Correspondance générale de Napoléon Bonaparte, vol. 14 : Leipzig, juillet 1813-décembre 1813. Préface

Auteur(s) : LAUGEAY Pierre
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Pierre Laugeay est Chef du Service historique de la Défense.

En entrant dans sa seizième année, l’édition exhaustive et scientifique de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte publiée par la Fondation Napoléon livre aujourd’hui son quatorzième volume. Les 2 600 missives en date du deuxième semestre 1813 ici publiées, référencées et annotées appartiennent à l’ensemble de 41 000 lettres, aujourd’hui connues, écrites ou dictées par le cadet des fils de Charles Bonaparte et Letizia Ramolino collationné et transcrit par la Fondation Napoléon, en partenariat avec les acteurs privés et publics en charge de la conservation de ces archives en France, en Europe et dans le monde.

Dans son ensemble, cette édition revue et augmentée a mis au jour près de 30 % de lettres inédites. Au sein de ce corpus, 16 000 lettres proviennent du Service historique de la Défense, qui s’est associé dès le départ à l’édification de ce monument éditorial.

Avec les Archives nationales et les Archives du ministère des Affaires étrangères, le Service historique de la Défense (SHD) est le principal conservatoire de la pensée de Napoléon Bonaparte par le nombre de lettres conservées. Il a tenu son rôle d’héritier des dépôts de la Guerre et de la Marine en mettant à disposition des éditeurs, tout au long de ces seize années, ses ressources documentaires et scientifiques, qui ont nourri l’appareil critique de premier ordre de cette édition, notamment pour ce qui concerne l’histoire des opérations et des armées. Le SHD, acteur incontournable de la politique culturelle ministérielle voulue par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, au sein du secrétariat général pour l’administration du ministère de la Défense, dans le même temps, a poursuivi sa politique volontariste de collecte des documents originaux qui se trouvent encore en mains privées.

Ce projet éditorial a, par ailleurs, contribué à développer de nouvelles collaborations entre la Fondation Napoléon et le Service historique de la Défense : journées d’études, colloques, publications, articles et expositions, notamment dans le cadre de la saison Grande Armée entre 2012 et 2013, avec l’exposition « Des Aigles et des Hommes » au château de Vincennes, et la publication de trois ouvrages collectifs : Du Niémen à la Bérézina, La Grande Armée à travers les collections du SHD et Guerres et armées napoléoniennes : nouveaux regards. Ces collaborations ont permis d’accompagner de nouveaux champs de recherche sur l’histoire des armées napoléoniennes et des opérations. Ce renouveau se poursuit. L’édition de ce quatorzième volume y apporte une contribution essentielle.

À travers la correspondance de l’Empereur, le lecteur est témoin des préparatifs de la deuxième partie de la campagne de 1813, mais aussi de l’échec des mécanismes diplomatiques classiques de la période. Les succès de Napoléon dans la première partie de la campagne aboutissent à un simulacre de négociations durant l’été. Mais le monarque n’a plus le même ascendant sur les cours d’Europe. Les Alliés profitent, sous couvert de rechercher la paix, du sursis qui leur est offert pour renforcer leur dispositif militaire. L’Empereur réorganise aussi son armée. Ses lettres témoignent d’un besoin constant de nouvelles recrues et d’une économie de guerre poussée jusqu’à ses limites.

Durant la reprise des combats, les plans de Napoléon sont constamment remis en question. Sur les conseils de Jomini et de Bernadotte notamment, aucune des armées alliées n’accepte le combat lorsque l’Empereur lui-même commande ses troupes. Ainsi Napoléon ne peut défaire les armées les unes après les autres comme il avait l’habitude de le faire jusqu’alors. Ce volume illustre encore la difficulté de communiquer sur des théâtres d’opérations de moins en moins sûrs. Pour pallier les interceptions de plus en plus fréquentes des courriers, l’emploi du chiffre s’accroît.

Finalement, les opérations de septembre conduisent à la concentration de toutes les forces en présence autour de la ville de Leipzig. Du 16 au 19 octobre, près de 200 000 hommes aux ordres de Napoléon, provenant de France, du duché de Varsovie, des royaumes d’Italie, de Naples et de Saxe (jusqu’au 17 octobre avant le retournement d’alliance des Saxons), rencontrent plus de 300 000 hommes de la sixième coalition. Cette bataille, appelée aussi bataille des Nations, surprend par sa durée (quatre jours), et par le nombre, jamais atteint jusque-là, de combattants. Elle préfigure ce que sera le modèle de bataille de l’ère industrielle. Le lecteur pourra s’étonner du petit nombre de lettres expédiées pendant ces quatre jours de combats. Napoléon ne correspond pas, il se bat. Il donne ses ordres par oral ou par le biais de billets éphémères que la postérité n’a pas conservés.

Après la bataille, Napoléon, d’abord saisi, se reprend et fait preuve de détermination alors que la défense du territoire national s’organise. Mais cette posture ne suffit pas à cacher les premiers signes de contestation intérieure, émanant tant du peuple confronté au poids de la conscription que du Corps législatif. Les royalistes profitent de la situation. Les royaumes satellites marquent aussi leur opposition : après les Saxons, la Bavière et le royaume de Naples se rapprochent des Coalisés. Enfin, Napoléon voit les membres de sa famille, soucieux de leur intérêt personnel, se détourner de lui. Seuls la belle Pauline, sa sœur, et son beau-fils Eugène lui restent fidèles.

Ce volume annonce le crépuscule de l’Empire. Il témoigne aussi de la volonté d’un homme de maintenir un régime fait à sa mesure, au mépris parfois du réel.

Une nouvelle fois, cette édition tient toutes ses promesses et s’inscrit en lettres d’or dans l’historiographie napoléonienne. Que tous ceux qui ont contribué à sa réalisation soient ici remerciés.

novembre 2017

Présentation du volume 14
Présentation générale du projet d’édition

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