Le chaos d’Essling

Auteur(s) : BRUN Jean-François
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Dans la typologie des batailles napoléoniennes, Essling tient une place particulière, tant par son déroulement que par l'importance des pertes, qui marquent l'entrée dans la seconde période, beaucoup plus meurtrière, des guerres de l'Empire.

Une situation politico-stratégique nouvelle

Contrairement aux campagnes précédentes, le conflit de 1809 ne fait pas, pour Paris, l'objet d'une longue phase de préparation. Désireuse de profiter de l'affaiblissement de Napoléon, qui vient de s'enferrer dans la guerre d'Espagne, l'Autriche décide de tenter une nouvelle fois sa chance contre la France. Vienne table, dans le futur affrontement, sur la réorganisation de son instrument militaire(1) , concrétisée notamment par l'adoption d'unités spécialisées dans le combat en tirailleurs et la mise sur pied de corps d'armée, tels que les utilise la Grande Armée depuis 1803-1804.

Conscient de cette menace, l'Empereur quitte l'Espagne avec sa Garde, dès janvier 1809, pour rassembler une nouvelle force de campagne composée des troupes occupant l'Allemagne sous le commandement de Davout (soit un corps d'armée renforcé), de conscrits peu entraînés et de contingents alliés. Fait nouveau, ces derniers sont désormais appelés à combattre en première ligne, et non plus à remplir essentiellement des missions secondaires, comme lors des affrontements antérieurs. Pressé par la nécessité, Napoléon se place là dans une logique de défense d'ensemble d'un système territorial européen dominé par la France (2) . Depuis Tilsit en effet, le « Grand Empire » a remplacé la « Grande Nation ».

Soucieuse d'entrer en campagne avant que son adversaire n'ait eu le loisir de mobiliser des ressources trop importantes, l'Autriche lance dans les premiers jours d'avril une triple offensive. L'archiduc Charles, avec 125 000 hommes, envahit la Bavière, l'un des principaux États-satellites allié de Paris. L'archiduc Jean attaque de son côté l'Italie avec 46 000 soldats. L'archiduc Ferdinand, enfin, marche sur Varsovie avec 40 000 combattants. Cette agression sur plusieurs fronts, parfaitement cohérente compte tenu de l'implantation européenne de la puissance napoléonienne, est assortie de troubles qui éclatent dans divers territoires de l'écoumène napoléonien, au Tyrol ou en Westphalie avec la tentative d'insurrection armée du major prussien Schill, qui s'achève à Stralsund le 31 mai.

Apprenant par télégraphe, dans la soirée du 12, le passage de l'Inn par l'armée autrichienne (3) , l'Empereur quitte Paris le lendemain, arrive à Donauwoerth le 17 et, prenant la tête des forces déjà rassemblées, entame immédiatement la contre-offensive sur le principal théâtre d'opérations. Batailles d'importance secondaire ou combats localisés se succèdent les jours suivants (4) , provoquant la retraite de l'archiduc Jean. L'Empereur parvient ainsi aux portes de Vienne le 10 mai et en reçoit la capitulation le 12. Quoique maîtres de la capitale ennemie, les Français n'ont pas obtenu d'avantage politique significatif puisque la monarchie habsbourgeoise n'a pas demandé d'armistice. Napoléon est donc contraint de battre définitivement l'archiduc Charles, qui s'est replié à quelques kilomètres de Vienne, de l'autre côté du Danube, sur la rive nord, avant qu'il n'ait fait sa jonction avec l'archiduc Jean.

L’opération de franchissement devient bataille

Les Autrichiens ayant détruit tous les ponts de Vienne, l'Empereur doit bâtir de toutes pièces un ouvrage de fortune. Mais la traversée s'avère plus longue à organiser qu'il ne l'estimait initialement. Après une tentative au nord de la capitale, à Nussdorf, qui échoue mais se transforme en diversion, le passage du Danube, prévu pour le 17, débute seulement le 20 (5) . Le site retenu se situe au sud-est de Vienne, quasiment aux portes de la ville. Le Danube s'y divise en trois bras (6), séparés par deux îles dont la plus septentrionale, Lobau, est extrêmement étendue (6 km de long, 4 km de large), ce qui permet d'y concentrer massivement des troupes à l'abri des vues ennemies compte tenu de la présence de massifs boisés.

