1808, création des Palmes académiques

Auteur(s) : DAUBARD Éric
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La création des Palmes remonte au Premier Empire. Elles sont, après la Légion d'honneur, la décoration française la plus ancienne. Si la Légion d'honneur fut créée d'emblée pour récompenser tant les civils que les militaires, les Palmes sont la décoration française la plus ancienne décernée uniquement à titre civil.

L’enseignement tel que Bonaparte le trouve après la Révolution

Après la Révolution française, l'enseignement des jeunes générations, auparavant assumé en grande partie par le clergé, ne fut plus assuré de manière structurée et cohérente.

Bonaparte était conscient de l'importance de l'enseignement dans le développement d'un être humain et donc d'une communauté, c'est-à-dire d'une nation. Celle-ci ne pouvant se passer d'élites, il prit rapidement la décision d'y mettre bon ordre, et prit une succession de mesures en faveur de l'enseignement : création des lycées, du baccalauréat, puis de maisons impériales d'éducation pour les filles de titulaires de l'ordre de la Légion d'honneur.

Le 17 mars 1808, l'Empereur promulgua un décret relatif à l'organisation de l'Université française. Il était destiné à compléter la loi du 10 mai 1806 et comptait 144 articles. Il précisait que l'enseignement public était dans tout l'Empire confié exclusivement à celle-ci. Chaque académie correspondait à une cour d'appel, c'est-à-dire qu'elles étaient au nombre de vingt-sept dans un premier temps, puis trente-deux à partir de 1808 et étaient dirigées par un recteur.

Nul n'était autorisé à ouvrir une école ou à enseigner publiquement sans en être membre, avec pourtant une exception pour les séminaires qui dépendaient de l'archevêque et de l'évêque. Il existait trois grades dans les facultés créées au sein de l'Université : le baccalauréat, la licence et le doctorat, dépendant bien entendu de la réussite d'examens. Ces grades ne pouvaient en aucune façon équivaloir au titre de membre de l'Université, mais étaient la condition sine qua none à son obtention.

Le décret du 17 mars 1808

En 1808, on ne peut pas encore parler d'ordre ni même de décoration, car il s'agissait plutôt de grades. Ils sont nés de cette volonté de réformation de Napoléon Ier par la fondation de l'Université impériale. Le décret paru le 17 mars 1808 précisait, entre autres, les programmes d'enseignement des facultés, les tenues, les titres, etc. Il est à noter qu'on parlait alors dans le paragraphe numéro 2 du titre IV de « gradués » de l'Université. Ces derniers étaient au nombre de trois, dans l'ordre croissant :
– Officier des Académies : il était destiné aux proviseurs, censeurs ainsi qu'aux professeurs des deux premières classes des lycées, aux principaux de collèges et dans certains cas à d'autres enseignants ayant rendu d'éminents services. Il s'agissait de deux palmes en soie blanche et bleue.
– Officier de l'Université : celui-ci était attribué aux conseillers ordinaires (selon les termes d'alors) et aux inspecteurs de l'Université, aux recteurs, aux inspecteurs des académies, aux doyens et professeurs de faculté, ainsi qu'à d'autres personnes à la discrétion du grand maître, pourvu que ceux-ci soient « recommandables par leurs talents et leurs services ». Il s'agissait de deux palmes d'argent.
– Titulaire : il était réservé de droit au grand maître de l'Université, au chancelier, au trésorier et aux conseillers à vie de l'Université, qui étaient au nombre de trente, selon le décret. Il s'agissait de deux palmes d'or.

Le grand maître de l'Université équivalait alors à la fonction de ministre de l'Éducation d'aujourd'hui. Il était nommé par l'Empereur lui-même et pouvait aussi être révoqué. Une de ses fonctions, parmi de nombreuses autres, était de proposer à l'Empereur la liste des noms des potentiels futurs récipiendaires des titres d'officier des académies ou de l'Université. Il est peutêtre intéressant de citer le premier grand maître de l'Université : Louis de Fontanes (1757-1821), qui fut aussi de l'Académie française.

