Bonaparte, la Corse et les Corses

Auteur(s) : KRAJEWSKA Barbara
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Napoléon n'a pas encore dix ans (1) lorsqu'il quitte la Corse (2) pour la première fois pour arriver au collège d'Autun le 1er janvier 1779 (3) et ensuite à l'école militaire de Brienne, le 12 mai de la même année (4). Bénéficiaire d'une bourse royale, il fera ses études en France (5) où, jeune écolier en proie à son mal de vivre, isolé et marginalisé, il se retirait au fond de son for intérieur dans un acte de résistance à l'hostilité de ses petits camarades français. Résister. Ce fut sa première action indépendante. Enfant de l'exil, abandonné des siens sur une terre étrangère, idéaliste et rêveur, il est corse, rien que corse et souhaite le demeurer. « Les peuples n'ont de force que par la nationalité », dira-t-il plus tard (6). En 1784, dans une lettre envoyée à son père (7), au lieu du broccio ou d'un autre délice corse, il lui demande de lui apporter de l'île l'Histoire de Corse de Boswell (8) et « d'autres histoires […] touchant ce royaume » (9). Son tempérament le porte spontanément vers ces rêves en prose, les textes sollicités exhibant la Corse idéalisée et embellie dans le souvenir d'un para-
dis perdu. Perdu plusieurs fois.
Oppressée par les conquistadors de tout poil dont les Phocéens (10), les Romains (11), les Sarrasins (12), Pise  (13) et les Génois (14), depuis 1768 sa Corse natale étouffe sous le « joug français » (15) qu'il désire secouer, fidèle à Paoli, son maître, son dieu (16). À Brienne, en pleine idolâtrie pour son héros, il perçoit la Corse comme un idéal gouvernemental et social, conceptualisé et atteint grâce à Paoli (17). Abandonné à lui-même, l'adolescent s'en remet à ce qu'on lui raconte et à ce qu'il lit. Sa Corse a des allures de paradis terrestre. C'est un système politique exemplaire qui abrite une société opulente, pacifique et harmonieuse. Un pays de toutes les perfections. Napoléon caressera cette chimère pendant toute son éducation en France. Il ne sait encore rien des hommes. Il court après un idéal.

Les textes de jeunesse sur la « patrie corse »

Il a vingt ans lorsque son projet se cristallise : il écrira un livre sur l'histoire de la Corse. Il en a fait la promesse à l'abbé Raynal. Un mois avant le début de la Révolution, le 12 juin 1789, il écrit à Paoli pour lui révéler son intention et lui dire ses craintes : « Quel que soit le succès de mon ouvrage, je sens qu'il soulèvera contre moi la nombreuse cohorte d'employés français qui gouvernent notre île et que j'attaque : mais qu'importe s'il y va de l'intérêt de la Patrie » (18). « L'amour de la Patrie est la première vertu de l'homme civilisé », dira-t-il encore (19). Dans ce livre, il voulait écrire l'histoire de son île et stigmatiser l'infamie de ses agresseurs. L'ouvrage devait être aussi une apologie de son peuple. « L'histoire de la Corse n'est qu'une lutte perpétuelle entre un petit peuple qui veut vivre libre et ses voisins qui veulent l'opprimer » (20). Longtemps nourri, le projet n'aboutira pas, Napoléon ayant soudain douté de son talent (21). Il n'est pas idéologue mais soldat. Et en uniforme ! Paoli aussi trouvait l'idée hasardeuse.« … l'histoire ne s'écrit pas dans les années de jeunesse », écrivait-il à Napoléon le 2 avril 1791 (22).
Nous gardons en revanche plusieurs autres textes de Napoléon consacrés à la Corse, dont surtout « Sur le Corse » (le tout premier manuscrit, rédigé à l'âge de dix-sept ans), « Sur l'histoire de la Corse » (écrit en 1787), « Nouvelle Corse », « Lettre à M. Giubega » et « Lettres sur la Corse à l'Abbé Raynal » (1789-1790). Diffus, déclamatoires et sentencieux – très corses dans leur verbe passionnel – lesdits textes sont une virulente diatribe contre la France, une plainte larmoyante où l'auteur pousse ses lamentations sur le sort des Corses « avilis plus que les bêtes » (23). Il fustige les abus du gouvernement en place, privant les Corses de leur liberté et les exposant à la merci de vils employés, « la tête pliée sous le joug pesant du militaire, du magistrat (et) du financier » (24). Nous sommes en plein dans le discours nationaliste corse dirigé contre la colonisation éducative (25), juridique et politique. La gallophobie de Napoléon ressort de toutes ses virgules, tout comme son dédain qu'il crache à la figure de ceux qui ne se rallient pas sans réserve à Paoli : « Mes compatriotes chargés de chaînes et qui baisent en tremblant la main qui les opprime ? » (26). On soupçonne dans cette haine la réminiscence du souvenir qu'il a gardé de sa première rencontre avec les Français. Ce fut dans sa salle de classe où il s'est trouvé au milieu des rafales de sarcasmes de ses petits camarades français. On ne guérit pas des blessures d'enfance. Toutes griffes dehors, Napoléon s'enflamme. Les Français, ces « hommes avec qui (il vit) et vivra probablement toujours ont des moeurs aussi éloignées des (siennes) que la clarté de la lune diffère de celle du soleil » (27). Les Français, ces « monstres » (…) « que l'on dit être ennemis des hommes libres » (28) doivent être chassés, la liberté de la Corse, retrouvée. « Chers compatriotes, écrit-il en 1787, dans son texte “Sur l'histoire de la Corse” (29), nous avons toujours été malheureux. Aujourd'hui, membres d'une puissante monarchie, nous ne ressentons de son gouvernement que les vices de sa  constitution… ». La narration exalte les souffrances des Corses et l'horreur de la France. Ce thème est développé
davantage dans un autre texte de Napoléon, « Nouvelle Corse » (30). Il s'agit de la glorification de la fuite, de la vie dans le maquis et de la résistance à l'envahisseur, thèmes chers aux « bandits d'honneur » corses. À travers des images de massacres et de carnages commis par les Français, Napoléon cherche la force de la parole. « … j'ai  juré sur mon autel, dit le patriote corse, protagoniste de l'histoire, (…) de ne plus pardonner à aucun Français (…). Après les avoir secourus comme hommes, nous les tuâmes comme Français » (31). En 1789, dans la « Lettre à M. Giubega » (32), le parrain de Napoléon, la domination de la France est qualifiée de « la tyrannie la plus affreuse », imposée par les Français « méprisables par leurs moeurs (…), leur conduite », et par leur « abjecte naissance », étrangers à la langue corse et à sa morale. Les accusations composent la part la plus corrosive du texte. On sent de forts accents nationalistes et – dirions-nous aujourd'hui – sépa ratistes. Les Corses, affirme Napoléon, sont exploités économiquement. « … Notre patrie est mal gouvernée. (…) Mais aujourd'hui, la scène a changé, il faut aussi changer deconduite. Si nous perdons cette occasion, nous sommes esclaves à jamais » (33). Il y va de l'honneur de la Corse, l'honneur contre lequel une nation « ne doit jamais rien faire […] car dans ce cas elle serait la dernière de toutes (et) il vaudrait mieux périr » (34). À l'époque de la rédaction des textes de jeunesse consacrés à la Corse, Napoléon a entre dix-sept et vingt-deux ans (35). Ses essais témoignent de son éveil intellectuel et du cheminement de sa pensée. D'une page à l'autre, il déroule l'écheveau de ses exaltations. Tout dévoué à ses études, il se cherche. La Corse prend toute la place dans sa réflexion. Les « Lettres sur la Corse » adressées à Necker en juin 1789, ont été rédigées pendant le séjour de Napoléon à Auxonne. Hésitant pour ses tours de syntaxe et d'apparat, Napoléon s'est tourné vers le Père Dupuy, son professeur de grammaire à Brienne, pour lui demander conseil. C'était à l'époque où il projetait d'écrire l'his-toire de la Corse. Le texte même fait défaut mais il existe deux réponses du Père Dupuy (36) nous permettant d'accéder à l'original. L'exorde de Napoléon est transcrite et corrigée en entier dans la première lettre et en partie dans la deuxième. Son style en est passionnel et ses descriptions passionnées car c'est par un verbe enflammé que Napoléon tenait à attirer l'attention du ministre sur le sort de son île, « désormais hideux nid des tyrans » (37), et à lui « faire entendre les cris et les gémissements de [s]es infortunés compatriotes » (38).

