André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling, maréchal de l’Empire. Son rôle dans la campagne de 1809

Auteur(s) : GARNIER Jacques
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L’enfant chéri de la victoire

Ce Niçois, qui, selon les termes de Jean-Paul Bertaud, « fut élevé dans la boutique paternelle, ou bien « tapant du cul sur la plate-forme en bois d'une vieille machine à vermicelle » chez son oncle, avant de courir les mers comme mousse » avait onze ans de plus que Napoléon.

Il se distingua pendant la campagne de Bonaparte en Italie, en 1796-1797, ce qui lui vaudra le titre de duc de Rivoli. Vainqueur des Russes du général Rimski-Korsakov à Zurich en 1799, défenseur héroïque de Gênes en 1800, combattant honorable en Italie en 1805, Masséna était, à l'aube de la campagne de 1809, considéré comme un des grands généraux de Napoléon, et, en même temps réputé pour ses don de « prédateur » : il était devenu « l'enfant chéri de la victoire », mais aussi, selon les mauvaises langues, « l'enfant pourri de la victoire ».

Napoléon le reçoit le 2 mars 1809 à l'Elysée, pour lui faire part de son intention de le placer à la tête d'une Armée d'observation du Rhin. Masséna accepte – mais, pouvait-il faire autrement ? – mais émet toutefois une réserve en disant à l'Empereur qu'il risquait de « mal s'entendre avec Davout si leurs troupes se trouvaient réunies ». Comprendre : « Je ne veux en aucun cas servir sous Davout »…

Second problème : Masséna recevra donc directement ses ordres de l'Empereur, mais par le truchement de Berthier, major-général de la Grande Armée. Qui a quelques vieilles rancunes à son encontre… et qui met tout de suite les choses au point : « L'Empereur, Monsieur le Duc, m'ordonne de vous prévenir qu'à dater de ce jour, il a jugé utile au bien de son services de me confier à nouveau les fonctions de major-général de ses armées. En conséquence, vous entrerez en correspondance avec moi, dans les mêmes rapports qui ont existés dans les dernières campagnes ». Qu'en des termes choisis ces choses-là sont dites…

Ces problèmes relationnels, qui devenaient de plus en plus courants au sein du commandement des armées napoléoniennes, ajoutés à une santé défaillante qui l'avait obligé à prendre un congé en 1807, ne le placent pas dans une situation idéale pour renouveler ses exploits. Et pourtant, nous le verrons, la campagne d'Autriche qui s'annonçait sera l'une des plus belles, sinon la plus belle, à mettre à son crédit.

Masséna se voit donner le commandement du 4e corps. Ce n'est pas son 5e corps de 1807 : Il n'a plus les Suchet, ou les Gazan, qui l'avaient si bien secondé. Mais lui sont malgré tout attribués, selon les termes de l'historien de Masséna Edouard Gachot des « généraux actifs et bien rompus au métier des armes », En l'occurrence, c'est Legrand, l'ancien divisionnaire de Soult à Austerlitz, qui avait si bien secondé Davout autour du château de Sokolnitz ; c'est Carra Saint-Cyr, un ancien de la guerre d'Amérique, ancien chargé d'affaires en Turquie, qui avait fait Marengo comme brigadier de Monnier, au sein du « corps d'armée » de Desaix : en résumé, plus d'expérience que de références ; c'est Molitor, que Masséna avait déjà eu sous ses ordres en Helvétie, en 1799, où il s'était distingué, et en Italie lors de la campagne de 1805 et qui commandait déjà une division du corps d'observation du Rhin qui allait devenir le 5e corps de Masséna ; c'est Boudet, le héros de Marengo, qui avait, en 1794, remis un peu d'ordre en Guadeloupe ; c'est Marulaz, l'un des plus grands cavaliers de l'Empire, un ancien de Zurich et d'Eylau.

Masséna, accompagné de son fils et aide camp Prosper, arrive le 17 mars à Strasbourg. Il désire pourvoir aux besoins de son corps. Selon le témoignage de Bertrand : « Son exigence est brutale. Il eût vidé tous les magasins de la place au profit des soldats de l'armée d'observation. Sa course à travers l'arsenal fut une véritable inspection, suivie de réquisitions ». Une razzia à la Masséna, mais pour le bien commun, cette fois…

Malgré une multitude de rapports alarmistes sur l'importance de l'armée autrichienne qu'il allait avoir à affronter, il garde son calme et continue à organiser son corps, restant persuadé que l'arrivée de Napoléon allait remettre les choses en place. Lorsque, le 9 avril, il reçoit un courrier de Berthier, qui commande en chef dans l'attente de l'arrivée de Napoléon, lui annonçant que « les hostilités vont immédiatement commencer », il est prêt. Il se contente de dire à son état-major : « Puisque Messieurs les autrichiens ont voulu tirer l'épée, nous allons leur répondre ».

