Les deux voyages de Napoléon III en Algérie (1860 et 1865)

Auteur(s) : PILLORGET René
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Au cours de l'été 1860, les journaux parisiens se trouvaient chargés d'une exceptionnelle moisson de nouvelles. La Savoie et le comté de Nice devenaient français. Garibaldi, promu dictateur de la Sicile, se préparait à continuer, tambour battant, l'oeuvre d'unification de l'Italie. Le Proche-Orient connaissait des troubles graves. La France y envoyait des troupes, tandis que son ancien ennemi, Abd-el-Kader, faisait de son mieux, à Damas, pour sauver les Chrétiens du massacre. Enfin, le 23 août, les journaux annonçaient que l'Empereur, l'Impératrice et le Prince Impérial – alors âgé de quatre ans – avaient quitté Paris pour visiter non seulement les nouveaux territoires français de la Savoie et de Nice, mais aussi l'Algérie. Pour la première fois dans l'histoire de la France, un souverain, un chef de l'Etat, allait se rendre dans l'un de ses territoires d'Outre-mer.

Effectivement, Napoléon III, l'impératrice Eugénie, le Prince Impérial et leur suite, partis de Saint-Cloud, gagnent par le chemin de fer Lyon, Chambéry, Annecy. Ils poussent jusqu'à Chamonix pour voir la mer de Glace. De là, ils se rendent à Grenoble, puis à Marseille, où l'Empereur inaugure la nouvelle Bourse, sur la Canebière; puis, à Nice. Partout, ce sont des revues, des bals, des réceptions, et beaucoup d'allégresse populaire. Enfin, le couple impérial et sa suite s'embarquent à Toulon sur le yacht L'Aigle, qui quitte la rade accompagné de plusieurs frégates et d'un navire spécialement affecté au transport de plusieurs voitures de la Cour.

Alger est alors une ville de quelque 40 à 50.000 habitants dont le caractère cosmopolite frappe beaucoup les journalistes. Des Européens de plusieurs nationalités y voisinent avec les Israëlites et les Musulmans. Elle est le siège des autorités centrales de l'Algérie. A côté de la ville musulmane, une ville européenne se trouve en cours d'édification. Elle comporte une préfecture, une cathédrale, un théâtre, un lycée, une Ecole de médecine et de pharmacie, et même une usine à gaz (1).

Depuis plusieurs semaines, on y fait de fiévreux préparatifs. Et le 17 septembre au matin, un lundi, toute la ville se trouve réveillée par des musiques militaires, notamment par les tambours de la Milice – l'équivalent algérois de la Garde Nationale – et les troupes sont peu à peu déployées: turcos, zouaves, spahis, chasseurs de France.
Il est prévu que la visite de la Famille impériale à Alger sera prolongée par un voyage à travers la Mitidja, jusqu'à Blida. Or, un événement fortuit va écourter ce séjour. Le premier contact de Napoléon III avec l'Algérie ne durera que trois jours – les 17, 18 et 19 septembre. Ou, plus précisément, la visite de l'Empereur comportera trois actes: une visite d'Alger, d'une durée d'une journée et demie; une inauguration; une fantasia et une revue des troupes. Enfin, elle aura une conclusion: un discours comportant – comme disent les journalistes de nos jours – quelques « petites phrases » fort importantes.

On ne saurait attribuer aux gravures des périodiques du temps une précision sans défaut. Cependant, leur intérêt documentaire apparaît évident. C'est un journaliste spécialisé qui, sur place, exécute des croquis. Il les envoie à sa rédaction. Celle-ci en opère une sélection, et la remet à un dessinateur professionnel, qui peut être un artiste de talent, comme Godefroy Durand. L'oeuvre de celui-ci est remise à un graveur sur bois, et ensuite livrée à l'impression (2). Ainsi, les illustrations du Monde Illustré – et ce n'est là qu'un exemple – donnent une idée certainement assez exacte des lieux et surtout de l'atmosphère dans laquelle se déroula le voyage du couple impérial.

Le port dans lequel celui-ci débarque ce 17 septembre 1860 est bien loin d'avoir l'ampleur qu'il acquerra après l'ouverture du canal de Suez. La jetée de Keir-ed-Dîn, longue de deux cents mètres, qui relie la terre ferme au Peñon, n'isole qu'un bassin de quelque trois hectares. D'autre part, la liaison entre le port et la ville est mal assurée, et c'est non pas sur un quai, mais sur une grève, que le couple impérial touche le sol algérois. Il y est reçu par les autorités, dont le préfet, M. Levert et le maire, M. Sarlande. Puis, l'Empereur et l'Impératrice montent en voiture, et, sans doute après avoir emprunté une montée en pente douce située plus au Sud, ils abordent la ville par la place Bresson, où se dresse le théâtre. Ils y rencontrent des notables indigènes: des caïds, des aghas, une délégation kabyle – fait significatif: la Kabylie, depuis 1857, est, en principe, pacifiée.