Résistance et insularité

À la lecture des textes de Napoléon sur la Corse, le parallèle avec la teneur du discours nationaliste contemporain est saisissant. Les siècles passent mais les éternelles hantises corses demeurent. L'esprit corse et la méthode corse marquent la vision politique, l'attitude et la morale. La résistance à l'occupant d'abord. Forgée par les siècles d'occupation étrangère, la résistance des Corses, acharnée et jamais domptée, imprègne toute la narration de Napoléon. C'est une résistance populaire et massive qui découle de la logique politique de la communauté insulaire. Conditionnée par les teintes conservatrices et archaïsantes de ses traditions ancestrales, repliée sur elle-même et attachée à ses anciennes structures et à sa nature première, forte de l'endurance à la douleur de ses plaies jamais cicatrisées et marquée par les images de ses villages razziés et brûlés et de ses populations massacrées et rendues esclaves lors des guerres qui ont dévasté la Corse (39), sa communauté est prête à déclencher les luttes les plus atroces pour préserver la transcendance de l'île. Napoléon est en proie aux mêmes émois. « Ainsi, les Corses ont pu, en suivant toutes les lois de la justice, secouer le joug génois (40) et peuvent en faire autant de celui des Français », écrit-il dans son essai « Sur la Corse », le 26 avril 1786 (41). Il a dix-sept ans. Il s'agit de la même dynamique du conflit éternel, à savoir l'opposition des Corses au pouvoir étranger (42). « La Corse est une nation indomptable », écrivait-il à l'abbé Raynal (43). La mer est un adage qui engage souvent la réflexion de Napoléon. Tantôt « la source de l'infortune et de la misère de [sa] patrie » (44), tantôt la « fatalité […] qui pour tous les autres peuples devin[t] la première source de richesse » (45), mais qui, pour la Corse, n'est qu'une funeste malédiction. De nos jours aussi, le thème de l'insularité revient souvent lors des débats sur la Corse. Omniprésente, la mer serait-elle, alors et toujours, un obstacle à l'ouverture de ses insulaires sur le monde ? Pour Napoléon, elle était avant tout le conditionnement qui a défini le destin de son pays et accompagné le sien avec ses vagues et, surtout, avec ses îles : Corse, Grande-
Bretagne, Elbe et Sainte-Hélène. La pensée de Napoléon reflète fidèlement cette vision qu'ont les Corses de leur pays natal (46), entouré de la mer qui le sépare du reste de l'univers et qui l'enferme dans sa différence et dans son incompatibilité irréformable. Tout ce qui vient d'au-delà de cette mer ne peut que lui porter atteinte. Napoléon : « Français, non contents de nous avoir ravi tout ce que nous chérissions, vous avez encore corrompu nos moeurs » (47). L'affirmation de cette différence et l'affirmation du droit de la préserver impliquent la sauvegarde de la réalité sociale et politique spécifiques, à savoir l'autonomie territoriale. Cette autonomie concerne une unité ethnique qui résiste à tout envahisseur dans un élan de défense de la terre des ancêtres. Cet espace mythico-historique, lieu d'origine de la communauté, la piève, engage à des luttes sans merci contre tout pouvoir étranger, désireux de s'en emparer. Colon Fora !, tague-t-on sur les murs en Corse. « Si je n'avais qu'un homme à détruire pour délivrer mes compatriotes, je partirais au moment même et j'enfoncerais dans le sein des tyrans le glaive vengeur de la patrie et des lois violées », poursuit Napoléon (48). C'est un discours teinté de mystique et de la gesticulation militaire corses et du romantisme révolutionnaire. La différence qui est à la source du système identitaire corse détermine aussi la perception de l'autre. L'autre, le non-Corse, est forcément un barbare, un colonisateur. Napoléon reste dans la logique idéologique ancestrale. Ses expressions prennent des formes radicales. « Quand la patrie n'est plus, un bon patriote doit mourir » (49). Dans un autre contexte, il affirmait que « tout ce qui rompt l'unité sociale ne vaut rien. Toutes les institutions qui mettent l'homme en contradiction avec lui-même ne valent rien » (50). La morale et les institutions de l'envahisseur, étrangères à celles de l'île, empêchent la société corse d'affirmer la plénitude de ses propres droits face à la suprématie de l'État étranger. Quelle que soit la perfection des institutions de ce dernier, rejetées au nom de l'indépendance, elles n'ont aucune chance d'être perçues comme une autorité unificatrice de la société locale, la seule force de l'unité sociale étant la haine de tous les Corses dressés contre un adversaire commun, l'État colonisateur. L'étranger, cet extra-terrestre persiflé, répudié et haï devient involontairement en Corse un facteur d'unité communautaire car représentant une menace pour la collectivité, il engendre la haine collective et brise ainsi l'immuable individualisme corse. Vue sous cet angle, la narration de Napoléon véhicule la même idéologie. Jusqu'en 1791, l'admiration de Napoléon pour Paoli a été inébranlable. Ce fut la leçon que son père lui avait apprise. Il s'agissait d'un culte poussé au fétichisme, d'un enthousiasme envers « U Babbu », considéré comme le père de la corsitude conquérante. Assimilé à un saint, Paoli incarnait pour Napoléon un idéal de justice, un modèle de héros, un archétype de bandit d'honneur. Refusant de reconnaître et de se soumettre au pouvoir étranger, préférant se donner la mort que mourir des mains de l'ennemi, prêt à se retirer du monde et à prendre le maquis pour fuir la répression, Paoli (51) était pour Napoléon la personnification du patriote corse (52). Le romantisme du symbole est saisissant. L'imaginaire attisé par la jeunesse ne pouvait qu'enflammer davantage son attachement pour la Corse et exalter l'audace de ces bandits/patriotes (53), nourris, aidés et protégés clandestinement par la population, menant au fond des bois une vie ardue de renoncement et d'abandon. L'image garde toute sa force. Vus rétrospectivement, lesdits textes de Napoléon et son lien avec la Corse, avant 1791, sont pleinement conditionnés par ses origines géographiques. Issu de la terre corse mais éloigné d'elle en France, et même lors de ses séjours en Corse, il ne souhaite que perpétuer les comportements gallophobes des Corses et le regard qu'ils portent sur le monde, en dépit de sa détermination de multiplier les angles de vue. La patrie, l'honneur, la violence, le banditisme, la liberté, la souffrance, l'héroïsme, l'économie, la politique, l'attitude à l'égard de la mort, la loi et la justice, la haine, le maquis, les moeurs, la morale, la lutte contre le pouvoir étranger, portent tous une empreinte corse. Il a été dit plus haut qu'à cette époque-là, Napoléon est fier d'être corse. Ses écrits en témoignent à travers les revendications qu'il formule, les thèmes qu'il aborde, les interprétations qu'il expose et l'affirmation catégorique de la vocation des Corses à se gouverner eux-mêmes. Ses origines insulaires déterminent son discours, conditionnent sa démarche, modèlent sa vision de l'univers. On peut y voir une ambition prophétique, née la tête dans les étoiles, certes, mais pleinement enracinée dans les rites, les symboles et les démons de son île.

