SCHWARZENBERG (1771-1820), Karl Philip von, prince

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Schwarzenberg, Karl Philip von, prince, feld-maréchal autrichien (1771-1820), généralissime des armées alliées en 1814.
SCHWARZENBERG (1771-1820), Karl Philip von, prince

Famille

Schwarzenberg, Karl Philip von, prince, feld-maréchal autrichien (1771-1820), généralissime des armées alliées en 1814.
 
Le maréchal autrichien demeure, dans l'histoire, comme l'un des rares rivaux heureux de Napoléon, dans le domaine de l'art militaire (Jean Bérenger).
 
Le prince Charles appartenait à une vieille famille aristocratique du Saint- Empire, possessionnée en Franconie. Un Schwarzenberg avait servi les Habsbourg, en Hongrie, dans leur lutte contre les Turcs. La famille s'établit définitivement en Bohême, au XVIIIe siècle, où elle acquit d'immenses domaines.
 

Jeunesse

Le prince Charles Philippe est né le 15 avril 1771, à Vienne, Neuer Markt 8 (une PC entourée de deux militaires a été apposée sur la façade de l'immeuble qui remplace le palais original, détruit à la fin du XIXe siècle, Guide Napoléon, p.522).
 
Très jeune, il est destiné à la carrière des armes, car les emplois de haut rang étaient encore réservés, dans l'armée autrichienne, aux descendants des grandes familles aristocratiques. Il est élève à l'Académie militaire de Viener-Neustadt, fondée par Marie-Thérèse pour assurer la formation des jeunes officiers. En 1788, à 17 ans, il est nommé souslieutenant au régiment d'infanterie de Brunswick. Avec les guerres, il se révèle très vite comme un officier courageux, véritable entraîneur d'hommes, capable d'arracher la victoire par une décision rapide et énergique.

Carrière militaire

Après la guerre austro-turque, il est nommé capitaine, à la suite d'une action d'éclat, à Sabacz, en Slavonie. Il est attaché, en 1789, à l'état-major du maréchal Laudon (1716-1790). En 1791, il est promu chef d'escadron et
intègre la cavalerie, qu'il ne quittera plus et qui convenait beaucoup mieux à son tempérament. D'abord dragon, il passe chez les uhlans en 1792 et il est nommé colonel de cuirassiers en 1794, à 23 ans. 
 
Il se distingue à la bataille de Nerwinden (18 mars 1793) et surtout à la bataille du Cateau (26 avril 1794) où il se couvre de gloire. Il est décoré sur le champ de bataille par l'empereur d'Autriche (croix de chevalier de l'ordre de Marie- Thérèse). Et il participe à la campagne d'Allemagne (1796), comme général de brigade.

En septembre 1800, il est promu général de division et sert sous les ordres de l'archiduc Charles, qui lui confie l'aile droite de son armée à la bataille de Hohenlinden (3 décembre 1800). Les succès limités de Schwarzenberg n'empêchent pas la défaite autrichienne (c'est le général Moreau qui remporte la victoire) mais il réussit à protéger la retraite de l'archiduc Charles.
 
Charles. Puis, de nouvelles activités lui sont confiées. On l'envoie à Saint-Pétersbourg, à l'occasion de l'accession au trône du tsar Alexandre Ier et l'archiduc Charles le fait nommer en 1805 vice-président du Conseil de la Guerre (tenant lieu de ministère de la Guerre), dont l'archiduc assumait la présidence.
 
À Ulm, le prince Schwarzenberg échappe au piège des Français, avec 1 800 cavaliers, après avoir percé les lignes françaises et découragé une poursuite de 5 jours, par Murat. Peu après, il déconseille d'engager la bataille d'Austerlitz (2 décembre 1805) : c'était une preuve de clairvoyance…
 
L'empereur d'Autriche le récompense en le faisant commandeur de l'ordre de Marie-Thérèse et en le nommant ambassadeur à Saint- Pétersbourg. Sa mission consiste à obtenir, pour le moins, la neutralité russe lorsque l'Autriche reprendra la guerre contre la France. En 1809, au début des hostilités, le tsar hésite un instant à rejoindre l'Autriche, mais la défaite de l'archiduc Charles, à Eckmühl, l'incite à une prudente neutralité. Schwarzenberg, lui, reprend du service et participe à la bataille de Wagram (5-6 juillet 1809), à la tête d'un corps de cavalerie, ce qui lui vaut d'être promu général de corps d'armée. Napoléon remporte la victoire, grâce à la puissante artillerie de la Garde.

