Edition de la Correspondance générale de Napoléon Ier : 5e état des lieux du projet de la Fondation Napoléon, mai 2006

Auteur(s) : HOUDECEK François
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Il y a déjà deux ans (le premier volume est paru en décembre 2004) que le projet d'édition de la Correspondance générale de Napoléon par la Fondation Napoléon n'est plus un projet.
Avec le troisième volume, publié chez Fayard et qui est en librairie à compter du 24 mai 2006, c'est Napoléon Bonaparte chef d'État que nous commençons à découvrir au travers de 2 567 lettres qui portent à 7 400 le nombre de documents depuis le lancement de la publication.
Trois volumes en un peu plus de deux ans et demi, deux volumes par an désormais, beaucoup de travail a été accompli. Il reste encore beaucoup à faire. Faisons le point.

I – La collecte

A – Institutions publiques

La collecte auprès des institutions est pratiquement terminée.
Ce sont près de 200 centres d'archives en France et à travers le monde qui ont participé à nos travaux. Tous les énumérer serait long et fastidieux, en France il faut citer notamment les Archives nationales, les Archives du ministère des Affaires étrangères, le Service Historique de la Défense… sans oublier tous les centres d'archives locaux ainsi que les musées qui ont répondu à notre appel.
Pour l'étranger, notons la British Library, la Newberry Library (Chicago), les archives des länders allemands ou encore les centres d'archives italiens…cet ensemble nous permettant de « récupérer » le texte de 2 600 lettres.
Il reste quelques chantiers à mener à bien, notamment en direction de la Russie. En France, nous devons achever l'exploration systématique de la Correspondance politique des Archives du Quai d'Orsay ce qui devrait être fait d'ici la fin de l'année.

B – Particuliers, collectionneurs, marchands d’autographes

L'autre chantier ouvert, et qui le restera jusqu'à la fin de la publication, est le travail sur les collections privées et chez les professionnels de la vente d'autographe, monde complexe et plus difficile d'accès que les institutions publiques. Pour pénétrer ce monde, nous avons développé plusieurs démarches :
– le travail sur la collection des catalogues de vente que détiennent les Archives nationales donne une idée du nombre de lettres présentes en collection privée. Ce sont environ 1600 lettres (un peu moins de 8 % des lettres recensées) réparties dans 415 catalogues de vente qui sont en mains privées. Ce dépouillement des catalogues nous permet aussi de retracer l'histoire des grandes collections et de reconstituer l'histoire des lettres au grès de leurs passages en vente.
– les collectionneurs privés et les vendeurs d'autographes ont été contactés le plus systématiquement possible. Ils nous ont fournis quelques 1 700 lettres dont près de 40 % sont inédites. Il faut saluer la participation de Jean Emmanuel Raux de l'Étude Arts et Autographes, de maître Henri Gros et Georges Delettrez de l'Étude Gros et Delettrez ou de Pierre Thiriet de la librairie Le Passé Présent de Nîmes qui nous ont fourni ou nous fournisse encore des lettres. Plusieurs autres nous envoient leur catalogue comme Thierry Bodin, Dominique Gomez, l'Étude Desmarest… Parmi les collectionneurs privés saluons entre autre la participation de la Société Aristophil, de Georges de Montalivet ou encore de M. Fourcroy qui a autorisé M. Desquennes à nous fournir les lettres conservées au Musée Napoléon de Lille.
 

C – Bibliographie

La bibliographie a été travaillée de façon approfondie, même si notre édition s'appuie en priorité sur les manuscrits. Le résultat de cette exploration a été publié par Émilie Barthet en 2005 . Elle compte plus de 350 ouvrages s'étalant de 1799 , publication éminemment politique, à 2005 avec les deux premiers volumes de notre Correspondance générale.

II – Le traitement

Toutes les lettres, une fois à la Fondation, sont traitées par les « membres correspondants » de notre comité d'édition. Il s'agit de personnes qui viennent prêter bénévolement leur concours au projet. Leur aide est indispensable.
 
En octobre 2001 a été créée une base de données pour la gestion informatisée de la correspondance de Napoléon. Cet outil qui fonctionne en intranet au siège de la Fondation tourne à plein régime : 22 000 lettres sur 36 000 que nous possédons ont été traitées. Il faut saluer les quelques 130 personnes qui ont contribué à ce résultat. Sans ces mordus d'histoire en général et d'histoire napoléonienne en particulier, l'entreprise n'aurait pas pu aboutir.
Ils sont à l'heure actuelle une cinquantaine à venir travailler à la Fondation. Leur travail ne se limite pas à décomposer l'information de chaque lettre en une vingtaine de champs sur le logiciel. Ils comparent, analysent déchiffrent, parfois l'indéchiffrable, identifient le destinataire, datent au plus près certains documents que des secrétaires, parfois négligents, ont laissé orphelins. Depuis 2004, ce sont 13 920 heures réparties en 2 784 sessions de travail (en moyenne une session est de 5 heures) que ces bénévoles ont consacré à ce travail de fourmis, transformant certains jours le 148 boulevard Haussmann en véritable ruche.
Grâce à cette aventure historique, certains ont découvert l'informatique, d'autres les graphies du XIXe siècle et leur transcription parfois délicate, d'autre encore le travail d'exploration des centres d'archives.
En plus des personnes qui viennent travailler à la Fondation, il faut saluer la pugnacité de certain « commando » qui travaille dans les centres d'archives : celui du SHD, composé de M. Jean Sibille, Mme Jocelyne Badol et de Mme Madeleine Wittke, celui du MAE avec Jean Claude Herry ou de Jacques Macé qui intervient selon les urgences. Ces personnes nous aident à explorer et dépouiller le moindre carton d'archives.
Les membres correspondant forment en quelques sortes les successeurs des Bourrienne, Méneval ou Fain qui travaillent à une entreprise qui n'avait été faite sous le Second Empire que de manière très orientée et parcellaire.
Si le rythme se maintient ainsi, la fin du traitement est envisagée pour l'automne 2008, la base de donnée devrait compter alors plus de 36 000 fiches.