Les années d’engagement

Napoléon retrouve sa Corse natale le 15 septembre 1786 (54). Il y retourne une nouvelle fois le 1er janvier 1788 pour y rester jusqu'au 1er juin de la même année. Il rentre à Paris et repart pour la Corse de nouveau en septembre 1789 (55). En France, depuis deux mois, sous le déferlement des canons, l'avalanche de la Révolution a emporté sur son passage, toutes les vieilleries de l'Ancien Régime. La Corse, elle, a barré la route à cette hécatombe. Arrivé à Ajaccio, Napoléon est stupéfié par l'immobilisme ambiant. Par l'absence du sens de l'urgence. Face aux transformations radicales de la métropole, cette torpeur sociale prend la dimension d'une paralysie. La Corse semble hors de l'histoire (56). L'Ancien Régime continue à y croupir dans ses vices, la cocarde blanche aux revers. Ce retour marque soudain le point de non-retour pour Napoléon. La vérité de la réalité locale le trouble. C'est à partir de ce moment-là que, tout tourné vers l'avenir, il se met à creuser son propre sillon. Il entend des anges à sa porte. Ses nouveaux enthousiasmes politiques lui interdiront toute voie médiane. Décidé à s'emparer de l'essentiel et à ne reculer devant aucune difficulté, il ne reprendra plus ses anciennes couleurs. La nouvelle idéologie devient le pivot de sa réflexion et, recueillant toute la lumière des métamorphoses sociales, Napoléon est prêt à saisir le désarroi ambiant et à en faire son allié. Sa propre histoire ne se détachera plus de l'histoire de France.
À Ajaccio, Napoléon se met à la tâche. Il propage les idées révolutionnaires, se détermine à tirer les Ajacciens de leur marasme politique, les engage à prendre la cocarde tricolore, ouvre un club, met en place la garde nationale. Ces initiatives lui vaudront de solides haines. Les autorités en place disposent de moyens de répression, certes, mais, face à la flamme du volcan Bonaparte, elles n'ont aucune influence sur les esprits. La riposte est immédiate. Le gouverneur de Bastia, Barrin, envoie le commandant Gaffori à Ajaccio. Celui-ci proclame l'état de siège, met le club à l'index, desti tue la garde nationale. Les événements dépassent et écrasent le gouvernement en place. Napoléon et ses compagnons se mettent dans l'illégalité face au roi. Ils restent ainsi dans la tradition du banditisme corse qui, nous l'avons vu plus haut, marque la spécificité spatiale et mentale. Elle est intemporelle. Les médias nous ont familiarisés avec les images des hommes cagoulés (57). L'analyse du symbole et de l'acte nous amène à une typologie. Il s'agit de la violence protestataire, dirigée contre le pouvoir en place mais aussi de la violence revendicatrice. Au coeur d'une impasse politique, c'est en pur Corse que Napoléon va manier d'un même élan l'idéologie, la méthode et les gens.
Dans sa façon d'engager l'affrontement contre l'État, d'abord à Ajaccio et à Bastia en 1789, ensuite à Ajaccio le 25 juin 1790, Napoléon a agi selon la méthode qui suit les modalités propres à la vendetta. Il a d'abord menacé, ensuite averti en indiquant la possibilité d'un conflit dans l'hypothèse où l'État ne répondrait pas aux revendications exprimées et, seulement là, il est passé à l'acte. Cette méthode élaborée et pratiquée dans la vendetta et adaptée par les nationalistes corses est perpétuée encore de nos jours où les actes contre l'État, toujours à ciel ouvert, sont montés dans le même esprit.
Les modalités de cette méthode reflètent les pratiques façonnées par la culture corse. C'est un rituel défini par les exigences d'une vision politique, par la revendication de la souveraineté populaire et par une éthique comportementale focalisée sur l'affirmation de soi. Il faut y voir un atavisme irréformable. Disposant de ressources de soutien d'une partie de la population et possédant aussi un appareil militaire, Napoléon et ses amis se sont engagés dans une guerre intestine. Il y en a eu d'autres avant, il y en aura d'autres après, toutes imposées par les anciens schémas mentaux.
Les bandits d'honneur corses étaient des hommes d'origine populaire ou plébéienne, dotés d'un talent d'organisation et nantis d'un charisme leur permettant d'exercer une certaine hégémonie sociale et de gagner le concensus de la communauté, doublé, il est vrai, de la peur des représailles mais aussi du mépris des forces de l'ordre officielles. Une élite très particulière. Issu de la petite noblesse, Napoléon en fut.
En 1789, tout inspirée par la Révolution, son action est motivée par des idéaux universels, certes, mais on peut y voir aussi une interprétation justificative de la rébellion perçue comme un acte de patriotisme concernant un territoire déterminé. Napoléon conserve ses racines insulaires. Cette année-là encore, mais plus pour longtemps, il souhaite l'indépendance de l'île (58). Il veut la Corse libre par lui. Sa stratégie politique ne sera pas négociée. Elle sera imposée. Nous sommes en plein mysticisme terroriste corse où la personnalité du leader rassemble, soude et construit autour de lui une force capable de braver toutes les résistances.
À Ajaccio, Napoléon renonce à une confrontation ouverte qui aurait été perçue comme une volonté séparatiste. On notera l'actualité du lexique. Il veut éviter une guerre civile sanglante qui opposerait les Corses patriotes aux Corses royalistes, mieux armés et plus nombreux. Les antagonismes d'antan se répercutent dans les inimitiés d'aujourd'hui, excepté la réticence à tirer sur ses frères.

