Histoire des masques de l’Empereur Napoléon

Auteur(s) : LINDEN Louise
Partager

Combien de collectionneurs possèdent-ils  » le masque  » de l'Empereur ? Nul ne saurait répondre à cette question. Il n'est pas de musée napoléonien dans le monde qui ne possède une reproduction du masque.
Chacun est convaincu de posséder la reproduction exacte du moulage du visage impérial, ce  » creux  » pris au moment de la mort de Napoléon à Sainte-Hélène afin d'en conserver les traits.
Pourtant, l'histoire du masque de l'Empereur est depuis plus de 150 ans, 1'objet de polémiques et de controverses évoquant: masque-moulage de cire, de plâtre, de papier mâché, de papier de soie macéré dans du lait de chaux, etc. tout a été cité. Quel est donc l'authentique masque ? Où se trouve-t-il ? Essayons d'analyser la genèse de chacun des masques cités.

Masque de Burton

Après une agonie qui semblait ne devoir jamais se terminer, l'Empereur rendait à Dieu, le 5 mai 1821, à 17 h 49,  » le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l'argile humaine  » (Chateaubriand :  » Mémoires d'Outre-tombe « ).
D'ordre d'Hudson Lowe, le gouverneur si détesté, le Dr Arnott n'avait pas quitté l'Empereur durant toute son agonie et c'est lui-même qui lui annoncera :  » il vient d'expirer « .
Il fait affreusement chaud dans la chambre mortuaire et le Grand-maréchal Bertrand demande que le voeu de l'Empereur : pratiquer l'ouverture de son corps pour déterminer la nature exacte de la maladie, soit respecté et rapidement réalisé. Le gouverneur s'incline et décide de placer le cadavre impérial sous la responsabilité du Dr Arnott qui le veillera toute la nuit. Ali précise bien, dans ses Mémoires :  » il est à observer que le Dr Arnott resta présent à tout « .
En ce qui concerne cette journée du 5 mai, témoins et historiens sont d'accord sur l'exposé de ces événements. C'est avec la journée du 6 mai que commenceront les polémiques.

Bertrand, témoin le plus scrupuleux, a noté (Cahiers de Sainte-Hélène Tome 111, page 196) :  » A huit heures, on devait faire le plâtre de la figure de l'Empereur, mais on n'avait pas ce qu'il fallait « .
A 14 h 30, on ouvre le corps devant dix-sept personnes: les sept Français, sept chirurgiens anglais, trois officiers anglais. Bertrand ne parle plus de la réalisation du masque en cette journée du 6 mai.

La journée du 7 mai est évoquée dans les Mémoires d'Ali, en ces termes (Souvenirs du mameluck Ali – page 289.) :  » … encore quelques heures et l'Empereur allait être caché à tous les yeux. Dans la matinée, Mme Bertrand ayant eu l'idée qu'il serait convenable qu'on eût l'empreinte de la figure de l'Empereur, un médecin anglais, M. Burton, était allé à la recherche de quelque pierre calcaire propre à faire du plâtre. Le médecin étant parvenu avec quelque peine à trouver ce qu'il désirait, revint à Longwood avec un peu de mauvais plâtre qu'il avait obtenu de la cuisson. Dès que le public s'en fut allé, lui et Antommarchi se mirent à l'oeuvre. Pour faciliter l'opération, on dégagea le cou de l'Empereur en ôtant le col et la cravate et en ouvrant la chemise. De plus, on coupa les cheveux qui garnissaient encore le front et les côtés… Malgré la mauvaise qualité du plâtre, Antommarchi et Burton réussirent fort heureusement à tirer le moule d'abord de la face et ensuite, de l'autre partie de la tête… »

Dans la soirée du 7 mai, le corps était mis dans le premier cercueil, celui de fer blanc, matelassé de satin blanc.
Bertrand confirme bien que le 7 mai, à 16 h,  » on a fait le plâtre de la figure de l'Empereur qui était tout défiguré et exhalant une très mauvaise odeur « . A 19 h, on a déposé le corps dans le cercueil.
Il n'est pas possible de douter de ces deux témoignages concordants. Cependant, ce sont les conditions dans lesquelles fut réalisé le moulage qui vont faire naître la controverse.

