Document : Convention de paix additionnelle au Traité de Tien-Tsin, conclue le 25 octobre 1860

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Sa Majesté l'Empereur des Français et Sa Majesté l'Empereur de la Chine, voulant mettre un terme au différend qui s`est élevé entre les deux Empires et rétablir et assurer à jamais les relations de paix et d'amitié qui existaient entre eux, et que de regrettables événements ont interrompues, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs, savoir :
Sa Majesté l'Empereur des Français, le sieur Jean-Baptiste-Louis, baron Gros, sénateur de l'Empire, ambassadeur et haut commissaire de France en Chine, grand officier de l'ordre impérial de la Légion d`honneur, chevalier grand-croix de plusieurs ordres, etc., etc., etc. ;
Et Sa Majesté l'Empereur de la Chine, le prince de Kong, membre de la famille impériale et haut commissaire ;
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. Sa Majesté l'Empereur de la Chine a vu avec peine la conduite que les autorités militaires chinoises ont tenue à l'embouchure de la rivière de Tien-Tsin, dans le mois de juin de l'année dernière, au moment où les ministres plénipotentiaires de France et d`Angleterre s'y présentaient pour se rendre à Pékin, afin d'y procéder à l'échange des ratifications des Traités de Tien-Tsin.

Art. 2. Lorsque l'ambassadeur, haut commissaire de Sa Majesté l'Empereur des Français, se trouvera dans Pékin pour y procéder à l'échange des ratifications du Traité de Tien-Tsin, il sera traité pendant son séjour dans la capitale avec les honneurs dus à son rang, et toutes les facilités possibles lui seront données par les autorités chinoises pour qu'il puisse remplir sans obstacle la haute mission qui lui est confiée.

Art. 3. Le Traité signé à Tien-Tsin, le 27 juin 1858, sera fidèlement mis à exécution dans toutes ses clauses, immédiatement après l'échange des ratifications dont il est parlé dans l'article précédent, sauf, bien entendu, les modifications que peut y apporter la présente Convention.

Art. 4. L'article 4 du Traité de Tien-Tsin, par lequel Sa Majesté l'Empereur de la Chine s'engage à faire payer au Gouvernement français une indemnité de deux millions de taêls, est annulé et remplacé par le présent article, qui élève à la somme de huit millions de taëls le montant de cette indemnité.
Il est convenu que les sommes déjà payées par la douane de Canton, à compte sur la somme de deux millions de taëls stipulée par le Traité de Tien-Tsin, seront considérées comme ayant été payées d'avance et à compte sur les huit millions de taëls dont il est question dans cet article.
Les dispositions prises dans l`article 4 du Traité de Tien-Tsin sur le mode de payement établi au sujet des deux millions de taëls sont annulées. Le montant de la somme qui reste à payer par le Gouvernement chinois sur les huit millions de taëls stipulés par la présente Convention, le sera en y affectant le cinquième des revenus bruts des douanes des ports ouverts au commerce étranger, et de trois mois en trois mois ; le premier terme commençant au 1er octobre de cette année et finissant au 31 décembre suivant. Cette somme, spécialement réservée pour le payement de l'indemnité due ài la France, sera comptée en piastres mexicaines ou en argent cissé au cours du jour du payement, entre les mains du ministre de France ou de ses délégués.
Une somme de cinq cent mille taêls sera payée cependant à compte, d'avance, en une seule fois, et à Tien-Tsin, le 20 novembre prochain, ou plus tôt si le Gouvernement chinois le juge convenable.
Une commission mixte, nommée par le ministre de France et par les autorités chinoises, déterminera les règles à suivre pour effectuer les payements de toute l'indemnité, en vérifier le montant, en donner quittance et remplir enfin toutes les formalités que la comptabilité exige en pareils cas.

Art. 5. La somme de huit millions de taëls est allouée au Gouvernement français pour l'indemniser des dépenses que ses armements contre la Chine l'ont obligé de faire, comme aussi pour dédommager les Français et les protégés de la France qui ont été spoliés, lors de l'incendie des factoreries de Canton, et indemniser aussi les missionnaires catholiques qui ont souffert dans leurs personnes ou leurs propriétés. Le Gouvernement français répartira cette somme entre les parties intéressées dont les droits ont été légalement établis devant lui, et, en raison de ees mêmes droits, il est aussi convenu, entre les Parties contractantes, qu'un million de taëls sera destiné à indemniser les sujets français ou protégés par la France des pertes qu'ils ont éprouvées ou des traitements qu'ils ont subis, et que les sept millions de taëls restant seront affectés aux dépenses occasionnées par la guerre.