Le 8 avril, l'archiduc Charles envahit la Bavière avec ses 140.000 hommes, il trouve les forces françaises dangereusement dispersées du fait des ordres approximatifs et contradictoires de Berthier. A ce moment, Davout est sur le Danube autour de Ratisbonne, Lefebvre tient l'Isar à Landshut, à 50 kilomètres plus au sud, Masséna est autour d'Augsbourg, à 100 kilomètres en arrière, pendant que l'armée autrichienne est rassemblée autour de Landshut. Les relations entre les maréchaux s'étaient particulièrement détériorée depuis que Masséna avait prétendu être le commandant en chef jusqu'à l'arrivée de Napoléon. Berthier essaye de rétablir la situation autant qu'il peut en faisant savoir que Davout devait prendre la tête des troupes au nord du Danube, pendant que Masséna commanderait celles se trouvant au sud.

L'arrivée de Napoléon remet un peu d'ordre dans cet imbroglio, mais le mal était fait : la manoeuvre de Landshut n'est, en conséquence, qu'une demi-réussite, pour ne pas dire un échec. Masséna n'a rien à se reprocher, puisqu'il combattait sous les ordres directs de Napoléon et qu'il n'a aucune part dans ce résultat décevant, puisque l'archiduc Charles n'est pas vraiment battu et a pu se retirer sur la Bohème.

Napoléon renonce à poursuivre l'archiduc et se porte sur Vienne où il entre le 13 mai. La situation est beaucoup moins favorable qu'en 1805, puisque les Autrichiens ont, cette fois, pris la précaution de faire sauter les ponts traversant le : il faudra donc passer ce puissant fleuve avec des moyens de fortune si l'on veut marcher contre l'ennemi qui, maintenant, occupe la plaine du Marchfeld, immédiatement au nord de la capitale autrichienne. De plus, cela devra se faire sous la menace de l'armée autrichienne d'Italie de l'archiduc Jean, en marche pour rejoindre.

C'est dans cette situation délicate, où il va falloir lutter contre un ennemi à peine entamé en devant passer un fleuve à proximité de ses forces, que Masséna va se distinguer par deux fois : lors de la première tentative, en mai : c'est Essling, et lors de la seconde, en juillet : c'est Wagram.

Essling

La première priorité est donc, pour pouvoir atteindre l'armée autrichienne, de trouver un lieu de passage du Danube. Un emplacement est finalement choisi à 6 kilomètres au sud-est de Vienne, où se trouve une grande île, séparant le fleuve et proche de la rive nord : l'île Lobau, qui pourra servir de camp de base. Le 20 mai, Masséna et son 4e corps d'armée sont les premiers à passer par l'unique pont alors construit et à occuper les villages d'Aspern et d'Essling. La cavalerie légère remplit son rôle et effectue des reconnaissances.