Masque d’Antommarchi

Mme Bertrand ayant exprimé le désir qu'un moulage du visage de l'Empereur fût réalisé, Burton lui avait affirmé  » qu'il était très habile en moulage  » et, sur le champ, était descendu à Jamestown pour trouver le plâtre nécessaire. Nous savons par Ali que cette conversation eut lieu dans la matinée du 7 mai. Le Dr Ganière semble dire que cette conversation aurait pu avoir lieu la veille car il indique :  » Burton connaissant l'existence, sur un îlot proche de Sainte-Hélène d'un gisement de gypse, avait obtenu la permission d'Hudson Lowe de s'y rendre la veille, à la nuit tombante. Il avait pu se procurer ainsi, au prix de sérieux dangers, une quantité suffisante de la précieuse pierre qu'un peintre de Jamestown avait fait calciner dans son four. La poudre obtenue était d'une qualité grossière, mais cependant supérieure à celle que Mme Bertrand avait pensé se procurer en écrasant quelques statuettes « .
Je doute d'ailleurs que quelques statuettes aient pu rendre le service qu'on en attendait. Ali ignorait donc les tentatives qui auraient pu déjà être faites.
Le moulage a donc été réalisé le 7 mai à 16 h. Il va devenir maintenant  » le masque Antommarchi « .
En effet, Antommarchi, personnage assez méprisable en bien des points, avait déclaré à Mme Bertrand que le moulage n'était pas possible. Il avait essayé avec ce qu'il avait trouvé sur place, peut-être les statuettes de Mme Bertrand brisées et réduites en poudre, mais avait échoué dans sa tentative, comme avaient certainement échoué les serviteurs qui, en secret, avaient dans le même but, employé du papier mâché ou du papier de soie délayé dans du lait de chaux, ce qui me semble bien curieux et bien aléatoire car j'imagine mal qu'on ait pu disposer à Longwood de tant de papier de soie ou d'une telle quantité de papier propre à être mâché.

C'est sur les conseils d'un enseigne, aidé de quelques matelots, que Burton était parti sur une chaloupe sachant que l'ilôt George-lsland, au Sud-Est de Sainte-Hélène, avait assez de gypse pour réaliser l'opération. Il est facile de comprendre que le cadavre impérial, soumis à la chaleur moite des tropiques, était déjà altéré quand Burton réalisera le moulage. Le Grand -maréchal s'est clairement expliqué à ce sujet :  » Le 6 mai, à 8 h. la figure de l'Empereur paraissait alors plus jeune qu'il n'était, il avait l'air d'avoir environ 40 ans. A quatre heures du soir, il avait l'air plus âgé qu'il n'était réellement « . Le visage, dont tous les témoins avaient admiré la beauté aux premières heures du décès, est maintenant affaissé, déformé, il a pris un air tragique.
Antommarchi va essayer de décourager son confrère, mais Mme Bertrand insiste. Burton n'a pas hésité devant le danger, il a peut(être risqué sa vie et prouvé que les difficultés ne l'arrêtaient pas, il n'est donc pas question pour lui de reculer et d'abandonner.
Novéraz, avec beaucoup de précautions, rase à nouveau le visage, coupe les cheveux sur le front et sur les tempes afin de faciliter la tâche et Burton réussit parfaitement ce  » creux  » de la face. Il va alors mouler la partie arrière du crâne et, pour ce faire, accepte l'aide d'Archambault. Antommarchi, dépité de la réussite de son confrère anglais et voulant faire accréditer sa participation, se décide enfin à l'aider pour ce second moulage.
Burton, fatigué après tant d'émotions, va maintenant prendre un peu de repos. Il dépose les deux  » creux  » sur une table afin de les faire sécher et se retire.
Quant il revient le lendemain pour les obsèques, la première partie de son oeuvre a disparu. Mme Bertrand s'en est emparée et l'a remise à Antommarchi.
Témoin du travail incontestable de Burton, le lieutenant Duncan Darroch du 20e régiment, écrit à sa mère cette lettre publiée en 1904 dans le Lancashère Fusilier's annual :  » j'entrai quand on prenait le moulage de la tête, mais l'odeur était si horrible que je ne pus rester. Le Dr Burton le prenait avec le docteur français « .
Mme Bertrand nie à Burton la propriété du moulage qui, disait-elle, ne pouvait appartenir qu'à la France ou à sa famille et le  » masque Burton  » est devenu le  » masque Antommarchi « . Une lettre d'Hudson Lowe à Bathurst, datée du 13 juin 1821, explique le dépit du Dr Burton en ces termes :  » Le Dr Burton n'a pas été bien traité par le comte et la comtesse Bertrand. Ils désiraient avoir un moulage de la tête du général Bonaparte en plâtre de Paris. Le professeur Antommarchi essaya de le faire mais n'y put réussir. Le Dr Burton, à la fois habile et patient, réussit, quoique avec de très médiocres matériaux, à obtenir un très beau moulage. Les Bertrand ont gardé la face. Le Dr Burton a conservé l'arrière du crâne ou partie craniologique « . Le  » creux  » rentra en France dans les bagages de Mme Bertrand et restait la propriété d'Antommarchi, malgré les protestations de Burton, qui ne reçut pas même une épreuve tirée de son moulage.

