Au Zoulouland avec le Prince Impérial

Auteur(s) : TRAINEL Louis de
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Au Zoulouland avec le Prince Impérial

« Petermaritzburg, 8 juin 1879 (1)
« Ma pauvre femme,
Le coeur navrant et les larmes aux yeux, avec une fièvre que j'ai depuis la mort de notre et bienaimé Prince j'étais déjà malade mais cette mort si malheureuse m'a tout à fait boulversé. J'ai une éruption de sang mais je ne cherche pas à me guérir ; je préfère mourir que souffrir comme cela. Plainds-moi ma pauvre femme quel malheur qui nous frappe, pauvre Prince. Si seulement IL m'avait permis de le suivre j'aurais peutêtre eu le bonheur de mourir avec Lui. J'étais tellement inquiet quand je voyais ce qu'il faisait tous les jours de reconnaissance et tirer des plans, je ne tenais plus du reste. La lettre que tu as reçue écrite le jour de Sa mort te (le) dit bien. J'étais à Durban quand j'ai appris la fatale nouvelle. Je suis parti malade de suite mais j'étais obligé d'arrêter, les forces m'ont manqué. Je suis allé jusqu'à Howick chercher le corps de ce malheureux Enfant et aujourd'hui Il est arrivé à Maritzburg. On l'a embaumé, je l'ai Embrassé pour Sa Majesté, pour Ses amis, pour la France et pour moi-même. Les forces m'ont manqué et j'ai tombé à l'envers. Si cela n'était pas pour toi et que Dieu me permettra, j'aurais déjà fini. Car je ne peux pas supporter plus longtemps cette souffrance, je n'ai pas encore fermé un oeil, ni rien mangé depuis.
Depuis cette fatale mort, je pense toujours à Sa Majesté, pauvre Impératrice, quel chagrin. Elle en a déjà eu tant et celui-là est encore le plus grand mais il faut ployer quand Dieu frappe. Il y a seulement des personnes quand une fois les revers commencent, il y a un malheur après l'autre.
Ma pauvre Louise, tu sais quelle vie de tourments et de tribulations que j'ai toujours une seule fois que le Prince m'empêcha de Le suivre. Depuis cette malheur Lui arrive, je l'ai supplié dans toutes les lettres que je lui ai écrit de me laisser venir. J'avais un pressentiment. Ce voyage, je n'ai jamais eu confiance, j'avais toujours un cauchemar, je disais dans chaque lettres de faire attention à Lui-même et je voyais un grand danger. Malheureusement, le Prince les a toujours cherchés au lieu de les éviter. Il était trop brave et Il avait trop de coeur. Le jour qu'Il a été tué, Il était (à) 19 milles du camps avec un Capitaine et six hommes d'escorte. Il a eu 20 blessures mais Il n'aura pas souffert – la première sagaie l'a tué. On l'a trouvé dépouillé de ses vêtements et deux hommes de son escorte tout près de lui. Sa mort a produit un chagrin profond dans cette colonie et dans toute l'Europe.
Quelle idée d'être venu se battre avec ces sauvages. Pauvre Prince, si jeune et tout le monde l'aimait tant, Il était si gentil avec tout le monde. Oh ! quel chagrin pour moi. Ma vie sera une existence de ténèbre ; mais mon amie, je n'ai rien à me reprocher. J'ai toujours fait mon devoir envers Monseigneur. Ce voyage est une fatalité. Quand j'ai pleuré comme un enfant, je sentais bien ce qui peut arriver. Et tous ces Messieurs, baron Corvisart et M. Piétri et Mme Lebreton, ils doivent être bien tristes. Ils n'étaient pas partisans de Son départ. Ils avaient bien du chagrin quand Il est parti. Et tous ses pauvres serviteurs, tout le monde aimait tant le Prince à la Maison. Et Monseigneur aimait beaucoup ses serviteurs.
Il est trois heures du matin, je m'en vais finir ma nuit auprès du corps de mon cher et bien aimé Prince.
Adieu, ma chère Louise, prie pour le Prince tant que tu peux et n'oublie pas que le bon Dieu me donne des forces, je t'embrasse de tout mon coeur ».
Uhlmann.
Pauvre Uhlmann ! Il était entré à la Maison de S.M. l'Empereur le 1er janvier 1857 comme valet de pied. Après avoir ramené le corps du Prince Impérial en Angleterre, il servira encore de nombreuses années l'Impératrice Eugénie à Farnborough, où il est enterré dans un petit cimetière, à deux pas de la crypte impériale.