Ensuite, la voiture emprunte la rue Bab-Azoun – c'est alors le centre d'Alger – parvient à la place du Gouvernement, et, après avoir tourné à gauche, à la cathédrale, décorée d'une grande bannière portant l'inscription Dieu protège l'Empereur (3). Le couple impérial y est reçu par Mgr Pavy. Puis, il se rend au palais d'Hiver, bâtiment contigu, où lui sont présentées, notamment, des dames et des jeunes filles mauresques et juives, dans leurs plus beaux atours. Un cadeau est remis à l'Impératrice, un éventail portant l'inscription: « Les dames israëlites à l'impératrice Eugénie, 1830-1860 ». Le palais accueille également un hôte de marque, le bey de Tunis, Son Altesse Sadok. Au cours du dîner, il porte un toast, disant sa fierté d'être le premier souverain musulman reçu par l'Empereur des Français, et celui-ci, dans sa réponse, l'appelle son « grand et bon allié ». Le lendemain, c'est la poursuite de la visite de la ville, avec une promenade à pied dans la Casbah – sujet d'une bonne gravure de Gustave Janet – et ensuite une autre, en attelage à la Daumont, ce qui n'empêche nullement la population musulmane d'approcher l'Empereur.

L'après-midi du 18 septembre commence le second acte de la visite impériale: l'inauguration du boulevard de l'Impératrice. Le projet est grandiose. Il ne s'agit pas seulement de tracer une belle avenue, longue de quelque deux kilomètres (4) mais aussi d'aménager des quais sur le port, et d'édifier, entre ceux-ci et le boulevard, toute une série de magasins. Alger sera ainsi doté « d'un dock immense et d'une superbe promenade; d'une large terrasse supportée par une haie de hautes arcades, dont chacune sera un magasin. Et une double rampe assurera la liaison entre le port et la ville ». L'inauguration sera commémorée par une médaille, et l'on peut voir avec quelque étonnement, sur une gravure du temps, une locomotive exposée non loin de la mosquée de la Pêcherie. Elle rappelle au public qu'en 1858 il a été décidé que l'Algérie aurait ses chemins de fer.

Belle journée qu'attriste la nouvelle, parvenue par télégramme, de la très grave maladie de la soeur de l'Impératrice, la duchesse d'Albe. L'annulation du voyage à Blida est aussitôt décidée: on repartira pour la métropole le 19 au soir.

Le lendemain se déroule le troisième acte du voyage, sa partie militaire, en deux temps. C'est tout d'abord, au Sud d'Alger, à Maison-Carrée – l'espace n'y manque pas – une fantasia organisée par le général Yusuf, au cours de laquelle six mille hommes et des escadrons de spahis simulent l'attaque d'une caravane. Le talent d'Edmond Morin a conservé le souvenir de la charge de ces brillants cavaliers, jonglant avec leurs armes et les déchargeant en passant devant l'Empereur. « Ce n'est pas un peuple, c'est une armée », déclare celui-ci. Second aspect de la partie militaire du voyage: la revue des troupes – goums aussi bien qu'unités plus classiques – passée sur le champ de Manoeuvres, c'est-à-dire au Sud d'Alger, mais nettement au Nord de Maison-Carrée – par l'Empereur et par le bey de Tunis.
En fin d'après-midi, le dîner est servi dans la cour du Lycée, alors situé rue Bab-Azoun, dans une ancienne caserne de janissaires, dite M'ta Lebendja. Napoléon III y prononce un discours, qui comporte plusieurs prises de position importantes.
« Notre premier devoir est de nous occuper du bonheur de trois millions d'Arabes que le sort des armes a fait passer sous notre domination.

« La mission de la France consiste à élever les Arabes à la dignité d'hommes libres.
« Notre colonie d'Afrique n'est pas une colonie ordinaire, mais un royaume arabe ».
Terme qui n'est pas une nouveauté. Il apparaît dans une brochure parue en 1834, et il était familier au duc d'Aumale. Mais son emploi n'en aura pas moins un très grand retentissement. Il est neuf heures, et le cortège se rend directement de la rue Bad-Azoun au port, tandis qu'un feu d'artifice est tiré des hauteurs de la Casbah.
Ce voyage pose évidemment, à l'historien, deux questions connexes: pourquoi eut-il lieu? eut-il des conséquences ?

Pour pouvoir répondre à la première d'entre elles, il convient tout d'abord de se souvenir que Napoléon III s'intéresse à l'Algérie depuis longtemps. Il est bien connu qu'il a fait libérer Abd-el-Kader de sa captivité, et que la reconnaissance de celui-ci s'est manifestée, à Damas, avec éclat. Il est bien moins connu que Napoléon III, dès 1852, songea à prendre le titre de roi d'Algérie en même temps que celui d'Empereur des Français, ce qui eût évoqué le double titre de Napoléon Ier.
 
