La gloire du 3e corps d’armée de Davout dans la campagne de Prusse de 1806-1807

Auteur(s) : CHAUVANCY François
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Le 14 octobre 2006 est la date du bicentenaire des victoires d'Iéna gagnée par Napoléon Ier, et d'Auerstaedt gagnée par Louis-Nicolas Davout(1), le plus jeune maréchal de Napoléon. A la fois guerre préventive et guerre éclair, cette campagne détruit la Prusse puis impose la paix à la Russie à Tilsitt le 9 juillet 1807. Elle est menée par une armée française commandée par des jeunes maréchaux et généraux, entrainée, aguerrie, professionnelle, auréolée par la victoire d'Austerlitz de 1805. Elle s'oppose à une coalition à géométrie variable, avec des chefs hésitants, souvent âgés, sans coordination, refusant malgré les défaites successives de reconnaître la nouvelle situation imposée par les armes jusqu'à la cessation des hostilités sur le Niémen.

I – Les préparatifs de la guerre

L'Autriche, sévèrement battue à Austerlitz, a signé la paix de Presbourg en décembre 1805. La Prusse a aussi signé un traité avec la France. La Russie, malgré ses engagements, est toujours en guerre. Napoléon Ier réorganise l'Allemagne en créant la Confédération du Rhin le 12 juillet 1806. Il déclare le 6 août la dissolution du Saint-Empire romain germanique et prépare la rentrée de la Grande Armée en France. Les provocations prussiennes à Berlin et les premiers renseignements sur une guerre éventuelle avec la Prusse l'amènent cependant à préparer une guerre préventive à partir de septembre. Le 6 octobre 1806, la IVe coalition est créée avec l'Angleterre, la Prusse, la Russie, la Suède et le Portugal.

I- A : Préparation secrète de la guerre avec la Prusse

La cour prussienne, sous l'influence belliciste de la reine Louise, épouse de Frédéric-Guillaume III, soutient le parti de la guerre qui comprend en particulier le duc de Brunswick et le prince Frédéric-Louis de Hohenlohe. En réaction à la création de la Confédération du Rhin, la décision de faire la guerre à la France est prise secrètement le 7 août 1806 et la mobilisation lancée le 10 (2). Les diplomates français n'obtinrent cependant pas le renseignement avant sans doute le 5 septembre. La Prusse annexe la Saxe le 6 septembre pour l'empêcher de rejoindre la Confédération du Rhin. Le 26 septembre, le gouvernement prussien adresse un ultimatum. A moins que Napoléon ne retire ses forces au-delà du Rhin, la Prusse déclarera la guerre à l'empire français le 8 octobre, date limite accordée pour la réponse.
 
Après de multiples tergiversations et changements de posture, y compris pendant le déploiement des forces, le conseil de guerre décide le 27 septembre de suivre le plan de Brunswick. Il prévoit une seule armée menaçant Stuttgart sur un axe Erfurt-Würzburg pour attaquer les Français dans leurs garnisons. Cependant, une reconnaissance prussienne découvre vers le 5 octobre que la Grande Armée se dirige vers la région de Cobourg et de Bayreuth avec l'intention supposée d'envahir la Saxe.
 
Venant du Nord, les forces prussiennes (3)  se dirigent désormais vers l'ouest de la Saale avec l'objectif d'atteindre Weimar le 9 octobre alors que le duc de Weimar, avec un fort contingent de cavalerie et d'infanterie, doit menacer les lignes de communication françaises. L'armée principale est le 11 octobre à Weimar mais dès le 12 octobre, la rumeur annonce que la ville de Naumburg, se situant derrière l'armée, est occupée par un parti de l'avant-garde de Davout. Le duc de Brunswick quitte Weimar le 13 octobre pour se replier vers Halle, au nord-est par Apolda et Naumburg.

En 1806, l'armée prussienne ne dispose pas d'un corps d'officiers d'état-major, enseignement qui fut sans doute retenu pour la guerre de 1870. Le niveau du corps d'armée rassemblant plusieurs divisions sous le même commandement n'existe pas. Les unités sont cependant interarmes mais il n'existe aucune réserve de cavalerie ou d'artillerie au sein des forces. L'armée prussienne est organisée en trois armées de campagne (4), la première commandée par Brunswick (75 000 hommes), la seconde par Hohenlohe (42 000 hommes incluant les 18 000 soldats de l'armée saxonne incorporés de force), la troisième par les généraux Rüchel et Blücher (29 000 hommes). L'armée prussienne dispose en outre de 35 000 cavaliers dont la réputation est sans égale ainsi que de 550 pièces d'artillerie servies par 15 000 artilleurs. Environ 83 000 hommes sont déployés en Prusse.

