BERTHIER, Louis-Alexandre, (1753-1815), prince de Neufchâtel, prince de Wagram, maréchal

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BERTHIER, Louis-Alexandre, (1753-1815), prince de Neufchâtel, prince de Wagram, maréchal
Détail du tableau de Joseph Boze, Robert Lefevre et Carle Vernet
« Le général Bonaparte et son chef d'état-major le général Berthier à la bataille de Marengo »
© Fondation Napoléon/Patrice Maurin-Berthier

Opinion de Napoléon

 » Si j’avais eu Berthier, je n’aurais pas eu ce malheur « , Napoléon s’adressant à Las Cases, à Sainte-Hélène, à propos de la défaite de Waterloo.

Né à l’Hôtel de la guerre de Versailles le 20 novembre 1753, il est le « fils naturel et légitime de Jean-Baptiste Berthier, lieutenant réformé au régiment royal comtois, ingénieur ordinaire des camps et armées du roi et de dame Marie-Françoise l’Huillier de la Serre ».

Né à Tonnerre en janvier 1721, le père du futur maréchal eut des débuts difficiles. Cependant, grâce à son intelligence et au soutien de ses supérieurs, il finira sa carrière comme lieutenant-colonel, ingénieur géographe en chef des camps et armées du roi et gouverneur des hôtels de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères. De son mariage, célébré en septembre 1749 à Versailles, il eut de nombreux enfants, mais il n’en survécut que cinq, dont Louis-Alexandre et deux garçons: César (1765-1819) et Victor (1770-1807), qui deviendront généraux d’Empire.
En 1764, Louis-Alexandre est reçu du premier coup à l’École royale du génie de Mézières. Il y passe deux ans. Les élèves ont le grade de lieutenant en second lors de leur admission, avec 720 livres d’appointements annuels. La discipline militaire renforce l’esprit de corps et atténue les différences sociales existant entre les élèves. L’instruction porte sur l’arithmétique, la géométrie, la mécanique, l’hydraulique, le dessin, la levée de plans, les cartes, les coupes des pierres et la charpente. A la sortie de l’École, il est nommé ingénieur-géographe, le 1er janvier 1766. Il a alors treize ans ! En mars 1772, il est lieutenant à la légion des Flandres et, en août 1776, aux dragons de Lorraine. En juin 1777, il est promu capitaine, puis participe à la guerre d’Indépendance américaine de septembre 1780 à juin 1783, à l’état-major de Rochambeau : c’est son baptême du feu. Chevalier de Saint-Louis en 1788, il est nommé lieutenant-colonel en juillet 1789 et, à la même date, major-général de la garde nationale de Versailles. A ce titre, il protège la famille royale et aidera en 1791 Madame Adélaïde et Madame Victoire, tantes de Louis XVI, à s’enfuir. En mai 1792, il est maréchal de camp employé à l’armée du Nord. En août 1792, à la chute de la monarchie, il est destitué en raison des anciens dévouements familiaux. Il est réintégré en mars 1795 comme général de brigade et chef d’état-major de l’armée des Alpes et de l’Italie. Il est général de division en juin 1795. En mars 1796, il rencontre Bonaparte qui le nomme chef d’état-major de l’armée d’Italie. C’est le début d’une longue amitié : les deux hommes ne se quitteront plus pendant dix-huit ans, à la guerre comme au palais.

Berthier est un chef d’une rare polyvalence. Comme combattant, il ne manque pas de courage et l’a plus d’une fois prouvé dans sa jeunesse. Même lorsqu’il occupera de hauts postes dans les états-majors, Berthier n’hésitera jamais, au cours de la bataille, à prendre la tête du combat pour entraîner les hommes, et à se jeter lui-même dans la mêlée. Lors de la campagne d’Italie en 1796, il se distingue au pont de Lodi. C’est à propos de ce brillant fait d’armes que Bonaparte écrit au Directoire le 22 floréal: « Si j’étais tenu de nommer tous les militaires qui se sont distingués dans cette journée extraordinaire, je serais obligé de nommer tous les carabiniers et grenadiers de l’avant-garde et presque tous les officiers de l’état-major; mais je ne dois pas oublier l’intrépide Berthier qui a été dans cette journée canonnier, cavalier et grenadier. » Le 14 juin 1800, il sera blessé à Marengo et, le 6 juillet 1809, à Wagram, aura son cheval tué sous lui. Berthier va aussi être choisi pour remplir des missions diplomatiques exceptionnelles. Tout l’y prépare: son âge, qui modère ses passions et lui donne plus de compréhension, son caractère, son éducation. En août 1800, il est envoyé auprès du roi d’Espagne pour passer avec lui des marchés portant sur la livraison de blé et de vaisseaux et aussi pour l’inciter à la guerre contre le Portugal, allié de l’Angleterre. En février 1810, Napoléon le choisit pour se rendre à Vienne, comme ambassadeur extraordinaire afin de demander en mariage l’archiduchesse Marie-Louise, fille de l’empereur François II. Il fait son entrée officielle à Vienne le 5 mars, demande solennellement la main de Marie-Louise pour son souverain le 7; le 9, l’archiduchesse renonce à ses droits sur la couronne d’Autriche; le 11, on célèbre le mariage à Vienne. Le 12, Berthier, et Marie-Louis le 13, quittent Vienne pour la France au milieu de grandes festivités. Le 27, l’Impératrice arrive à Compiégne accompagnée de l’Empereur venu à sa rencontre. Berthier va également occuper le poste de ministre de la Guerre de novembre 1799 à août 1807, avec une courte interruption d’avril à octobre 1800. C’est pour ses capacités d’organisation qu’il est choisi: il va préparer, façonner, polir l’instrument des victoires napoléoniennes. Il commence par assurer la défense du pays en armant et en approvisionnant les places fortes d’Antibes à Berg-op-Zoom et en réglementant le service des côtes. La connaissance qu’il a de ces côtes d’après les relevés qu’il en a fait comme ingénieur-géographe lui est alors très utile pour décider des priorités. Ayant veillé à l’approvisionnement des différentes armées (Italie, Rhin, Helvétie, Hollande, etc.), il procède à de nouveaux armements: réorganisation de l’arme du génie, nouvelle composition de l’artillerie des armées du Rhin, d’Italie…