Concernant le pays, il se tient informé, non seulement par les rapports des Hauts fonctionnaires, mais aussi par des voies parallèles, par des conseillers privés: le baron David, député; le colonel Lapasset; le docteur Vital, de Constantine; le général Fleury et certains officiers des bureaux arabes; enfin, un très curieux et très intéressant personnage, Thomas-Ismaïl Urbain, métis de la Guyane, converti à l'Islam, et époux d'une Musulmane (5). Or, toutes les lettres, tous les rapports, toutes les informations qui parviennent au bureau de l'Empereur lui montrent que l'Algérie est un pays où se posent au moins deux graves problèmes.

Tout d'abord celui de la coexistence ou de la cohabitation sur une même terre de certains Musulmans et de certains immigrants européens. Dès le règne de Louis-Philippe, l'immigration européenne en Algérie a été encouragée. En 1846, on y dénombrait 100 000 civils européens, dont une moitié de Français, l'autre se composant, pour l'essentiel, d'Espagnols et d'Italiens. Ces Européens sont peut-être 150 000 en 1860; ils ne seront guère que 200 000 en 1870. Dans leur grande majorité, ce ne sont pas du tout des candidats à l'agriculture. Ils ont immigré surtout dans les villes – à Alger, à Oran, à Bône, à Philippeville, à Mostaganem, principalement – et ils y sont artisans, commerçants, pêcheurs, employés, fonctionnaires, etc… Ceux qui demandent une concession de terres ne constituent qu'une minorité. Et au sein de celle-ci, il convient de discerner deux catégories: d'une part, les vrais colons; d'autre part, les spéculateurs.

Les colons, les vrais, consacrent leur vie à l'agriculture, au défrichement, à l'assainissement des terres. Dans la Mitidja, autour de Boufarik et de Blida, ils réalisent une oeuvre admirable. Entre 1830 et 1860, un réseau de canaux de 200 kilomètres y a été ouvert, assainissant 11 000 hectares, et il n'y reste plus que 6 000 hectares de marais permanents. Dans la plaine du Chélif, les marais de l'Oued Bouthan, d'Affreville-Lavarande, ont été drainés de 1846 à 1858 (6). D'autres travaux d'une éclatante utilité ont été courageusement menés non loin d'Oran, dans la plaine de la Senia, ainsi que sur d'autres points du territoire, malheureusement dispersés. Toutefois, le champ d'activité de ces colons qui exécutent loyalement les obligations du cahier des charges ne représente que 1/7e de toutes les terres attribuées à des Européens au titre de la colonisation.

Qu'en est-il des 6/7e? ils ont été attribués à une autre catégorie d'Européens: les spéculateurs. On leur a d'abord distribué, comme à d'autres, des terres du Beylick, c'est-à-dire qui appartenaient en 1830 à l'État turc, et dont la propriété était passée à l'État français. Ceci ne lésait personne. Mais on leur a également attribué des terres enlevées aux indigènes par l'administration, au moyen de procédures dites de « revendication des droits de l'État » – terres arch – dites encore de « cantonnement des tribus ». On avançait, dans ce cas, que les Indigènes, n'usant que de méthodes archaïques, les cultivaient ou les utilisaient mal; que certaines tribus disposaient de terres beaucoup trop vastes pour elles; qu'il était juste, et nécessaire au progrès agricole, que l'administration en prenne une partie, l'attribue à des Européens, et « cantonne » les Indigènes sur le reste… Il est bien évident que l'incertitude des droits de propriété chez les Arabes ne pouvait que faciliter de telles opérations. Point particulièrement grave: ces spéculateurs ne cultivent pas eux-mêmes les terres qui leur ont été concédées. Ils éludent les clauses du cahier des charges. Ils ne modernisent nullement l'agriculture. Ils attendent que le prix des terres ait monté, ils les revendent ou mieux encore, ils les louent à des paysans indigènes, et perçoivent des loyers.

Les militaires des Bureaux arabes, qui rédigent des rapports envoyés à Paris – le général Ducrot, le colonel Lapasset – se montrent très inquiets. Déjà, le duc d'Aumale craignait que l'Algérie ne devienne une nouvelle Irlande. Il conviendrait de ne pas être victimes d'une fausse symétrie. L'Afrique du Nord n'est pas l'Amérique du Nord, les Magrébins ne sont pas les Peaux-Rouges. On s'achemine vers une situation dangereuse. On est en train de pousser les Musulmans à la révolte.