Premier document politique

Le 31 octobre 1789, Napoléon rédige à Ajaccio un texte destiné à l'Assemblée nationale. Ce sera son tout premier document politique. Il y remet en question la légitimité des députés corses (59) de représenter la population de l'île (60) et dénonce les manipulations des « zélés royalistes » qui, soudoyés par la monarchie, ne font pas exécuter les décrets de l'Assemblée. Le ton du texte change radicalement par rapport aux fantasmes utopiques auxquels il s'adonnait à Brienne. La réalité politique corse lui apparaît soudain toute crue. Dans son texte, à coups de grandes envolées lyriques, Napoléon dénonce la corruption, la servitude des gouvernements, la langue de bois, les rapports truqués, les manipulations politiques des traîtres corses qui défendent les intérêts de la Cour en échange de pensions, décorations et autres faveurs.
L'heure étant à l'alternance, Napoléon fait preuve de flair. Il déplie ses cartes routières et, un samedi de novembre 1789, arrive à Bastia – la capitale de la Corse à l'époque – afin de poursuivre sa mission de tribun. Il distribue des cocardes tricolores et par ces actes illégaux il déclenche un séisme tirant l'ordre établi de sa léthargie. Ce faisant, Napoléon annonce sa couleur républicaine, certes, mais il reste aussi fidèle à la méthode corse : menace, avertissement, action. Des placards sont affichés la nuit par des patriotes, le gouverneur Barrin se voit envoyer des députations dans le but de le contraindre à autoriser le rassemblement des milices. Deux France se font face. La monarchique des Judas, stagnante, et la révolutionnaire des citoyens, en marche. L'essentiel politique s'étant déplacé, d'énormes enjeux dépendent de cette confrontation. Il faut imposer l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale en Corse.
La bourrasque de la Révolution à ses côtes, l'île prend le vent. Défenseur des libertés, partout où il passe, Napoléon fait florès. Il sent qu'il écrira une page d'histoire. Même plusieurs. Il prend un ton guerrier, durcit son discours et annonce des virages réformistes. Il forme le comité directeur. Entre méfiance et fougue, les Bastiais sentent basculer leurs anciens codes insulaires. L'idée d'indépendance brûle dans toutes les têtes. Le 5 novembre 1789, l'insurrection frappe de plein fouet les arrangements locaux. Barrin intime à Bonaparte l'ordre de quitter Bastia.
Le 30 novembre 1789, le couperet tombe. Napoléon savoure sa première victoire. L'Assemblée déclare la Corse partie de l'Empire français. « Ses habitants seront régis par la même Constitution » que les Français du continent et « dès ce moment le Roi est supplié d'envoyer tous les décrets de l'Assemblée nationale à l'île de Corse » (61). C'est une onde de choc. Elle révèle soudain un conflit inattendu entre Napoléon et Paoli (62). En Corse, on appelle cela « la lutte des envies ». Hier complices, adversaires aujourd'hui, ils se retrouvent en complet désaccord (63). La petite île n'a de la place que pour un héros. Conflit de personnes? Rivalité de pouvoir plutôt et, surtout, l'incompatibilité de la vision de l'avenir de la Corse, considérée depuis des années comme un territoire paria en raison de l'archaïsme de ses structures politico-sociales.

Divergences avec Paoli

Séparatiste, Paoli – considéré par l'Assemblée Nationale comme « le dictateur moral » des Corses (64) – avait souhaité l'indépendance de l'île. Ayant navigué vers d'autres rives, Napoléon, lui, dopé à l'opium de la Révolution, voulait qu'un lien fédératif la reliât à la France (65), tout en lui garantissant une certaine autonomie. Il rêvait « les Corses maîtres chez eux, seuls appelés aux emplois, se gouvernant eux-mêmes et délivrés de tout ce qui rappelait la conquête » (66).
Le schisme entre les deux hommes prend la valeur d'un symbole. D'un côté, Napoléon : le messianisme politique aux teintes novatrices et révolutionnaires, un apôtre francisé de la modernité et une passion des analyses justes et des larges horizons. De l'autre, Paoli : une vision décalée par rapport aux tendances historiques, un monolithe immuable dans ses certitudes, stagnant dans ses adhésions et induit en tentations à la George III (67). Un monde qui naît face à celui qui s'en va. Une jeunesse qui voit haut et loin face à l'âge qui s'essouffle. L'avenir contre le passé. Un enthousiasme solaire contre les ténèbres de la dictature.
Or, cet enthousiasme ne réussira pas à ébranler le passéisme des Corses ancrés dans la décadence de leur vie clanique, avec ses confuses passions nationalistes, ses intrigues de clocher, ses crispations de fanatisme politique fruste.
1791, date-clé. Le prélude à la disgrâce. Lors des élections législatives, fin septembre, à Corte, ce lieu mythique des séparatistes où se tiennent de nos jours les journées nationalistes, deux hommes montent au créneau. Paoli, totalement investi dans son ambition d'indépendance (68) et Napoléon, républicain pur et dur, rêvant pour l'île d'un avenir plus avantageux et, pour lui-même, plus phosphorescent. Il a besoin de conditions politiques qui lui soient profitables. Il les voit dans l'édification de l'État français. Il veut lancer des ponts car il sent que l'avenir – le sien et celui de l'île – est de l'autre côté de la mer. La rivalité des deux hommes prend un cours irréversible. Paoli décide de contrer les frères Bonaparte.

