BERNADOTTE, Jean-Baptiste-Jules (1763-1844), maréchal, roi de Suède et de Norvège

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Singulier destin que celui de cet adversaire du coup d’État de Brumaire que Bonaparte combla de faveurs, de ce stratège discutable et pourtant promu maréchal, de ce général républicain qui devint roi de Suède, de ce politique prudent qui apparaît encore comme un traître, à côté de Talleyrand et de Fouché, dans l’épopée napoléonienne !

Né à Pau le 26 janvier 1763, il est sous-officier à la veille de la Révolution, lieutenant en 1791, général en 1794. Il combat à Fleurus puis sur le Rhin. Il doit passer en Italie pour renforcer Bonaparte en 1797. Chargé de porter au Directoire les drapeaux pris à l’ennemi, il est nommé, à titre de récompense, ambassadeur à Vienne par le Directoire, puis ministre de la Guerre (3 juillet-14 septembre 1799). Il reste dans l’expectative au 18 Brumaire, refusant de rallier Bonaparte mais aussi de défendre le Directoire. Il passe alors pour le général des néo-Jacobins. Ceux-ci sont les grands perdants du coup d’État. Pourtant Bonaparte confie à Bernadotte le commandement de l’armée de l’Ouest. Tous les républicains, devant le tour pris par le Consulat, regardent vers lui. La conspiration des « libelles » (ou des « pots de beurre »), préparée par son chef d’état-major, le général Simon, est découverte par le préfet de police Dubois. Elle est étouffée par Fouché, complice du général, mais Bernadotte perd son commandement. Bonaparte le ménage pourtant en souvenir de son ancienne fiancée, Désirée Clary, que Bernadotte a épousée, ce qui lui donne un lien avec Joseph. Bernadotte est fait maréchal en 1804, prince de Ponte-Corvo en 1806. À Austerlitz, il n’a qu’un rôle effacé; en 1806, il demeure inactif à quelques kilomètres d’Auerstaedt, où Davout supporte seul le poids de la bataille mais, selon Girod de l’Ain, Bernadotte avait reçu pour instructions, le 13 octobre, à 15 heures, d’attendre de nouveaux ordres. En 1807, il ne rejoint Eylau que 48 heures après la bataille ; en 1809, il commande à Wagram le corps des Saxons qui se débande. Il leur attribue pourtant le mérite de la victoire; fureur de Napoléon, qui le met à l’écart. Fouché en fait le chef de l’armée réunie sur l’Escaut pour s’opposer au débarquement anglais à Anvers. Napoléon le relève de ce commandement.

Bernadotte est pourtant élu de façon inattendue prince héréditaire de Suède par les États généraux d’Oerebro, le 21 août 1810. Napoléon, après quelques hésitations, ne fait pas opposition à cette décision, espérant tenir là un solide allié au nord. Lourde erreur : soucieux de se maintenir dans l’avenir. Bernadotte se rapproche en 1812 du tsar Alexandre. En 1813, il entre dans la coalition contre la France et bat Oudinot à Grossberen et Ney à Dennewitz ; il intervient à Leipzig mais répugne à envahir la France. Songe-t-il alors à la couronne de France ? Mme de Staël envisageait une substitution de Bernadotte à Napoléon, et le tsar Alexandre n’y était pas hostile, espérant mettre ainsi sur le trône de Suède l’un de ses neveux. L’intrigue n’aboutit pas. Bernadotte, pour prix de sa trahison, se fit néanmoins céder la Norvège par le traité de Kiel du 14 janvier 1814. Le 5 février 1818, il devenait roi de Suède et de Norvège sous le nom de Charles XIV. Une légende veut que ce monarque ait porté sur sa poitrine le tatouage suivant : « Mort aux rois ! » Napoléon portera à Sainte-Hélène un jugement sans indulgence sur son ancien maréchal : « C’est lui qui a donné à nos ennemis la clé de notre politique, la tactique de nos armées ; c’est lui qui a montré les chemins du sol sacré. Vainement dirait-il pour excuse qu’en acceptant le trône de Suède il n’a plus dû qu’être suédois : excuse banale, bonne tout au plus pour la multitude et le vulgaire des ambitieux. Pour prendre femme, on ne renonce point à sa mère, encore moins est-on tenu à lui percer le sein et à lui déchirer les entrailles. »

Source
Dictionnaire Napoléon, éditions Fayard, 1999, notice : Jean Tulard
Avec l’aimable autorisation des éditions Fayard

Bibliographie
– Pingaud (L.). Bernadotte, Napoléon et les Bourbons, Paris, Libr. Plon, 1901- in 8, 449 p.
– Höjer, T. T., Bernadotte maréchal de France ; traduit du suédois par Lucien Maury. – Paris, Plon, 1943. – 395 p.
– Girod de l’Ain, Gabriel, Bernadotte chef de guerre et chef d’État, 1- Paris, Perrin, 1968. – 665 p.

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