Mais Berthier est surtout connu comme chef d’état-major de la Grande Armée. Son service auprès de l’Empereur n’est pas toujours facile: appelé à toute heure du jour ou de la nuit (dans une seule nuit Napoléon le fit venir dix-sept fois), il doit être prêt à saisir la volonté de son chef et à la transmettre clairement, sûrement, rapidement à tous les échelons; il suit le commandant en chef dans ses chevauchées, se tenant près de lui pendant la bataille, s’ingéniant, au plus fort de la mêlée, à faire arriver à temps et à bien comprendre ses ordres. Berthier met un point d’honneur à être impeccable, lui et ses officiers; même de nuit, il ne se présente devant Napoléon que dans une tenue complète, botté, éperonné, l’épée au côté. Secondant directement l’Empereur le jour, il passe ses nuits à collecter les renseignements, à organiser les armées, surveille le ravitaillement et la bonne exécution des décisions, puis, à l’échelon supérieur, le travail des services annexes: ainsi prend-il toujours un grand intérêt aux relevés qu’exécutent les ingénieurs-géographes dans les pays occupés et qui sont essentiels dans la progression de l’armée. Berthier n’est pas seul pour assumer cette lourde tâche. Il a derrière lui le service d’état-major. Sous Napoléon, cet état-major que Berthier a organisé comprend deux groupes distincts: le G.Q.G. impérial, lui-même subdivisé en: maison de l’Empereur; état-major de l’Empereur, sous la direction de Berthier; cabinet topographique; et l’administration de l’armée du quartier général administratif.

Berthier a joué un rôle très important sous le Premier Empire. La diversité de l’œuvre qu’il accomplie témoigne de la richesse de son intelligence et de sa valeur. Excellent chef d’état-major, remarquable organisateur, doué pour la diplomatie et courageux au combat, il fut aussi un ami fidèle de Napoléon et voua à son chef une affectueuse et total obéissance. Aussi fut-il comblé de biens et d’honneurs: en mai 1804, il est fait maréchal d’Empire à la première promotion ; en juillet 1804 grand veneur ; en février 1805 grand-aigle et chef de la 1er cohorte de la Légion d’honneur; en août 1805 major général de la Grande Armée ; en mars 1806, prince de Neufchâtel et Vallengin ; en août 1807 vice-connétable; en août 1809 prince de Wagram. A cette époque il a plus d’un million de francs de rente annuelle. Il reçoit en dotation le château de Chambord et ses dépendances, et possède le château de Grosbois et, à Paris, l’hôtel de la Colonnade, au coin de la rue des Capucines.