D'autre part, l'Algérie de 1860 connaît un autre grave problème, celui qui est né d'une vive opposition de certains civils européens à certains militaires.
Les immigrants français en Algérie n'étaient pas, en général, favorables au régime impérial. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les résultats des plébiscites de 1852 et de 1870. Ils se situent politiquement dans la gauche républicaine, et ils y demeureront jusqu'en plein XXe siècle. Ce qui constitue une cause supplémentaire d'opposition à l'armée. Certes, lorsque celle-ci doit réprimer une insurrection musulmane, elle le fait sans faiblesse, et même en usant de rigueur. Mais, par ailleurs, elle sait comprendre les Musulmans, et les attirer du côté français, notamment les grands chefs traditionnels. En 1860, il existe dans l'armée d'Afrique de nombreuses unités musulmanes, des sous-officiers et même quelques officiers musulmans. Et les officiers métropolitains – en particulier ceux des Bureaux arabes – se trouvent en conflit avec l'opinion européenne d'Algérie. Celle-ci a obtenu que le gouvernement général soit supprimé, que l'administration du pays soit désormais à direction civile, avec la création, en 1858, du ministère de l'Algérie et des Colonies, d'abord pour le prince Napoléon, puis pour Chasseloup-Laubat. Certes, le premier a fait oeuvre utile, notamment dans le domaine des travaux publics. Mais, de 1858 à 1860, on a continué à porter atteinte, comme au cours des années précédentes, à la propriété musulmane.

Précisément, on touche au premier résultat du voyage de septembre 1860. Les heures libres entre les réceptions et les manifestations officielles ont été mises à profit par Napoléon III pour s'informer. Et le 10 novembre, donc moins de deux mois après son retour, le ministère de l'Algérie est supprimé, le maréchal Pélissier est nommé gouverneur général, et l'administration du pays remise aux militaires. Deux lettres qu'adresse l'Empereur au nouveau gouverneur général, les 1er novembre 1861 et 9 février 1863 – lettres dont les termes sont inspirés des brochures de Thomas-Ismaïl Urbain (7), lui donnent des directives très nettes:
« Il faut donner une impulsion toute contraire à celle qui existait jusqu'à ce jour. Au lieu d'inquiéter les Arabes par le cantonnement, il vaut mieux les rassurer en leur concédant des terres. Au lieu de vendre des propriétés domaniales affermées par les Arabes, il faut les conserver. Au lieu de… repousser (les Arabes) dans le désert, il faut les attirer dans les plaines fertiles. Au lieu d'étendre le territoire civil, il faut le restreindre ».

Napoléon III, dans sa lettre de 1863, répète que l'Algérie est « un royaume arabe »… « Les Indigènes ont comme les colons un droit égal à ma protection, et je suis aussi bien l'empereur des Arabes que l'empereur des Français ».

Puis, c'est le senatus-consulte du 22 avril 1863. Article Ier: « La France reconnaît aux tribus arabes la propriété des territoires dont elles ont la jouissance permanente et traditionnelle… ». Ce senatus-consulte vise à « rendre les tribus ou fractions de tribus propriétaires incommutables des territoires qu'elles occupent à demeure fixe et dont elles ont la jouissance traditionnelle, à quelque titre que ce soit ». En somme, à assurer aux Musulmans un vaste domaine, séparé de celui de l'État, nettement défini – ce qui suppose l'accomplissement d'une grande opération de recensement et de délimitation – et à l'abri de toute contestation.

Or, Napoléon III n'est guère obéi, que ce soit par Pélissier ou par le successeur de celui-ci, Mac Mahon. Ces deux gouverneurs généraux – pensant sans doute travailler ainsi à la modernisation du pays – prennent parti non seulement pour les Européens colons, mais aussi pour les Européens spéculateurs. Ils n'appliquent que très mal, ou avec bien des réticences, les directives impériales. Résultat, au cours du printemps 1864: la révolte de la Kabylie des Babors – la partie du massif située à l'Est de la vallée de la Soummam. Il faut y envoyer 5 000 hommes; puis, l'année suivante. 10 000. Alors, Napoléon III décide de se rendre sur place, d'aller enquêter personnellement en Algérie. Comme il s'agit d'un voyage d'étude, il ira seul, laissant la régence à l'Impératrice. Et, fait qui montre l'importance qu'il attache au problème, il fera ce voyage en dépit de sérieuses difficultés de santé.
Le 29 avril 1865, il quitte Paris par le train, et arrive à Marseille le 30, accompagné du docteur Corvisart, d'Urbain, du sénateur Piétri, des généraux Fleury et de Castelnau. Le 1er mai, l'Aigle lève l'ancre, accompagné de plusieurs frégates. Il arrive dans le port d'Alger dans la nuit du 1er au 2 (8).

On a beaucoup travaillé entre 1860 et 1865. Il n'y a plus de grève pour accueillir l'Empereur à sa descente de canot, mais un quai. Le boulevard de l'Impératrice est achevé, ainsi que ces hautes arcades, dont chacune constitue l'entrée d'un magasin. Deux rampes d'accès, accessibles aux voitures, conduisent du port à la ville. En outre, Alger a une gare, la ligne Alger-Blida venant d'être ouverte au public, et les travaux de la ligne Alger-Oran sont commencés.

Peu après avoir touché le sol algérien, l'Empereur lance une proclamation aux Européens: « Traitez les Arabes, au milieu desquels vous devez vivre, comme des compatriotes ».