Nouvelles réflexions et nouveaux textes

Au cours de ces séjours corses, entre 1791 et 1793, la tonalité des textes de Napoléon prend de nouveaux accents. Nous sommes loin de ses écrits de réflexion d'antan. À présent, ses intérêts sont plus méthodiques. Il écrit en homme d'action en quête de stratégies et de solutions. Il formule des règlements, rédige des mémoires apologétiques et des projets militaires, tous ayant trait à la Corse (69). Ce sont-là les derniers échos de son ancien enthousiasme inconditionnel pour son île.
La rivalité entre Paoli et Napoléon s'étend entre 1791 et 1793. Au bout, fut le départ définitif de Napoléon de Corse (70). « Questo paese non è per noi », aurait dit sa mère, Letizia, en pliant bagage. Avec ses deux cadets, Jérôme 9 ans et Louis 14 ans, elle s'enfuit d'Ajaccio devenu soudain un nid de vipères. Ayant échoué à saisir Napoléon, assoiffés de vengeance, ses compatriotes d'anti-partitù frapperont bien à la manière corse : en pillant la maison jusqu'au dernier gond d'abord, en l'incendiant ensuite. « Les trahisons […] préparent des triomphes, écrivait Napoléon à l'Abbé Raynal, [mais] ils sont de courte durée » (71). La chute de Paoli était proche. Arrivé à Toulon le 13 juin 1793, Napoléon a tourné le dos à son île une fois pour toutes, sans jamais se retourner. Totalement investi dans l'action, obéissant à un mystérieux appel que rien ni personne ne pouvait étouffer, il a entamé son périple vers les étoiles. Il s'agit d'une prise de conscience définitive et salvatrice. Elle est le fruit d'une lente et minutieuse élaboration. Et d'une expérience douloureuse des êtres et des choses. On se rappelle la nostalgie de Napoléon et sa vision idéaliste de la Corse, inspirées par sa jeunesse et le mirage de l'éloignement. On se rappelle l'image irréaliste qu'il en avait donnée dans ses premiers textes sur la Corse, en 1786, dont sa lettre à Necker. Mais entre 1789 et 1790, le regard qu'il porte sur l'île prend une nouvelle couleur. Il rejette toujours la domination française mais la société corse, elle, se voit attribuer des traits plus réalistes. Il s'agit de son esquisse sur l'histoire de Corse, la dernière trace de son intention d'en écrire un livre : « Lettres à l'Abbé Raynal sur la Corse » (72).
Dans le pathos exaltant la patrie, Napoléon y passe en revue des héros corses (73), parvenus à régner « à force d'intrigues et d'assassinats » (74), et avec cet éclatant défilé, il brosse l'histoire de l'île. Le mal y est souvent pris pour le bien qui brille de toutes ses vertus dans le sang et dans la vengeance. On s'élimine à coups de complots et à coups de stylets. On se déchire, on s'épie et on s'assassine (75). La lecture du texte devient vite éprouvante. On n'oublie pas que, selon l'auteur même, c'est « avec la rapidité du Rhône » que le sang méridional coulait dans ses veines (76). Son imagination méridionale aussi.
Dans ces « Lettres », Napoléon expose une société longuement constituée sous les influences nocives des colonisateurs, de ces « peuples qui s'entre-tuent pour les querelles de famille » (77). Gênes, par exemple, qui aurait pollué la Corse de son esprit de faction et d'intrigue, de guerres incessantes des partis, des cabales, des familles, et du suprême « chef-d'oeuvre » de sa politique, à savoir « armer le fils contre le père, le neveu contre l'oncle, le frère contre le frère » (78). Les jours du Corse « sont flétris par l'avidité […], le soupçon et l'ignorance de ceux qui au nom du Roi disposent des forces politiques » (79). La Corse aurait subi les empreintes perverses des occupants qui ont réussi à démoraliser la population avec leurs crimes et leurs châtiments, avec le poison de leur délire incendiaire. « L'île fut divisée en autant de puissances qu'il y eut de familles (80) qui se faisaient la paix ou la guerre selon leur caprice et leur intérêt » (81). L'on sent, sur ces pages, un effort désespéré de Napoléon de garder intactes ses mirages car il soupçonne la vérité mais n'ose l'avouer. Il cherche à s'accrocher encore à une raison, à une justification quelconques ou à une figure de style bien sonnante lui permettant de ne pas condamner son île. Mais il est difficile de recoller les morceaux. Il est trop jeune pour savoir que tout lecteur averti lira plutôt entre les lignes. Dans son île, on vend la patrie, on sème des ragots assassins, on abhorre, convoite et pille. C'est un quotidien (sur)vécu à coups d'intrigues et d'attentats, noyé dans l'impossibilité de nouer des alliances stables. Nous sommes dans la Corse éternelle. « La Corse est un peuple extrêmement difficile à connaître ; ayant l'imagination très vive, il a les passions extrêmement actives » (82), écrivait Napoléon. Les passions peut-être, la violence sans doute. Jamais démodée en Corse, acceptée, valorisée et valorisante, exaltée même, institutionnalisée au nom de la raison d'État. « La justice criminelle », selon le mot de Napoléon (83). Un comportement inadmissible partout ailleurs, mais reconnu par les Corses comme leur. Ils y sont habitués et en sont habités. « En Corse, les sentiments et ressentiments s'exacerbent subitement pour un mot, pour une image, pour un symbole » (84). Ou pour une citerne d'eau (85). Traditionnelle des moeurs séculaires, la violence est devenue un syndrome définissant la Corse comme une entité ethnique reconnaissable par l'usu corsu où la violence fonctionne comme une méthode d'agir tout instinctive, envenimée par un goût maniaque de la discrétion et un culte paranoïaque du secret. La vendetta et le banditisme perçus comme des vertus de toutes les sublimations font partie intime de la nature profonde du peuple. Les Corses sont avides de pouvoir, dit-on. Pour y accéder ou pour combattre celui qui leur est imposé, ils sont capables des pires brutalités car c'est par la violence qu'ils affirment la plénitude de leurs droits et c'est à coups de feu et de couteau planté entre les omoplates (86) qu'ils choisissent de la préserver. La violence est perçue comme la force mise en oeuvre au nom de l'honneur qui constitue la vertu essentielle de l'éthique corse et l'affirmation ultime de la liberté de soi. Napoléon s'y réfère souvent dans ses écrits. « La vengeance [est] un devoir […] imposé par le ciel et par la nature » (87). L'individualisme insulaire, l'égocentrisme, le carriérisme débridé, l'envie et la jalousie poussent le Corse vers la recherche continue d'un ennemi contre lequel se dresser. Pour le Corse, un adversaire est une promesse d'affrontement, une raison d'être. L'adversaire ratifie l'affirmation de ses choix et l'engage à combattre les choix d'autrui, l'État étranger étant l'adversaire suprême. Il est le seul contre lequel le Corse peut entrer en alliance – toute provisoire – avec ses compatriotes.