Ces Palmes, telles qu'elles furent conçues alors, n'étaient pas suspendues à un ruban (nous insistons sur le fait qu'il s'agissait à l'époque d'un titre et non d'un ordre ou d'une décoration, tels que nous les concevons aujourd'hui), mais cousues sur le costume de l'universitaire.

Elles se portaient pourtant déjà sur la partie gauche de la poitrine et étaient brodées. Il s'agissait de deux branches de palmier croisées et posées sur deux autres branches, d'olivier cette fois.

Cependant il n'était pas prévu de pouvoir les conserver après avoir quitté ses fonctions. Toujours selon le décret, une pension avait été envisagée, mais cela ne se traduisit jamais dans les faits.

Le 31 juillet 1809, un nouveau décret donnait des directives relatives au costume des titulaires de l'Université, qui était porté dans l'exercice de leurs fonctions, car à cette époque différents corps de l'État avaient un uniforme. Le violet y joue un très grand rôle, en particulier pour ce qui est de la tenue du grand maître dont la toge et la toque devaient être de cette couleur.

Il précise aussi la couleur des chaussures du trésorier et du chancelier : violette. L'organisation du corps enseignant fut convertie en loi en 1810.

Les Palmes survivent au Premier Empire

Par une ordonnance en date du 15 août 1815, la survie des Palmes se précisait. Ainsi, celle-ci stipulait que les membres de l'Université qui faisait désormais place à l'Instruction publique, se devaient de « porter en tout temps les signes distinctifs de [leur] grade universitaire ». Mais une fois encore, si ces Palmes étaient brodées sur la tenue noire réglementaire, elles n'étaient pas brodées sur les tenues non officielles.

Une ordonnance en date du 14 novembre 1844 précisait que le titre d'officier des académies disparaissait au bénéfice de celui d'officier d'Académie. Puis, Louis-Philippe s'émut du fait que les instituteurs n'étaient pas admis parmi les personnels habilités à recevoir ces titres. Ce fut par l'ordonnance en date du 1er novembre 1846, qu'il apporta quelques modifications. Pour la première fois la notion d'ancienneté fit son apparition, c'est-à-dire qu'un temps minimum d'activité fut dès lors requis : cinq ans pour devenir officier d'Académie et cinq ans également pour accéder au titre d'officier de l'Université. Les instituteurs purent enfin aspirer aux Palmes, mais après une période de vingt ans de service. Cela représente à l'évidence un décalage important, mais un progrès manifeste. Leur travail et leur condition étaient désormais reconnus. De plus, dès 1845, l'idée de conserver ses Palmes après avoir quitté ses fonctions avait cheminé dans les esprits.

Les Palmes sous le Second Empire

En matière de statuts des Palmes, Louis Napoléon Bonaparte, alors prince président de la République, apporta déjà quelques modifications par son décret en date du 9 décembre 1850. Celui-ci portait sur : « Les distinctions honorifiques spécialement attribuées aux membres de l'Enseignement ». Ainsi, il supprima le grade de haut titulaire de l'Université qui avait remplacé celui de titulaire par l'ordonnance royale du 9 septembre 1845, selon la volonté de Louis- Philippe. Les deux grades restants furent alors : officier de l'Instruction publique qui remplaça celui d'officier d'Université et officier d'Académie. La loi dite Falloux, du nom du ministre de l'Instruction publique d'alors, en date du 15 mars 1850, accordait plus de liberté et d'avantages à l'enseignement confessionnel et s'opposait de facto au décret de Napoléon Ier du 17 mars 1808. Frédéric de Falloux aspirait, selon ses propres termes, à « replace[r] Dieu dans l'école ». Il en résulta que ces enseignants libres devinrent les égaux des membres de l'Université en matière de titres.