En 1933, Mme Pardee française née Marie-Antoinette Ruelle, épouse d'Alfred Pardee, Américain, grand ami de la France, collectionneur très connu des milieux napoléoniens et des historiens spécialistes de cette période, faisait paraître une étude sur l'histoire du masque de Napoléon et niait formellement que Burton eût réalisé le moulage du visage impérial (musée Masséna de Nice – fonds Chevalier de Cessole). Mme Pardee base ses arguments sur les points suivants :
I – Le moulage était matériellement impossible à réaliser pour la raison évidente que, partant du gypse, il faut répondre à plusieurs impératifs et opérations successives pour rendre la matière malléable, ce que Burton eut été incapable de pouvoir effectuer à Longwood.
2 – L'ilôt George-lsland était trop loin, il était périlleux et presqu'impossible de s'y rendre.
3 – Le capitaine Masselin a confirmé l'impossibilité, pour Burton, de réaliser le moulage faute d'un plâtre convenant à cet usage.
4 – Mme Jackson, une habitante de Sainte-Hélène dans son livre :  » Sainte-Hélène. The historic Island « , souligne l'impossibilité de l'existence d'un moulage du visage impérial, nul n'y croyait à Sainte-Hélène.
5 – Antommarchi n'a révélé l'existence du moulage que plus de quatre ans après la mort du Dr Burton, décédé d'un oedème du poumon en 1828, toute contestation étant alors impossible.
6 – La lettre du Dr Burton à Mme Bertrand n'existe pas car, dans cette  » prétendue lettre  » (selon Mme Pardee), le Dr Burton parle de  » Napoléon  » alors qu'à cette époque – 22 mai 1821 – il n'aurait parlé que du  » général Bonaparte « .
7 – Dans ses Mémoires :  » les derniers moments de Napoléon « , page 115, Antommarchi prétend avoir pris le moulage avant l'autopsie, ce qui était impossible puisqu'il n'y avait pas de plâtre.
8 – En 1821, un livre traduit de 1'anglais sur  » la captivité de Napoléon  » et vendu chez Pillet, 5 rue Christine à Paris, précise que  » ni le Dr Burton, ni Mitchel, n'ont réussi à faire un moulage à cause de la mauvaise qualité du plâtre « . (Mitchel remplace Antommarchi, mais le résultat est le même).
9 – Dernier argument : pourquoi Antommarchi n'a-t-il pas offert à Mme Mère un masque de son fils quand il fut reçu par elle à Rome ? Il cherchait à cette époque toutes les possibilités d'exploiter son rôle auprès de l'Empereur afin de se procurer argent et honneurs. Madame Mère refusa de le voir mais lui fit remettre un diamant par Fesch. S'il avait pu lui apporter un tel souvenir, quelle fortune eût-il reçue !

 
L'Histoire, nous le savons, est une science mouvante. Il suffit de découvrir des archives non fouillées pour que la vérité d'hier ne soit plus celle d'aujourd'hui, et c'est ce qui se produisit quand, en 1949, seize ans après l'étude de Mme Pardee, Fleuriot de Langle publiait le résultat d'un véritable travail de bénédictin que constituait la traduction du journal du général Bertrand sous le titre des  » Cahiers de Sainte-Hélène  » ces cahiers où j'ai moi-même puisé les renseignements donnés au début de cette étude sous la référence indiquée.
Les témoignages indiscutables, non seulement de Bertrand, mais également d'Ali, d'Hudson Lowe, du lieutenant Duncan Darroch prouvent bien que, malgré toutes les impossibilités apparentes, Burton réussit bien le moulage du visage.
La lettre écrite le 22 mai 1821 existe bien et, s'il est étonnant que Burton emploie le terme  » Napoléon  » je pense que la raison en est tout simplement qu'il eût été offensant, écrivant à Mme Bertrand, d'employer le terme  » général Bonaparte « . Cette lettre a été traduite par Bertrand lui-même et Fleuriot de Langle précise même  » de sa propre main « . En voici le texte :
 » Comme l'arrangement définitif a été fait pour l'embarquement du 66ème régiment et que cela m'empêche d'avoir 1'honneur de vous accompagner dans le même vaisseau en Europe, je suis très inquiet pour le buste (ici le sens de  » moulage « ) de Napoléon, que j'ai réussi à faire avec beaucoup de peine. Vous excuserez, j'espère, Madame la liberté que je prends en vous adressant une lettre sur ce sujet relevant, comme il arrive, du désir d'être aussi peu importun que possible dans un moment où vous êtes si occupée, désirant en même temps mettre devant vous un état des faits, d'une manière plus claire que je n'ai raison de croire qu'on ait fait jusqu'à présent. Ma première intention avait été de prendre du buste, un autre modèle, de manière que j'eusse été en état de le laisser avec vous mais, vu l'extrême mauvaise qualité du plâtre de Paris, le Dr Antommarchi et moi sommes convenus que ce serait un grand risque de l'essayer avant d'arriver en Angleterre; mais comme vous-même et d'autres m'avez informé que votre débarquement en Angleterre n'était pas assure, mon désir est d'avoir le buste en ma possession; en même temps, je promets très solennellement sur mon honneur que vous aurez un des meilleurs qui pourront être exécutés à Londres, qui y restera où vous serez envoyé, en quelque partie du monde que vous indiquerez.
Chacun convient, Madame, que c'est là tout ce qu'on peut attendre de moi, voyant qu'on aurait pu prendre le buste sans mes soins. On dit que Monsieur Antommarchi à l'intention de le poster en Italie. Relativement à toute prétention qu'il peut y avoir, vous, Madame, le comte Montholon, le D, Rutledge, Monsieur Payne, le peintre de portraits et quelques autres qui étaient dans la chambre, savez qu'il refusait même de l'essayer. Comme il disait qu'il ne pouvait réussir moi, trouvant que je réussissais alors, il prêta son assistance. Cependant, je lui laisserai avec le plus grand plaisir avoir un buste (il s'agit d'une épreuve) mais je proteste positivement contre ce qu'il ait l'original.
Il conviendra certainement avec moi que ce serait une grande injustice s'il avait l'honneur et la propriété de mon ouvrage. Je demande aussi à vous informer que je suis en possession du derrière de la tête sans lequel le buste serait imparfait dans cette partie qui marque si fortement le caractère d'un grand homme.
En examinant cette situation de choses, je pense, Madame, que vous ne me refuserez pas de m'envoyer le buste et je demande la permission de répéter de la manière la plus solennelle la promesse que je vous ai faite ci-dessus : que vous et le D, Antommarchi vous aurez les meilleurs bustes qui auront pu être exécutés à Londres « .