Émancipation et rupture

Tout, dans sa vie, est dissension, antagonisme, rivalité, un conflit permanent des éléments qui ne peuvent et ne doivent que se nuire et se heurter, l'exercice des inimitiés définissant la dynamique conflictuelle de la susceptibilité corse (88), la vendetta – pratiquée comme une forme première de justice – étant l'affirmation la plus éloquente de l'exploitation de la haine. Ce que les Corses appellent la « violence mère » est l'expression de cette haine, mais elle est aussi une arme au service de l'honneur et de la loi. L'ambivalence des valeurs est entière.
Le ton est donné. C'est à coups de plume d'abord que Napoléon confessera son choc d'avoir saisi une réalité trop sombre et trop lourde à (sup)porter. Son instruction est accomplie. Son émancipation vis-à-vis de la Corse aussi. Il a 24 ans.
 Républicain, tourné vers le renouveau, il se retrouve en Corse au milieu de dogmes d'un autre âge, dans un cortège d'oisifs tournant le dos à l'histoire en marche. Le souffle large, une vision de l'avenir lumineuse, ses jugements bien établis et l'ambition de sauver et de refaire le monde, Napoléon devient soudain étranger chez lui, dans cette Corse figée dans le crépuscule. Son sens politique de grande envergure conduit à sa démarcation bien tranchée qui aura des conséquences immédiates et des résultats lointains. Son admiration pour Paoli a défailli, leur rupture est consommée face à ses conclusions politiques irréversibles. Celles-ci, trop républicaines, trop rousseauistes et trop modernistes (89), sont perçues comme suspectes, tout comme Napoléon, devenu soudain un mauvais génie à cause de sa formation faite en France, à cause des alliances politiques de son père et des fréquentations de sa mère. On se souvient qu'elle a reçu Marbeuf (90). Napoléon devient la cible des attaques, de petites avanies et d'outrages ouverts (91). Un paria, un étranger, un Sarrasin. Aux yeux des « purs », son corsicanisme est définitivement brisé. Lui sent son adhésion à la Révolution stabilisée. Elle va bientôt se radicaliser. Il faut y voir sa volonté d'exercer sa faculté de mimétisme face aux transformations en marche, imposées par la Révolution avec ses institutions, sa démocratie, la souveraineté du peuple, dont la Constitution de 1793 est la plus parfaite expression.
Le mémoire sur la « Position politique et militaire du département de Corse au 1er juin 1793 » est le tout dernier texte de Napoléon sur la Corse, écrit dans la fièvre de la fuite, les voiles déjà hissées. Cerné dans le dédale de la chienlit politique, menacé d'arrestation par les paolistes indépendantistes, le texte est son dernier coup de plume contre Paoli qui, « le fiel dans l'âme », menace, brûle et tabasse. « Le vieux chef qui ne voulait que l'on ne vît que par ses yeux et que l'on ne jugeât que par sa conscience » (92). Et qui – ultime outrage – montait difficilement à cheval !
Tel un fauve qui sent la forêt, Napoléon suivra désormais sa voie personnelle. Accroché à ses ambitions et séduit par une autre éthique, il ne courra plus que les risques indispensables et utiles à son ascension sociale. Car, bien que dégoûté de la Corse – et le mot n'est pas trop fort – Napoléon, issu de ses entrailles populaires, subira toujours les influences de ses origines.
Le carriérisme, la passion du pouvoir, la rivalité, l'égocentrisme, l'opportunisme, le goût de la confrontation, le népotisme et l'obsession de la réussite, tel était, selon certains, son sacerdoce corse. Ce seraient ces attributs typiquement corses qui auraient déterminé la virtuosité de Napoléon. Porté par les uns, combattu par les autres, Napoléon a connu une carrière qui se nourrissait de périls et d'échecs se transformant en rebonds surprenants. Sa nature profonde corse remontait à la surface pour lui inspirer tractations, arrangements et alliances lui permettant de ne pas quitter le devant de la scène.

