Ce joli petit livre pour la jeunesse fut édité en 1836. Orné de quatre gravures, il donne en exemple aux garçons et filles, nés à l'époque de la Restauration, leurs glorieux prédécesseurs de toute nationalité, rang social et destiné. Ainsi, le fils d'un paysan autrichien devenu savant côtoie les fils de roi et de prince. Leur courte biographie illustre l'amour dû aux parents, la persévérance dans le malheur, le courage, la bonté et souvent la précocité.
Bien des noms cités dans cet ouvrages sont aujourd'hui oubliés ou rangés dans les rayons de l'histoire pour spécialistes, mais le trio Mozart, Du Guesclin et Bonaparte, a lui bien résisté au temps.
La jeune personnalité phare de ces années 1835, est le duc de Reichstadt, l'enfant au destin brisé, qui mourut en 1832 au palais de Schoenbrun. Celui qui naquit Roi de Rome devint dès lors le « fils de l'Homme » (avec un grand H, bien sûr, surnom tiré d'un poème). Ce titre écrasant lui ouvrit les portes de la légende dorée de deux empires : le Premier Empire et l'Empire autrichien Les pages qui lui sont consacrées sont larmoyantes : « Condamné éternellement à un double exil, à l'exil du sol natal, à l'exil du trône de son père, son existence a été un rêve douloureux et vide ». « [Le Prince] a horriblement souffert avant de mourir ». Pleurez jeunes gens et jeunes filles sur le pauvre fils de « l'homme qui fit trembler tous les rois d'Europe ». Et louez le rôle admirable de sa mère Marie-Louise, accablée par le chagrin.
La gravure souligne le fracas de la vie de Napoléon II : la couronne est renversée, et le sceptre est brisé. La scène inférieure est de pure invention : le grand-maréchal du Palais, Henri-Gatien Bertrand, compagnon d'exil de Napoléon Ier, devait par devoir testamentaire, remettre l'épée de l'empereur à son fils. Mais les difficultés de la procédure alliées à l'impossibilité d'approcher le duc de Reichstadt retardèrent ce legs, qui fut rendu caduc par la mort du récipiendaire.
Le Premier Empire possède désormais ses propres héros, élevés au même rang que Turenne, Louis XIII ou encore Lully, mais l'auteur préfère tout de même un peu de sang bleu pour diluer l'ardeur belliqueuse de cette époque.
Nous retrouvons, outre Napoléon II qui a les honneurs d'ouvrir le livre, Eugène de Beauharnais placé en deuxième position, à qui l'auteur applique le proverbe « Aux âmes bien nées, la vertu n'attend pas le nombre des années ».
Grâce à de grandes distorsions avec l'histoire, Talleyrand-Périgord se retrouve élevé par une sainte mère et suit le voeu de son coeur en entrant dans les ordres ! Tout le reste de sa vie est passée sous silence mais il meurt comme un prélat.
Le jeune Bonaparte qui a également droit à une petit chapitre est présenté comme un enfant aux idées de gloire déjà bien affirmées à l'école militaire de Brienne, et qui porte en germe les idées despotiques de son futur règne.
Les autres enfants de l'Empire cités en exemple sont issus de classes populaires : il s'agit de Mathieu Goffin qui survécut à un accident de mine à Liège en 1812, et Nadège Fusil, malheureuse orpheline de la retraite de Russie.
Derrière le nom de comte de Barins, se cache un littérateur prolixe comme le XIXe siècle en a connu beaucoup. De son vrai nom, Louis-François Raban, il signa près de 200 ouvrages, livres, pamphlets, brochures, sous plusieurs pseudonymes (Robert Macaire, Horace Raison, etc.).
Raban dans sa jeunesse participa à la défense de Paris en 1814, et conserva toute sa vie la nostalgie de la grandeur de l'Empire. Il voua en particulier une grande passion à Napoléon II, puisqu'il lui consacra bien des années plus tard un ouvrage entier : L'Autriche, le roi de Rome et Napoléon Ier : Histoire de Napoléon I, Paris : Pick, 1853. Ayant sans conteste un certain sens du courant de l'histoire, il avait écrit l'année précédente une judicieuse biographie : Napoléon, la France, l'Angleterre, l'Europe : Histoire de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française, comprenant la vie civile, politique et militaire du prince, depuis sa naissance jusqu'à ce jour, Paris : Pick, 1852.
En dépit de ses nombreux ouvrages et de ses essais pour s'adapter à la politique du moment, Louis-François Raban connut la misère toute sa vie et mourut dans un extrême dénuement.
TItre : Galerie des enfans [sic] célèbres ou Histoire des jeunes gens qui se sont illustrés par leurs vertus, leurs talens [sic], leur esprit, leur génie, etc. ; depuis le quinzième siècle jusqu'à nos jours (1835)
Auteur : M. le comte de Barins
Editeur et date d'édition : Paris, Thierot libraire, Corbet aîné libraire, 1836
Description matérielle : 296 p., 4 grav., 17 cm