I – B : Le plan d’opération de Napoléon

Les ordres préparatoires donnés par l'Empereur montrent qu'il ne souhaitait pas faire la guerre à la Prusse (5). Il avait notamment donné l'ordre de ne pas franchir la frontière avant que la guerre ne soit déclarée et d'éviter toute provocation (6). Pour détruire les forces prussiennes avant leur jonction avec les Russes, la Grande Armée devra conduire un mouvement vers le nord-est vers Gera, Leipzig puis Berlin. Le franchissement initial de la forêt de Thuringe a pour objectif de protéger le flanc de la Grande Armée en contrôlant la Saale.

Dès l'annonce le 15 septembre de l'annexion de la Saxe (7), Napoléon dicte 120 ordres en 48 heures. Le maréchal Berthier, major-général, reçoit l'ordre le 17 de reconnaître les routes de Bamberg sur le Main à Berlin. Le plan de renseignement est établi. La zone des combats futurs est totalement reconnue malgré les Prussiens. Des cartes sont achetées localement. L'intoxication de l'ennemi potentiel est engagée aussi bien par les journaux en France par l'intermédiaire de Fouché qu'à l'étranger notamment en Italie ou en Hollande par la diffusion de nouvelles rassurantes sur la présence effective de l'Empereur à Paris(8). Le Sénat n'est officiellement prévenu de son départ que le 7 octobre. La montée en puissance des forces est dissimulée. La garde impériale, transportée par chariots, quitte Paris pour Mayence.

La ligne de départ de la Grande Armée est le Main en Bavière. Elle reçoit pour ordre de se rassembler autour de Bamberg dans le délai d'une semaine après réception de l'ordre d'opération. Le quartier général impérial s'installe sur le Main à Würzburg le 28 septembre. Le secret des opérations est la règle. Le 2 octobre, les 1er (Bernadotte), 6e (Ney) et 7e corps (Augereau) sont prêts à marcher à partir de Francfort, Nuremberg et Ansbach. Napoléon atteint Würzburg et prend le commandement de la Grande Armée. Le 3 octobre au soir, le 3e corps de Davout est à Bamberg, le 5e Corps (Lefebvre) à Königshofen, l'artillerie et les trains d'équipages à Würzburg. Le 4 octobre, le 4e corps (Soult) venant de la région de l'Inn en Autriche est à Bamberg. Enfin, Masséna doit prévenir une attaque autrichienne en Italie. L'ordre d'opération est diffusé de Würzburg le 5 octobre.
La Grande Armée débouchera en Saxe en trois colonnes avec l'objectif qu'au moins l'une des colonnes de corps d'armée franchisse la forêt de Thuringe réputée pour sa difficulté d'accès : à l'Est et en tête, Soult suivi par Ney à une demi-journée de marche soit 50 000 hommes dont 10 000 Bavarois. Bernadotte commande le centre, suivi par Davout, la réserve de Cavalerie et la Garde impériale soit 70 000 hommes sur l'axe Kronach-Schleiz. Le 5e corps sous le commandement de Lannes progresse à l'Ouest. Il est suivi par Augereau sur l'axe Coburg-Grafenthal-Saalfeld, soit 40 000 hommes. La Grande Armée commence sa progression en franchissant en 72 heures la forêt de Thuringe alors que Napoléon reçoit l'ultimatum prussien le 7. Son refus de l'ultimatum parviendra au Roi de Prusse le 14 octobre.