N'ayant pu obtenir de réponse dans la journée du 22 mai, Burton écrit une nouvelle lettre le lendemain :
 » Jamestown 23 mai –
Le Dr Burton n'ayant pas été honoré par la comtesse Bertrand d'une réponse à sa lettre du 22 mai en réclame une par 1'intermédiaire du porteur de ce mot; l'imminence de l'embarquement ne laisse qu'un délai bien court pour statuer sur l'objet de sa réclamation « .
Sans réponse et sûrement agacé du silence de Madame Bertrand, il récidive le lendemain, 24 mai, mais, cette fois, s'adresse à Bertrand lui-même:
 » Monsieur, j'ai eu l'honneur, par deux fois, de faire tenir une lettre à la comtesse Bertrand au sujet du buste de Napoléon séquestré par quelqu'un de Longwood, et comme elle n'a pas daigné répondre à aucune de mes lettres, ce dont je suis très peiné, je prends la liberté de me retourner vers vous, représentant légal de votre femme et de vous demander de vous reporter à ma lettre du 22 adressée à la comtesse, lettre où je revendique comme ma propriété personnelle un buste dont j'ai, moi seul, fourni les matériaux, que j'ai modelé moi-même avec votre consentement. En même temps, laissez-moi réitérer mon engagement formel de vous donner, sitôt mon arrivée à Londres, l'une des meilleures épreuves qui pourra en être tirée, voire même, si vous le désirez, l'original lui-même dès que j'en aurai prélevé une épreuve pour moi. Je ne puis pas, je pense, vous faire une proposition plus loyale.
Si toutefois, il n'est pas fait droit a ma requête je me vois contraint de vous signifier tout net, que dans le cas où le buste ne serait pas livre aujourd'hui même, j'aurai immédiatement recours à tous moyens légaux en usage dans cette île qui permettront de mettre l'objet sous scellés jusqu'à ce que notre différend soit tranché. Si l' île ne me procure pas ces moyens, le même bateau qui vous transporte en Angleterre portera aussi ma réclamation aux autorités anglaises ainsi qu aux agents de la douane, avec l'exposé complet de notre différend, et ceci non seulement en Angleterre, mais en France où je ne doute pas que le cas sera examine à fond et la cause dûment instruite.
Avec tous les regrets de devoir m'exprimer aussi catégoriquement, j'ai l'honneur… « .

Il était à prévoir que le Grand-maréchal ne se laisserait pas impressionner par ce ton comminatoire ; une fin de non-recevoir en était la conséquence et Bertrand ira même jusqu'à renverser positivement la situation en écrivant a Burton  » j'ai vu avec reconnaissance les peines que vous avez prises  » après lui avoir souligné, ce qui dut mettre Burton dans une belle colère ! « vous avez aidé Mr Antommarchi  » !.
Il semble bien que, contrairement à ce que pensait Madame Pardee, Madame Mère ait connu l'existence d'un moulage, comme le prouverait cette lettre de Bertrand concernant une caisse déposée chez une Madame X (nom laissé en blanc), lettre qui prouve également qu'il voudrait mettre en lieu sur le moulage donc le premier, qui avait été éxécuté immédiatement après l'arrivée à Londres d'Antommarchi et du  » creux « .
 » Cette caisse renferme un plâtre de la tête de l'Empereur Napoléon fait d'après le masque exécuté à Longwood par le Dr Antommarchi. Le comte Bertrand l'a déposée chez M. X afin que, si l'original venait à se perdre ou à se briser dans le transport de Londres à Rome, on pût en retrouver la copie. Il ne pourra être disposé du plâtre inclus dans cette caisse que d'après l'ordre du comte Bertrand et en conformité aux intentions que Madame, mère de l'Empereur, lui fera connaître « .
Après 1833, Antommarchi fit mouler d'autres épreuves en plâtre ou en bronze par le biais de souscriptions.


Sankey-Mask

Il s'agit d'une nouvelle version du masque de l'Empereur.
Début 1830, le révérend Richard Boys rapportait de Sainte-Hélène en Angleterre un masque en marbre exécuté vers 1826. Ce masque, remis à sa fille Madame Sankey est resté sous ce nom dans l'Histoire.
D'après le révérend Boys, le creux aurait été moulé seul à Sainte-Hélène par Rubidge. Or, jamais Rubidge n'a fait la moindre allusion a ce moulage, jamais il ne fut possible de trouver le moindre témoin d'une réalisation de ce genre par Rubidge, par contre, G. L. de St Watson, dans son livre :  » the story of Napoléon's death mark « , page 75, attribue le masque  » Sankey  » à Rubidge, mais le dit réalisé en 1826  » d'après le moulage de Burton « . Rubidge l'aurait fait à Sainte- Hélène même alors que, nous le savons, le  » creux  » Burton était, à cette date, entre les mains d'Antommarchi. C'est donc retirer, du coup, toute véracité à cette assertion.
Ce masque est remarquable par un défaut des oreilles. Elles auraient été rajoutées, le  » creux  » n'en ayant pas eu; les oreilles refaites ne sont pas à la même hauteur l'une par rapport à l'autre.

