l'attaque, organisés en 5 colonnes. Les trois premières devaient longer la rive nord du Danube, vers Aspern. La quatrième colonne fut dirigée vers Essling et la cinquième à l'est d'Essling, à Gross-Enzersdorff. Parmi les objectifs figurait le sabotage et la destruction

Notes

(1) Mémoires, documents et écrits divers laissés par le prince de Metternich, t. I, p. 65. Voir Lentz, Nouvelle histoire du Premier Empire, vol. I, p. 440-441.
(2) Voir John H. Gill, 1809: Thunder on the Danube. Napoleon's defeat of the Habsburgs. Volume 2: The fall of Vienna and the Battle of Aspern, London: Frontline Books, 2008, p. 147-148.
(3) John H. Gill, op. cit., p. 159-160.
Titre de revue :
inédit
Mois de publication :
mai
Année de publication :
2009
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