C'est un projet ambitieux qui vise à montrer les oeuvres principales de l'artiste, peintre méconnu qui a participé à tous les grands projets décoratifs de l'Empire et de la Restauration. Cette rétrospective regroupera un trentaine de tableaux et une quarantaine de dessins, choisis afin d'illustrer au mieux la carrière complète de cet artiste.
Jamais encore, Meynier, artiste formé non pas dans l'atelier du célèbre David (1748-1825), mais dans celui de son rival Vincent (1746-1816), n'avait eu l'honneur d'une rétrospective. La carrière de ce peintre officiel connu et très sollicité sous le Premier Empire est enfin présentée, au travers de près de 70 ouvrages.
Le premier atout de cette exposition est de rassembler un grand nombre d'oeuvres d'habitude peu visibles, prêtées par des musées de province, des galeristes, des particuliers ou venues de l'étranger (Rome, Montréal et Bruxelles). La plupart d'entre-elles sont des dessins, sans doute en raison des difficultés liées à l'accrochage de tableaux de très grand format dans des locaux de la taille de ceux du Musée Marmottan.
Un dessinateur talentueux, mais aussi un peintre doué
Heureusement ces seuls dessins suffiraient à séduire le spectateur et, avec un style bien à lui, Meynier apparaît d'emblée comme une personnalité affirmée cultivant son originalité.
La peinture n'est de plus pas pour autant oubliée. Exceptionnellement prêté par les Musées de la ville de Bruxelles (1), le portrait de « Napoléon Premier Consul » de 1804 vaudrait à lui seul le détour par Boulogne. La toile s'insère dans une série d'effigies de Napoléon destinées à certaines villes de province ou de Flandres. Le tableau de Meynier montre que s'il fut un dessinateur talentueux, il sut aussi se montrer un bon peintre sachant jouer sur l'harmonie colorée, attentif au rendu des matières des vêtements et ayant surtout su doter Napoléon d'une expression à la fois mystérieuse et déterminée.
Cette impression est confirmée par « Les soldats du 76e de ligne retrouvant leurs drapeaux dans l'arsenal d'Inspruck » (2), esquisse de 1808 pour le tableau définitif, aujourd'hui conservé au Musée national du château de Versailles. La scène est brillamment rendue : le 7 novembre 1805, le 6e corps d'armée du maréchal Ney retrouve à Inspruck trois drapeaux perdus en 1800. Un regret tout de même concernant les études peintes montrées : les panneaux explicatifs ne précisent pas toujours qu'il s'agit bien d'esquisses et non de tableaux aboutis – correspondant à deux moments bien distincts du processus créatif – ce qui peu induire le visiteur en erreur sur la nature de l'oeuvre.
De multiples commandes napoléoniennes
Il est nécessaire de se référer au livret de l'exposition (3) pour obtenir ces informations. Les explications données sur des panneaux situés à l'entrée de chaque salle sont aussi bien utiles pour comprendre les commandes passées à Meynier. L'administration impériale faisait souvent appel à cet artiste dont elle appréciait l'aptitude à tenir les délais imposés, généralement serrés. Le second atout de cette rétrospective est sans doute de présenter côte à côte plusieurs ouvrages se rattachant à une même commande, ce qui permet de comprendre l'évolution d'un projet. Pour suivre ainsi le cheminement des idées du peintre, la précision des indications était nécessaire et reflète le travail de recherche effectué par Isabelle Mayer-Michalon dont le livre sur Meynier vient d'être publié aux éditions Arthéna. Une notice y est bien sûr consacrée à la plus illustre de ces commandes, celle promise à l'artiste qui saurait le mieux représenter Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau. En montrant l'Empereur non seulement victorieux mais aussi magnanime envers l'ennemi, Meynier (4) obtient le deuxième accessit de ce concours organisé en 1807.
Autre commande prestigieuse, les dessins préparatoires de 1806 aux bas-reliefs latéraux de l'arc de triomphe du Carrousel glorifiant les victoires de Napoléon en 1805 : la « Reddition d'Ulm » et la « Paix de Presbourg » (5), sujets qui seront sculptés par Cartellier (1757-1831) et Lesueur (1757-1830).
Un peintre de l’histoire contemporaine, avec une touche de poésie
Talent protéiforme, Meynier produit à côté de ces dessins préparatoires à la sculpture, d'autres oeuvres en lien avec un projet de publication resté encore peu étudié par les historiens de l'art. Elles naissent du souhait de Denon, le directeur du Musée Napoléon (actuel Musée du Louvre), d'éditer des livres portant sur les campagnes impériales en Italie et en Allemagne. À cette fin, Denon fait effectuer sur place des croquis sur lesquels les peintres peuvent ensuite s'appuyer pour rendre l'événement avec exactitude. Le projet tourne court, mais dès 1808 320 dessins sont rassemblés (6). Dans cette série, le travail de Meynier se distingue par l'exactitude des moindres détails et le rendu de la perspective, donnant beaucoup de profondeur à la scène représentée. Le lavis rehaussé de gouache intitulé « Une division arrivant à l'hospice du Mont Saint-Bernard » (7) marque plus particulièrement les esprits, saisis par le contraste entre la petitesse des hommes et la grandeur de la montagne.
Cette tendance plus poétique de son art, Meynier peut pleinement la développer dans les toiles mythologiques, aux thématiques complexes, qu'il peint en parallèle de ces tableaux d'histoire contemporaine. Les sujets issus de l'histoire antique ne sont pas non plus oubliés avec « La sentence de Ligarius » de 1804 (8), épisode tiré de la Vie de Cicéron de Plutarque, commandé par un des frères de Napoléon, le lettré Lucien Bonaparte.
Un décorateur prolixe et parmi les plus doués de sa génération
A côté de ces ouvrages de Meynier, des médailles exécutées en 1808 d'après des dessins de l'artiste, sur les thèmes de « La liberté rendue à la ville de Dantzig » et de « La conquête de la Silésie » sont également présentées (9). Des lettres datant de juin 1806, échangées entre Denon et le cardinal Fesch qui a demandé à Meynier de faire son portrait, complètent cet ensemble (10). Ces objets et documents permettent de replacer les oeuvres dans un contexte historique plus large.
L'art reste en effet tributaire de l'histoire comme le prouve le destin de l' « Allégorie de la naissance du Roi de Rome », commandé en 1813 pour le palais des Tuileries (11) et transformé au retour des Bourbons sur le trône en une « Allégorie pour la naissance de Louis XIV », après que des fleurs de lys royales aient été substituées aux abeilles impériales. Dans la première version de ce tableau, comme dans la suivante, Meynier prouve qu'en plus d'être un dessinateur talentueux et un bon peintre, il demeure l'un des décorateurs les plus doués de sa génération.
Adresse :
7, place Denfert-Rochereau
92100 Boulogne
tél : 01 41 10 24 70
Horaires :
Les mercredi, jeudi et vendredi de 14h à 18h
Le samedi de 9h30 a 12h et de 14h a 17h
fermé en août, entre Noël et le jour de l'An et le samedi de Pâques.