Le 4 mai, il visite les environs d'Alger: Chéragas, où des colons originaires de Grasse ont introduit la culture des plantes à essence; Staouëli, où les Trappistes se sont installés dès 1842 (9); puis Sidi-Ferruch, la Pointe-Pescade, Saint-Eugène. Il y visite une école « arabe-française » – on ne dit pas encore franco-musulmane – dont les élèves, curieusement, lui chantent les choeurs de la Muette de Portici…
Le 5 mai, Napoléon III prononce à Alger un discours incitant les Musulmans à ne pas suivre « les conseils du fanatisme et de l'ignorance »… Toute nouvelle insurrection serait vaine. « Vous connaissez mes intentions. J'ai irrévocablement assuré dans vos mains la propriété des terres que vous occupez… J'ai honoré vos chefs, respecté votre religion, je veux augmenter votre bien-être, vous faire participer de plus en plus à l'administration de votre pays… « . La sincérité de ce discours – qui est traduit en arabe – est évidente.

Le même jour, Napoléon III reçoit des notables musulmans au palais d'Hiver. Et, comme dans son discours précédent, il leur parle de « royaume arabe », de « peuple arabe ». Il se promène dans Alger soit à pied, allant du palais à la place du Gouvernement par la rue du Divan, soit en voiture, toujours l'objet de la curiosité et de la sympathie de la population indigène.

Le 6 mai, il se rend à Boufarik, décore des colons de la Mitidja, cette plaine désormais couverte de vignes, d'orangers, de mandariniers, de céréales et de plantes à parfums; puis, il regagne Alger en passant par Coléa. Le 7 mai, il se rend par le train jusqu'à Blida, puis en voiture jusqu'à Bourkika et Marengo – au Sud de Tipasa, au Sud-Est de Cherchell – qui sont des régions d'authentique colonisation. Le 8, il rentre à Alger, et participe à des séances de travail. Il visite la bibliothèque, le palais de Justice, le lycée, le collège « arabe-français » – prolongement de l'école de ce nom – et donne le soir une réception. Tout le voyage comporte un horaire très chargé, une alternance des prises de contact personnelles et des séances de travail.
Le 9 mai, dans une conversation privée, il déclare qu'il faut « cantonner les Européens et non les Indigènes » (10). Le 10, il repart pour Blida en chemin de fer, puis il se rend en voiture vers le Sud. Il déjeune dans les gorges de la Chiffa, à l'hôtel du Ruisseau des Singes, avec un officier musulman, Si Ali Cherif. Celui-ci se plaint que les Musulmans ne peuvent accéder aux grades de lieutenant et de capitaine. L'Empereur lui assure qu'ils auront bientôt satisfaction (11). A Médéa, il reçoit des chefs arabes anciennement dépossédés, et leur fait accorder des indemnités Le 12 mai, il est de retour à Alger. Le 13, il embarque pour Oran, où il est reçu le 14. Un arc-de-triomphe porte une inscription en espagnol: A Napoléon III, la colonia española agradecida. Viva el Imperador! viva la Emperatriz! viva el Principe imperial! et sur sa face opposée, le même texte, mais en italien. Le 15 mai, Napoléon III visite la plaine de La Senia. Il est, en particulier, reçu dans une ferme modèle. Le 16, il pousse jusqu'à Sidi-bel-Abbès, ville bâtie sur un plan géométrique. Le 17, la flotte exécute dans la rade de Mers-el-Kébir un simulacre d'attaque des forts. Puis, Napoléon III visite le barrage de Saint-Denis-du-Sig et Arzew. Toujours en voiture, il se rend à Mostoganem, ville où Lamoricière, en 1847, a créé le premier bataillon de tirailleurs algériens. Il y passe, dans son attelage à la Daumont, sous un arc-de-triomphe élevé en style arabe orné de drapeaux dont la hampe est ornée du croissant – construction éphémère qui contraste avec l'église toute neuve, qui pourrait être celle de n'importe quelle petite ville française. A Relizane – on se trouve à 133 kilomètres d'Oran – des milliers de Flattas, débordant le service d'ordre, implorent la grâce des membres de leurs familles qui ont été internés en Corse après un mouvement insurrectionnel: l'Empereur, bien sûr, la leur accorde. Le 18 mai, il est de retour à Oran; il y assisté à une séance du Conseil général; il y travaille, et rentre ensuite à Alger par mer.