Persuadé que l'archiduc Charles a entamé son repli, Napoléon désire passer au plus vite sur la rive nord, afin de faire irruption sur la ligne de retraite adverse. Son plan initial vise à organiser la traversée du Danube en échelons successifs, sous la protection d'une avant-garde qui sécurisera la tête de pont. Mais la menace d'une contre-attaque ennemie massive n'est pas envisagée. Par ailleurs, matériellement, la construction des ouvrages nécessaire suppose le recours à des solutions de fortune, conformément à la logique de la guerre de mouvement où le souci de prendre de vitesse le camp opposé suppose d'improviser au besoin avec les moyens du bord. Si les madriers et les bateaux qui serviront de pontons sont en nombre suffisant, les ancres manquent. On les remplace donc par des tubes d'artillerie ou des caisses remplies de boulets (qui s'avèreront parfois insuffisantes eu égard à la violence du courant). Bref, un pari raisonné par rapport au danger que représentent les possibles crues du fleuve, dont l'Empereur sous-estime la puissance.

Tout au long de la construction, de petits postes d'infanterie et de cavalerie bordent la rive sud afin d'observer d'éventuels mouvements autrichiens (7) . Le 19, Napoléon donne enfin l'ordre de se tenir prêt à traverser (8) aux 2e (Lannes) et 4e (Masséna) corps d'armée, à la réserve de cavalerie et à la Garde (9). Les régiments de Davout (3e CA) demeurent quant à eux en position entre Saint-Poelten et Vienne, en mesure de franchir en dernier le Danube. Le « Dixième Bulletin »  (10)permet de suivre précisément le déroulement des événements : « le pont de la rive droite à la première île et celui de la première île à celle d'In-der-Lobau ont été faits dans la journée du 19, et dès le 18, la division Molitor avait été jetée par des bateaux à rames dans la grande île [de Lobau] » afin de chasser les quelques détachements autrichiens qui y cantonnaient. Le 20, Napoléon fait établir en trois heures le dernier ouvrage, qui débouche sur la rive autrichienne.

Dans la nuit du 20 au 21, le passage commence. Les divisions Molitor et Boudet délogent quelques avant-postes adverses et établissent, le jour venu, un dispositif défensif appuyé sur les villages d'Aspern et d'Essling, dont la possession permet de protéger le débouché sur la rive droite. De son côté, la division Lassalle est chargée « d'éclairer »(11) les abords immédiats de la zone de franchissement. Mais ses ordres, qui limitent l'amplitude de son mouvement, de façon à éviter un trop grand nombre de contacts susceptibles de provoquer une réaction offensive de l'adversaire, ainsi que la végétation, l'empêchent de prendre conscience de l'importance des forces autrichiennes à proximité. Croyant l'archiduc Charles en retraite, l'armée française, disposant désormais d'une tête de pont sécurisée (mais seulement à la mesure de la menace estimée), commence sa traversée d'ensemble, le reste du 4e CA et la division de cuirassiers Espagne débouchant successivement dans la matinée et la mi-journée.

Intervient alors l'événement qui bouleverse le plan impérial, la contre-attaque inattendue de Charles qui, débutant à la mi-journée, révèle toute son ampleur vers 16 heures. L'archiduc, en effet, loin de se replier, a décidé de profiter de l'occasion pour infliger des pertes significatives à l'armée française grâce à une opération offensive menée avec l'ensemble de ses forces. Plutôt que de s'opposer immédiatement à toute irruption sur la rive nord, il attend qu'un certain nombre d'unités aient pris pied pour les attaquer au moyen de cinq colonnes qui, menant une action quasi concentrique, devront s'emparer, dans un premier temps, d'Essling et d'Aspern puis, dans un second, des débouchés du pont, interrompant le flux d'arrivée et prenant au piège, comme dans une nasse, tous ceux qui ont traversé. Les Autrichiens bénéficieront ainsi pleinement de leur supériorité numérique temporaire, jouant d'un rapport de force extrêmement favorable le 21 mai (12).

