Document > Lettre de Napoléon à Otto, 25 février 1810 [La préparation du mariage de l’Empereur]

Auteur(s) : HOUDECEK François
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Présentation

Dans les négociations du mariage entre Marie-Louise et Napoléon un des hommes clé fut Louis Guillaume Otto (1754-1817). En poste à Munich depuis 1803 il fut envoyé à Vienne en décembre 1809 où il joua un rôle déterminent. Otto eut notamment à négocier le contrat de mariage mais également à lever l’épineuse question religieuse qui fut cause de quelques remous à Vienne. Une fois ces difficultés levées, il fallut encore organiser le mariage selon le protocole qui fut en vigueur quelques 40 années auparavant pour le mariage de Marie-Antoinette et le futur Louis XVI. Napoléon le 25 février 1810 à 7 heures du matin, écrivit alors directement à son diplomate, sans passer par Champagny, ministre des relations extérieures, comme cela avait été le cas jusqu’à présent.

La lettre

« Monsieur le comte Otto, votre courrier du 16 n’est arrivé qu’aujourd’hui 25, à 6 heures du matin. Il paraît qu’il a été retenu au passage des Vosges. Le prince de Neufchâtel, qui est prêt, partira à dix heures avec cinq ou six aides de camp et une suite de trois ou quatre voitures ; mais il fera tant de diligence que j’espère qu’il arrivera à Vienne le 3 au soir. Le duc de Cadore (1) va vous envoyer les pleins pouvoirs nécessaires pour signer la convention telle qu’on la demande ; je viens de la lire et je ne vois aucune difficulté qui s’oppose à ce que vous la signiez. Il n’y en aura pas d’avantage [sic] à ce qu’une dame de compagnie accompagne l’archiduchesse pendant le voyage ; je préfère même une dame de compagnie à une femme de chambre. Le télégraphe de Strasbourg m’ayant annoncé, à Rambouillet, le passage de votre courrier, le 22, j’ai fait partir, sur-le-champ, mon aide de camp Lauriston qui sera arrivé depuis longtemps. Je vous envoie cette lettre par le page de service, afin de gagner cinq ou six heures sur le courrier que vous enverra le duc de Cadore, que je dois voir à mon lever. Préparez tout ce qui est nécessaire, soit pour l’entrée, soit pour la présentation du prince de Neufchâtel, et n’épargnez rien pour que tout se fasse avec la magnificence convenable. Nous avons ici l’état des présents que le Roi a faits lors de la remise de la Dauphine à Strasbourg (2) ; on en enverra de pareils pour la remise de la princesse à Braunau. Le prince de Neufchâtel, n’est chargé d’aucun présent. Nous n’avons pas trouvé de traces qu’il en ait été donné aucun à Vienne. Cependant, si cela était d’usage, vous vous hâteriez d’en instruire le prince de Neufchâtel, et d’y pourvoir. Je suppose qu’il y a erreur dans la note où on paraît désirer que ce soit un frère de l’archiduchesse qui l’épouse. Je ne crois pas que le prince impérial soit majeur ; cependant, comme le désire M. de Metternich, les lettres sont envoyées avec les noms et adresses en blanc, vous direz à M. de Metternich que l’Empereur nommera le prince qu’il voudra. Si l’âge ne fait rien, je désire que ce soit le frère de l’archiduchesse qui sera un jour empereur. Si le défaut de la majorité est un obstacle, je désirerais que ce fût le prince Charles ; mais vous devez sentir que, dans l’état de division où est la famille, je m’abstiendrai de le demander. Consultez dans le pays, pour savoir s’il n’ y aucun inconvénient à ce que le prince Charles soit chargé de cette fonction. Si la nomination du prince Charles n’est pas agréable à l’Empereur, il pourrait nommer l’archiduc Reinier. Au reste, l’Empereur fera là-dessus ce qu’il voudra, et je m’en rapporte au choix qu’il fera. Vous trouverez, dans le Moniteur ci-joint, la composition de la maison de l’Impératrice. Je n’ai point nommé de nouvelles dames, quoique mon intention soit d’en donner sept ou huit de l’âge de l’Impératrice, mais je ne le ferai que lorsque cette princesse sera arrivée à Paris. Le prince de Neufchâtel, après avoir rempli ses fonctions d’ambassadeur extraordinaire, ira à Braunau pour recevoir la princesse. Dans deux jours, la dame d’honneur (3), la dame d’atour (4), quatre dames, le chevalier d’honneur (5), le premier écuyer (6), quatre chambellans et quatre pages avec un maréchal des logis et tout ce qui est nécessaire pour le service, partiront pour Braunau, où se fera la remise de la princesse, et ils seront rendus le 8 mars (7). »(8)

Conclusion

Après cette très prestigieuse négociation Otto resta en poste à Vienne jusqu’en 1813. En tant que ministre d’État, il remplit plusieurs missions jusqu’en 1815.
À son départ de Vienne, Otto avait conservé par devers lui ses archives qui furent en partie détruites en 1814 lors du pillage de sa maison de Villers-Cotterêts. Mort en 1817, sans avoir eu le temps de publier ses mémoires, ses descendants communiquèrent au général Pelet les lettres de Napoléon encore en leur possession. L’historien archiviste (9) les publia dans Opinion de Napoléon sur divers sujet de politique et d’administration (Paris, 1833). Ce fut pour certain document, dont la lettre ci-dessus, l’unique publication. Depuis cette date une partie de la « collection Otto » a été dispersée et se retrouve périodiquement dans les catalogues de vente publique (10). Pour le travail d’édition de la correspondance de Napoléon, nous recensons actuellement 35 lettres de Napoléon à Otto datées de 1804 à 1810 qui paraîtront (ou sont parus (11)) dans les différents volume de la Correspondance générale.


Notes

(1) Champagny.
(2) Présents faits par Louis XV lors de la remise de Marie-Antoinette à Strasbourg le 7 mai 1770.
(3) La duchesse de Montebello.
(4) La comtesse de Luçay.
(5) Le sénateur comte de Beauharnais.
(6) Le prince Aldobrandini, frère du prince Borghèse.
(7) Baron Pelet (de la Lozère), Opinions de Napoléon sur divers sujets de politique et d'administration, recueillies par un membre de son Conseil d'État ; et récit de quelques évènements de l'époque, Firmin Didot, 1833, p. 320. Deux ventes sont recensées pour cette lettre : Michel Charavay expert, Autographes et documents historiques d'intérêt napoléonien, Drouot, 13 juin 1961, n° 78 et Pierre Bergé Associé, Autographes littéraires et musicaux, Drouot, 12 mai 2004, p. 41, n° 97.
(8) Cette lettre sera publiée dans le volume 10 de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte.
(9) Le général Pelet fut directeur du Dépôt de la guerre sous Louis-Philippe et publia plusieurs études sur les campagnes impériales.
(10) Un certain nombre de ces lettres a notamment fait partie de la célèbre collection André de Coppet qui a été dispersée à Londres en 1955. Les Archives du Ministère des Affaires étrangères, qui conservent les quelques lettres restées dans les collections publiques, tente de capter ces documents à chacun de leur passage en vente.
(11) Les volumes couvrant les années 1803 à 1805 sont parus chez Fayard respectivement en 2007 (vol. 4, 1803-1803) et 2008 (vol. 5, 1805).

Titre de revue :
Inédite
Mois de publication :
Mars
Année de publication :
2010
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