D'après plusieurs témoins, ce masque représente une  » figure florentine ou ligurienne « , détail souligné, non seulement par Madame Pardee, mais également par Anatole France, Charles Maurras, par Lord Rosebery, par le major général John Mitchell… Tous nient qu'il puisse reproduire les traits de Napoléon.
Avant sa mort, le révérend RiGhard Boys a tenu à préciser, le 20 octobre 1862, dans une déclaration écrite:
 » Ce moulage a été pris sur la figure de Napoléon Bonaparte sur son lit de mort à Sainte-Hélène, par Rubidge, le 7 mai 1821, lequel par ce moyen je le certifie.
R. Boys M.A. – habitant de Loose et dernier Chapelain « .

Nous connaissons dans le plus grand détail d'après, en particulier les témoignages de Bertrand et d'Ali, tous les événements de cette journée du 7 mai. Burton réalisait son moulage à 16 h et, dès 17 h le corps était mis dans le cercueil. Entre temps, le visage était resté recouvert d'une gaze sous la surveillance d'Ali et des autres serviteurs. Personne ne signale la présence de Rubidge et il est probable qu'après la réussite de Burton, les serviteurs n'auraient pas jugé nécessaire de laisser qui que ce fut toucher à nouveau le visage devenu si fragile. Pourquoi avoir attendu 1862 pour révéler l'existence dé ce masque ? Par prudence, on avait gardé le silence jusqu'à la mort de Burton en 1828, puis d'Antommarchi en 1838. Il n'est pas non plus impossible de faire des suppositions, certains n'ont pas hésité à dénoncer ce qui n'aurait été qu'une escroquerie pure et simple.  » Figure florentine ou ligurienne « , dit-on, mais Cipriani n'était-il pas d'origine italienne ? Nous savons combien Napoléon avait été attaché à ce compagnon de captivité, sa mort avait été douloureusement ressentie par lui. Napoléon n'aurait-il pas désiré conserver les traits de celui qu'il considérait comme un ami et demandé, par exemple, à O'Meara de faire un moulage du visage ? Boys était en bonnes relations avec O'Meara et celui-ci aurait pu lui confier le moulage avant de quitter l'île quand il en fut chassé. Ce moulage était-il resté à Longwood et retrouvé au moment où la demeure impériale était transformée en étable ? Il aurait pu alors être remis à Boys comme un objet sans valeur. Précisons qu'O'Meara décèdera en 1836.

Boys connaissait à peine les traits de l'Empereur qu'il n'avait vus que quelques secondes quand les habitants défilaient dans la chambre mortuaire, comment aurait-il pu affirmer que ce moulage était bien celui du visage impérial ?.
Le Sankey-mask n'a donc pas la moindre chance d'être une reproduction authentique, c'est le seul sur lequel nous pouvons être affirmatif sur ce point.

Masque d’Arnott

Certains historiens ont signalé l'existence d'un moulage en cire qui aurait été fait par le Dr Arnott, le Dr Ganière, entre autres, écrit dans l'ouvrage déjà signalé : « Arnott assurera avoir pris lui-même une empreinte en cire de l'impérial visage alors que dans la nuit du 5 au 6 mai il avait été laissé avec le cadavre « . Octave Aubry (Octave Aubry:  » Sainte-Hélène  » – page 245.) indique :  » Arnott le premier s'était servi de la cire de bougies « .
Cire de bougies ? Cela est peu probable car pour liquéfier des bougies il faut les chauffer et les employer alors que la température de liquéfaction est encore élevée. Outre qu'il aurait fallu un assez grand nombre de bougies, des traces de brûlure sur le visage risquaient d'être indélébiles et de l'altérer fortement. Cela n'aurait pu qu'être remarqué et certainement critiqué à bon escient d'ailleurs. Par contre, il parait que les chirurgiens de cette époque employaient fréquemment la cire à modeler. Si le fait est exact, cela expliquerait mieux la réalisation du moulage que la cire de bougies.

Arnott était en bons termes avec Napoléon qui lui avait même fait cadeau d'une tabatière et, s'il n'a pas parlé du moulage avant son retour en Europe le 29 avril 1822, on peut supposer que c'était pour éviter d'être accusé de sympathie envers l'Empereur durant son séjour à Sainte-Hélène après la mort de Napoléon.
Le moulage d'Arnott contient encore des cheveux qui n'avaient pas été coupés. A travers ce moulage, retrouvé comme je vais l'expliquer, I'Empereur apparaît sous les traits décrits par les témoins étonnés de son air de jeunesse et d'une beauté maintes fois décrite.
Ce détail de beauté du visage conforte d'ailleurs Madame Pardee dans son affirmation de faux à propos du moulage de Burton qui, lui, est celui d'un visage déformé et vieilli. Rappelons à ce propos les précisions données par Bertrand :  » (le 6 mai). A 8 heures la Figure de l'Empereur paraissait alors plus jeune qu'il n'était… A 4 heures du soir il avait 1'air plus âgé… « . La décomposition avait été très rapide.
Détail plus troublant et qui prête à réflexion : la taille de la tête de l'Empereur. Les mesures ont été données par Antommarchi lui-même. Du sommet de la tête au menton : 19 cm 125. Ce sont très exactement celles du masque d'Arnott alors que le masque Antommarchi mesure 22 cm.