Art. 6. Conformément à l'édit impérial rendu le 20 mais 1846, par l'auguste Empereur Fao-Kouang, les établissements religieux et de bienfaisance qui ont été confisqués aux chrétiens, pendant les persécutions dont ils ont été les victimes, seront rendus à leurs propriétaires par l'entremise de Son Excellence le ministre de France en Chine, auquel le Gouvernement impérial les fera délivrer avec les cimetières et les autres édifices qui en dépendaient.

Art. 7. La ville et le port de Tien-Tsin, dans la province de Petchel, seront ouverts au commerce étranger, aux mêmes conditions que le sont les autres villes et [ 343 ] ports de l'Empire où ce commerce est déjà permis, et cela à dater du jour de la signature de la présente Convention, qui sera obligatoire pour les deux nations, sans qu'il soit nécessaire d'en échanger les ratifications, et qui aura la même force et valeur que si elle était insérée mot à mot dans le Traité de Tien-Tsin.
Les troupes françaises qui occupent cette ville pourront, après le payement des cinq [cent] mille taëls dont il est question dans l'art. 4 de la présente Convention, l'évacuer pour aller s'établir à Tacou et sur la côte nord du Changton, d'où elles se retireront ensuite dans les mêmes conditions qui présideront à l'évacuation des autres points qu'elles occupent sur le littoral de l`Empire. Les commandants en chef des forces françaises auront cependant le droit de faire hiverner leurs troupes de toutes armes à Tien-Tsin, s'ils le jugent convenable, et de ne les en retirer qu'au moment où les indemnités dues par le Gouvernement chinois auraient été entièrement payées, à moins cependant qu'il ne convienne aux commandants en chef de les en faire partir avant cette époque.

Art. 8. Il est également convenu que, dès que la présente Convention aura été signée, et que les ratifications du Traité de Tien-Tsin auront été échangées, les forces françaises qui occupent Chusan évacueront cette île, et que celles qui se trouvent devant Pékin se retireront à Tien-Tsin, à Takou sur la côte nord de Changton, ou dans la ville de Canton, et que, dans tous ces lieux, ou dans chacun d'eux, le Gouvernement français pourra, s'il le juge convenable, y laisser des troupes jusqu'au moment où la somme de huit millions de taëls sera payée en entier.

Art. 9. Il est convenu entre les Hautes Parties contractantes que, dès que les ratifications du Traité de Tien-Tsin auront été échangées, un édit impérial ordonnera aux autorités supérieures de toutes les provinces de l'Empire de permettre à tout Chinois qui voudrait aller dans les pays situés au delà des mers pour s'y établir ou y chercher fortune, de s'embarquer, lui et sa famille, s'il le veut, sur les bâtiments français qui se trouveront dans les ports de l'Empire ouverts au commerce étranger.
Il est convenu aussi que, dans l'intérêt de ces émigrés, pour assurer leur entière liberté d'action et sauvegarder leurs intérêts, les autorités chinoises compétentes s'entendront avec le ministre de France en Chine pour faire les règlements qui devront assurer à ces engagements, toujours volontaires, les garanties de moralité et de sûreté qui doivent y présider.

Art. 10 et dernier. Il est bien entendu, entre les Parties contractantes, que le droit de tonnage qui, par erreur, a été fixé, dans le Traité français de Tien-Tsin, à cinq maces par tonneau sur les bâtiments qui jaugent cent cinquante tonneaux et au-dessus, et qui, dans les Traités signés avec l'Angleterre et les États-Unis, en 1858, n'est porté qu'à la somme de quatre maces, ne s'élèvera qu'à cette même somme de quatre maces, sans avoir à invoquer le dernier paragraphe de l'article 27 du Traité de Tien-Tsin, qui donne à la France le droit formel de réclamer le traitement de la nation la plus favorisée.
La présente Convention de paix a été faite à Pékin, en quatre expéditions, le 25 octobre 1860, et y a été signée par les plénipotentiaires respectifs, qui y ont apposé le sceau de leurs armes.
 
(L. S. ) Signé : Baron GROS.
(L. S. ) Signé : Prince de KONG.

À consulter > notre dossier thématique consacré à l’expédition de Chine de 1860

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
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