Pour entrer en campagne, la Grande Armée comprend six corps d'armée, structure permanente crée par Bonaparte en 1803 (9). Ils comprennent 160 000 fantassins, 32 000 cavaliers, 300 canons auxquels s'ajoutent 13 000 alliés bavarois et wurtembergeois. A la date du 5 septembre, Napoléon fait appeler 50 000 conscrits de la classe 1806 et met en alerte les 30 000 hommes en réserve (10). Les points forts de cette Grande Armée sont non seulement la motivation des forces et l'entraînement au combat interarmes, mais aussi la jeunesse des officiers. Si l'on calcule la moyenne d'âge de l'Empereur et de ses 88 maréchaux ou généraux de cette campagne, (11) elle s'élève à 40 ans, le plus ancien étant le maréchal Berthier, major-général, 53 ans, et le plus jeune, le général Colbert, 29 ans.
Plus particulièrement, le 3e corps de la Grande Armée est composé de trois divisions et d'une division de cavalerie à trois régiments de chasseurs à cheval (12). Le maréchal Davout rejoint le 3e corps le 28 septembre. Lors de la revue du 5 octobre, il donne connaissance aux troupes de la proclamation de Napoléon : « au moment où des fêtes triomphales étaient préparées dans la capitale pour recevoir la Grande Armée » (…) « chaque général, chaque officier, chaque soldat devait considérer cette guerre comme une affaire d'honneur, comme un duel auquel l'armée prussienne provoquait la Grande Armée par jalousie de ses victoires. Les Prussiens comptent sur leur cavalerie. Eh bien, faites quelques répétitions de formations de carrés ; ce sont vos carrés qui feront perdre à cette cavalerie sa réputation » (13). Paroles que les événements ont justifiées.

II La guerre "éclair"

II – A : La bataille d’Auerstedt et la défaite de l’armée prussienne

Cette guerre préventive et « éclair » contre la Prusse débute officiellement le 8 octobre et se termine le 8 novembre avec la reddition de Blücher, la chute de Lübeck et la destruction de l'armée prussienne.

Dès le lendemain de l'ultimatum prussien, le 9 octobre, Lannes bat les Prussiens à Schleiz, à l'est de la Saale puis les engage le 10 à Saalfeld ouvrant la route de Dresde. Le prince Louis-Ferdinand de Prusse est tué par un hussard du 10e régiment. Selon les papiers saisis et les prisonniers, il se confirme que des forces prussiennes importantes sont installées à l'ouest de la Saale autour d'Erfurt. La Grande Armée pivote à 90° vers l'ouest en direction de la Saale et Erfurt. Lannes and Augereau sont l'avant-garde, Davout et Bernadotte l'aile droite, Ney et la cavalerie lourde l'aile gauche, Soult formant l'arrière-garde. La Grande Armée démontre sa redoutable efficacité dans ce mouvement. Le 12 octobre 1806, 5h00 du matin. Davout reçoit l'ordre de se porter rapidement et directement sur Naumburg, précédé de sa cavalerie qui devra chercher le renseignement sur l'ennemi en faisant des prisonniers, en interceptant le courrier, saisir les convois de soutien. A 15h30, la cavalerie est à Naumburg mais le grand nombre de trainards contraint Davout à faire une pause dans sa progression, 4 km au sud de Naumburg. En attente de renseignements, Napoléon donne le 13 l'ordre (14) à Murat de préparer ses dragons à marcher sur Iéna. Il précise son intention : « Si l'ennemi est à Erfurt, mon projet est de faire porter mon armée sur Weimar et de l'attaquer le 16 ». Cependant un conseil de guerre prussien a décidé le même jour d'éviter une confrontation à Iéna et de faire retraite vers Halle au nord-est en passant par Apolda et donc Naumburg. Le 3e corps est face à l'armée principale prussienne composée de cinq divisions, avec 66 000 hommes appuyés par 230 canons, et non sur ses arrières.
 
Vers 16 heures, franchissant la Saale par le pont de Kösen, Davout s'avance sur la route qui conduit de Weimar à Naumburg. Un premier contact a lieu avec les cavaliers prussiens. Pour assurer le contrôle du franchissement, il fait déployer un régiment d'infanterie de la 1re division en tête. Pour assurer le contrôle du franchissement, il fait déployer un régiment d'infanterie de la 1re division en tête. Dans la nuit du 13 au 14, à Naumburg, suite aux ordres de l'Empereur en date du 13 à 22h00 et arrivés à 3h00 du matin, Davout (15) donne les ordres à ses généraux pour se porter sur Apolda afin de « tomber sur les derrières de cette armée ». Il se rend ensuite auprès de Bernadotte arrivé dans la soirée du 13 à Naumburg. Celui-ci refuse de le soutenir le lendemain. L'Empereur le réprimandera sévèrement (16).
 
Davout ne perd pas de temps et ordonne au 3e corps de se préparer à faire mouvement dans les deux heures. La division Gudin s'ébranle à 4h00 du matin et franchit (17) le pont à 6h00 en direction du village d'Hassenhausen sur le plateau escarpé qui domine la vallée de la Saale et le pont de Kösen. A travers un épais brouillard, elle rencontre l'armée ennemie à hauteur de ce village et se met en carré. L'artillerie divisionnaire ouvre le feu immédiatement et réduit au silence l'artillerie à cheval prussienne. Davout ordonne à Gudin d'occuper le village dans l'attente de l'arrivée des divisions Friant et Morand.
 