Que faut-il également penser de l'état de conservation du corps alors que le 15 octobre 1840, à 1'ouverture du cercueil les témoins ont été saisis de sa parfaite fraîcheur et de sa troublante ressemblance ? Peut-être devait-on à l'arsenic de la terre de Sainte-Hélène cette élimination des miasmes ayant précédemment altéré les traits du visage.
Arnott a quitté Sainte-Hélène sur l'Orwell le 29 avril 1822 et a rapporté le moulage en Europe. Pour l'authentifier, il a signé son nom sur le creux et daté de mai 1821 et laissé 1'empreinte de son pouce. L'écriture et la forme des lettres correspondent exactement à la graphie d'une lettre écrite par le Dr Archibald Arnott à Hudson Lowe le 17 septembre 1821, lettre qui se trouve au Record Office à Londres (C.O. 247/32). Sur le moulage,  » Mai  » est écrit avec un  » i  » et Arnott n'a qu'un  » t « , mais il semble qu'il s'agisse là d'une question de place. L'y descendait trop bas et il n'y avait plus de place pour le 2e t. Nul n'avait vu le moulage d'Arnott lorsqu'en 1855 la revue  » the Illustrated London News  » d'avril, puis, plus tard, le livre de Watson publié à Londres, en révèlent l'existence. Le livre donne même une gravure.
En février 1895, dans la revue américaine  » Mac Clure's magazine New-York « , page 232/33, le baron Saint-Pol, intime du roi Jérôme et de Napoléon III à l'époque des  » fastes de l'Empire « , publie un article qui suscite la curiosité.
Nous apprenons qu'Arnott, de retour en Europe, avait vendu pour 3.000 livres sterling le précieux moulage réalisé par lui. Son acheteur ? Le roi de Wurtemberg, beau-frère du roi Jérôme, frère de Napoléon.

Nous savons d'une façon certaine qu'Hudson Lowe avait donné ordre à Arnott de ne pas quitter le corps et nous savons également que la rumeur se répandait  » qu'on avait touché le corps, et particulièrement le visage  » dans la nuit du 5 au 6 mai. Les historiens croyaient en la véracité d'un moulage par Arnott mais la preuve n'était pas connue quand son existence est révélée en 1855. Mais comment l'avait-on découvert ?
En 1827, le roi Jérôme était devenu propriétaire du moulage à la suite du roi de Wurtemberg. Il s'aperçoit un jour que le précieux objet a disparu et l'enquête fait découvrir le voleur, le capitaine Winneberger, officier disgracié de l'armée bavaroise, Winneberger est arrêté. Une caution de 4.000 livres sterling est exigée pour sa remise en liberté. Le capitaine avait eu le front, ou l'imprudence, de faire exposer le coffret et son contenu en avril 1855 dans une galerie de Londres, 454 Oxford-Street.
Napoléon III ayant connaissance de ces événements et ayant eu confirmation qu'il s'agissait du moulage d'Arnott, décide de payer la caution et devient ainsi propriétaire de la relique chère à son coeur.
Après l'incendie des Tuileries, le moulage en cire enfermé dans son coffret capitonné de velours vert disparaîssait. Avait-il le brûlé dans 1'incendie ? Volé à la suite de ces circonstances exceptionnelles ? Jusqu'en 1923, personne n'aurait pu dire ce qu'il était devenu.

Le 22 juillet 1923, Henri Simoni, journaliste à l'oeuvre, fait paraitre un article :  » le masque authentique de Napoléon chez un naturaliste « , et il précise :  » On peut le voir dans une boutique rue de l'Ecole de Médecine, (à Paris) « . Les détails donnés par le journaliste rappellent qu'il s'agit du  » masque  » en cire moulé sur nature à Sainte-Hélène, dans la nuit du 5 au 6 mai 1821, par le Dr Arnott, chirurgien au 20e régiment d'infanterie anglais.
Puis, à nouveau, c'est le silence. Le masque a disparu de la rue de l'Ecole de Médecine. Mais qui le détenait ? Qui le faisait ainsi sortir de l'oubli pour y retomber ?
En novembre 1931, le moulage réapparaît, sans aucune erreur possible il s'agit bien du masque d'Arnott, dans son coffret caractéristique, signé et daté par le chirurgien. C'est un antiquaire qui l'expose. Lucien Ebstein possède un magasin à Nice, un autre à Vichy.
Monsieur Pardee vit alors à Cannes. Très intrigué et très intéressé collectionneur, il se renseigne, enquête, et apprend que le dernier possesseur de l'objet qu'il convoite est un baron allemand, le baron Raoul Schropp.
Comment ce baron avait-il pu être en possession du  » masque  » qui, depuis l'incendie des Tuileries était considéré comme perdu ?