À Aspern, les soldats de Molitor sont surpris car ils n'ont vu les unités ennemies que tardivement, compte tenu de la végétation. Bombardé par 90 pièces, le village est en feu vers 14 heures 30, mais encore tenu partiellement par les Français. Vers 16 heures 30, 132 canons tirent sur les maisons plus ou moins démolies, mais Molitor, soutenu par Legrand, résiste toujours. À l'autre extrémité, à Essling, Boudet, sous les ordres de Lannes, voit le poste avancé d'Enzersdorf détruit vers 16 heures mais garde le contrôle du bourg. De leur côté, Lassalle et Marulaz au centre, Espagne dans la zone d'Essling, chargent l'infanterie et l'artillerie adverses. Dépourvue de tout appui, en butte aux contre-attaques de la cavalerie autrichienne, leur action (très coûteuse en hommes) n'a d'autre objet que de gagner du temps en obligeant provisoirement l'adversaire à relâcher sa pression sur les villages (ce qui permet par contrecoup la poursuite du franchissement et donc la réduction de la disparité numérique). Bref, l'armée française, qui tient une zone de 10 km2 environ, limitée par les deux villages et le Danube, se retrouve dans la posture du boxeur acculé dans les cordes, qui ne peut que se défendre en attendant la fin du round.

Quoique retardé par ces actions, Charles poursuit la réalisation de son plan et pénètre vers 18 heures à Aspern, que les Français finissent par abandonner. Deux faits jouent alors en faveur de Napoléon. D'abord, le souverain reçoit des renforts : la division Carra Saint-Cyr, qui a fini de prendre pied sur la rive nord, se substitue aussitôt, en tant que réserve, à la division Legrand. Cette dernière a désormais toute latitude pour dégager Molitor et repre

Une « fortune de guerre » défavorable à Napoléon

Certain désormais que l'opération de franchissement se transformera inéluctablement en bataille générale le lendemain, l'Empereur profite de la nuit pour continuer à réduire l'écart numérique avec les Autrichiens en faisant traverser le 2e CA, la Garde et les cuirassiers de Saint-Sulpice. Contrôlant toujours la tête de pont, il a en effet l'intention de profiter de l'opportunité que lui offre l'archiduc pour défaire l'armée autrichienne.

Les combats pour la possession des villages reprennent vers 4 heures du matin. Désireux de se prémunir contre toute contre-attaque de flanc et, surtout, contre la perte de contrôle du débouché, Napoléon lance ses troupes à l'assaut des maisons d'Aspern tenues par les Autrichiens. Le village change quatre fois de maître avant de rester aux Français vers 7 heures. En revanche, à l'autre extrémité du champ clos, Charles a attaqué Essling à trois reprises et en détient, à la même heure, la partie basse. Mais la cavalerie légère de Lassalle et les cuirassiers contiennent l'infanterie ennemie qui cherche à déborder par le sud du village (ce qui lui offrirait la possibilité d'arriver jusqu'au point de franchissement). Bref, en apparence un match nul sur les ailes qui permet à l'Empereur de continuer la traversée (13) et, surtout, de développer son offensive entre les deux villages, à partir de 7 heures, sachant que le rapport de force doit normalement évoluer en sa faveur tout au long de la journée(14) . Tablant sur ce flux ininterrompu de renforts, le souverain a en effet décidé d'attaquer au centre avec le 2e CA (auquel doit s'adjoindre dans la journée le 3e) et la réserve de cavalerie, sachant que l'appui d'artillerie croîtra au fil des heures. Perçant le centre du dispositif ennemi (dont les forces vives sont utilisées aux ailes, face aux deux villages), il pourra se rabattre à gauche et à droite sur les unités adverses et les détruire.

L'effort français semble payant puisque le centre ennemi est culbuté. Les colonnes d'assaut sont même sur le point d'atteindre le village de Breitenlee, quartier général de Charles. Intervient alors, entre 8 et 9 heures, « l'événement », la rupture des ponts sur les premier et deuxième bras du Danube. Les ouvrages, qui avaient déjà subi des dégâts la veille, sont brisés par des brûlots, des moulins flottants ou des bateaux chargés de pierres, lancés en amont par les Autrichiens. Grâce à la rapidité du courant généré par la crue du fleuve, ils constituent des béliers d'autant plus efficaces que les ponts sont dépourvus d'estacades ou de chaînes de protection : 40 000 hommes, 80 pièces et les munitions de réserve se trouvent ainsi bloqués sur la rive sud, dans l'impossibilité de traverser. Napoléon ne peut donc plus compter que sur les quelques unités déjà dans l'île Lobau mais qui n'ont pas encore débouché sur la rive nord, ce qui le contraint à interrompre brutalement son offensive. En outre, l'artillerie doit désormais économiser ses coups, situation de faiblesse évidente pour une armée en position défensive.

