Bonaparte, précurseur en matière de lutte contre la drogue ?

Auteur(s) : RIAUD Xavier
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L’Egypte… Une chaleur énorme… Un ravitaillement inexistant… Peu d’eau…

Des tribus en perpétuelle insurrection… Des actes de terrorisme où toutes les armes sont employées… Des épidémies à répétition… Une contrée étrangère loin des proches des soldats… Le désoeuvrement… Plus le temps passe et plus le moral est bas… Autant d’éléments favorables à l’oubli dans des paradis artificiels justifiant l’absorption de substances illicites (Castelot, 1967). Au cours de la campagne en Egypte, les soldats français découvrent malheureusement le haschisch, ses mirages et ses risques (Fabre, 2010). Les médecins de la section de physique et science naturelle de l’Institut d’Egypte constatent les effets locaux ravageurs de la consommation du chanvre. Il y est mélangé à de l’opium ou à de l’hellébore. L’ensemble est présenté sous forme de confiture que les autochtones appellent le dyâsmouck (= médicament musqué), car y étaient inclus du musc, du girofle et d’autres essences (http://fr.wikipedia.org (a), 2010). D’ailleurs, de retour de la campagne d’Egypte en 1801, Desgenettes (1762-1837) présente pour études, à l’Académie des sciences, les premiers échantillons de haschisch jamais ramenés en France (Ganière, 1988 & Riaud, 2010).

Il existe une longue tradition orientale du haschisch…

…qui déferle dans tout l’Orient, de la Syrie à l’Egypte, dès le XIème siècle. En 1378, l’émir ottoman Soudoun Scheikhouni décrète un des premiers textes de loi interdisant son usage (Fabre, 2010). Mais, la progression se poursuit vers le Maroc, puis l’Espagne où l’Inquisition, dès le XVIème siècle tente de faire barrage à l’épidémie. Le premier texte sur le sujet paru en Occident a été écrit par un médecin portugais Garcia da Orta (1500-1568). Il s’intitule Colloque des simples et a été publié en 1563. Après la mort du médecin, son corps et son livre sont malgré tout brûlés par l’Inquisition en auto da fé (Fabre, 2010).

Constatant les dégâts causés par cette substance sur ses hommes, … ayant de plus été agressé peu après son arrivée en Egypte, par un fanatique musulman en état d’ivresse cannabinique, Bonaparte a pris en conséquence la décision d’interdire « l’usage de la liqueur forte faite par quelques musulmans avec une certaine herbe nommée haschisch, ainsi que celui de fumer la graine de chanvre. »

L’agression serait d’après Max Gallo (1998) survenue au moment de l’entrée à Alexandrie, le 1er juillet 1798 (Castelot (1967) date l’entrée à Alexandrie le 2 juillet et ne mentionne pas cet attentat. Marchioni (2003) affirme que Bonaparte est entré dans la nuit du 1er au 2). Un musulman aurait tiré depuis une maison sur Bonaparte à cheval qui aurait reçu la balle dans sa botte gauche. Le général n’aurait pas été blessé. L’agresseur, entouré de six fusils, a été abattu (Gallo, 1998). Tous les auteurs consultés, du moins ceux qui en parlent, font état de cet événement dans les jours qui suivent l’entrée de Bonaparte à Alexandrie.

Sous l’injonction de Bonaparte, le général en chef Abdallah Jacques Menou aurait promulgué un ordre du jour (le n° 11 ( ?)) du 17 vendémiaire an XI (9 octobre 1800). Cette ordonnance entendait mettre un terme à la consommation de haschisch et de graine de chanvre par les soldats du corps expéditionnaire (Fondation Napoléon, 2010). Pour la première fois, il était fait ouvertement mention du cannabis et de ses risques dans un texte. Pour ceux qui enfreignaient cette ordre, il aurait été prévu une peine de prison de 3 mois (http://fr.wikipedia.org (b), 2010 ; Escohotado, 2004 ; Fabre, 2010).

De la peste et du typhus d’Orient

En 1840, le docteur Louis Aubert Roche publie son célèbre ouvrage De la peste et du typhus d’Orient où il préconise l’emploi du haschisch comme remède médical de choix contre certaines maladies contagieuses. La première loi française, quant à elle, qui réglemente la cession des substances vénéneuses afin d’en limiter la vente, dans le but de limiter les empoisonnements, n’est votée que le 19 juillet 1845. Le 29 octobre 1846, sur arrêté royal, une classification des substances « vénéneuses » est réalisée sur un tableau unique incluant l’arsenic, l’opium et la morphine. Un premier texte aurait vu le jour en 1682 qui avait pour objectif de prévenir les empoisonnements à l’arsenic  (http://fr.wikipedia.org (c), 2010).

Bonaparte est donc bien le précurseur en France en matière de lutte contre la drogue.

Références bibliographiques

– Castelot André, Bonaparte, Librairie Académique Perrin, Paris, 1967.
– Escohotado Antonio, Histoire générale des drogues, L’esprit frappeur (éd.), Paris, 2004.
– Fabre André, De grands médecins méconnus…, L’Harmattan (éd.), Collection médecine à travers les siècles, Paris, 2010 (à paraître).
– Fondation Napoléon, communication personnelle (lettre adressée au Dr Fabre André qu’il m’a gentiment faite parvenir), Paris, 2010.
– Gallo Max, Napoléon – Le chant du départ, Magellan (éd.), vol. 2, Paris, 1998.
– Ganière Paul, « Dubois Antoine (1756-1837), médecin », in Revue du Souvenir napoléonien, décembre 1988 ; 362 : 51-52.
– Ganière Paul, « Desgenettes, René-Nicolas (1762-1837), médecin », in Revue du Souvenir Napoléonien, http://www.napoleon.org, Fondation Napoléon, 1988, pp. 47-48.
http://fr.wikipedia.org (a), Description de l’Egypte, 2010, pp. 1-6.
http://fr.wikipedia.org (b), Histoire du chanvre, 2010, pp. 1-6.
http://.fr.wikipedia.org (c), Prohibition des drogues, 2010, pp. 1-11.
– Marchioni J., Place à Monsieur Larrey, chirurgien de la Garde impériale, Actes Sud (éd.), Arles, 2003.

Titre de revue :
Inédit
Mois de publication :
Septembre
Année de publication :
2010
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