Notes

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(1) Né à Ajaccio, le 15 août 1769.
(2) Le 15 décembre 1778. La Corse compte aujourd'hui 260180 habitants dont
150 000 Corses d'origine. Elle représente 0,5 % de la population française. Excepté la Corse et la Crète, toutes les autres îles de la Méditerranée ont un statut d'autonomie.
(3) Il y resta jusqu'au 12 mai 1779.
(4) Jusqu'au 3 octobre 1784. Sa soeur Élisa fut placée, à la mêmeépoque, à Saint-Cyr.
(5) Après Brienne, ce fut l'école militaire de Paris (30 octobre 1784 - 30 octobre1785) et le régiment de la Fère, à Valence (novembre 1785 - septembre 1786).
(6) Pensées et Maximes, Paris, A. Philippe, 1844, p. 44.
(7) Frédéric Masson et Guido Biagi, Napoléon Inconnu, 1786-1793, Paris, P. Ollendorff, 1895, t. I, p. 82.
(8) James Boswell a fait un voyage en Corse en 1765 afin d'yrencontrer Pascal Paoli, à Sollacarò. Il était muni d'une lettre de recommandation de J.-J. Rousseau. Le livre de Boswell, Account of Corsica, a été publié à son retour en Angleterre.
(9) Napoléon Inconnu, 1786-1793, op.cit., t. I, p.83.
(10) 600 avant J.-C.
(11) De 238 à 162 avant J.-C.
(12) IXe-XIe siècle.
(13) À partir de 1078.
(14) Gênes s'est approprié la Corse au XIVe siècle.
(15) La défaite des troupes de Paoli à Ponte Novu, le 8 mai 1768. Le 15 mai 1768, lors du « contrat de Versailles » entre E. de Choiseul pour la France et D. Sorba pour Gênes, la République de Gênes a cédé la Corse à la France de Louis XV.
(16) Pascal Paoli (né le 5 avril 1725, à Morosaglia) a proclamé l'indépendance de la Corse en 1759, après avoir été nommé (le 14 juillet 1755) général en chef de la Nation corse. La première révolution corse (1729) a abouti aussi à l'indépendance de l'île qui, pendant quinze ans, a fait de la Corse l'une des premières démocraties dans le monde. Au XVIIIe siècle, la Corse a été indépendante par deux fois, sous Paoli qui a reçu tous pouvoirs d'organiser l'État corse. Voir H. Cristiani, Pascal Paoli. Sa vie, son oeuvre, Tomasi, Ajaccio, 1964.
(17) Il est vrai que la constitution très progressiste que Paoli a donnée à la Corse était la première où s'exprimaient des idées de démocratie moderne. Paoli a éradiqué la vendetta par des démarches juridiques, selon le modèle génois.
(18) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p.65.
(19) Opinions et Jugements, Paris, Duféy, 1838, p. 315. La plupart de ses jugements ont été formulés lors de son exil à Sainte-Hélène.
(20) Napoléon Inconnu, « Lettres sur la Corse », op. cit., t. II, p. 129.
(21) Napoléon Inconnu, « Lettres à l'Abbé Raynal », op. cit., t. II, p. 131.
(22) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 199.
(23) Napoléon Inconnu, op. cit., t. I. p. 141.
(24) Napoléon Inconnu, op. cit., t. I, p. 67.
(25) La langue française n'a été introduite dans les écoles en Corsequ'en 1853. Aujourd'hui 70 % de la population corse comprend le corse.
(26) Napoléon Inconnu, op. cit., « Sur la Corse », 3 mai 1786, t. I, p. 145.
(27) « Sur la Corse », op. cit., t. I, p. 146.
(28) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 78.
(29) Napoléon Inconnu, op. cit., t. I, p. 184.
(30) Manuscrit XXXV, Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 75.
(31) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 81.
(32) Manuscrit XXXVI, Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 84. Revue du Souvenir Napoléonien n° 457
(33) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 86.
(34) Opinions et Jugements, op. cit., p. 315.
(35) D'aucuns estiment que la politique corse de Napoléon se résume en trois étapes : exploitation militaire, abandon, répression. On y ajoute une étape, la première, celle de la théorisation idéaliste.
(36) 15 juillet et 1er août 1789.
(37) À Buttafoco, 23 janvier 1791, Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 186.
(38) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 67.
(39) Du XIIe au XIVe siècle, lors des occupations particulièrement brutales.
(40) La Corse se souleva contre la domination génoise en 1764.
(41) Napoléon, Manuscrits Inédits, op. cit., t. I, p. 144. Le refus de la France a été particulièrement fort entre 1769 et 1820, période d'une guérilla très déterminée dans ses combats. C'est une période d'émeutes et de séditions incessantes.
(42) Paoli :« Tous les Corses devraient être soldats et membres de la milice pour défendre la patrie », cité après McLaren, Corsica Boswell, Londres, Secker & Warburg, 1966, p. 148.
(43) « Lettres sur la Corse à M. l'Abbé Raynal », dans : Manuscrits Inédits, Masson et Biagi, Paris, 1907, p. 15.
(44) Napoléon Inconnu, « Sur la Corse », op. cit., t. I, p. 146.
(45) « Lettres sur la Corse à M. Necker », Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 67.
(46) On notera la fascination quasi obsédante d'Angelo Rinaldi pour la Corse. Revue du Souvenir Napoléonien n° 457
(47) Manuscrits Inédits, op. cit., p.6.
(48) Napoléon Inconnu, op. cit., « Sur la Corse », 3 mai 1786, t. I, p. 146.
(49) Ibid.
(50) « Réfutation de Roustan », dans : Manuscrits Inédits, op. cit., p. 8.
(51) En 1793, sous la Terreur, suspect de libéralisme et de modération, Paoli est sommé par la Convention de se rendre à Paris. Sachant qu'il serait condamné à la guillotine, Paoli refuse. Voir sa lettre adressée à la Convention, dans : Corsica Boswell, op. cit., p. 193 et aussi celle qu'a écrite Napoléon pour défendre Paoli, en dépit de leur rivalité, ibid., p. 196.
(52) Voir la très passionnelle lettre de Napoléon à Buttafoco (23 janvier 1791) où le jeune Bonaparte exalte les mérites de Paoli et le patriotisme corse (Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 180).
(53) Le fameux bonnet que portent les nationalistes corses est, lu iaussi, chargé de symboles. Selon les Corses, il évoque les anciens casques romains. Les Génois, eux, soutenaient qu'il évoquait le bonnet que portaient les bandits corses qui pillaient sur les routes. Voir la lettre de Paoli à Boswell, 28.12.1765, dans : Corsica Boswell, op. cit., p. 127.
(54) Il y est resté jusqu'au 12 septembre 1787, sans laisser de textes.
(55) Son séjour durera jusqu'au mois de février 1791.
(56) Il est vrai qu'à cette époque-là, les Corses étaient tenus dansl'ignorance. Peu d'entre eux parlaient français, peu savaient lire. Les journaux, tous publiés en français, étaient rares et difficilement accessibles.
(57) La plus célèbre ayant été transmise lors de la fameuse confé-rence de presse de Tralonca, en janvier 1996, à laquelle ont participé 600 nationalistes armés jusqu'aux dents. Revue du Souvenir Napoléonien n° 457.