Il s’était follement épris de la marquise Visconti, mais Napoléon le força à mettre fin à cette aventure, et il épousa en mars 1808 Marie-Élisabeth de Bavière-Birkenfeld, de trente ans plus jeune que lui. Il eut trois enfants: Napoléon-Alexandre, né en 1810, qui épousa Zenaïde Clary, nièce de la reine de Suède, et deux filles, Marie-Anne et Caroline. Major-général de la Grande Armée en Russie de février 1812 à mars 1813, il servit dans la retraite, après le départ de Napoléon, sous les ordres de Murat, puis du prince Eugène. Guère favorable à cette campagne, il ne le fut pas non plus à la nomination de Murat à la tête des lambeaux de l’armée. Il contredit encore Napoléon lors de la campagne de 1813 (« de quoi vous mêlez-vous ! » lui réplique le maître). Major-général de la Grande Armée sous Napoléon en Allemagne puis en France, il reçut un coup de lance sur la tête à Brienne, en janvier 1814. Cette année-là, il se sépara de lui lors de ce qu’on a appelé un peu vite la « trahison » des maréchaux. A la chute de l’Empire, il se rallie aux Bourbons. Il accueille Louis XVIII à Compiègne et chevauche devant sa voiture lors de son entrée solennelle à Paris. Pair de France en juin 1814, il est fait commandeur de Saint-Louis en septembre de la même année. Son attitude a été très critiquée. Elle s’explique par une grande lassitude: en 1814 il a soixante et un ans et se bat depuis trente-cinq ans. Les autres maréchaux partagent, pour la plupart, son désir de paix. En mars 1815, lors du retour de l’Empereur, il accompagne le roi à Ostende et est alors rayé de la liste des maréchaux. Puis il rejoint sa famille installée au château de Bamberg, en Bavière; pour l’empêcher de se rallier à l’Empereur, les Alliés le retiennent prisonnier. C’est dans ce contexte qu’il trouve la mort, le 1er juin 1815, en tombant d’une fenêtre située au troisième étage du château de Bamberg. S’agit-il d’un crime, d’un accident ou d’un suicide? Pour cette dernière hypothèse, s’il n’y a pas de preuves, il existe tout au moins de fortes présomptions: d’abord l’état dépressif du maréchal depuis le retour de l’Empereur; puis le fait qu’il ait grimpé du premier au troisième étage; enfin le fait que le mur de la fenêtre est assez haut (1,07 m) et vient à la poitrine d’un homme de grandeur moyenne: est-il possible d’être sans le vouloir entraîné dans le vide?

Telles furent la vie et la mort du maréchal d’Empire Berthier. Il existe un contraste frappant entre la puissance et la gloire qu’a connue cet homme et le désespoir pénétrant qui le pousse à choisir une mort insolite. Comment ne pas être touché par ce soldat courageux et brave, intelligent, passionné, déchiré entre des sentiments contradictoires qui lui font dire comme le héros cornélien:  » Je veux et ne veux pas, je m’emporte et je n’ose », et chez qui se manifeste, à un échelon supérieur, la lutte éternelle du bien et du mal, la force et la faiblesse humaines ?

Général Gambiez

Source : Dictionnaire Napoléon. Paris: Fayard, 1987.
Avec l’aimable autorisation des Éditions Fayard

Carrière

Né à Versailles, le 20 novembre 1753, il meurt à Bamberg (en Bavière), le 1er juin 1815
 » Fils naturel et légitime  » d’un noble de l’Ancien Régime, Jean-Baptiste Berthier, ingénieur et géomètre
Il épouse Elisabeth de Bavière-Birkenfeld en 1808
Formé à l’Ecole du Génie d’Auxerre, une école supérieure de génie militaire
Officier de l’état-major de Rochambeau pendant la Guerre d’Indépendance Américaine, en 1780
Pendant la Constituante : Général de Division de la Garde Nationale de Versailles
Pendant la Législative : Maréchal du camp de l’Armée du Nord, suspendu en 1792 à la chute de la monarchie
Pendant la Convention : il réintègre l’armée en mars 1795
Pendant le Directoire : dans l’Armée d’Italie (où en mars 1796, alors Général de Brigade et Chef d’Etat-Major, il rencontre Bonaparte pour la première fois) et dans l’Armée d’Egypte.
Ministre de la Guerre du 11 novembre 1799 au 2 avril 1800
Blessé par balle à Marengo, le 14 juin 1800
8 octobre 1800 au 9 août 1807
Le premier des Maréchaux de l’Empire de Napoléon, nommé en 1804
Grand veneur, 1804
Général de Division de la Grande Armée en 1805
Sert en Autriche, en Prusse et en Pologne de 1805 à 1807
Vice-connétable, 1807
Prince de Neufchâtel, le 30 mars 1806 et Vallangin
Général de Division de l’Armée d’Espagne, 3 novembre 1808
Général de Division de l’Armée du Rhin, 17 mars 1809
Général de Division de l’Armée d’Espagne, 1er décembre 1809
Prince de Wagram, 31 décembre 1809
Général de Division de la Grande Armée en Russie, du 1er février 1812 au 13 mars 1813
Général de Division de la Grande Armée sous Napoléon en Allemagne et plus tard en France, 14 mars 1813
Soutenu par le Gouvernement provisoire, 11 avril 1814
Capitaine de la 5e compagnie de Gardes du corps, 1er juin 1814
Pair de France, 4 juin 1814
Commandeur de Saint-Louis, 25 septembre 1814

Bibliographie

– Lentz, T., Dictionnaire des ministres de Napoléon, Paris : Christian/JAS, 1999
– Ziesseniss, J., Berthier, Paris : Belfond, 1985

Mise à jour 26 octobre 2023

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