Document : Déclaration de Francfort (1er décembre 1813)

Auteur(s) : DE BRUCHARD Marie
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Le 4 décembre 1813, quelques semaines après la défaite de Napoléon à la bataille de Leipzig, la coalition fait une déclaration commune à Francfort. Les Alliés y affirment leur volonté de combattre au nom de la paix non pas la France, mais les ambitions belliqueuses démesurées et meurtrières de Napoléon.

Contexte

Cette déclaration a plusieurs destinataires. Napoléon est le premier d'entre eux ; par cette déclaration officielle, alors que l'Empereur a quitté les territoires allemands et s'en est retourné depuis un mois à Paris, les Alliés entendent lui rappeler fermement que toute négociation n'est possible que si l'Empereur des Français cesse de rassembler son armée et de faire appel à de nouveaux conscrits.
Anticipant le refus de Napoléon de s'y soumettre, la coalition s'adresse surtout dans cette déclaration aux Français et en particulier aux hommes de pouvoir de l'Empire. Il s'agit bien d'un appel à la trahison de l'Empereur et d'une promesse en demi-teinte de clémence et non d'asservissement.
La Déclaration de Francfort s'adresse enfin aux peuples non français soumis à l'Empire. En intervenant tout juste après la révolte de la Hollande et durant celles qui se préparent en Belgique, et tandis que l'Empire a déjà montré ses faiblesses en Espagne, les Alliés entendent pousser les populations européennes des territoires impériaux à se révolter, les assurant d'un soutien au nom de la paix et pour la fin des conflits sanglants dont la bataille de Leipzig est l'une illustration sanglante présente dans tous les esprits.

Déclaration de Francfort

Francfort, le 1er décembre 1813*
 
Le gouvernement français vient d'arrêter une nouvelle levée de 300 000 conscrits. Les motifs du sénatus-consulte renferment une provocation aux Puissances alliées. Elles se trouvent appelées à promulguer de nouveau à la face du monde les vues qui les guident dans la présente guerre, les principes qui font base de leur conduite, leurs voeux et leurs déterminations.
 
Les Puissances alliées ne font pas la guerre à la France mais à cette prépondérance hautement annoncée, à cette prépondérance que, pour le malheur de l'Europe et de la France, l'Empereur Napoléon a trop longtemps exercée hors des limites de son Empire. La victoire a conduit les armées alliées sur le Rhin. Le premier usage que Leurs Majestés Impériale et Royale en ont fait a été d'offrir la paix à Sa Majesté l'Empereur des Français. Une attitude renforcée par l'accession de tous les Souverains et Princes d'Allemagne n'a pas eu d'influence sur les conditions de la paix. Ces conditions sont fondées sur l'indépendance de l'Empire français, comme sur l'indépendance des autres États de l'Europe. Les vues des Puissances sont justes dans leur objet, généreuses et libérales dans leur application, rassurantes pour tous et honorables pour chacun.
 
Les Souverains alliés désirent que la France soit grande, forte et heureuse, par ce que la puissance française, grande et forte, est une des bases fondamentales de l'édifice social. Ils désirent que la France soit heureuse, que le commerce français renaisse, que les arts, ces bienfaits de la paix, refleurissent, parce qu'un grand peuple ne saurait être tranquille qu'autant qu'il est heureux. Les Puissances confirment à l'Empire français une étendue de territoire que n'a jamais connue la France sous ses Rois, parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir, à son tour, éprouvé des revers dans une lutte opiniâtre et sanglante où elle a combattu avec son audace accoutumée. Mais les Puissance aussi veulent être libres, heureuses et tranquilles. Elles veulent un état de paix qui, par une sage répartition des forces, par un juste équilibre, préserve désormais les peuples des calamités sans nombre qui, depuis vingt ans, ont pesé sur l'Europe. Les Puissances alliées ne poseront pas les armes sans avoir atteint ce grand et bienfaisant résultat, ce noble objet de leurs efforts. Elles ne poseront pas les armes avant que l'état politique de l'Europe soit de nouveau raffermi, avant que des principes immuables aient repris leurs droits sur de vaines prétentions, avant que la sainteté des traités ait enfin assuré une paix véritable en Europe.

Notes

*Le texte de la déclaration correspond à la retranscription qui en est faite dans l'Histoire générale des traités de paix et autres transactions principales entre toutes les puissances d'Europe, Tome XV, de Guillaume de Garden, Éd. A. Le Poultel, (après 1848). 

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