Les motifs du départ

A Camden Place, la vie n'est pas très drôle. Le Prince s'y ennuie. Les compagnons d'exil sont beaucoup plus âgés que lui, sauf Marie de Larminat qui partage ses joies, ses déceptions et ses espoirs.
Il se lasse de ces multiples réceptions, de ces dîners, de ces chasses chez le marquis Abergavenny, chez Lord Sidney, chez le duc de Sutherland, chez Lady Holmesdale…
Cette inaction lui pèse, lui dont le caractère est si indépendant et si actif. Il supporte mal la domination de sa mère dont l'économie frise l'avarice et il en souffre. Elle oublie que Louis a plus de vingt-trois ans et qu'il est devenu un homme depuis longtemps.
Il ne pouvait soutenir son rang, acheter un cheval de sang, des vêtements en suffisance, ni régler l'addition certains soirs dans un restaurant réputé, et il répugnait, dans sa fierté, à réclamer de l'argent à l'Impératrice.
Eugénie, dans une conversation intime avec le Prince Napoléon en 1883, convint qu'elle avait été un peu dure pour son fils, mais elle fit valoir que l'intérêt seul du Prince l'avait poussée à agir de la sorte. Elle convint que voyant en lui un jeune homme sans expérience, et qui pouvait devenir facilement le héros de quelque aventure fâcheuse, elle avait voulu autant que possible annihiler ses moyens d'action. À la tutelle maternelle que le Prince considérait comme illégale et humiliante, s'ajoutait la tutelle politique de Rouher.
Il rêvait de combats. Il pensa partir en Bosnie, mais l'Empereur d'Autriche refusa. Mais il y a cette guerre en Afrique du Sud, et ses amis officiers, Slade, Bigge, se préparent à partir…
Un soir, plus nerveux que d'habitude, il déclara à l'Impératrice qu'il avait écrit au ministre de la Guerre, le duc de Cambridge, pour lui demander l'autorisation de rejoindre les troupes britanniques. Rien ne peut le dissuader de son projet. Ni personne, ni Rouher accouru aussitôt, ni le duc de Bassano, ni sa mère.
Mais le Cabinet anglais s'y opposa. Il fallut l'appui et l'autorité de la reine Victoria pour donner satisfaction au Prince.
« Mon fils veut profiter d'une occasion qu'il pense devoir lui être utile et à la cause qu'il représente. Lui seul a pris cette grande détermination, lui seul pouvait le faire. Je ne sais ce que la Providence nous réserve, mais, en tout cas, cela prouve qu'il sait faire ce qu'il a résolu… » écrit l'Impératrice à la duchesse de Mouchy.
Il rédigea son testament et le remit à Piétri. Et le 29 février 1879, le Prince Impérial s'embarquait sur le « Danube », seul avec Uhlmann, son valet de chambre, à destination de l'Afrique du Sud. L'Impératrice pleurait, Louis était ému mais radieux. De Madère il envoya une lettre et de nombreux croquis.
De Cape Town, Government House, le 27 mars 1879, il écrit au baron Corvisart : « Uhlmann m'a remis votre lettre lorsque nous passions à la hauteur de Sainte-Hélène. N'ayant pu vous écrire de ce lieu de pèlerinage, j'ai attendu jusqu'à présent, non pour penser à vous, mais pour vous donner une preuve de mon souvenir. Tout jusqu'ici, en dépit de la grosse mer et de l'intense chaleur s'est passé sans incident. Je pars dans quelques heures pour Port Natal que je suis impatient d'atteindre car un combat y est imminent. Je vous écrirai dès que j'aurai atteint ma destination (2) ».
Le voyage se continua vers Durban. Il pleuvait. Mais à l'arrivée, le soleil luisait et Louis débarqua en uniforme de lieutenant, accueilli et salué comme une tête couronnée.