Une carrière d’Ambassadeur

Ensuite, Metternich l'envoie comme ambassadeur à Paris. Le 26 novembre 1809, il présente ses lettres de créance à Napoléon (cf. Itinéraire, p. 330). Il négocie et réussit le mariage de Napoléon et de l'archiduchesse Marie-Louise (mariage civil : Saint-Cloud, le 1er avril 1810 ; religieux : le Louvre, 2 avril 1810). (L'Histoire de Napoléon par la peinture : le mariage religieux : p. 229 ; le banquet après le mariage : pp. 226-227 ; Napoléon, Rencontre : t. 8, pp. 38, 40 et 41).
 
Le 1er juillet 1810, le prince donnait un grand bal à l'ambassade d'Autriche, dans son hôtel Cité de la Chaussée d'Antin (Paris 9e), en l'honneur du mariage de Napoléon et de Marie-Louise. L'Empereur et l'Impératrice étaient là, avec vingt rois, reines, princes et princesses, une foule d'altesses impériales, royales ou grand-ducales, les maréchaux, les ambassadeurs, les ministres…
 
Alors que la fête battait son plein, une bougie enflamme un rideau de tulle et le feu se propage rapidement. Une épouvantable bousculade s'ensuivit, la princesse Pauline de Schwarzenberg, belle-soeur de  l'ambassadeur, est brûlée vive. Plusieurs personnes sont grièvement blessées (dont le prince de Kourakine, ambassadeur de Russie, la générale Toussaint… des malandrins s'infiltrèrent et en profitèrent pour voler les bijoux des dames : ils arrachèrent même leurs boucles d'oreilles (voir RSN n°363, p. 18 ; le rapport de Metternich à l'empereur d'Autriche ; le récit par le général Lejeune : in Alfred Fierro, Les Français vus par eux-mêmes le Consulat et l'Empire, Laffont, 1998, pp. 978-982 et 982- 984).
 
Napoléon avait entraîné Marie- Louise au-dehors et pris la direction des secours. Tout près de l'hôtel Schwarzenberg, Regnault de Saint- Jean d'Angély organise une ambulance dans le petit hôtel qu'il habitait, rue de Provence (n° 54 et 56) pour recueillir et donner les premiers soins aux victimes (voir RSN n° 473, p. 59).
 
Au petit jour, après qu'un formidable orage se fut abattu sur Paris, Napoléon remonte dans sa voiture pour regagner Saint-Cloud. Il paraissait très abattu et répéta plusieurs fois pendant le trajet : «Quelle terrible fête ».
 
La censure interdit toute relation dans les journaux. Le nombre des victimes demeura indéterminé : une soixantaine, une centaine ?
 
À la suite des carences qu'il avait constatées, Napoléon met fin aux fonctions du préfet de police Dubois : le 14 octobre 1810, il est remplacé, à la préfecture de police, par le baron Pasquier ; d'autre part, l'Empereur, par décret du 18 septembre 1811, décide la militarisation des sapeurspompiers de la ville de Paris.

Dans la Grande Armée

Par ailleurs, Schwarzenberg avait l'estime de Napoléon, et celui-ci demande qu'on lui confie le commandement du corps d'armée autrichien intégré dans la Grande Armée d'invasion, en 1812 (cf. alliance avec l'Autriche, 14 mars 1812 : voir RSN n° 452, notice Maret, p. 32). D'autre part, à la demande de Napoléon, Schwarzenberg est nommé feld-maréchal par l'empereur d'Autriche, le 2 décembre 1812 (voir Napoléon, Rencontre, 1969, tome 10, p. 23).
 