Le jugement selon lequel la cavalerie française, si elle est magnifique au combat, trouve ses limites lorsqu'il s'agit d'éclairer l'armée, se justifie : elle ne signale aucune trace de l'ennemi alors que 95.000 Autrichiens sont tout proches. L'archiduc Charles, lui, est parfaitement tenu au courant des mouvements des Français. Des éléments flottants sont envoyés par eux sur le fleuve en crue à cette époque de l'année, qui rompent, le 21 mai, le pont établit par les sapeurs français. Masséna, accompagné du seul corps de Lannes et de la cavalerie de Bessières (24.000 hommes et 60 canons en tout) se retrouve donc isolé, sans possibilité de renforts. C'est ce moment que l'archiduc choisit pour lancer une vaste offensive appuyée par 200 pièces d'artillerie. Les deux corps d'armée français, Masséna à Aspern et Lannes à Essling, tandis que Bessières et ses 7.000 cavaliers tiennent la zone comprise entre les deux villages, se défendent comme des beaux diables et arrivent à conserver la majeure partie des villages. A la fin du jour, le pont flottant a été réparé et des renforts peuvent parvenir : les Français sont maintenant 31.000, avec 90 canons, mais cela est loin de suffire, le pont reste bien fragile. Le lendemain 22 mai, à 3 heures du matin, le corps d'Oudinot, la Garde, et la réserve de cavalerie ont pu rejoindre. Aspern peut être entièrement repris. A 5 heures, une offensive autrichienne sur Essling est arrêtée. C'est le moment que choisit l'Empereur pour lancer une offensive désespérée sur le centre du dispositif autrichien. Les 3 divisions d'Oudinot, entraînées par Lannes se portent en avant, soutenues par la cavalerie, et enfoncent les lignes autrichiennes, mais l'archiduc Charles en personne rallie ses troupes et reforme ses lignes disloquées, tandis qu'une nouvelle brèche rend le pont flottant à nouveau inutilisable, ce qui prive les Français du concours de Davout et de tout ravitaillement, notamment en munitions, alors que les soldats français en manquaient cruellement. Napoléon doit donc ordonner à Lannes de se replier sur la ligne des villages, mais les Autrichiens reprennent la majeure partie d'Essling et menacent le flanc droit des français. La situation est critique, voire désespérée. Peu après deux heures, Napoléon appelle à lui Masséna, Lannes, Oudinot et Bessières, ainsi que les généraux de sa garde et leur donne les instructions pour la retraite dans l'île Lobau. C'est Masséna qui est chargé de diriger ce mouvement (1).
Confiant dans la capacité du duc de Rivoli pour mener à bien cette délicate mission, l'Empereur fait demander un bateau pour rejoindre la Lobau.

Une série de drames se joue alors : Lannes, qui se trouvait à pied derrière la ligne de tirailleurs, entre Essling et Aspern, voit son vieil ami le général Pouzet tué d'une balle en plein front. Vivement ému, il s'éloigne de son état-major pour se recueillir seul et s'assoit sur le bord d'un fossé. C'est là qu'un boulet vient lui fracasser les deux jambes. Pendant ce temps, malgré les appels de Napoléon qui veut le voir pour avoir des renseignements, Masséna reste sur la rive nord afin de conduire les opérations.

Vers 19 heures, Masséna peut enfin rejoindre Napoléon, qui était avec Berthier et Savary. Un dialogue s'établit :
Napoléon : « Eh bien ! la fatalité nous poursuit aujourd'hui ; nous venons de perdre Lannes ; ne craignez-vous pas que cet événement n'ait démoralisé les troupes ? »
Masséna : « Sire, elles sont sans doute affectées, mais leur dévouement est à l'épreuve, et je crois que leur courage ne se démentira pas »

Napoléon : « Ainsi la retraite dans l'île Lobau peut avoir lieu sans désordre ? »
Masséna : « Certainement, nous avons le temps d'ici à demain matin de faire filer nos troupes, pourvu qu'il n'arrive pas de nouvel accident au pont : l'ennemi n'est pas moins fatigué et n'a pas plus de munitions que nous ; déjà sa marche se ralentit ; s'il fait halte, il ne pourra s'ébranler que demain matin assez tard, et alors tout sera sauvé »

Berthier et les généraux présents étaient partisans d'un replis profond, en arrière de Vienne. Questionné par Napoléon, Masséna répond : « Je pense, Sire, que nous sommes dans une position dont nous ne pouvons sortir qu'en payant d'audace » (2).

On peut donc se rendre compte que, pendant toute la durée de cette malheureuse aventure, c'est bien Masséna qui a été constamment en vedette, que c'est bien sa force de caractère qui a primé. Le titre de prince d'Essling était bien mérité.

Wagram

Après l'échec d'Essling, Napoléon a reconstitué ses troupes dans l'île Lobau, transformée en une vaste forteresse garnie de pièces de gros calibre provenant de l'arsenal de Vienne. Les travaux sont faits pour la relier à la rive nord du Danube par trois ponts protégés par des estacades pour éviter les désagréments connus en mai. D'autres ponts sont prêts à la relier à la rive sud, en face de l'île Alexandre.

Persuadé que Napoléon déboucherait dans la plaine du Marchfeld, comme en mai, l'archiduc Charles fait occuper et organiser solidement les villages d'Aspern, Essling et Enzersdorf. Une diversion effectuée par Masséna entre le 30 juin et le 2 juillet, sur le front Essling-Aspern le confirme dans cette idée. Mais, voyant que l'offensive française ne se développe pas, il se retire sur les hauteurs au nord du Russbach, ne laissant dans les ouvrages avancés que son 6e corps et l'avant-garde du général Nordmann.