On parle alors dans le décret du 9 novembre 1850 de « distinctions honorifiques spécialement attribuées aux membres de l'enseignement ». Ainsi, l'article 2 précise : « Peuvent être nommés officiers d'Académie les membres de l'enseignement primaire après 15 ans de service, et les membres de l'enseignement secondaire et supérieur, ainsi que les fonctionnaires de l'Administration et de l'Inspection après 5 ans de service. Peuvent être nommés officiers de l'Instruction publique les officiers d'Académie pourvus de ce titre depuis cinq ans au moins. »

Devenu empereur, Napoléon III modifia donc de manière assez significative les Palmes pour en faire une décoration, une distinction à part entière. Dès le 24 décembre 1852, les Palmes virent leur aspect transformé par décret. Il s'agissait alors d'une simplification de leur apparence : elles ne se composèrent plus que de deux branches, l'une étant d'olivier à gauche et l'autre de palmier à droite, celles-ci formant une sorte de couronne quelque peu allongée. Le fil de soie utilisé pour la broderie devait être violet.

Ce fut le 7 avril 1866 qu'elles se virent conférer, sur décision impériale, le statut qui fut le leur jusqu'en 1955, en devenant portables, suspendues à un ruban, donc mobiles et non plus brodées sur un uniforme. Il s'agissait dès lors des Palmes académiques ou universitaires et non plus tout simplement des Palmes.

On pensa donc aux instituteurs qui n'avaient pas d'uniforme et qui n'avaient pas la possibilité d'arborer l'insigne relatif à leur titre. Il est à remarquer, comme l'indiquait ce rapport, que certaines personnes avaient fait broder leurs Palmes sur leur habit quotidien, n'ayant pas d'uniforme, comme dans l'enseignement libre, par exemple. D'autres, peut-être plus argentés, firent réaliser de petites Palmes en métal, plus ou moins précieux, afin de pouvoir les arborer facilement et le cas échéant les porter sur différentes tenues.

Mais cela restait marginal et non officiel. Ce fut donc l'usage qui précéda la décision, selon la proposition de Victor Duruy. Le 25 mai, un règlement vint compléter le décret précédent en précisant que les nominations se feraient à l'époque de la réunion à Paris des sociétés savantes des départements, mais aussi au 15 août et fin décembre. Seule une nomination exceptionnelle pouvait avoir lieu en dehors de ces trois dates.

Le Moniteur publia le 20 septembre 1866 un article rappelant les usages de port des décorations, précisant ainsi que seule la Légion d'honneur pouvait être portée sous forme d'un simple ruban sans sa croix. Toute autre décoration devait être portée en entier. Le ministère toléra cependant que l'on  boutonnière, selon son grade, le ruban violet ou la rosette de même couleur. Mais cela ne restait qu'une tolérance.

Le décret impérial du 27 décembre 1866

Le décret impérial relatif aux titres honorifiques d'officier d'Académie et d'officier de l'Instruction publique, en date du 27 décembre 1866, précisait qu'ils pouvaient être conférés aux membres de l'enseignement supérieur, de l'enseignement secondaire, tant public que libre, aux fonctionnaires de l'administration de l'Instruction publique, aux fonctionnaires des écoles normales primaires, aux instituteurs titulaires ou adjoints, publics ou libres, aux membres des sociétés savantes des départements et aux correspondants du ministère pour les travaux historiques, aux littérateurs et aux savants recommandés par leurs succès dans l'enseignement libre ou par des ouvrages intéressant l'Instruction publique, aux personnes qui auraient bien mérité de l'Instruction publique, soit par leur participation aux travaux des délégations cantonales et des conseils ou commissions établis près des lycées, des collèges, des écoles normales, soit par le concours efficace qu'elles auraient prêté au développement de l'enseignement à tous les degrés et sous toutes ses formes. Dès lors on vit des palmes sur les uniformes de sénateurs, de députés, de conseillers d'État, de généraux.

Leur ruban devint, de manière tout à fait logique, violet. Les insignes d'officier d'Académie en argent furent dorénavant suspendus à un simple ruban, alors que ceux d'officier de l'Instruction publique en or (en général en vermeil) furent suspendus à ce même ruban lui-même surmonté d'une rosette de couleur identique. Leur prestige toujours grandissant leur valut le surnom de « Médaille militaire des instituteurs », en référence à cette prestigieuse décoration créée par Napoléon III.

