Une étude attendue sur un peintre majeur
La vie aventureuse de Jean-Baptiste Wicar (1762-1834) entre la France et l'Italie est aujourd'hui peu connue. Né pauvre à Lille, où sa collection sera déposée après sa mort (1), l'artiste subit un échec au Prix de Rome qui devait lui ouvrir les portes de la ville éternelle. Qu'à cela ne tienne, il part tout de même, mais par ses propres moyens. De retour à Paris en 1793, il s'implique dans la vie politique jusqu'à son emprisonnement en 1795, année où il s'installe définitivement en Italie. Critique d'art (2), il est aussi un grand portraitiste et bénéficie de commandes de personnages illustres, dont Masséna, Joseph, sa femme Julie, Joachim Murat, Caroline Murat et ses filles. Le peintre occupe pendant 3 ans le poste de directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Naples où il est favorisé par Joseph qui le nomme chevalier de l'Ordre des Deux-Siciles. L'artiste part pour Rome quand Murat arrive au pouvoir et se consacre dès lors essentiellement à sa passion de collectionneur et au métier de marchand d'art grâce auquel il s'enrichit considérablement.
Le dernier regard rétrospectif porté sur l'ensemble de l'oeuvre de Wicar date de plus de 20 ans (3). Les expositions de 2002, puis de 2004, centrées sur une partie du travail du peintre, étaient quant à elles accompagnées de catalogues en italien, non réédités en français (4). Les présents actes, dont la publication était attendue car intervenant trois ans après la tenue du colloque sur Wicar (5), ont donc le mérite de faire le point sur les dernières recherches concernant cet artiste et d'offrir ce résultat en français, grâce aux traductions des interventions faites en italien.
La conservation du patrimoine dans la Naples napoléonienne
L'un des buts avoués de cette étude est aussi de revaloriser l'image négative que gardait Wicar depuis la biographie écrite en 1939 par Fernand Beaucamp (6). L'auteur le présentait notamment comme un révolutionnaire exalté. Beaucamp mettait aussi en avant le rôle tenu par le peintre de conseiller de la Commission des sciences et des arts dans la réquisition des oeuvres italiennes ordonnée par le Directoire : Wicar aurait profité de ce poste pour constituer sa propre collection comprenant plus de 7 000 dessins (7).
Pour comprendre le collectionnisme de Wicar et son souci quant à la pérennité de son oeuvre, il est nécessaire de prendre en compte les données inhérentes à cette période. Une large place est accordée à ces dernières dans ces actes, notamment aux importantes réflexions alors menées sur la constitution des collections, qu'elles soient privées ou publiques (8). Une première partie est en effet entièrement consacrée à la conservation du patrimoine de la Révolution à la Restauration.
Pour l'Empire, Antonella d'Autilia mène un examen poussé du souhait de Murat, roi de Naples, de mettre en place une galerie de « peintres nationaux ». Crée par décret le 18 décembre 1809, elle est essentiellement constituée à partir de tableaux issus des monastères expropriés (près de 200 entre 1806 et 1809). La galerie doit se situer dans le Palazzo degli Studi, à l'intérieur du Musée royal. Même si elle ne vit finalement jamais le jour, D'Autilia met en avant l'ambition de ce projet « napoléonien » construit sur le modèle du Musée des Augustins de Lenoir à Paris. L'auteur souligne aussi la réussite globale de l'administration française qui aménage le musée royal de Naples en moins de 10 ans.
Les règnes de Joseph (1806-1808), puis de Murat (1808-1815), permettent un vaste programme de restructuration des institutions culturelles. Le rôle de Caroline Murat est également mis en avant par Gennaro Toscano, qui démontre comment la reine encourage entre 1808 et 1815 à Naples – comme Joséphine le fait à Paris – la mode des paysages, des vedute et surtout des tableaux troubadour, rassemblés au Palais royal Portici. Caroline, par ses qualités de régente et son bon goût joue un rôle moteur dans le monde artistique napolitain. Elle contribue ainsi y à faire connaître Ingres, en lui commandant deux oeuvres (9).
En choisissant d'élargir le champ d'étude au contexte général de création des peintures, au risque de voir certaines interventions s'éloigner un peu trop du sujet, ce colloque a donc l'avantage de renseigner le lecteur sur des éléments majeurs peu connus d'une Italie sous influence française.