Tout commence un matin de mars 1815, sur une plage du Golfe-Juan. De retour d’exil, Napoléon Ier pose le pied sur le sol français. L’épisode est célèbre, presque mythique. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’un prince monégasque, Honoré V, fut l’un des premiers témoins de ce retour. Suite au traité de Paris, il revient prendre possession de ses États quand il rencontre l’Empereur sur la plage. Alexandre Dumas a raconté la scène à sa manière, c’est-à-dire romancée.
Si le prince ne suivit pas Napoléon jusqu’à Paris, il avait plutôt figuré aux avant-postes de l’épopée consulaire et impériale. Malgré la perte de la Principauté rattachée à la France en 1793, Honoré s’engage dans la cavalerie française et combat à Hohenlinden. En 1807, aide de camp de Murat, il participe à la bataille d’Eylau où il s’illustre, ce qui lui vaut de recevoir la Légion d’honneur. Ensuite, il devient Premier écuyer de Joséphine, ce qui lui donne un rang enviable à la cour mais reste peu de temps en fonction car un peu fâché avec les comptes, ce qui tombe mal au sein d’une Maison de l’impératrice plutôt dépensière comme on le sait…
Avant de disparaître en 1841, il publie un essai novateur sur le paupérisme, quatre ans avant celui d’un certain Louis-Napoléon Bonaparte. Un premier rapprochement encore lointain entre le futur Napoléon III et la principauté avant que les liens ne se renforcent lorsque Charles III succède à son père Florestan (qui lui-même avait pris la suite de son frère Honoré) comme prince régnant de Monaco en 1856. Souvent invité à la cour impériale, il est ainsi très apprécié par le Second Empereur. Prince visionnaire, il modernise son territoire avec le soutien implicite de l’Empereur.
Avec Napoléon III, l’amitié est aussi politique. Il y eut en effet plus qu’une simple entente entre eux. Les deux souverains s’apprécient, s’influencent, se comprennent. Après le rattachement en 1860 de Nice à la France, une nouvelle impulsion est donnée en terre monégasque. En 1861, grâce à Napoléon III, un traité définit la nouvelle principauté, celle que nous connaissons aujourd’hui. Avec la famille Grimaldi, Napoléon III se comporte en ami bienveillant. Dès lors, Monaco vécut vraiment à l’heure du Second Empire, de l’économie aux beaux-arts. Une belle renaissance après les lointaines mais difficiles années révolutionnaires où la ville avait perdu toute sa superbe et même son nom, rebaptisée alors Fort-Hercule.
Par l’entremise de l’impératrice Eugénie, le fils de Charles III, Albert, épouse en 1869 Maria Victoria Douglas-Hamilton, petite fille de Stéphanie de Beauharnais. Aux liens politiques s’ajoutent désormais des liens de sang entre les deux familles, Stéphanie de Beauharnais était cousine de Joséphine et avait été adoptée par Napoléon Ier. Et lorsque l’Histoire semble refermer ses portes, au lendemain de Sedan, c’est encore à Monaco que le destin impérial trouve un refuge. L’impératrice Eugénie, veuve en exil, finit ses jours tout près, à la villa Cyrnos. Elle y reçoit Albert Ier, prince savant et aventurier, témoin d’un monde qui change à jamais. Ensemble, ils partagent cette nouvelle époque, ses découvertes, ses raffinements, ses promesses, terminant ainsi de la plus jolie des manières plus d’un siècle de destins croisés.
Pierre Branda, directeur scientifique de la Fondation Napoléon (juin 2025)