Les Palmes académiques à l’aube du XXe siècle

La fin du XIXe siècle fut marquée par une inflation en matière d'attribution des Palmes académiques. Aussi, le 24 décembre 1885, un décret institua qu'il ne pourrait désormais être décerné par an que 1 200 palmes d'officiers d'Académie et 300 d'officiers de l'Instruction publique et la moitié au moins de ces distinctions devait être réservée aux membres de l'Instruction publique. Ce changement important dans les statuts des Palmes en faisait une décoration qui n'était plus réservée, comme à leur création, aux membres de l'Université, mais aussi accessible à tous, et ce pour moitié des contingents annuels. Autre point important, les nominations durent à nouveau paraître au Journal officiel, comme cela avait été prévu dans les textes du Premier Empire, mais que le temps avait fait tomber en désuétude. On précisa également que le port de cette décoration pouvait se faire soit sous forme d'un simple ruban ou d'une simple rosette à la boutonnière, selon le grade du titulaire, ou, bien entendu, de la décoration complète.

Lors de la Première Guerre mondiale, l'État suspendit, sur décision du Conseil des ministres, toute promotion au sein des Palmes académiques et ce pour toute la durée de la guerre. un nouveau décret relatif aux Palmes, dans lequel était stipulé qu'elles ne pouvaient être attribuées qu'aux catégories de personnes suivantes : les personnels enseignants, scientifiques, administratifs et de surveillance, qui dépendaient du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts ; les membres de l'enseignement privé, les membres des conseils d'administration des associations d'anciens élèves, les Français et étrangers ayant contribué activement à l'expansion intellectuelle, scientifique et artistique de la France dans le monde, les personnels des grands établissements littéraires ou scientifiques relevant directement du ministère de l'Instruction publique…

De plus, il était alors nécessaire d'être âgé de trente-cinq ans au moins pour pouvoir y prétendre. Les décrets qui suivirent n'apportèrent que des modifications de détails.
Tout comme une première fois en 1914, la déclaration de guerre de 1939 vint suspendre l'attribution de cette distinction, qui ne fit sa réapparition qu'en 1946.

Les Palmes académiques deviennent un ordre

C'est par le décret n° 55-1323, du 4 octobre 1955, que l'ordre des Palmes académiques fut enfin créé. Il est décrit comme devant récompenser les enseignants et les personnes qui contribuent au développement des connaissances humaines. Il en résulte que tout un chacun peut aspirer à recevoir cet ordre, dès lors qu'il répond à ces critères sans devoir obligatoirement appartenir au ministère de l'Éducation nationale.

Le décret précise que cet ordre comprendra trois classes : chevalier, officier et commandeur.

Dorénavant, les Palmes sont identiques, contrairement aux Palmes précédentes qui étaient composées d'un rameau d'olivier et d'un rameau de laurier. Mais les fabricants avaient alors souvent donné libre cours à leur imagination. Il en résulta de superbes variantes, qui étaient souvent assez éloignées du modèle officiel de la Monnaie de Paris. Le rameau de laurier fut ainsi évincé, sauf pour la bélière du grade de commandeur. Il n'en résulte pas moins toujours des différences selon les fabricants, mais celles-ci sont plus minimes.

La création, le 3 décembre 1963, de l'ordre national du Mérite fit disparaître bon nombre des ordres français créés au XXe siècle.

Les Palmes échappèrent à cette disparition ainsi que le Mérite agricole datant de 1887, le Mérite maritime de 1930 et enfin l'ordre des Arts et Lettres de 1957.
En ce début de XXIe siècle, cet ordre, que l'on appelle parfois aussi « la Légion violette » a conservé tout son prestige et suscite toujours autant d'engouement et de convoitise. Les membres de l'ordre se rassemblent au sein d'une association, l'A.M.O.P.A. (Association des Membres de l'Ordre des Palmes Académiques), qui publie une revue trimestrielle fort bien documentée. Elle traite de sujets historiques, scientifiques, philosophiques, perpétuant ainsi les préceptes ayant conduit au fil des deux siècles écoulés à la création, au développement et à la survie des Palmes.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
474
Mois de publication :
janvier-mars
Année de publication :
2008
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