Document commenté > Le testament de Napoléon Ier

Auteur(s) : NAPOLÉON IER, PRÉVOT Chantal
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Introduction au testament de Napoléon

À la mi-avril 1821, sentant ses forces décliner, Napoléon entreprit la rédaction de son testament. Enfermé « à verrou » avec le comte de Montholon, il lui dicta ses dernières volontés. Le 15, il les recopia afin que le document soit totalement de sa main comme la législation française le recommande en l’absence de notaire.

Avec une grande application, inhabituelle pour un homme connu pour sa fulgurance d’écriture et sa propension à gommer les lettres, et avec beaucoup de peine pour un homme au corps défaillant, Napoléon remplit cinq grandes pages. Il déclarait tout d’abord, selon la formulation d’usage, son appartenance à la religion catholique dans laquelle il était né, puis venait ce qui reste certainement la phrase la plus citée de ce document : Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé. (Le terme vieilli de « cendres » signifie dépouille mortuaire).

Il louait ensuite son épouse, Marie-Louise, et la priait de veiller sur son fils. Le roi de Rome, alors âgé de dix ans, était devenu duc de Reichstadt depuis qu’il vivait à la cour de son grand-père, l’empereur d’Autriche. Il était l’objet de multiples attentions de la part de son père : geste affectif puisque les maigres biens personnels emportés à Sainte-Hélène ou restés à Paris lui étaient destinés, doublé d’une visée politique. Car sans le nommer héritier d’un empire qui n’existait plus, il lui recommande de ne jamais oublier qu’il est né prince français et d’adopter la devise libérale qu’il déclarait avoir été la sienne tout au long de son règne, Tout pour le peuple français.

L’aspect politique et polémique était également incarné par un paragraphe, lui-aussi souvent mentionné, qui accablait les Anglais, plus précisément l’oligarchie de ce pays et son « sicaire », c’est-à-dire le gouverneur de l’île Hudson Lowe, de l’avoir assassiné en provoquant une mort prématurée. Napoléon signifiait par-là que l’emprisonnement sur un ilot volcanique au bout du monde, sans famille et sans proches à ses côtés, dans une maison battue par les vents et les pluies, avait grandement contribué à altérer sa santé. Ce faisant, il plantait des banderilles dans la réputation britannique, et sans le vouloir, allait contribuer à alimenter la thèse fantasque du complot visant à l’empoisonner avec de l’arsenic versé à petite dose. L’opprobre jeté sur ses vainqueurs et ses geôliers, fut également concrétisé par le legs de sa plus belle pièce d’orfèvrerie encore en sa possession. La boite précieuse ornée d’un camée antique, était attribuée à Lady Holland, figure de proue du parti libéral, qui lui avait envoyé de nombreux cadeaux durant l’exil.

Impitoyable, Napoléon réglait aussi ses comptes avec les « fantômes » laissés en France. Il désignait nominalement quatre traîtres qu’il tenait pour responsables des défaites finales : Marmont, Augereau, Talleyrand et Lafayette, préférant passer sous silence d’autres grands serviteurs qui, à ses yeux, ne méritaient pas même d’être mentionnés. Conscient que l’assassinat du duc d’Enghien en 1804 dans les fossés du château de Vincennes, après une parodie de procès, suscitait encore et pour longtemps de vives réprobations, et pas uniquement dans le camp des royalistes, il choisit d’assumer en affirmant : J’ai fait arrêter et juger le duc d’Enghien parce que cela était nécessaire à la sûreté, à l’intérêt et à l’honneur du peuple français, lorsque le comte d’Artois entretenait, de son aveu, soixante assassins à Paris. Dans une semblable circonstance, j’agirais de même.

La suite du testament consiste en une liste de légataires financiers. Les compagnons de relégation sont cités en premier, et tous pourvus de sommes dégressives, officiers comme domestiques. Fin courtisan et aimable personne, le général Montholon reçut la part du lion, deux millions de francs pour ses soins filiaux. Le maréchal du palais Bertrand, personnification de la fidélité absolue, mais plus cassant et moins présent à Longwood, n’avait que le quart, cinq cent mille francs. Le premier valet de chambre, Marchand, devenu un ami, recevait à peine moins, quatre cent mille francs. Ces trois-là étaient nommés exécuteurs testamentaires. Un trio assez mal assorti, qui toutefois s’attellera à la rude tâche de procéder aux démarches administratives de la succession dès son retour en Europe en août 1821.