A ce moment se trouvent face-à-face :
– 190.000 Français, dont 30.000 cavaliers et 500 canons (2e corps d'Oudinot, 3e corps de Davout, 4e corps de Masséna, l'armée d'Italie du prince Eugène, le corps saxon de Bernadotte, l'armée de Dalmatie de Marmont, les Bavarois du général De Wrède, la réserve de cavalerie de Bessières et la Garde Impériale.
– 270.000 Autrichiens commandés en chef par le prince Charles, et par les généraux Bellegarde, Hohenzollern, Kollowrath, Rosemberg, Reuss, Klenau, l'avant-garde de Nordmann et la cavalerie Lichtenstein. L'armée autrichienne d'Italie, 13.000 hommes sous l'archiduc Jean, est attendue.

Le 5 juillet, les Français, qui ont pu passer sur la rive nord du Danube, se déploient en quart de cercle, la droite au Russbach, la gauche près du Danube. C'est là que se trouve Masséna. Les Autrichiens se tiennent à l'extérieur de ce quart de cercle, parallèlement à la ligne française.

A 12 heures trente, Napoléon décide de « tâter »  l'ennemi. Dans ce but, de la droite vers la gauche,le 3e corps de Davout prend pour objectif Glinzendorf, le 2e corps d'Oudinot marche sur Grosshofen et Baumersdorf, les Saxons de Bernadotte, sur Aderklaa et Wagram. L'armée d'Italie viendra s'intercaler entre les Saxons et le 2e corps. La mission la plus importante est confiée à Masséna et son 5e corps, puisqu'il devra, à lui seul, couvrir toute l'aile gauche du dispositif. Axe de marche : Enzersdorf – Breitenlee.

Comme prévu, c'est à gauche que la marche est la plus difficile. A 19 heures, la division Molitor atteint Breitenlee, Boudet atteint Kagern, Carra Saint-Cyr, Leopoldau, Legrand, Sussenbrünn. A ce moment, le corps de Masséna tient à lui seul un front de 7 à 8 kilomètres, pendant que le reste de l'armée en tient un de 11 kilomètres. La faiblesse de ce dispositif est donc que ce corps, en se déployant, offre une défense de plus en plus fragile à la droite autrichienne qui ne va pas manquer de marcher sur Aspern.
 
Un autre événement va compliquer la tâche de Masséna : lorsque Napoléon et le maréchal parcouraient l'île Lobau, le cheval de ce dernier s'étant abattu dans un trou caché par des hautes herbes, le maréchal fut assez gravement blessé à une jambe pour ne plus pouvoir tenir en selle. Ce contretemps affligea d'autant plus l'Empereur que Masséna avait la confiance des troupes et connaissait parfaitement le terrain sur lequel nous devions combattre, puisque c'était celui sur lequel avait eu lieu la bataille d'Essling, à laquelle le maréchal avait pris une part glorieuse. Masséna fit alors preuve d'une grande force d'âme ; car, malgré les vives souffrances qu'il éprouvait, il voulut conserver son commandement déclarant qu'à l'exemple du maréchal de Saxe à Fontenoy, il se ferait porter sur le champ de bataille par ses grenadiers.

Il fut convenu que Masséna irait sur le champ de bataille dans sa calèche découverte, ayant auprès de lui le docteur Brisset  (3).

Le 6 juillet, à l'aube, l'archiduc Charles décide de prévenir l'attaque de l'adversaire et lance deux offensives : l'une sur la droite des français (Davout) et l'autre sur leur gauche (Masséna).

Davout, après avoir été obligé de laisser se développer l'avance autrichienne, reprend en main les opérations et parvient à repousser l'adversaire jusqu'au plateau de Neusiedel. Napoléon lui donne ordre de poursuivre son avance afin d'envelopper la gauche autrichienne.

La droite autrichienne avance en même temps et reprend le village d'Aderklaa, qui vient d'être abandonné par Bernadotte. Les divisions de Masséna, isolées, se trouvent donc dans une position critique : Trois des divisions du 4e corps, en marchant sur Aderklaa, s'éloignent dangereusement de la 4e (Boudet) qui reste seule en face de la droite autrichienne.