III – Le manuscrit

Le travail de traitement réalisé, il faut établir le manuscrit. Mettre les lettres bout à bout dans l'ordre chronologique, et pour une même date par ordre alphabétique de destinataires, Napoléon pouvant dicter plus d'une vingtaine de lettres par jour.
Ce travail long et fastidieux se fait en deux temps. Un premier document est réalisé avec uniquement les lettres issues de la Correspondance du Second Empire, des Lettres inédites et des Dernières lettres inédites de Brotonne, des Lettres inédites de Lecestre  et des Lettres à Joséphine de Chantal de Tourtier Bonnazzi et Jean Tulard, s'y ajoute les Mémoires de Joseph, de Jérôme, la Correspondance de Murat, de Mollien, etc…
Une fois ce premier document réalisé, les informations issues de la base de données sont intégrées. C'est à ce moment que sont insérées les 30 % de lettres qui n'ont pas été publiées auparavant. Les éventuelles formules variantes entre les archives et la lettre publiée sont également rétablies à ce stade du travail. Le principe qui prévaut à notre édition est de revenir systématiquement aux documents d'archives en privilégiant l'expédition chaque fois que cela est possible.
 
Pour le seul volume III, qui compte 2567 lettres, nous avons ajouté 772 lettres que l'on doit considérer comme inédites. Les textes ont été établis dans près de 36 % des cas sur l'expédition rétablissant pour nombre d'entre eux le texte d'origine qui avait été modifié par la Commission historique du Second Empire.
Peu de surprise dans ce corpus : il est avant tout militaire. Ainsi 27 % des lettres sont adressées aux ministres de la Guerre (Berthier, Carnot et Lacuée). La Campagne de 1800 n'explique pas tout, la réorganisation de la France militaire prend une grande place. Le corpus se partage ensuite entre les affaires extérieures (Talleyrand) 12 %, les affaires intérieures (Lucien Bonaparte puis Chaptal) 9 %, la police (Fouché) 3 %, les affaires financières (Gaudin) 2,5 %, les Consuls (Cambacérès et ou Lebrun) 2 % etc… En revanche la part des lettres envoyées à Decrès peut paraître un peu plus surprenante, ce sont près de 10 % des missives qui sont adressées au ministre de la Marine et des colonies montrant ainsi toute l'importance de la reprise en main des colonies pour le Premier Consul.

IV – L’annotation

Le corpus une fois établi est confié aux annotateurs.
Là encore le travail se divise en deux phases. La première est qualifiée de pré-annotation, au cours de laquelle des boursiers de la Fondation, des étudiants, des passionnés qui ont déjà une certaine habitude des recherches en histoire…préparent le terrain pour le directeur de volume. Depuis le début du projet, ce sont près d'une soixantaine de personnes qui ont travaillé à ce stade de l'élaboration du volume.
La seconde phase est du ressort les directeurs de volumes qui relisent le travail fait par les pré-annotateurs, unifient le style, annotent ce qui ne l'avait pas été, etc… Mais l'une des tâches les plus longues est la création de l'index biographique des personnages. Chaque entrée est enrichie d'une petite biographie portant sur la période traité dans le volume, avec un souci de toujours renseigner les personnages les moins connus.
C'est également à ce moment que la nature et le sujet des études, cartes et annexes qui complètent chaque volume, sont élaborées. Cet ensemble qui vient compléter le corpus des lettres fait des volumes de la Correspondance générale un outil complet et unique en son genre dans l'édition napoléonienne.
 
Ainsi, le volume III comporte :
– Quatre études :
            o Bourrienne, secrétaire de Bonaparte, par Jacques Jourquin
            o La politique consulaire aux Antilles, par Thierry Lentz
            o Finances publiques et budget du Consulat, par Pierre Branda
            o L'armée de Réserve en Italie, par Gabriel Madec
– Six cartes :
            o L'Italie du Nord en 1800
            o 2 cartes sur la bataille de Marengo
            o Saint-Domingue en 1800
            o 2 cartes des divisions militaires en l'an IX et XI
– Une chronologie
– Un calendrier de concordance des calendriers révolutionnaire et grégorien

V – Finalisation et parution

Une fois le manuscrit achevé, vient la finalisation du volume qui consiste à une relecture des sources, en-têtes, numérotation de l'index… À l'issue, le manuscrit est envoyé chez Fayard, éditeur courageux de cette édition de la Correspondance générale, et après six semaines de relecture puis cinq de production, le volume sort en librairie. Si les différentes phases ne se superposaient pas, il faudrait de 18 à 24 mois pour que, du traitement des archives à la finalisation, les volumes se retrouvent sur les tables des libraires. Dans les faits, ce sont bien souvent trois voire quatre volumes qui sont parallèlement en court de réalisation.
 
Désormais lancé, le travail sur la correspondance ne s'arrêtera plus. Nous tablons sur des sorties biannuelles, une au printemps et l'autre à l'automne, jusque fin 2010. Ce sont en tout 12 volumes qui verront le jour publiant plus de 36 000 lettres dans leurs intégralités et sans aucune censure.
 
Rendez-vous donc à l'automne 2006 pour le volume IV !
 
 
N'hésitez pas à nous contacter
 
 

Titre de revue :
inédit
Mois de publication :
mai
Année de publication :
2006
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