(58) La première organisation indépendantiste (« bande d'Aïtone ») a été créée à Aïtone par Théodore Paoli, appelé « le roi des bandits » ou « le roi des montagnes ».
(59) Appelés « la commission des Douze ».
(60) Le comte Buttafoco surtout, qui représentait la Noblesse à l'Assemblée. Considéré comme le pire traître par les Corses car il a composé avec les Français. Sa maison a été saccagée, brûlée, sa vie mise à prix. En 1768, il a dû se mettre à l'abri de l'armée française. Ironiquement, c'est lui qui représentait les Corses aux États généraux, après le 14 juillet 1789. Il faut signaler une très violente lettre de Napoléon à Matteo Buttafoco (Manuscrit XXVIII) datée du 23 janvier 1791 où ce dernier est considéré comme un traître et accusé « d'avidité de valet ». L'homme « tout dégouttant du sang de ses frères, souillé par des crimes de toute espèce ». Buttafoco a traité Paoli de « charlatan politique » (Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 124), dans un manifeste diffusé dans l'île. On signale également la lettre de Paoli à Napoléon du 2 avril 1791, où l'on lit à propos de Buttafoco : « ... cet homme ne peut avoir de crédit auprès d'un peuple qui a toujours estimé l'honneur » (Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 199). Il est intéressant de noter que Paoli n'écrivait qu'en italien (il a fait ses études à Naples) et en français, jamais en corse.
(61) Napoléon Inconnu, op. cit., t. I, p. 100.
(62) Il est rentré au pays de son premier exil à Londres. Il avaitquitté la Corse pour 20 ans, le 11 juin 1769, avec d'autres résistants corses, hostiles à la France. Avant de regagner la Corse en 1790, Paoli a été reçu par le roi et la reine à Paris et, le 22 avril, par l'Assemblée nationale qui l'a nommé président de l'Assemblée corse et Lieutenant-Général commandant en Corse.
(63) En 1854, on a érigé une statue de Paoli à Corte et une autre,de Napoléon Ier, à Bastia.
(64) Manuscrits Inédits, op. cit., p. 105.
(65) En 1919, Clemenceau voulait aussi transformer la France enune fédération avec l'indépendance accordée aux régions. Léon Blum préférait aussi une France fédérale à l'image des USA (voir son livre, À l'échelle humaine).
(66) Manuscrits Inédits, op. cit., p. 105. La corsisation des emplois que revendique Napoléon est tout à fait moderne. Aujourd'hui, 80 % des emplois créés sur le caillou seraient accordés à des Français du continent. Il y a 11,1 % de chômeurs en Corse et, selon les nationalistes, on assiste à une décorsisation effrénée des emplois publics.
(67) Paoli admirait la Constitution britannique et souhaitait l'unionpolitique de la Corse avec l'Angleterre, sous la protection du roi, George III. Voir sa déclaration adressée aux Corses, le 1er mai 1794 dans : Corsica Boswell, op. cit., p. 202.
(68) Paoli était prêt à tolérer la présence de la France et à accepter pour la Corse le statut de département français à condition de pouvoir exercer sur l'île un pouvoir sans partage. Un feu vert pour des subsides français, pour la rémunération des fonctionnaires, armes et munitions, mais un veto catégorique contre l'hégémonie française, sa langue et ses moeurs. Pour asseoir son autorité locale sans partage, émanant exclusivement de lui, Paoli soutenait Bastia contre Ajaccio. La rivalité entre les deux villes est ancienne : la Haute Corse puritaine contre la Corse du Sud, plus tolérante.
(69) Quelques titres : « Règlement pour la police et le service de Bataillon des Gardes Nationales volontaires », « Mémoire justificatif du Bataillon des Volontaires sur l'émeute d'avril », « Projet d'une nouvelle attaque de la Magdelaine », « Projet pour la défense du golfe d'Ajaccio », « Protestation des Volontaires au sujet de l'abandon de la contre-attaque de la Sardaigne », « Mémoire sur la nécessité de se rendre maître des îles de la Magdelaine », « Projet pour la défense du golfe de Saint-Florent », Manuscrits Inédits, 1786-1792, op. cit.
(70) Paoli a repris le chemin de l'exil vers Londres pour la seconde fois, en 1796. Mort à Londres en 1807, à l'âge de 82 ans, sa dépouille a été rapatriée en Corse en 1889. Celle de Napoléon de Sainte-Hélène en 1840. Deux destins entrecroisés même après la mort.
(71) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 161.
(72) Napoléon Inconnu, 1789-1790, op. cit., t. II, p. 127. Paoli les a trouvées « trop partiales » (voir sa lettre à Joseph, 15 août 1791).
(73) Entres autres, Sinuello della Rossa qui, en 1248, a pris lemaquis, luttant contre Gênes,Vincentello d'Istria (1405), Polo della Rocca (1438), Raffaello da Leca (1455) pour ne citer que ceux-là qui ont marqué l'histoire très agitée de la Corse au XVe siècle.
(74) « Lettres à l'Abbé Raynal », op. cit., t. II, p. 163.
(75) Parfois entre époux. Sampiero fut assassiné, en 1567, par lesCorses commandés par la famille de sa femme qu'il avait tuée en 1563.
(76) Lettre de Napoléon à un ami, Naudin, 27 juillet 1791.
(77) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 129.
(78) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 139.
(79) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 131.
(80) Les grandes dynasties corses dont sont et ont été issus les chefsde parti : Bonaparte,Pietri, Roccaserra, Peretti, Ortoli, Giacobbi, Ornano, Rossi, Bozzi, Zuccarelli, Rocca-Serra, Colonna.
(81) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 175.
(82) Opinions et Jugements, op. cit. p. 315.
(83) « Lettres sur la Corse à M. l'Abbé Raynal », Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 174.
(84) Marie-Hélène Mattei, Le Nouvel Observateur, 20-26 juillet 2000, p. 25.
(85) Le grand-père de François Santoni (ex-leader nationaliste) aété assassiné pour ce motif.
(86) Par exemple la tuerie sauvage entre Marcel Lorenzoni (un desdirigeants de la Cuncolta) et de son f ils, Pierre, qui se sont entre-tués à coups de couteau.
(87) « Lettres à l'Abbé Raynal », op. cit., t. II, p. 157.
(88) Il faut signaler un ouvrage entièrement consacré à cettethématique, José Gil, La Corse entre la liberté et la terreur, Paris, La différence, 1991.
(89) Il est vrai que Paoli a aussi admiré les idées libérales de J.-J.Rousseau.
(90) Louis Charles-René, comte de, général (1712-1786). Le mêmequi, le 30 juillet 1768, est entré dans le Nebbio, en Corse, à la tête de 5 000 soldats français.
(91) Pozzo di Borgo, un ardent paoliste, s'est lancé dans la vendetta sans merci contre les Bonaparte.
(92) Napoléon Inconnu, op. cit., t. II, p. 462. Revue du Souvenir Napoléonien
n° 457.


Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
457
Numéro de page :
12-23
Mois de publication :
février-mars
Année de publication :
2005
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