A 11 heures, la division Molitor, à bout de force, est rejetée définitivement d'Aderklaa. Pire : Boudet, attaqué par les 3e et 4e corps autrichiens, est acculé aux têtes de pont après avoir perdu une partie de son artillerie. La gauche française peut être tournée. C'est à ce moment que Napoléon prend la décision la plus importante de la journée : à 11 heures trente, il donne ordre :
– A Masséna d'abandonner le région d'Aderklaa afin de se porter vers le sud pour soutenir Boudet et contenir la droite ennemie.
– A Macdonald, avec son corps de l'armée d'Italie, de prendre l'espace laissé libre par le départ de Masséna

A ce moment, Napoléon vient en personne au devant de Masséna et monte dans sa calèche. « Eh bien ! lui dit-il, il y a de la bagarre par ici ? » – « Comme vous le voyez, Sire, mais ce n'est pas de ma faute. » – « Oh ! je le sais bien, c'est ce hâbleur de Bernadotte qui depuis hier ne me fait que des sottises. » Napoléon expose ensuite son plan à Masséna, et lui détaille son plan. « Avec du sang-froid et de l'audace, nous changerons en défaite son triomphe actuel ; deux heures nous suffisent pour cela. Davout est maintenant en état d'attaquer Neusiedel avec avantage ; il va prendre à revers Rosenberg et Hohenzollern déjà abîmés par la terrible canonnade à laquelle ils sont en butte depuis 6 heures. Oudinot en aura bon marché. » – « Sire, pour arriver vite à Essling, en traversant la plaine, il faudra, durent neuf kilomètres, présenter le flanc à l'ennemi. » – « Vous passerez, monsieur le duc, quand même. Je vous ferai soutenir, car la division de cuirassiers Saint-Sulpice est maintenant à vos ordres ; puis, – il désignait les Saxons – vous pouvez emmener ces gens-là (4).»
 
A 13 heures trente, la division Legrand arrive devant Essling. Masséna a déjà envoyé deux aides de camp auprès de Napoléon, son fils Prosper et Barrin chargés d'annoncer que toutes les difficultés d'une marche difficile ont été surmontées. Barrin rapporte : « Sa Majesté attend le succès du 4e corps pour frapper rudement l'Archiduc ». « Nous allons le lui donner ! » pro

Son héroïsme et son calme dans la bataille :

« Ce maréchal était toujours dans sa calèche. Les ennemis, en apercevant au milieu de la bataille cette voiture attelée de quatre chevaux blancs comprirent qu'elle ne pouvait être occupée que par un personnage fort important ; ils dirigèrent donc sur elle une grêle de boulets. Le maréchal et ceux qui l'entouraient connurent les plus grands dangers ; nous étions entourés de morts et de mourants  (7). » Et, pendant tout ce temps, Masséna garda toujours son calme et continua à commander imperturbablement.

Son âpreté au gain :

Pour atteler à la calèche du maréchal, on dut mettre quatre chevaux de ses écuries. Ce qu'apercevant, son cocher et son postillon déclarèrent que c'était à eux de les diriger. Ils se retrouvèrent donc, toute la journée, au sein de la bataille, au milieu des balles et des boulets. L'Empereur, en le félicitant pour les résultats de la bataille lui dit : »Il y a sur le champ de bataille 300.000 combattants : eh bien ! Savez-vous quels sont les plus braves<, c'est votre cocher et votre postillon, car nous sommes tous ici pour faire notre devoir, tandis que ces deux hommes, n'étant tenus à aucune obligation militaire, pouvaient s'exempter de s'exposer à la mort ; ils ont donc mérité plus qu'aucun autre ! »

Après s'être fait longtemps tirer l'oreille, Masséna annonça qu'il leur donnerait, en récompense, à chacun 400 francs. Marbot, à qui le maréchal demanda si « ces hommes ne seraient pas satisfaits » répondit : « avec 400 francs de rente viagère, le postillon et le cocher seraient sur leurs vieux jours à l'abris de la misère ». Réaction immédiate du maréchal : « Malheureux !… Vous voulez donc me ruine !… Comment ! 400 francs de rente viagère !…C'est 400 francs une fois donnés !… » Or, Masséna avait, à ce moment, 900.000 francs de revenus par ans…
 
            Ombres et lumières.

Notes

Notes :
[1] Mémoires de Masséna, Paris, Jean de Bonnot, 1967, tome 6, p. 254
[2] Mémoires de Masséna, tome 6, p. 256
[3] Mémoires du général baron de Marbot Paris, Mercure de France, 2001 tome 1, p. 625
[4] Edouard Gachot, Histoire militaire de Masséna. Napoléon en Allemagne. Paris, Plon, 1913, p. 269-270
[5]Gachot,.p. 271-172
[6] Marbot, tome 1, p. 641
7] Marbot, tome 1, p. 638
Titre de revue :
Actes du Symposium international : La campagne de 1809, Vienne 4 et 5 juin 2009
Mois de publication :
juin 2009
Année de publication :
pp. 153-158
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