Schropp, riche allemand, possédait, sous le Second Empire, une propriété à Saint-Laurent-du-Var. Il se rendait souvent à Paris et était un habitué de la Cour. Ses amis étaient : le prince Reuss, le prince de Metternich qui l'avaient connu enfant étant amis de son père. On disait d'ailleurs que le père de Schropp était fils naturel de François-Guillaume de Prusse.
Schropp a disparu dans les années 1870, on imagine facilement que nul ne s'inquiète de savoir, en 1870, ce qu'a pu devenir un Allemand, habitué des Tuileries. Pourtant, en 1871, on le retrouve suivant les armées allemandes et se donnant le titre d'attaché d'ambassade.
Intime de la Cour, il connaissait alors l'existence du masque, savait parfaitement où l'Empereur Napoléon III rangeait le précieux coffret. Il n'est pas contraire au bon sens de penser qu'au moment où un régiment bavarois occupait les Tuileries, le baron se soit emparé du coffret. C'est la solution la plus vraisemblable puisque le coffret est sorti des Tuileries sans être brûlé.
Après 1871, le baron se fixe à Nice. En 1873, il achète un terrain avenue de la Gare, notre actuelle avenue Jean Médecin, ex-avenue de la Victoire. Au ndeg. 41, il fait construire un hôtel particulier. A son emplacement existe aujourd'hui un hôtel pour touristes.
La Côte d'Azur, et Nice en particulier, sont le rendez-vous des têtes couronnées et Schopp se retrouve dans tous les milieux mondains de l'époque. Il est devenu un habitué du Cercle de la Méditerranée. On le trouve le plus souvent en compagnie du prince de Galles futur Edouard VII, du prince de Holenlohe, du prince Radzivill, du prince Galitzine, de la princesse Vogoridz, de la baronne de Loe…

Mais 1914 sonnera la fin de la belle vie et le baron retourne en Allemagne. Il a senti que la guerre allait éclater et a demandé à son valet, Combes, de lui envoyer certains objets précieux, dont le masque d'Arnott, toujours dans son coffret d'origine. Il donne également à Combes l'ordre de brûler les lettres et documents se trouvant dans une malle qu'il désigne.
Combes va donc immédiatement brûler les papiers mais les événements se précipitent et il hésite à envoyer un colis aussi précieux en une période si troublée. Plutôt qu'envoyer en Allemagne un objet d'une telle importance et risquer d'apprendre qu'il a, cette fois, définitivement disparu entre la France et l'Allemagne, il décide d'attendre un moment plus propice et de le conserver.
En juillet 1923, Combes est toujours à Nice ; il n'a aucune nouvelle du baron. Mais depuis 1914, il n'a pas non plus touché le moindre salaire et se trouve dans une situation très précaire, ignorant même si le baron est encore en vie; c'est alors qu'il confie à son ami Rouppert, naturaliste rue de l'Ecole de Médecine, le moulage que découvre le journaliste de l'Oeuvre. Rouppert meurt. Sa veuve se retire à Nantes, mais connaissant l'histoire et la valeur d'un objet aussi exceptionnel, elle préfère le rendre à Combes qui le conservera encore quelques années.
En 1929, Combes est gravement malade, il doit subir une opération et se trouve dans une situation proche de la misère. Il demande donc à l'antiquaire Ebstein de le vendre afin de pouvoir se soigner. C'est là que Monsieur Pardee le découvrira.
Le comte Bélénet, grand collectionneur, est un ami de Monsieur Pardee. Il se trouve que ce comte Bélénet a été un ami de Schropp et a gardé le souvenir du coffret placé sur la cheminée. Expert, il assure Monsieur Pardee qu'il s'agit bien du moulage d'Arnott, tous les détails sont présents, il n'est pas possible d'en douter. Il révèle également des précisions qui laisseront aujourd'hui bien des regrets au coeur des Niçois, à savoir que le baron avait l'intention de rédiger un testament par lequel il ferait don de sa collection et du masque de Napoléon à un musée de Nice, qui, bien entendu, n'aurait pu être que le Musée Masséna. maître Camat, commissaire-priseur chargé de vendre les biens du baron Schropp mis sous séquestre pendant la guerre 1914/ 1918, ne pouvait alors tenir compte de ce désir. Monsieur Pardee se rendait donc acquéreur du masque d'Arnott et le conservait à Cannes.

Conclusion

De cette étude, on peut tirer la conclusion que deux masques sont authentiques, le  » moulage  » Burton-Autommarchi et le  » moulage  » d'Arnott.
Il est certain qu'ils diffèrent en ce sens que le visage n'a pas la même expression sur l'un et sur l'autre. Nous connaissons la raison de cette différence, elle tient au moment où le moulage a été réalisé. Arnott a moulé une expression de beauté et de jeunesse que tous les témoins, admiratifs, avaient soulignée au moment où l'Empereur, reposé par la mort, retrouvait les traits d'un homme de 40 ans, selon les paroles mêmes de Bertrand. Le soir même, le visage avait vieilli, changé au point que Bertrand nous dit qu'il paraissait beaucoup plus âgé que son âge réel. La mort avait déjà fait son oeuvre destructrice et le moulage de Burton reflète d'une façon poignante les souffrances endurées par Napoléon, alors que le masque Arnott ferait penser à la sérénité retrouvée dans la mort.