L'avantage repasse aux Autrichiens, qui commencent par mener un bombardement intensif avant de lancer une attaque générale vers 11 heures. Ils s'emparent d'Aspern mais la Jeune Garde, dont c'est le baptême du feu, bloque le débouché vers le pont. Elle contrecarre de même l'offensive à Essling en début d'après-midi.
 
Bref, les deux adversaires se retrouvent arc-boutés sur leurs positions, sans pouvoir reprendre l'initiative (faute d'unités en réserve pour Charles, de munitions et de quelques régiments pour Napoléon). Le combat devient dès lors statique. L'archiduc, incapable d'avancer, soumet son adversaire à une canonnade intensive. L'Empereur de son côté s'efforce de conserver ses positions car une retraite immédiate serait susceptible de tourner aisément au désastre. Le repli ne pouvant débuter qu'à la nuit, cela revient à subir stoïquement le feu ennemi durant plusieurs heures en essayant de le contrecarrer par quelques charges de cavalerie. Mais, en toute logique, les pertes seront moins élevées qu'en évacuant immédiatement toutes les unités sur l'île Lobau. Essling s'achève ainsi sous des tirs d'artillerie (au cours desquels, d'ailleurs, vers 18 heures, est atteint Lannes).
 
À la tombée du jour, couverts par le 4e corps (15), les survivants repassent en ordre le pont qui mène à Lobau(16) . Masséna quitte le champ de bataille avec les derniers bataillons vers 5 heures du matin, détruisant le passage derrière lui sans être inquiété par les Autrichiens. Le franchissement du Danube a échoué. Les troupes réfugiées sur l'île Lobau (17) manquent de tout et l'Empereur tente de les faire ravitailler jusqu'à ce que les communications avec Vienne soient rétablies, demandant notamment à l'intendant général Daru de lui envoyer immédiatement par bateaux 100 000 rations de pain ou de biscuit et autant d'eau-de-vie. Mais, dans l'immédiat, les ressources s'avèrent insuffisantes et l'on doit manger du cheval(18) (comme à l'accoutumée les soirs de bataille) jusqu'à ce que le rétablissement des ponts, le 25 (19), permette de regagner la rive sud.

Quelle(s) interprétation(s) de la bataille ?

De cet exposé des événements naissent plusieurs remarques quant à la spécificité d'Essling. Commencée comme une simple opération de franchissement, la bataille prend une envergure inattendue, l'Empereur subissant plus souvent l'initiative adverse (Foch aurait dit la « volonté ») qu'il n'impose la sienne propre. La première phase, dans l'après-midi du 21, revient en effet à résister vaille que vaille aux assauts d'un ennemi supérieur en nombre. Lors de la deuxième phase, le 22, du lever du jour à la rupture des ponts, Napoléon tente de développer un plan organisé visant à enfoncer le centre du dispositif adverse. Mais l'action tourne court rapidement et, dans une troisième phase qui occupe tout le reste de la journée, l'armée française perd à nouveau l'initiative, se contentant de parer aux attaques autrichiennes puis de conserver ses positions bombardées avant de repasser le Danube. Au final, en dépit de la résistance prolongée face à un ennemi constamment supérieur en nombre, l'on ne peut que constater l'échec global de la manoeuvre, qui entraîne un temps d'arrêt dans la campagne, avec toutes les réactions politiques que cela fait naître en Europe.

Autre originalité, la clef de la victoire réside dans le contrôle d'un point particulier, en l'occurrence le pont entre l'île Lobau et la rive nord. Cette prééminence absolue d'un « objectif-terrain » est beaucoup moins marquée dans les batailles plus « classiques », où l'espace de manoeuvre, plus large, permet aux armées de disposer pratiquement toujours de lignes de retraite, si bien que les généraux en chef cherchent avant tout à désorganiser le dispositif tactique adverse en portant leur effort sur un certain nombre d'unités ennemies occupant des places-clefs dans la ligne de bataille.