A 8h30, les forces prussiennes renforcent la pression sur la division Gudin. Blücher attaque son flanc droit avec sa cavalerie notamment de cuirassiers. Les multiples charges, ne disposant pas d'appui en infanterie et en artillerie, sont brisées. Les délais de l'engagement des forces prussiennes permettent à la cavalerie du général Vialatte, absente, et aux premiers éléments de la division Friant d'arriver alors qu'un nouveau message est adressé, sans succès, à Bernadotte. Peu avant 10h00, Brunswick ordonne d'attaquer le village d'Hassenhausen mais les deux divisions françaises désormais en place clouent sur place les forces prussiennes. Au sud, le 85ème régiment de ligne commandé par le colonel Viala supporte l'attaque de la division Wartensleben et doit céder du terrain. Davout rallie les survivants en arrière du village, lance le 12ème commandé par le colonel Vergès et le 21ème commandé par le colonel Decous de la division Gudin pour réoccuper le village. La ligne française est rétablie. Cependant Frederick-Guillaume III a divisé ses forces au lieu de les concentrer sur un seul flanc. Du temps a été perdu. Vers 11h00, la division Morand après une marche de 20 km arrive. Davout la rejoint.
 
Brunswick est grièvement blessé. Sentant un fléchissement des forces prussiennes, les divisions françaises prennent l'offensive et attaquent l'infanterie prussienne qu'elles chassent de ses positions à la baïonnette. Il est désormais aux alentours de midi. Chaque mouvement comme le rappellera Davout plus tard était signalé par les hommes tombés au sol. Le roi de Prusse ignorant aussi la défaite d'Iéna ordonne la retraite sur Weimar. Le général prussien Kalkreuth tente avec sa division de réserve de constituer une ligne de défense, notamment à partir d'Auerstaedt. Elle est balayée par les divisions de Davout. Les Français épuisés cessent leur progression à 16h30 sur les hauteurs d'Eckartsberg au Nord d'Auerstaedt.
 
Le 3e corps a vaincu dans un combat de rencontre une armée largement supérieure en nombre et en artillerie au prix du sacrifice de 252 officiers, 6 794 sous-officiers et soldats blessés ou tués. La division Gudin a perdu 40% de ses effectifs (18). Comme le rappellera Davout à l'Empereur, « un grand nombre d'officiers et de soldats, également blessés, restèrent volontairement à leurs drapeaux jusqu'à ce que la victoire fût complètement décidée. C'est cet esprit qui fait vaincre » (19). 10 000 Prussiens ont été tués ou blessés, 3 000 faits prisonniers, 115 canons pris et l'armée prussienne mise en déroute. Clin d'oeil de l'Histoire, Carl von Clausewitz, capitaine aide de camp d'Auguste de Prusse, est fait prisonnier ce 14 octobre. Enfin, le coeur de la bataille a été le village d'Hassenhausen et non le village d'Auerstaedt.

Le colonel Falcon est envoyé auprès de l'Empereur pour lui rendre compte de cette glorieuse victoire. L'Empereur découvrant avec stupeur les prodiges du 3e corps alors qu'il pensait avoir lui-même détruit toute l'armée prussienne lui adresse ses félicitations : « mon cousin, je vous fais mon compliment de tout mon coeur sur votre belle conduite. Je regrette les braves que vous avez perdus ; mais ils sont morts au champ d'honneur. Témoignez ma satisfaction à tout votre corps d'armée et à vos généraux. Ils ont acquis pour jamais des droits à mon estime et à ma reconnaissance. Donnez-moi de vos nouvelles et faites reposer quelques moments votre corps d'armée à Naumburg » (20) .

II – B : Jusqu’à Berlin

Le 20 octobre, la cavalerie de Davout s'empare du pont de Wittenberg sur l'Elbe avant sa destruction et clé pour Berlin. Davout fait fortifier la ville puis se porte sur la capitale où il est annoncé aux autorités locales pour le 25 à midi. En effet, pour récompenser le 3e corps, Napoléon l'a désigné pour entrer le premier dans la ville. Davout envoie l'adjudant-commandant Romoeuf avec un détachement du 2e régiment de chasseurs pour préparer la reddition de la ville : « Il prendrait, de concert avec eux, toutes les mesures pour assurer le service des subsistances et le bon ordre. Il devait faire la reconnaissance des corps de garde, des maisons de détention, de correction, des établissements publics, des maisons royales, des hôtels des monnaies, des académies, lycées, bibliothèques, observatoires, etc., et en dresser un état pour faire connaître la force qu'il serait nécessaire de mettre à la disposition du général commandant de la place, afin d'assurer la tranquillité publique, la conservation de tous les établissements, et de tout ce qui tenait aux sciences, aux arts et à l'industrie » (21). Un savoir-faire redécouvert aujourd'hui si l'on regarde les conflits récents !
 