Le testament ne devait pas tomber entre les mains des Anglais, sa postérité était à ce prix. Napoléon y avait pourvu en rédigeant un codicille, non numéroté, à présenter à Lowe pour distraire sa surveillance. L’empereur y renouvelait son désir de reposer à Paris, car il savait que ce point serait sujet à discussion et mettrait le gouverneur dans l’embarras. Il simplifiait ses dons en donnant tous ses objets personnels à Montholon, Bertrand et Marchand, afin que rien ne restât à Longwood. Un second codicille, écrit le même jour et uniquement destiné au clan français, précisait la répartition de ces biens, et le devenir des trois cent mille francs conservés en secret depuis la fuite de France qui étaient à partager entre les personnes à son service à Longwood. Le leurre fonctionna à merveille, d’autant que Lowe pensait, à partir de renseignements erronés, que le document principal avait déjà atteint l’Europe par l’intermédiaire de l’abbé Buonavita rapatrié en Europe au début de l’année.

Napoléon recommandait également que les enveloppes contenant ses dernières volontés ne soient ouvertes qu’en Europe, excepté les deux premiers codicilles. Ce fut chose faite le 25 juillet lorsque le navire qui ramenait la petite colonie de bannis franchit les eaux européennes. En présence des trois exécuteurs et de l’abbé Vignali, tous les plis furent ouverts. Car, en plus du testament en lui-même et des deux codicilles qui ont déjà été décrits, Napoléon, dans le désir de n’oublier personne, avait rédigé cinq autres codicilles, numérotés de trois à sept, et une instruction aux exécuteurs. Divers états (inventaires) des objets complétaient l’ensemble testimonial. Les états détaillaient les armes, les vêtements, les boîtes précieuses, l’argenterie, la porcelaine ainsi qu’un lot de quatre cents livres emportés de France, lot destiné à son fils. L’heure fut cruelle pour Bertrand qui avait été tenu à l’écart et ne connaissait les dispositions financières que par ouï-dire : il fut très désappointé et blessé d’avoir été tenu en si piètre estime. Verbalement, Montholon ajouta qu’un huitième codicille existait, mais étant écrit partiellement par le testateur, il n’avait pas de valeur juridique. De même, les ultimes vœux recueillis par Marchand durant la nuit du 29 au 30 avril sur le dos d’une carte à jouer faute de papier à disposition, ne sauraient être tenus pour valide.

Outre les biens personnels qui se résumaient aux maigres pièces mentionnées dans les états, Napoléon octroyait soixante-seize legs d’argent individuels récompensant la fidélité sans tache et la loyauté sans faille, singulièrement dans le temps de sa jeunesse et dans les épreuves et de la chute en 1814 et 1815, pour un total de dix millions. La plupart des légataires recevaient cent mille francs. Les legs collectifs absorbaient la somme la plus importante, deux cents millions attribués aux soldats et officiers de 1792 à 1815, aux blessés de Ligny et Waterloo, aux départements ayant le plus soufferts des invasions étrangères. Toutefois, il introduisit des nuances qui tenaient dans la faisabilité des versements. En effet l’héritage reposait sur quatre sources financières. Chaque pièce du testament était associée à l’un ou l’autre fonds, lui apportant une fiabilité plus ou moins grande. Une seule source présentait une assurance de sûreté : un compte bancaire ouvert auprès de la maison Laffitte (une grande banque de Paris), gonflé en 1815 par des pièces d’or venant des caves des Tuileries. Les trois autres étaient plus hypothétiques : elles consistaient en des sommes d’argent à demander, l’une à l’impératrice Marie-Louise, l’autre à Eugène de Beauharnais à prendre sur le reliquat de la liste civile d’Italie, ainsi qu’à des économies faites sur la liste civile de France restées dans les caisses étatiques et à réclamer à Louis XVIII. Les heureux élus du testament principal et des 3e et 4e codicilles liés aux avoirs Laffitte étaient ainsi plus assurés de toucher leur argent. En revanche, les nommés des autres codicilles et les legs collectifs basés sur les fonds incertains dépendaient du bon vouloir de personnes extérieures, pas forcément enchantées ou capables de contribuer à une telle succession.

Ainsi, l’exécution des vœux posthumes de l’empereur se heurta tout d’abord au refus du gouvernement de Louis XVIII d’avaliser le document par un notaire français. S’il acceptait de fermer les yeux sur les legs individuels qui relevaient de la sphère privée et acceptait de ne pas accaparer le fonds Laffitte, il ne pouvait cautionner les allégations politiques et de se départir d’un montant qui avoisinait le tiers du budget de l’État pour honorer les legs collectifs. Aussi, Montholon, en tant qu’exécuteur principal, déposa puis fit enregistrer une partie de l’ensemble testimonial à Londres, ville dont dépendait juridiquement Sainte-Hélène.