Essling est également célèbre par l'importance des pertes (44 000 à 45 000 hommes sur 165 000 engagés de part et d'autre, soit un peu plus de 27%, mais près de 44% des Français ayant combattu), Elles sont dues au bombardement d'artillerie et aux combats de rue dans les villages, qui se traduisent par de nombreux engagements à la baïonnette, alors que les affrontements de ce type sont habituellement relativement peu nombreux. L'infanterie agit en effet essentiellement par sa capacité de tir avant de mener un assaut qui aboutit très rarement, par suite de la fuite de l'assaillant ou du défenseur avant l'abordage(20)
 
Le fait que la division Molitor ait perdu la moitié de ses effectifs au soir du 21 mai révèle à l'évidence l'âpreté des affrontements en milieu bâti (on n'ose dire urbain).
Par ailleurs, les premières semaines de campagne avaient montré que les forces impériales, moins entraînées et plus composites compte tenu de la proportion grandissante d'alliés, manoeuvraient beaucoup moins rapidement que la Grande Armée de Boulogne. On entre désormais dans la seconde phase des guerres napoléoniennes, marquée par une triple évolution. L'artillerie, dont l'importance ne cesse de croître, va désormais être massivement utilisée pour préparer l'assaut d'une infanterie aux formations plus resserrées faute d'entraînement, mais qui voit désormais s'alourdir ses pertes(21).  De même, les effectifs mis en mouvement augmentent énormément, comme le montrent la campagne de Russie ou la deuxième campagne de Saxe, cette inflation s'expliquant notamment par le fait que l'Empire est désormais la clef de voûte d'un système géopolitique européen. La campagne de 1809 concrétise ainsi le passage de l'armée très majoritairement française de la « Grande Nation » aux forces plus mélangées constituant l'outil militaire du « Grand Empire », comme l'illustrera sans ambiguïté le passage du Niémen en 1812. Enfin, l'on s'aperçoit que les adversaires de Napoléon commencent à tirer concrètement les leçons des affrontements précédents et à adapter leurs forces aux nouvelles réalités guerrières (d'où la réorganisation des unités autrichiennes, mais également prussiennes ou, un peu plus tard, russes). De ce point de vue, Essling, débutant comme un franchissement dans la plus pure tradition des campagnes précédentes, s'achevant sur une canonnade qui préfigure Wagram, La Moskowa ou Leipzig, n'est peut-être avant tout que le combat illustrant cette phase de transition.