De même, l'Empereur veille à l'image que doivent laisser les forces françaises entrant dans Berlin et ordonne au maréchal : « Ayez soin que tous les bagages, et surtout cette queue si vilaine à voir à la suite des divisions, s'arrêtent à 2 lieues de Berlin et rejoignent le camp sans traverser la capitale mais en s'y rendant par un autre chemin sur la droite. Enfin M. le Maréchal, faites votre entrée dans le plus grand ordre et par division, chaque division ayant son artillerie marchant à une heure de distance l'une de l'autre. (…) Que tous vos officiers soient dans la meilleure tenue, autant que les circonstances peuvent le permettre » (22). L'Empereur fait son entrée le 26 et passe la revue du 3e corps le 28. Il y réitère ses compliments devant les troupes rassemblées. Outre les nombreuses promotions, il accorde encore cinq cents décorations de la Légion d'honneur aux officiers, sous-officiers et soldats qui s'étaient le plus distingués et qui n'avaient été élevés à aucun nouveau grade. Il veille enfin à ce que la solde soit payée. Comme l'Empereur l'écrira plus tard, « Mon intention est que Berlin me fournisse abondamment tout ce qui est nécessaire pour mon armée, et de ne rien ménager pour que mes soldats soient dans l'abondance de tout » (23).
 
En un mois, la Grande Armée a gagné deux batailles décisives sur la Prusse, tués 20 000 Prussiens, fait 140 000 prisonniers, pris 800 pièces d'artillerie, 250 drapeaux et étendards. C'est aussi pour la Prusse le début de l'éveil d'une identité nationale construite dans la défaite jusqu'à sa renaissance militaire. Mais les Russes s'avancent. La campagne se poursuit en Pologne. Le 3e corps après cinq jours de repos reprend sa progression. Le 2 décembre, la Grande Armée est sur la place de Saxe à Varsovie. Le 8 février 1807, le 3e corps se bat avec vaillance à Eylau contre les Russes. Au moment le plus critique de la bataille, Davout parcourt tous les rangs, annonçant qu'il fallait périr avec honneur. « Les braves trouveront ici une mort glorieuse, les lâches, seuls, iront visiter les déserts de la Sibérie » (24). Après la signature de la paix avec la Russie le 7 juillet 1807 à Tilsitt, le 3e corps d'armée rejoint la Pologne. Davout est nommé le 12 juillet gouverneur du duché de Pologne créé par Napoléon et commandant en chef de toutes les troupes françaises et alliées. « En rentrant dans la Pologne, le 3e corps se promit de chercher, par son bon esprit, à conserver à son souverain l'amour d'une nation brave et généreuse. C'est en temps de paix surtout, c'est dans les pays alliés, qu'une excellente discipline et une administration militaire éclairée et probe ont une grande influence sur l'affection des peuples. Ces principes ont guidé constamment la conduite des généraux et des chefs du 3e corps, celle du commissaire ordonnateur Chambon et des commissaires sous ses ordres. C'est une justice que M. le Maréchal s'est plu à leur rendre » (25).

Conclusion

Pour conclure, la préparation collective du 3e corps par le maréchal Davout a été remarquable avec un état-major efficace dirigé par le général de brigade Daultanne. Les divisions d'infanterie sont disciplinées et commandées par des généraux dans l'esprit du chef et proches de lui : Gudin, Friant, Morand. L'exemplarité au combat est permanente. La place du maréchal est au milieu de la mêlée, là et au moment où l'ennemi menace fortement. Les divisions sont entrainées au combat interarmes et sont capables de changer de formation en cours d'action. C'est aussi la motivation profonde d'un corps d'armée formé par Davout et marchant au combat en clamant « vive l'Empereur ». Sous le commandement de Davout, ils attaquent un ennemi prussien plus nombreux pour l'empêcher de se réorganiser. Cet ascendant moral des divisions françaises sur l'adversaire, cette abnégation et ce courage, ce professionnalisme sont les symboles d'une France qui gagne et qui croit en son avenir.