Concentrés sur les dons numéraires particuliers, Montholon et Bertrand (Marchand resta toujours plus en retrait) durent batailler ferme avec Laffitte pour qu’il ouvrit le compte bancaire. Même si celui-ci, ponctionné durant l’exil, avait diminué de six millions à un trois millions et demi, le banquier renâclait à se dessaisir d’une telle somme prétextant « l’oubli » du patronyme dans la signature, ou pinaillant sur les intérêts à verser. Sa défiance portait également sur l’absence de l’héritier naturel, le fils de Napoléon, en contradiction avec le droit des successions qui lui réservait la moitié de l’héritage. La cour d’Autriche et Marie-Louise n’avaient pas renoncé à faire valoir ce droit, et Laffitte ne voulait pas payer deux fois. Durant cinq ans, procès, arbitrage, « communiqués de presse » ponctuèrent les démarches, jusqu’à la signature d’une convention entre les deux partis en 1826, appuyée sur des garanties d’hypothèques apportées par Montholon. Le compte chez Laffitte étant l’unique fonds accessible, seuls les légataires du testament, des 3e et 4e codicilles reçurent leur part au prorata de l’argent disponible, soit environ 60 % en moyenne.

Malgré de nouveaux déboires (des malversations de Montholon qui fut acculé à l’exil pour dettes, et la banqueroute de Laffitte), la première phase de l’héritage fut close au début des années 1830. Il en allait de même pour les objets : seuls ceux destinés à la mère, aux frères et sœurs de Napoléon avaient pu être acheminés ; les autres, le lot le plus conséquent, légués au roi de Rome, n’avaient pas reçu l’aval des autorités autrichiennes. Après son décès en 1832 à Vienne, ils furent partagés par lot aux membres survivants de la famille Bonaparte.

La seconde phase, inattendue, fut l’œuvre de son neveu Louis-Napoléon Bonaparte. Arrivé au pouvoir en 1848, le Prince-Président de la République, et futur empereur, demanda à recevoir le testament de son oncle. La reine Victoria agréa à cette demande, qui avait également valeur de cadeau diplomatique dans un contexte de réchauffement des relations entre les deux anciens pays ennemis. Hasard heureux de l’histoire, l’ambassadeur de France en poste qui réceptionna le précieux document n’était autre que le comte Walewski, fils naturel de Napoléon. La venue des documents en France remit en mémoire les legs en déshérence, en particulier ceux destinés aux soldats et officiers, devenus de vieilles gens qu’il serait temps et opportun d’honorer, de même que les régions qui furent dévastées. L’Assemblée législative vota un crédit extraordinaire de huit millions : la moitié pour clore les legs aux particuliers ou à leurs descendants à hauteur de 95 %, l’autre pour honorer les legs collectifs. Quatre millions furent donc répartis entre les anciennes zones de combat, soit vingt-six départements et les deux villes citées dans le testament (Brienne et Méry), et entre les soldats, quelques milliers de vétérans des guerres de la Révolution et de l’Empire. Sous l’égide de la Chancellerie de la Légion d’honneur pour les Français, le quai d’Orsay pour les étrangers, la grande machine administrative fut mise en branle pour recenser les anciens combattants, étudier leurs dossiers, vérifier leur carrière et leur grade, et sélectionner les plus pauvres parmi les plus méritants. Ces archives ayant brûlé en 1871, on estime que 7 500 soldats et officiers, ou leurs veuves et héritiers, ont touché en moyenne entre 100 et 500 francs, les montants augmentant avec les échelons militaires, l’appartenance à la Garde ou la présence à l’île d’Elbe. Le travail de recensement des vétérans constitua la base de l’attribution de la médaille de Sainte-Hélène décernée à tous les soldats survivants de l’armée française entre 1792 et 1815.

En 1860, quarante ans après sa rédaction, la succession de Napoléon fut déclarée close. Une durée anormalement longue pour un héritage, fût-il celui d’un empereur en exil. Napoléon III, détenteur à titre privé, déposa l’ensemble des pièces (excepté le 7e codicille dont l’original avait disparu) aux Archives impériales. Les feuilles couvertes d’une écriture serrée et appliquée entraient dans l’histoire. Depuis lors, l’armoire de fer, où sont conservés des documents emblématiques du patrimoine de la nation, en est son écrin.

Chantal Prévot, février 2021

Chantal Prévot est responsable des bibliothèques de la Fondation Napoléon. Elle est spécialiste de la question du testament de Napoléon ainsi que de ses masques mortuaires.

