Comment les journaux français et européens ont-ils réagi en apprenant le coup d’État de Brumaire ?

Auteur(s) : HICKS Peter
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Les sites web du Gazetier révolutionnaire, une base de données numérique regroupant des centaines (voire des milliers) de journaux de la période révolutionnaire, et de Newspaper Archive sont deux outils extraordinaires. Dans le confort de votre bureau, vous pouvez lire les informations relatives au coup d’État du 18-Brumaire ayant filtré non seulement à Paris mais aussi à travers l’Europe, notamment de l’autre côté de la Manche. En voici une brève sélection, de l’épicentre dans la capitale française à l’onde de choc extérieure.

Comment les journaux français et européens ont-ils réagi en apprenant le coup d’État de Brumaire ?
© Fondation Napoléon/ R. Young

On peut imaginer que de tous les journaux relatant l’histoire, le Journal de Paris était celui qui serait le plus favorable à Napoléon. Après tout, il était publié par un partisan du coup d’État : le citoyen Roederer. L’édition publiée le 19 brumaire est de fait l’une des rares à rapporter le prétexte du déplacement des organes gouvernementaux hors de Paris à Saint-Cloud, autrement dit l’idée assez farfelue selon laquelle des groupes de conspirateurs itinérants se dirigeaient vers Paris et attendaient un seul signal pour lever leurs poignards contre les représentants de l’État. D’autres documents se sont contentés de références à la justification constitutionnelle du déménagement, sans se soucier de raconter cette fable. La plupart des journaux français semblent rapporter l’événement à travers les documents officiels, évitant pour la plupart des commentaires. Le Journal des hommes (« écrit par des patriotes ») du 20 brumaire reproduit le dialogue entre un membre du Conseil des Cinq-Cents et un membre du Conseil des Anciens, qui suggérait, d’une manière à rassurer le public, que Bonaparte était l’homme de la situation. Ce dialogue apparaissant également dans le Journal de Paris, il est fort probable qu’il ait été composé par le parti pro-coup d’État lui-même.

Les réactions à l’étranger ne sont pas foncièrement hostiles mais plutôt dans l’expectative et la circonspection.
Dans la République batave, le Courrier de Leyde (daté du 19 novembre 1799) écrit : « Tous les gens de bien souhaitent ardemment, que la nouvelle Révolution, qui vient d’avoir lieu, préparée dans le plus grand secret, soit [un changement en mieux] ». Et de remarquer que : « L’histoire de tous les temps, celle de la Révolution française surtout, a prouvé aux hommes, qui pensent, que les grands mouvements politiques, qui bouleversent les nations et en changent le Gouvernement, se jugent moins par les principes que par le succès. C’est donc en vain que le parti, qui a succombé dans la journée du 18 Brumaire, réclame contre des mesures qu’il employa lui-même le 18 Fructidor ».
Encore plus loin, le Courrier de l’Empire publié à Munich le 22 novembre constate que « Paris est transporté de joie et d’espérance, l’on regarde la paix comme prochaine ».
Enfin, le Bell’s Weekly Messenger, imprimé à Londres et daté du 17 novembre (environ 6 000 lecteurs, un chiffre élevé à l’époque) propose un éditorial dont l’introduction souligne que les nouvelles de Brumaire ont éclipsé toutes les autres nouvelles françaises. Puis il rappelle que Paris avait été la source de « changements politiques et de vicissitudes » depuis le début de la Révolution, et cet événement ne déroge pas à la règle. Cet éditorial évoque le « génie inquiet » de Bonaparte qui façonne à son avis la volonté et le pouvoir de la nation. Il critique cependant ces changements non sanctionnés par la voix du peuple. Et il n’épargne pas non plus le Directoire et Barras, en particulier, « dont le personnage est depuis longtemps détesté et qui a par deux fois trahi ses collègues dans son art de la traîtrise ». Le journal britannique exprime sa perplexité quant aux raisons du coup d’État, notant qu’au vu des succès de la France « sur presque toutes les scènes du théâtre de guerre, aucune transformation interne n’était nécessaire pour donner plus de vigueur à leurs opérations militaires ». Cette analyse se poursuit avec une pointe de fatalité : « que la paix qui est le mot d’ordre depuis longtemps en France […] commence à opérer avec plus de force et que sa nécessité a dû induire la nécessité de la récente révolution ». Son dernier vœu, en guise de conclusion : « Notre désir le plus sincère est que l’événement puisse se conformer à cette cause supposée ».

C’était le bulletin d’Euronews à l’heure de Brumaire, tel que ces ressources numérisées nous le restituent. À vous les studios.

Peter Hicks
Novembre 2019

Peter Hicks est chargé d’affaires internationales à la Fondation Napoléon

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