Un statut mal défini

Sa jument étant morte, le 3 avril, il acheta un cheval pour vingt-cinq livres : il s'appelait Fate (Destin).
Quelques jours plus tard, Lord Chelmsford, le commandant en chef, rentrant d'une randonnée à l'intérieur du pays, reçut le Prince en audience. Le lieutenant Louis-Napoléon Bonaparte lui remit une lettre du duc de Cambridge : « Elle vous sera présentée par le Prince Impérial qui va en Afrique pour son propre compte, pour voir autant que cela se peut la campagne prochaine contre les Zoulous. Le Prince est très désireux d'aller en Afrique. Il a manifesté le désir d'être enrôlé dans notre armée, mais le gouvernement a considéré comme impossible de satisfaire à ce désir. Toutefois le gouvernement m'autorise à vous écrire à vous, pour vous prier de lui témoigner de la bienveillance et de lui prêter assistance pour qu'il puisse suivre autant que cela sera possible les opérations avec les colonnes d'expéditions.
C'est un excellent jeune homme, plein d'esprit et de courage, comptant beaucoup de vieux amis parmi les cadets de l'artillerie… Si vous pouvez lui venir en aide, de toute autre manière, veuillez le faire… Je crains qu'il ne soit trop courageux… ».
La position du Prince n'était donc pas très bien définie sur le plan militaire, et Lord Chelmsford se trouvait dans une situation difficile. Il le nomma aide de camp à son état-major. On verrait plus tard !
Mais une fièvre cloua le Prince au lit jusqu'au 25 avril. Il enrageait, impuissant devant la maladie. Qu'allait-on penser de lui ? Il était si près du but. Le 14 avril, un missionnaire, le Père G. B. Saloon écrit au Prince Impérial pour lui demander s'il veut bien recevoir M. Paul Deléage, correspondant du « Figaro » qui lui envoie sa carte de visite. Enfin il peut partir et retrouva ses amis de Woolwich. Uhlmann, « sa nourrice », l'accompagne jusqu'à Maritzbourg – pas plus loin, avait exigé le Prince.
Là, il prit contact avec le général Wood qui commandait l'avant-garde et tous deux sympathisèrent rapidement. Chez le Gouverneur, il rencontre Sir Henry Bulwer et le général Butler. Il les presse de questions sur les Zoulous, voulant tout savoir sur eux. Il suit l'Etat-Major à Dundee, se rapprochant ainsi de jour en jour des lieux de combat. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'ennemi. « La plus belle race noire qui soit au monde », écrit-il.Sa joie éclate dans ses lettres lorsqu'il pénètre en territoire ennemi. On vient de franchir la Buffalo River. Le Prince couche sous la tente tout habillé.LE JOURNAL INÉDIT D'UHLMANNUhlmann écrit dans son carnet de voyage (3) : »Parti le 3 (mai) à 9 h pour Kambulla Hill. Prince n'a pas été très bien et est resté dans sa tente et le lendemain aussi. Le 5, le Prince est parti avec tout l'Etat-Major en patrouille ». Ce jour-là, Louis retrouve ses amis, les lieutenants Slade et Bigge. Le soir ils dînent tous ensemble. Le prince est rayonnant, on porte un toast à la reine, à l'Impératrice, au futur Empereur. Il était maintenant en pleine forme.
« Parti le 6 pour Utrecht à 9 h 30, arrivée à 4 h 30. Le soir Prince a couché chez le Colonel Bray.
Wagons sont arrivés le lendemain avec les tentes pour Wunder. Tout le monde a été au camp jusqu'au 12 mai et Utrecht.

