DU PIN, Charles Louis Désiré (1814-1868), colonel

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Personnalité marginale parmi les officiers de son temps, le colonel Du Pin eut une importance et une célébrité que nombre de ces généraux qui ne le jugeaient pas fréquentable n'atteignirent jamais. Il fut une figure de premier plan, controversée, de la Guerre du Mexique. Né à Lasgraisses (Tarn) le 28 décembre 1814, élève de Polytechnique puis de l'Ecole d'application d'état-major, lieutenant en  1839, employé au service de la carte de France, capitaine en 1842, il fut envoyé l'année suivante en Algérie où il commença à se distinguer
 
Il fut à la prise de smalah d'Abd-el-Kader, le 16 mai 1843, et Horace Vernet l'a peint au premier rang sur son tableau. Cité, décoré, il devint, à son retour en France, l'aide de camp du général Marey-Monge, puis, chef d'escadron en 1851, il retourna en Algérie en 1853 et pris part à l'expédition des zouaves du général Randon. Cité à nouveau, il se battit en Crimée et, le 19 septembre 1855, il était le lieutenant-colonel, à quarante ans. Après la campagne d'Italie en 1859, où il servit comme chef d'état-major d'une division de cavalerie, il fut nommé chef du service topographique du corps expéditionnaire de Chine et fur cité à la prise des forts du Peï-Ho où il conquit ses galons de colonel. Du pillage du palais d'Eté, il avait rapporté de nombreux objets et sa collection fut vite reconnue. Mais, amateur de femmes, grand buveur et joueur, il dut la vendre pour payer ses dettes et l'annonce de la vente qu'il fit paraître dans les journaux causa un tel scandale que la hiérarchie dut le placer en retrait d'emploi.

Le Mexique ne pouvait que tenter un pareil caractère, et il s'engagea d'abord dans les troupes mexicaines. Mais Forey, puis Bazaine, séduits par sa personnalité et son efficacité, lui confièrent l'organisation de la contre-guérilla dans les Terres chaudes, inaugurée d'abord par le Suisse Stoëcklin, où sa science du terrain, sa technique de l'engagement et son peu de respect pour les règles classiques de la guerre firent merveille. Au grand dam des généraux, il ne dépendait que du commandant en chef qui lui avait donné carte blanche. Sa bande de soldats-brigands qui lui étaient tout dévoués et lui-même avec sa grande barbe, son uniforme mexicano-hongrois éclatant et bizarre et son pistolet dans la ceinture, furent bientôt connus de toute l'armée, et ses colonnes infernales, redoutées des libéraux. Sur les territoires qu'il contrôlait, il signait les décrets « gouverneur Charles Du Pin ». Ses méthodes étaient expéditives. Il multipliait les coups de main, exécutait les prisonniers, brûlait les villages soupçonnés de connivence avec les juaristes, éliminait les civils suspects. Il ne faisait pas de quartier et les actes de cruauté ne le rebutaient pas. Sa tête fut mise à prix pour 100 000 francs, en vain. Dans le même temps – car l'homme était complexe – il écrivait de tendres lettres à sa nièce qui aurait voulu l'épouser si seulement ses parents y avaient consenti, et il dira lui-même : « J'ai fait une guerre atroce ». Remis en activité hors cadre, il avait été fait commandant de la Légion d'honneur et cité à l'ordre du corps expéditionnaire. Mis en cause par l'empereur Maximilien, et par ses pairs à la fois jaloux de ses résultats et réprobateurs des moyens employés, le « monstre » des Terres chaudes, le « diable rouge » fut renvoyé en France en avril 1865 et remplacé par le capitaine Ney d'Elchingen. Une enquête sur ses agissements aboutit à le laver d'accusations de détournements de fonds et il revint au Mexique en janvier 1866. Cette fois, Bazaine refusa d'obéir à Maximilien furieux de son retour et déclara à l'intéressé : « Je serais trop heureux d'avoir beaucoup d'officiers de votre trempe. » Mais l'affaire Du Pin, qui fit grand bruit, illustra pour tous des deux côtés de l'Atlantique, les conditions pénibles et les moyens discutables de l'intervention, et Du Pin finit par être remplacé.

Rentré en France en 1867, on lui confia pour le récompenser, le poste de chef d'état-major de la division de Montpellier où il mourut l'année suivante, avant ses cinquante-quatre ans, usé par ses campagnes et les excès de toutes sortes. Le général Du Barail, dans Mes Souvenirs, le surnomme « le condotierre » Notre époque l'aurait appelé « mercenaire ».
 

Jacques Jourquin.


 
(Cette notice biographique est tirée du Dictionnaire du Second Empire, 1995, avec l'aimable autorisation des éditions Fayard.)

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