Cependant, ce voyage, cet enthousiasme, cette atmosphère de fête, ne peuvent faire oublier que l'on continue à se battre en Kabylie orientale. Le Monde Illustré publie un croquis envoyé par un lieutenant du 67e de ligne, ainsi qu'une lettre rapportant un événement survenu le 18 mai. Celle-ci évoque la constitution d'une colonne, rassemblant différents corps de troupes. « Forte d'environ 700 hommes (elle) se mit en marche le 17. Le 18, elle entrait sur le territoire insurgé et brûlait sur son passage tous les villages, dont les habitants sont en fuite dans les Babors. Je vous envoie le croquis du village de Dar-el-Razi, le plus important de tous. Nous sommes campés autour (de ses ruines)… » (12). Le système des colonnes mobiles ou colonnes infernales – déjà utilisé au cours du génocide vendéen – a été mis en pratique « malgré l'ordre formel de Napoléon III, interdisant de brûler les villages et même de couper les arbres » (13).

Précisément, c'est vers la Kabylie que se rend l'Empereur; il visite le Djurdjura, Tizi-Ouzou, Fort-Napoléon – plus tard Fort-National – et rentre à Alger le 25 mai. Le 27, il se rend par mer à Philippeville. Il y arrive le lendemain, et à Saint-Antoine, commune annexe, il passe sous un arc-de-triomphe portant l'inscription suivante: « A Napoléon III, les concessionnaires de 132 000 hectares de chênes-liège… ». A Constantine, il réside dans le palais de Hadj Ahmed, devenu le palais de la Division, vaste édifice construit, au lendemain de la prise d'Alger, par le dernier bey de la ville, et terminé en 1835 – deux ans avant l'arrivée des Français (14). A Aïn M'lila, c'est une diffa; à Batna, l'Empereur est au pied des Aurès, dans une région où il n'y a pratiquement pas de terres de colonisation. Le 30 mai, il arrive à Biskra; le 2 juin, il est à Lambèse. Il y visite le praetorium de la IIIe Augusta, qui date du IIe siècle de notre ère et il manifeste le désir que soient retrouvés les tracés des voies romaines partant de la ville (15). Le 6 juin, il reçoit à Bône le prince Taïeb, frère du bey de Tunis, ainsi que des notables, dont l'évêque Mgr Hutter. Le 7, il passe une revue à Bougie, et c'est le retour. Le 9, l'Aigle aborde à Toulon, et le 10, l'Empereur et sa suite sont de retour à Paris. Ils ont parcouru, en voiture, plus de trois mille kilomètres.

Conséquence de ce second voyage: Napoléon III écrit, donne des directives générales, et aussi il agit. Le 20 juin, dans une nouvelle lettre à Mac Mahon, il répète que l'Algérie est « un royaume arabe, une colonie européenne, un camp français ». Il veut rapprocher Musulmans et Européens – ces derniers, dépositaires d'une civilisation techniquement supérieure, devant être guides et initiateurs. Certes, il existe une résistance au progrès, due à un certain nombre de facteurs socio-culturels: l'Islam… ces facteurs, l'Empereur ne veut pas qu'on les détruise – d'ailleurs, cela serait-il possible? – mais que l'on suscite chez les Musulmans une mutation lente, en multipliant et en développant les contacts. Le texte de la lettre est long; il est le fruit d'une documentation honnête (16) il entre dans le détail; et il entraîne une longue et franche réponse de Mac Mahon (17).

Par ailleurs, Napoléon III agit, et son second voyage en Algérie se trouve à l'origine d'au moins cinq faits importants.

Tout d'abord, le senatus-consulte de 1863 est appliqué: les opérations de recensement et de délimitation du patrimoine foncier des tribus sont accélérées: la plus grande partie d'entre elles sera terminée en 1872.

Il n'y a plus de concessions gratuites de terres. Des parcelles du domaine sont mises en vente, et des indigènes peuvent en acquérir. Sur 240 lots – représentant 11 500 hectares – mis en vente en 1866, la moitié est acquise par des Indigènes; ce qui donne à penser que trente-six ans de présence française n'avaient pas ruiné toute la population musulmane.

Le senatus-consulte du 14 juillet 1865 ouvre la citoyenneté française aux Musulmans – donc la possibilité d'accéder à des fonctions administratives – et leur accorde le droit de vote en échange de leur renonciation à leur statut coranique; disposition qui demeurera en vigueur jusqu'en 1946.
Le décret du 27 décembre 1866 permet aux Musulmans de participer à la gestion des communes françaises de plein exercice; et désormais les conseillers généraux indigènes ne seront plus nommés, mais élus.

Enfin, la création d'écoles « arabes-françaises » – sur le modèle de celles du département d'Alger – est décidée pour ceux d'Oran et de Constantine.
Par ailleurs Napoléon songe à donner à l'Algérie une Constitution. Il la fait préparer. Bref, il commence à faire entrer dans les faits une politique parfaitement cohérente, qui devrait conduire à la création d'un État algérien lié à la France par la communauté du souverain, par une union personnelle, comme bientôt la Grande-Bretagne et le Canada, l'Autriche et la Hongrie. Politique dont il convient de rechercher les raisons profondes moins dans le goût de Napoléon III pour le principe des nationalités que dans l'étude réaliste des données du problème. Si l'on veut conserver l'Algérie, il faut, ou bien y faire immigrer des Européens très nombreux – Mac Mahon en souhaitait 600 000 au moins… – ou bien se concilier les Musulmans.
 