Notes

[1] Les forces autrichiennes comptent désormais 300 000 hommes, auxquels s'ajoutent les 200 000 « réservistes » mobilisables de la landwehr, dont la valeur militaire reste faible.
[2] Voir à ce propos J.-F. Brun, « Les unités étrangères dans les armées napoléoniennes : un élément de la stratégie globale du Grand Empire », Revue Historique des Armées, n° 255, à paraître en juin 2009.
[3] « Premier bulletin de l'armée d'Allemagne », Correspondance de Napoléon Ier, Paris, Imprimerie impériale, 1858-1869, lettre n° 15 112.
[4] Bataille de Thann le 19, d'Abensberg le 20, combat de Landshut le 21, bataille d'Eckmühl le 22, combat et prise de Ratisbonne le 23.
[5] Lettre de Napoléon à Bernadotte, 15 mai 1809, Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., lettre n° 15 213, « Neuvième bulletin de l'armée d'Allemagne », 19 mai 1809, Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., lettre n° 15 239.
[6] Larges respectivement, du sud au nord, de 400 m, 280 m et 110 m, ce qui représente au total près de 800 m de ponts à construire.
[7] Lettre n° 15 216 de Napoléon à Masséna, 16 mai 1809, Correspondance de Napoléon Ier, op. cit.
[8] Lettres du 19 mai de Napoléon à Davout (Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., n° 15 232 et n° 15 238), à Masséna (Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., n° 15 234), à Lannes (Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., n° 15 235), à Bernadotte (Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., n° 15 237).
[9] La Garde (4 bataillons d'infanterie de Vieille Garde, 8 de Jeune Garde, auxquels s'ajoutent la cavalerie et l'artillerie) représente alors 8 000 hommes, le 2e CA 25 500 (répartis en 4 divisions d'infanterie : Claparède, Demont, Saint-Hilaire, Tharreau). Le 4e CA aligne 32 000 combattants (divisions d'infanterie Boudet, Carra Saint-Cyr, Legrand, Molitor, brigade de cavalerie légère Marulaz). Enfin la réserve de cavalerie (Bessières) regroupe 5 500 sabres. Elle comprend essentiellement des cavaliers lourds destinés aux charges de rupture (division Nansouty, 8 escadrons de carabiniers, 16 escadrons de cuirassiers, division Saint Sulpice, 16 escadrons de cuirassiers, division Espagne 16 escadrons de cuirassiers), auxquels s'ajoute la division de cavalerie légère Lasalle formée des brigades Piré et Bruyère.
[10] « Dixième bulletin de l'armée d'Allemagne », 23 mai 1809, Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., lettre n° 15 246.
[11] C'est-à-dire de détecter toute présence ennemie et d'en déterminer aussi précisément que possible le dispositif, et donc, en partie, les intentions.
[12] Charles dispose, les 21 et 22 mai, de 116 bataillons d'infanterie (90 226 hommes), 128 escadrons (12 918 combattants) et 264 pièces d'artillerie. Napoléon ne peut lui opposer au maximum, le 21, que 30 000 à 35 000 hommes, soit un rapport de forces de 3 pour 1 en faveur des Autrichiens, qui bénéficient en outre d'une supériorité écrasante en artillerie.
[13]  Le reste de la cavalerie et de l'artillerie, ainsi que le 3e CA, doivent passer sur la rive nord ce jour-là.
[14] Le 22, l'armée française a 71 000 hommes (dont 11 000 cavaliers) et 144 pièces face aux forces de l'archiduc Charles, soit un rapport de 1,45 pour 1 en faveur des Autrichiens.
[15]  Napoléon a ordonné à Masséna (Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., lettre n° 15 244 du « 23 mai après minuit ») de tenir la tête de l'ouvrage permettant de déboucher de Lobau sur la rive nord avec de l'artillerie, puis d'en retirer les pontons en laissant croire à l'ennemi qu'un nouveau passage était prévu mais, en fait, en envoyant ces derniers aux unités chargées de réparer les deux premiers ponts.
[16]  La retraite respecte l'ordre suivant : les blessés, le matériel, la Garde (moins les bataillons de tirailleurs), les cuirassiers et carabiniers, les divisions Demont, Molitor, Carra Saint-Cyr, Boudet, Claparède, Saint-Hilaire, la cavalerie légère, les tirailleurs de Jeune Garde, la division Legrand et, enfin, la division Tharreau. Bref, il s'agit d'un repli rigoureusement orchestré et non d'une fuite marquée au sceau de la panique.
[17]  La rupture des deux premiers ponts interrompt toute communication entre l'île Lobau et la rive sud de 7 heures à 16 heures. Réparés et remis en service, ils sont à nouveau très rapidement brisés, isolant derechef Lobau de Vienne.
[18] Journal de marche du grenadier Pils, Paris, Ollendorf, 1895, p. 72.
[19]  Lettre n° 15 253 de Napoléon à Fouché, ministre de la Police générale, 25 mai 1809, Correspondance de Napoléon Ier, op.cit.
[20] Le général Thoumas (Les transformations de l'armée française, Paris, Berger-Levrault, 1887, p. 446) cite à ce propos Jomini : « Ce n'est guère que dans les villages, dans les défilés que j'ai vu des mêlées réelles d'infanterie en colonnes, dont les têtes se chargeaient à la baïonnette. En position de bataille, je n'ai rien vu de semblable ». De fait, on ne recense véritablement d'autres engagements de ce type qu'à Dierstein, Lützen, Ligny et, en rase campagne, à Hollabrün en 1805.
[21] Le fait que le taux de perte de la campagne de France se rapproche de ceux de 1805-1807 s'explique lorsque l'on sait que la Grande Armée, très réduite, s'avère dès lors particulièrement manoeuvrière. De plus, une bonne partie des troupes est parfaitement expérimentée, dans la mesure où la Garde supporte une part essentielle des combats.
Par ailleurs, le décès de Lannes a symbolisé, pour nombre de narrateurs, la dureté des combats d'Essling. Une brève recension révèle sans ambiguïté que les généraux, et à fortiori les hauts dignitaires militaires pourvus de commandements de premier plan, disparaissent plus fréquemment à l'occasion des batailles ou des campagnes les plus âprement disputées (Eylau, Wagram, La Moskowa, Leipzig ou Waterloo). Cette constatation s'avère tout à fait logique dans la mesure où le commandement demeure extrêmement personnel, les officiers étant avant tout, à chaque niveau hiérarchique, des entraîneurs d'hommes davantage que des techniciens ou des planificateurs. Ce qui explique que, sur les 2 248 généraux ayant servi sous la Révolution et l'Empire (dont 1 353 nommés après 1802) et sur les 1 574 colonels ayant exercé un commandement ou tenu une fonction dans les forces de campagne, 220 et 251 respectivement soient morts au combat.
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
479
Mois de publication :
Avril-juin
Année de publication :
2009
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