Quant au Sankey-mask, il est, ou bien l'objet d'une escroquerie pure et simple, ou bien le fruit d'une inconscience totale et d'une ignorance absolue des traits réels de l'Empereur. Par la suite, Boys a peut-être voulu accréditer ce qu'il ignorait être un faux; s'est-il borné, n'ayant aucun souvenir des traits de l'homme qu'il n'avait aperçu que quelques secondes, à croire les assertions de Mrs Sankey, sa fille, qui avait besoin de ce témoignage ? Ce masque, quoi qu'il en soit, est à éliminer sans risque d'erreur.
S'appuyant à la fois sur les témoignages cités et sur les noms des propriétaires successifs des moulages Burton-Antommarchi et Arnott, leur histoire reconstituée mène à la preuve de leur authenticité, la famille même de l'Empereur étant mêlée de très près à cette histoire.

En effet, que sont devenus ces masques ?
Nous avons lu, dans la lettre de Bertrand du 1er septembre 1821, qu'une épreuve avait été immédiatement tirée du moulage réclamé par Burton afin de  » retrouver la copie  » pour le cas où l'original aurait été perdu ou brisé dans le transport Londres-Rome. Cette toute première épreuve appartenait à Bertrand et c'est sa fille Hortense qui en hérita. Elle la légua au prince Victor-Napoléon, père de l'actuel prince Napoléon. Se référant au fait que le prince Victor-Napoléon avait épousé la fille du roi Léopold de Belgique et vivait à Bruxelles, Octave Aubry affirme que ce masque fait partie des collections royales belges. Il est certain, en tous cas, qu'il est reste en possession de la famille du prince Napoléon.

Antommarchi, par le biais de souscriptions, fit réaliser d'autres épreuves après 1833 et brisa ensuite le  » creux  » original, acte de vandalisme sur lequel il ne voulut jamais s'expliquer prétendant, pendant un certain temps, l'avoir laissé  » au secret  » chez un ami dont il refusa d'indiquer ni le nom, ni l'adresse. La polémique était devenue si vive qu'il vendit les droits de reproduction aux fondeurs L. Richard et Quesnel, refusant aussi de s'expliquer sur son silence de douze années. Après avoir détruit le  » creux  » il s'enfuit en Nouvelle Orléans. Il devait mourir à Santiago de Cuba en 1838. Parmi ces épreuves vendues en souscription par Antommarchi, l'une fut achetée en 1841 par le prince Demidoff, mari de la princesse Mathilde, fille de Jérôme. Le masque est passé ensuite dans la collection de Lord Rosebery qui la destinait aux Invalides. Une autre de ces épreuves en bronze se trouve au Musée Napoléonien d'Antibes, don de son fondateur Monsieur Sella. Une autre, enfin, appartenait à Madame Pardee jusqu'à sa mort en 1970. Par sa fille vivant aujourd'hui en Amérique, j'ai eu la confirmation que ce masque en bronze avait fait l'objet d'un don des héritiers Pardee au Musée de l'Armée à Paris.

Le moule de l'arrière du crâne conservé par Burton est resté chez ses héritiers et se trouve toujours vraisemblablement en Angleterre.
Le Sankey-mask en marbre rapporté par Boys appartenait également à Madame Pardee jusqu'en 1970 ; ses enfants en ont fait don à un ami français de la famille.

Quant au moulage d'Arnott, celui qui reste le plus représentatif du visage de l'Empereur, il est passé successivement entre les mains de : Guillaume de Wurtemberg, du roi Jérôme, de Napoléon III, du baron Schropp, de son valet Combes, du naturaliste Rippert, de l'antiquaire Ebstein, de la famille Pardee.
Il est, encore aujourd'hui, dans cette famille amie de la France, mais il a quitté notre pays, les enfants de Madame Pardee s'étant definitivement fixés en Amérique bien qu'ayant conservé un appartement à l'emplacement de l'immeuble construit sur le terrain des Tuileries, la belle propriété disparue. Le coeur de la fille de Madame Pardee bat toujours pour la France ; comment pourrait-il en être autrement quand on a été élevé dans le culte du grand Empereur et dans l'amour de la patrie maternelle ? Cet attachement à la France me laisse l'espoir qu'un jour, peut-être, le précieux masque pourrait y retrouver sa place, ce serait pour les Français l'heureuse possibilité de fondre en un seul moule l'Histoire et sa réalité à la fois touchante et bien mouvante.
 

Les masques connus aujourd'hui et répandus un peu partout sont donc des copies tirées des épreuves réalisées par souscriptions d'Antommarchi, le Sankey-mask n'ayant fait l'objet d'aucune autre reproduction et le moulage d'Arnott étant resté dans son coffret de velours vert.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
346
Numéro de page :
2-10
Mois de publication :
04
Année de publication :
1986
Année début :
1821
Partager