Or, l'immigration en Algérie est très faible – il a fallu quarante ans pour que la population européenne y atteigne le chiffre de 200 000 personnes – parce que d'une part, la France est un pays où la natalité est en baisse, et d'autre part, parce que les Espagnols et les Italiens émigrent ailleurs – en Amérique, en Tunisie, ou tout simplement en France métropolitaine. Il apparaît donc clairement qu'il faut se concilier les Musulmans. Et comme on ne peut pas les assimiler, à cause de leur religion et de tout ce qui en découle – les éléments « socio-culturels » – il convient de se les associer. Telle est sans doute la clé de la politique dite du « royaume arabe », brisée net par la chute du Second Empire. Fait significatif: il y eut des émeutes à Alger en 1871, dirigées contre le gouvernement du pays par les militaires, émeutes qui furent le fait d'Européens et non de Musulmans.

Au cours des derniers mois de l'Empire, la gauche avait manifesté son désaccord avec la politique de Napoléon III en Algérie. Après 1871, la République ne tarda pas à en prendre le contre-pied. Ce fut tout d'abord la naturalisation collective de tous les Européens et de tous les Israëlites – lourde erreur psychologique – alors que les Musulmans se trouvaient soumis à un régime discriminatoire, le Code de l'Indigénat. Puis, la suppression des trente-six écoles « arabes-françaises » qui constituaient un « pont » entre les deux communautés. Enfin, la loi de 1873, facilitant la cession des terres indigènes aux Européens, en rendant applicable l'article 815 du Code Civil, ce qui permettait d'acheter une part indivise et ensuite de demander le partage.

En vingt ans, la propriété indigène recule de 1/5e dans le Constantinois; des 2/5es en Oranie; des 3/10es dans l'Algérois. Évolution qui entraîne, en 1881, l'insurrection du Sud-Oranais. Ismaël Urbain écrit l'année suivante: « Loin de progresser, nous avons perdu énormément de terrain depuis douze ans. Les Musulmans s'éloignent de plus en plus de nous et attendent avec la résignation des fatalistes l'heure de la vengeance. Nous payerons tôt ou tard les fautes que nous commettons et celles qui suivront forcément » (18).

Cependant, les années passent, et Napoléon III connaît une revanche posthume, grâce à deux hommes au jugement objectif.

Le premier, Jules Ferry. Puis il étudie le problème algérien, plus il retrouve les idées et même les formules de Napoléon III. Dans son grand discours du 28 juillet 1885, en particulier, il prend position contre la politique de dépossession et de cantonnement de l'indigène, et pour une politique d'évolution prudente, respectueuse des traditions locales. En 1892, il rend hommage aux militaires, bien plus généreux et plus intelligents, dans leurs rapports avec les indigènes, que la plupart des civils. Leur esprit, écrit-il, « est à cet égard plus étroit que l'esprit militaire. Celui-ci est vraiment un esprit de gouvernement; l'autre est un esprit d'accaparement ».

Et l'année suivante, le 26 mai 1893, le sénateur Isaac fait en plein Sénat l'éloge de la politique algérienne de Napoléon III. Revanche posthume pour ce dernier, d'autant plus éclatante que le ministre Jules Ferry et le sénateur Isaac avaient été, l'un et l'autre, républicains sous l'Empire.
 
Conférence prononcée à la mairie du 1er Arr. de Paris le 24 février 1987.