Notes

(1) De noblesse bourguignonne, Louis-Nicolas Davout est né en 1770. Officier au Royal Champagne en 1788, il soutient la révolution. Nommé général de brigade, il commande la cavalerie de la division Desaix en 1798 pendant la campagne d'Egypte. D'un caractère affirmé, austère, rigoureux, il était connu pour son incorruptibilité et sa grande culture. Son second mariage avec Aimée Leclerc fait de lui le beau-frère de Napoléon. Gouverneur de Hambourg en 1814, ministre de la Guerre en 1815, Louis XVIII le fait pair de France en 1819. Il s'éteint dans sa maison de Savigny-sur-Orge en 1823 après en avoir été le maire. Il repose au cimetière du Père Lachaise dans le carré des Maréchaux.
(2) Chandler David, Jena, Osprey, 1993, 96 pages, P8.
(3) Opérations du 3e corps 1806 1807, ouvrage réalisé par le général Davout, neveu du maréchal, Calmann-Lévy, Paris, 1896, 433 pages.
(4) Jena, op. cit.
(5) Commandant Paul Foucard, La campagne de Prusse 1806-1807 Iena, Berger-Levrault, Paris, 1887, T1 Iéna, 730 pages et T2, La campagne de Prusse 1806-1807 Prentzlow Lübeck, 1890, 960 pages, Lettre du 15 septembre : Napoléon écrit à son frère, roi de Hollande, « Cependant j'imagine que cette crise sera bientôt passée, et que la Prusse désarmera et ne voudra pas se faire écraser ».
6) La campagne de Prusse 1806-1807, T1, op. cit.
(7) Ibidem, « 1er Bulletin de la Grande Armée » du 8 octobre 1806.
(8) Ibid,, « Lettre du 12 septembre 1806 ».
(9) Général J.L. Lewal, Introduction à la partie positive de la stratégie générale, réédition Economica, Paris, 2002, 246 pages, première édition 1892 (Annexe). Fort de 2 à 4 divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie légère, il peut regrouper de 14 000 à 40 000 hommes. Il a été testé avec succès lors de la campagne de 1800 en Italie du Nord puis mis sur pied au camp de Boulogne selon une formule estimée nécessaire pour gérer et faire agir des masses de plus en plus importantes. Une réserve est constituée pour appuyer ces unités et assurer la liberté d'action par la manoeuvre.
(10) La campagne de Prusse 1806-1807, op. cit., « Lettre de l'Empereur au major-général », 5 septembre 1806
(11) Ibidem, op. cit., T1, P706
(12) Jena, op. cit. : 1ère Division du général Charles Antoine Morand (9 867), 2e Division du général Louis Friant (7 297), 3e division du général Etienne Gudin (8 473), soit 29 bataillons et 9 escadrons de cavalerie légère ; 28 936 hommes dont 1 622 cavaliers et 1 681 artilleurs servant 46 pièces d'artillerie dans les divisions ou dans la réserve du corps d'armée. Les chiffres varient selon les auteurs, voir aussi Frédéric Hulot, Le maréchal Davout, Pygmalion, 2003, 268 pages..
(13) Opérations du 3e corps 1806 1807, op. cit.
(14) La campagne de Prusse 1806-1807, op. cit., « L'Empereur au maréchal Murat, grand-duc de Berg, Gera, 13 octobre 1806, 7 heures du matin
(15) Opérations du 3e corps 1806 1807, op. cit., p665
(16) La campagne de Prusse 1806-1807, op. cit., « L'Empereur au maréchal Bernadotte ». Wittenberg, 23 octobre 1806
(17) Opérations du 3e corps 1806-1807, op. cit., « Compte rendu du général Gudin au maréchal Davout », Naumburg, le 17 octobre 1806
(18) Opérations du 3e corps 1806-1807, op. cit., p55
(19) Ibidem
(20) La campagne de Prusse 1806-1807, op. cit. « L'Empereur au maréchal Davout », Weimar, 16 octobre 1806, sept heures du matin.
(21) Ibidem, p66
(22) Ibid, « Le major-général au maréchal Davout », Wittenberg, 23 octobre 1806, p. 238.
(23) Ibid.
(24) Opérations du 3e corps 1806-1807, op. cit., p168
(25) Ibidem.
Titre de revue :
inédit
Mois de publication :
Octobre
Année de publication :
2006
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