Aussi, il commande l'aile droite (30 000 h.) de l'armée d'invasion (voir l'emplacement des corps d'armées in Napoléon, Rencontre, 1969, tome 10, p. 129) et couvre Varsovie.
 
Il dirige son corps d'armée avec brio et profite de la situation pour prendre les villes de Sloutsch et de Prinsk, sur les lisières nord et ouest des marais du Pripet, avec des stocks considérables de vivres dont ses troupes avaient besoin. Mais, ce n'était là que des opérations secondaires, entreprises pour soutenir le prestige du corps expéditionnaire autrichien, face aux Français, qui les traitaient de « fainéants » et pour atténuer l'humiliation d'une retraite jusqu'aux frontières du grand duché de Varsovie, que Schwarzenberg savait maintenant inévitable (Curtis Cate, La campagne de Russie, 1812, traduction française, R. Laffont, 1987, p. 423).
 
Avec ses 30 000 hommes, il manoeuvre habilement contre les 80 000 hommes de Tchitchakov. Après le difficile passage de la Bérézina, il tient tête aux Russes de Langeron et facilite la retraite de l'armée française, puis il rejoint son poste diplomatique, à Paris, pour tenter de faciliter une paix de compromis entre Napoléon et les alliés. Le 13 avril 1813, à Saint-Cloud, Napoléon le reçoit et lui dit par deux fois : « Vous avez fait une belle campagne » (Itinéraire, p. 409 ; Michaud, t. 38, p. 490).

Généralissime de l’armée des Alliés

En 1813, lorsque l'Autriche se range aux côtés de la Russie et de la Prusse, contre la France, les alliés lui confient le commandement suprême (généralissime) de leurs armées.
 
Cependant, cette tâche est plus malaisée que ne le laisse supposer la relative supériorité numérique des coalisés. Schwarzenberg commande à une pléiade de généraux, plus opposés que vraiment unis. Les quatre armées d'invasion ennemies sont bien différentes dans leur composition, leur formation et leurs méthodes : elles combattent rarement ensemble. Il dispose d'une masse de cavalerie qui augmente les difficultés de ravitaillement sans vraiment accroître les capacités offensives des Alliés. Enfin, les coalisés sont beaucoup plus lents que Napoléon.
 
La campagne de Saxe débute par les victoires de Napoléon à Lützen (2 mai 1813), Bautzen (20 mai 1813) et Dresde (25-26 août 1813, celle-ci contre le généralissime).
 
Néanmoins Schwarzenberg connaît son adversaire, de sorte qu'il opère avec une grande prudence. Il contraint Napoléon à se replier sur l'Elbe et concentre ses propres forces pour éviter que l'Empereur ne les rencontre et les batte séparément. Il pratique le style indirect et quand les Français sont suffisamment affaiblis il les refoule dans la plaine de Leipzig et leur livre bataille le 15 octobre 1813. Napoléon tente d'enfoncer le centre des alliés, mais il est repoussé et Schwarzenberg lance une contreoffensive avec une charge de cavalerie qui se révèle décisive. La défection des Saxons et des Wurtembergeois et l'arrivée de 30 000 Autrichiens de Colloredo et de Blücher transforment la « bataille des nations » en une défaite française . La destruction prématurée d'un pont, par un caporal du génie, isole les corps de Macdonald Reynier, Lauriston et Poniatowski, avec 200 canons. Napoléon, faute de munitions, ordonne la retraite au cours de la nuit du 18 au 19 octobre 1813. L'armée française est protégée par la Vieille Garde. Les Français franchissent le Rhin, le 1er novembre 1813. Ensuite, c'est l'invasion, marquée par la remarquable campagne de France de Napoléon.
 
Après Leipzig, Schwarzenberg exploite sa victoire sans tarder. Il souhaite envahir la France avant l'hiver, en laissant derrière lui les forteresses. C'est lui qui pousse les Alliés à marcher sur Paris (Pozzo di Borgo était aussi de cet avis : voir Napoléon, Rencontre, 1969, tome 12, p. 190).
 