Parti pour patrouille d'Utrecht pour Baltesgrond. Prince, Colonel Harrison, Ingénieur Lomas et Cook ont déjeunés à Boltesperont, restés 2 h, partis pour Conférence Hill.
Congé. Prince a couché dans les tentes au mess. Partis le 16 pour patrouille Mr. Bertler Horses, Baker Horses, Betington Horses et Basudas.
Dehors 4 jours voir Zulus-environ 130 hommes. Not engagement. Rejoint Général Wood. Colonne stop une nuit nom inconnu.
17, Prince est parti pour Conference Hill, lunch. Retourné pour Bathgrout couché.
Le Prince retourné pour Conference Hill le lendemain matin à 7 h 20. La patrouille à 9 milles sur la route-environ 30 hommes. Prince, Bettington, Cdt. Harrison, Cdt. Carrey et Lomas. Ils sont restés toute la journée jusqu'au soir à 9 h 30.
Ils ont vu les Zulus – environ 130 zulus. Ils ont fait du cacao et ils sont retournés un peu de distance et restés là toute la nuit. Ils ont avancé le lendemain matin environ 4 milles. Les Zulus ont été sur les montagnes. Ils ont ouvert le feu. Les nôtres ont riposté. Tué 5 zulus.
La patrouille a resté 2 h à la même place. Nous sommes partis plus sur la droite, les Basudas voyent les Zulus. Les Zulus sont trouvés et les Basudas amènent 8 chevaux qui voient des Zulus. Nous retournons à 3 h 30 le soir pour Conference Hill. Le 19 mai, Prince et Col. Harrison ont déjeuné. Resté 2 h et le Prince retourne pour Utrecht.
Lomas est arrivé le lendemain. Chevaux trop fatigués, resté à Utrecht jusqu'au 26.
Parti le 26 pour Landemans-Drift. Restés jusqu'au 29.
Le 29, parti de Landemans-Drift pour Krapie Aleim. Restés là jusqu'au 1er juin. Lundi, le Prince part du camp 9 h 20 du matin pour Itillissi pour prendre du terrain pour l'installation du camp. Lomas demande Lui plusieurs fois d'aller l'accompagner ; mais Prince lui dit : inutile, je n'irai pas plus loin qu'au flanc de la colline. Je serai au camp en même temps que vous. Préparez ma tente et si l'eau n'est pas trop loin, préparez moi un tub.
Mais Lomas attend jusqu'au soir quand on amène le cheval. Lomas demande Lui plusieurs fois d'aller l'accompagner ; mais Ils ont aperçu les soldats déchirés. Ils ont couru à droite et à gauche pour avoir des renseignements. Lomas est allé trouver le Capitaine Carrey en lui demandant qu'est-ce qu'est devenu le Prince. Le Capitaine lui dit : il manque. Lomas a vu le Capitaine Bullow qui (ne) lui a pas donné de réponse en disant aussitôt (qu')il saurait, il lui ferait savoir.
A 9 h, Mr. le Capit. Butter fait prévenir que la patrouille part demain à 7 h pour trouver le Prince.
La patrouille est partie à 7 h. À 11 milles du camp, nous avons trouvé le corps in the donga, où il a été assagassé avec 18 blessures.
Ils ont pris le corps. Tous les officiers l'ont porté. À un mille et demi, l'ambulance est venue le prendre. Ils ont retourné au camp.
En attendant, le corps a été embaumé et conservé par le Docteur Scott, Lomas, deux hommes infirmiers ».

La version officielle

Louis s'était lié d'amitié avec le major Bettington, un vieux broussard. Ils chevauchent côte à côte dans les broussailles et les plantations de maïs, avec autour d'eux la présence invisible des Zoulous. Le 17, ils foncent en avant avec une troupe de Basoutos. Le 18, tenant leurs chevaux par la bride, ils avancent pendant un mille et s'installent pour le soir dans la donga, tous feux éteints. Défense de parler. Le Prince partage sa couverture avec Lomas, son ordonnance. Le 19, on attaque un kraal occupé par les Zoulous. On y accédait par un sentier rocailleux où les chevaux butaient à chaque pas. Les Zoulous tiraient. Chargeant en tête, aussi fougueux l'un que l'autre, le major et le Prince les mirent en déroute. On baptisa le kraal du nom de Napoléon en l'honneur de la première rencontre du Prince avec l'ennemi. Louis est heureux. Il écrit à Piétri : « La vie que je mène me plaît et me fait du bien. Jamais, je ne me suis senti aussi fort et dispos… Je viens de rentrer de reconnaissance. Nous avons été six jours absents, quelques coups de fusil ont été tirés de part et d'autre, mais rien ne s'est passé de bien sérieux. Nous sommes restés vingt heures sur vingt-quatre en selle ».
Il avait de longues conversations avec Deléage. Ils parlaient de la France, de Paris, de l'avenir. Je veux voyager, lui disait le Prince. « Peut-être irai-je aux Indes ». De la mort aussi : « J'adore ces petites sorties mais, si je devais être tué, je serais au désespoir que ce fût au cours d'une de ces petites expéditions. Passe de mourir dans une grande bataille si la Providence en décide ainsi. Mais dans une obscure escarmouche, jamais ! »
À présent, l'armée anglaise pénétrait en territoire ennemi. Chelmsford et Wood devaient faire leur jonction pour marcher sur Ulundi. Des ordres très stricts arrivèrent concernant le Prince. Il ne devait plus sortir sans permission, tant son colonel, Buller, était effrayé par sa témérité. Louis se soumit sans murmurer, mais très déçu et très mécontent.