Notes

(1) Boyer (P.). - L'évolution de l'Algérie médiane (ancien département d'Alger) de 1830 à 1956 (Paris, 1960). Une mine de renseignements précis et sûrs.
(2) Renseignement fourni par M. Jean Watelet, conservateur à la Bibliothèque Nationale, et le meilleur spécialiste de l'histoire de la presse illustrée française des origines à 1914.
La collection du Monde Illustré, tome VII, juillet-décembre 1860, et l'album anonyme intitulé Voyage de Leurs Majestés Impériales dans le Sud-Est de la France, en Corse et en Algérie (S.l, 1860) fournissent une documentation iconographique relativement abondante.
Sur les incidences du voyage de Napoléon III et de l'Impératrice dans l'histoire diplomatique du temps, cf. Case (Lynn M.) Edmond Thouvenel et la diplomatie du Second Empire (Traduit par le R.P. de Bertier de Sauvigny; Paris, 1976) pp. 217-218.
(3) La cathédrale Saint-Philippe était alors toute neuve. Elle avait été construite de 1845 à 1860 sur l'emplacement de la mosquée des Ketchaoua (XVIIIe siècle) laquelle, en 1832, avait été convertie en église catholique. L'édifice apparaît très inspiré de l'architecture mauresque. La façade se compose d'un portique à trois arcades, flanqué de deux tours polygonales.
Immédiatement à droite de la cathédrale se trouve le palais d'Hiver, ancien Dar Hassan Pacha, maison mauresque de 1790, défigurée déjà par des aménagements commencés en 1839.
(4) Boulevards Anatole France, de la République et Carnot, prolongés, en quittant le front de mer, par le boulevard Baudin (appellations évidemment antérieures à 1962).
(5) Ageron (Ch. R.) - "L'Algérie algérienne" de Napoléon III à de Gaulle (Paris, 1980) pp. 17-36.
(6) Sur l'oeuvre des colons français en Algérie, cf. notamment Sergent (Ed. Et.) Histoire d'un marais algérien (Alger 1947; concerne la Mitidja) et la très belle thèse de Yacono (X.). La colonisation des plaines du Chélif (de Lavigerie au confluent de la Mina) (Alger, 1955, 2 volumes in-4o). Du même auteur, un article intéressant pour notre propos : "Quelques remarques sur la politique indigènes du prince-Napoléon en Algérie (24 juin 1858-7 mars 1859)" in IIe Congrès international d'études nord-africaines, no spécial de la Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, 1970, pp. 203-220.
(7) L'Algérie pour les Algériens. (1861) et L'Algérie française (1862).
(8) Belle documentation sur le voyage de 1865 dans Le Monde Illustré, tome XVI, janvier-juin 1865, et dans l'album de Pharaon (Florian) Voyage en Afrique de Sa Majesté l'empereur Napoléon III (Paris, Plon, 1865).
(9) C'est sur le plateau de Staouéli que fut livré le 19 juin 1830, cinq jours après le débarquement de Sidi Ferruch, le combat qui ouvrit à l'armée française la route d'Alger. Les Trapistes y fondèrent leur établissement agricole en 1843. Ils durent l'abandonner en 1904, mais les bâtiments conventuels furent conservés.
(10) Spillmann (général G.) "Napoléon III et le royaume arabe d'Algérie", Travaux et mémoires de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer; nouvelle série, no 3; Paris 1975, p. 113.
(11) Si Chérif, né en 1829, était tombé, tout jeune, aux mains des Français lors de la prise de la Smala d'Abdel-el-Kader. Élevé en France, il était devenu interprète auxiliaire, puis spahi, et il était chevalier de la Légion d'honneur depuis 1863. Il prit sa retraite avec la grade de capitaine adjudant-major. Cf. Spillmann, p. 39, note 1.
(12) Le Monde Illustré, tome XVI, p. 361.
(13) Ageron, op. cit., p. 58.
(14) Dans ce palais se trouvait encore en 1862 un buste de Napoléon III, rappelant le séjour de celui-ci.
(15) Timgad n'était pas alors dégagée.
(16) Cf. Spillmann, op. cit., pp. 52-87 (Texte de la 2e édition).
(17) Ibid. pp. 42-50.
(18) Établir un bilan de cent trente-deux ans de présence française en Algérie dépasserait le cadre de cette communication.
Bornons-nous à rappeler que l'on ne peut que placer à l'actif de la présence française une indiscutable amélioration des sols: la constitution d'une infrastructure économique de qualité, ainsi que celle d'un équipement social. En revanche, on peut considérer qu'il existe un passif, résidant dans certain accaparement de terres; dans l'union douanière et dans le monopole du pavillon; dans la rivalité industrielle métropole-Algérie; enfin, dans un régime fiscal très largement inadapté à l'économie du pays.
Il convient cependant de souligner que l'union douanière France-Algérie présentait pour cette dernière un avantage primordial car elle n'avait pas à assumer le déficit de sa balance commerciale.
Il convient également de souligner que l'action technique menée par la France en faveur du progrès agricole devait beaucoup développer la superficie des terres cultivées par les Musulmans. En 1830, il y avait tout au plus 500 000 hectares de terres cultivables pour quelque 2 millions d'habitants musulmans. En 1954, 8 millions et demi de Musulmans possédaient 4 780 000 hectares de terres cultivables - 68% du total. Alors qu'en 1830, il y avait 0,25 hectare de terre cultivée par habitant musulman, en 1954, il y en avait 0,56, en dépit de la multiplication de cette population musulmane par 4,25. D'ailleurs, depuis 1939, les Musulmans - à l'inverse de ce qui s'était passé sous la Troisième République entre 1871 et 1914 - étaient devenus acquéreurs de terres.
Si beaucoup de réalisations françaises ne produisirent pas sur le niveau de vie des Musulmans les résultats que l'on pouvait en espérer, ce fut à cause d'une extraordinaire - et déraisonnable - poussée démographique. Si, entre 1830 et 1950, la population française avait augmenté dans la même proportion que l'algérienne musulmane, la France aurait eu vers 1954 plus de 300 millions d'habitants...
Cf Gendarme (R.). - L'économie de l'Algérie. Sous-développement et politique de croissance (Paris, A. Colin, 1959).
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
363
Numéro de page :
30-36
Mois de publication :
février
Année de publication :
1989
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