Les événements lui donnent raison : après la capitulation de Marmont, les Alliés rentrent dans Paris (voir le passage des souverains alliés sur le boulevard Saint-Denis, le 31 mars 1814, huile sur toile, 60 x 81,5 cm, par Johann Zippel, peintre berlinois, élève de Gros, musée Carnavalet : Histoire de Napoléon par la peinture, pp. 274- 275 ; Napoléon, Rencontre, tome 10, p. 109).

Les lauriers du vainqueur

Le 5 mai 1814, le prince Schwarzenberg se démet de son commandement, puis il est nommé président du Conseil de la Guerre, par l'empereur d'Autriche.
 
Avec Wellington et Blücher, mais avec des responsabilités supérieures, il est l'un des vainqueurs de Napoléon (A. Fierro).
 
En 1815, Schwarzenberg rentre en France par l'Alsace, avec les troupes autrichiennes. Mais l'Autriche ne participera pas à la campagne de Belgique (Waterloo, 18 juin 1815).
 
Le prince de Schwarzenberg reçut, de l'empereur d'Autriche, une terre en Hongrie et la possibilité de joindre à ses armes, soit celles de la ville de Paris, soit celles de la Maison d'Autriche (il choisit ces dernières). Il fut décoré de presque tous les ordres civils et militaires européens : en France, il fut Grand-Aigle de la Légion d'honneur, le grade le plus élevé (Almanach 1811, p. 152).

Mort du héros et descendance…

Le prince meurt, à la suite d'une attaque d'hémiplégie, le 15 octobre 1820, à Leipzig, à 48 ans.
 
L'empereur d'Autriche déclara : « Nous perdons en lui, non seulement un grand capitaine, mais aussi un grand homme d'État, car il nous a prouvé qu'il savait être l'un et l'autre. » Et, l'empereur ordonna que l'armée prît le deuil pendant trois jours et que son épée fût conservée à l'arsenal de Vienne.
 
De son côté, l'empereur de Russie, Alexandre Ier, déclara : « L'Europe a perdu un héros et moi un ami que je regretterai tant que je vivrai. »
 
Le prince a été inhumé en Bohême, selon son désir, en République tchèque, à Orlik (anciennement Worlik), à 100 km au sud de Prague par la route 4 en bordure du barrage (vallée de la Vltava), dans l'ancienne propriété de la famille Schwarzenberg (Guide Napoléon, p. 674). Il a sa statue équestre, à Vienne, Schwarzenbergplatz, oeuvre du sculpteur Ernst Hähmel (1867) (Guide Napoléon, p. 523).
 
Le prince laissait sa veuve, la princesse Marianne, fille du comte Hohenfeld (elle avait été mariée en premières noces, à un prince Esterhazy) et trois fils, brillants officiers de l'armée autrichienne : Frédéric-Charles, né le 30 septembre 1800 ; Charles-Philippe, né le 21 janvier 1802, mort à Vienne en 1858 ; Edmond né le 18 novembre 1803, il s'est distingué à la bataille de Magenta (1859).
 
Son neveu, le prince Félix von Schwarzenberg (1800-1852).
 
Le prince Félix était le fils du prince Joseph Schwarzenberg, frère du prince Charles Philippe (le généralissime), donc le neveu de ce dernier.
 
Alors qu'il était un jeune capitaine dans la cavalerie autrichienne, le prince Félix s'oriente sur le conseil de Metternich, vers une carrière diplomatique. Nommé chancelier en 1848, il favorise l'avènement de François-Joseph et rédige la constitution libérale de 1849, abolie en 1851. Avec le concours du tsar Nicolas Ier, il lutte énergiquement contre les insurgés hongrois vaincus à Villagos (1849). Il fait occuper les légations italiennes (1849) et rétablit les archiducs autrichiens à Parme, Modène et Florence. Il s'oppose à ce que le roi de Prusse réalisât à son profit l'hégémonie en Allemagne (entrevue d'Olmütz, 1850) mais il ne parvint pas à réorganiser la confédération germanique, ni à faire admettre l'Autriche dans le Zollverein.
 
Marc Allégret

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