Le dimanche 1er juin, le Prince devait partir en reconnaissance afin de choisir un lieu de campement sur les rives de l'Ityotyosi. Il proposa à Deléage de l'accompagner. L'escorte devait être commandée par Bettington, mais le colonel Harrisson négligea de le prévenir et c'est le capitaine Carey qui se proposa pour le remplacer. Aucune confusion pour le commandement. Le Prince note d'ailleurs sur son carnet : « Escort under captain Carey ».
Avant de quitter le camp de Koppie Allen, Louis à la hâte écrit quelques lignes à sa mère. À neuf heures et quart, Carey et son escorte, huit hommes en tout, se mettent en marche. En route, ils croisent le colonel qui ne semble pas étonné de voir une aussi mince colonne. Vers midi, on s'arrête une heure sur une espèce de plateau ; Carey et le Prince font quelques croquis du paysage et on se remet en marche.

A deux heures et demie, la petite troupe s'arrête dans un kraal. Tout est calme, les huttes sont vides, mais les chiens rôdent, les habitants ne sont donc pas partis très loin. On desselle les chevaux et on boit le café. Tout le monde se repose ; ni Carey, ni personne ne pense à poster une sentinelle. Pourquoi faire après tout, ils n'ont vu aucun Zoulou. Louis et Carey discutent histoire, politique, art militaire.
Vers quatre heures, le guide noir avertit le caporal Grubb qu'il a surpris un Zoulou se glissant dans le maïs. Carey décide alors de seller tout de suite les chevaux et de quitter les lieux. « Dix minutes encore », demande le Prince. C'est lui qui donne l'ordre de monter à cheval.

Brusquement, des coups de feu claquent, une quarantaine de Zoulous foncent sur la troupe en hurlant. La panique saisit hommes et bêtes. Le capitaine Carey crie « Sauve qui peut ! » et les soldats s'élancent au galop. L'un d'eux s'écroule dans le kraal, l'autre plus loin dans le donga. Louis essaie de maîtriser son cheval, il court à ses côtés, s'aggripant de la main gauche à la courroie qui sépare les fontes.
« Vite, vite, s'il vous plaît, Monseigneur », lui crie le soldat Le Tocq en passant près de lui. La courroie cède et Louis tombe lourdement sur le bras droit. Son épée avait jailli hors du fourreau.
Il est seul devant sept Zoulous. Une sagaie l'atteint à la cuisse, Louis l'arrache et la relance. De la main gauche il tire avec son pistolet, trois coups, une seconde sagaie lui traverse l'épaule gauche. Sanglant il s'affaisse et tous alors bondissent et le transpercent. Dix-sept blessures, quelques secondes…
Les Zoulous, excités, enlèvent ses vêtements, lui incisent le ventre et en retirent les intestins.
On lui laisse uniquement sa chaîne en or et le médaillon qu'il porte autour du cou sur lequel on peut lire « AVE M. ». À l'intérieur, une photo de l'Impératrice. Le cadavre, l'oeil gauche grand ouvert, l'autre crevé, demeura, nu, dans la solitude de la nuit froide. Sur le sol piétiné, un peu plus loin, ses éperons et une chaussette bleue, marquée d'un N…

Notes

(1) Lettre inédite d'Uhlmann dont on a respecté les termes et l'orthographe. Uhlmann, le valet de chambre tout dévoué du Prince, sa "nourrice", l'avait accompagné en Afrique du Sud.
(2) Lettre inédite.
(3) Inédit. Uhlmann n'est pas sur place, ce qui explique quelques inexactitudes dans les détails de la vie du Prince en campagne.
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
267
Numéro de page :
12-16
Mois de publication :
déc.
Année de publication :
1972
Année début :
1856
Année fin :
1879
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