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Document commenté > Le testament de Napoléon I<sup>er</sup>
Mort de Napoléon © Napoleonmuseum, Arenenberg

Le testament, les codicilles, les états, les inventaires, les lettres, l’instruction (1821)

Transcription intégrale de l’ensemble testamentaire (testament, des codicilles, des états a, A, B, inventaires B et C, des lettres, liste des boites, liste des livres destinés au duc de Reichstadt, Instruction à mes exécuteurs testamentaires)

***

TESTAMENT
Conservé aux Archives nationales

Napoléon,

Aujourd’hui 15 avril 1821, à Longwood, île de Sainte-Hélène. Ceci est mon testament ou acte de ma dernière volonté. [1]

  1. Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans.
  2. Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé.
  3. J’ai toujours eu à me louer de ma très chère épouse Marie-Louise ; je lui conserve jusqu’au dernier moment les plus tendres sentiments. Je la prie de veiller pour garantir mon fils des embûches qui environnent encore son enfance.
  4. Je recommande à mon fils de ne jamais oublier qu’il est né prince français, et de ne jamais se prêter à être un instrument entre les mains des triumvirs qui oppriment les peuples de l’Europe. Il ne doit jamais combattre ni nuire en aucune manière à la France. Il doit adopter ma devise : Tout pour le peuple français.
  5. Je meurs prématurèment, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire. Le peuple anglais ne tardera pas à me venger.
  6. Les deux issues si malheureuses des invasions de la France, lorsqu’elle avait encore tant de ressources, sont dues aux trahisons de Marmont, Augereau, Talleyrand et de Lafayette : je leur pardonne. Puisse la postérité française leur pardonner comme moi !
  7. Je remercie ma bonne et très excellente mère, le cardinal, mes frères Joseph, Lucien, Jérôme, Pauline, Caroline, Julie, Hortense, Catherine, Eugène, de l’intérêt qu’ils m’ont conservé. Je pardonne à Louis le libelle qu’il a publié en 1820 ; il est plein d’assertions fausses et de pièces falsifiées.
  8. Je désavoue le Manuscrit de Sainte-Hélène et autres ouvrages sous le titre de Maximes Sentences, que l’on s’est plu à publier depuis six ans. Là ne sont pas les règles qui ont dirigé ma vie. J’ai fait arrêter et juger le duc d’Enghien parce que cela était nécessaire à la sûreté, à l’intérêt et à l’honneur du peuple français, lorsque le comte d’Artois entretenait, de son aveu, soixante assassins à Paris. Dans une semblable circonstance, j’agirais de même.

II

  1. Je lègue à mon fils les boîtes, Ordres et autres objets tels qu’argenterie, lit de camp, armes, selles, éperons, vases de ma chapelle, livres, linge, qui ont servi à mon corps et à mon usage, conformément à l’état annexé, coté (a). Je désire que ce faible legs lui soit cher comme lui retraçant le souvenir d’un père dont l’univers l’enretiendra.
  2. Je lègue à ladie Hollande le camée antique que le pape Pie 6 m’a donné à Tolentino.
  3. Je lègue au comte Montholon deux millions de francs comme une preuve de ma satisfaction des soins filiaux qu’il m’a rendus depuis six ans, et pour l’indemniser des pertes que son séjour à Sainte-Hélène lui a occasionnées.
  4. Je lègue au comte Bertrand, cinq cent mille francs.
  5. Je lègue à Marchand, mon premier valet de chambre, quatre cent mille francs. Les services qu’il m’a rendus sont ceux d’un ami. Je désire qu’il épouse une veuve, soeur ou fille d’un officier ou soldat de ma vieille Garde.
  6. À Saint-Denis, cent mille francs ;
  7. À Noverraz, cent mille francs ;
  8. À Pierron, cent mille francs ;
  9. À Archambault, cinquante mille francs ;
  10. À Coursot, vingt-cinq mille francs ;
  11. À Chandellier, idem ;
  12. À l’abbé Vignali, cent mille francs. Je désire qu’il bâtisse sa maison près de Pontenovo di Rostino.
  13. Au comte de Las Cases, cent mille francs ;
  14. Au comte Lavalette, cent mille francs ;

15 Au chirurgien en chef Larrey, cent mille francs ; c’est l’homme le plus vertueux que j’ai connu ;

  1. Au général Brayer, cent mille francs ;
  2. Au général Lefebvre-Desnouettes cent mille francs ;
  3. Au général Drouot, cent mille francs ;
  4. Au général Cambronne, cent mille francs ;
  5. Aux enfants du général Mouton-Duvernet, cent mille francs ;
  6. Aux enfants du brave Labédoyère, cent mille francs ;
  7. Aux enfants du général Girard, tué à Ligny, cent mille francs ;
  8. Aux enfants du général Chartrand, cent mille francs ;
  9. Aux enfants du vertueux général Travot, cent mille francs ;
  10. Au général Lallemand l’aîné, cent mille francs ;
  11. Au comte Réal, cent mille francs ;
  12. À Costa, de Bastelica en Corse, cent mille francs ;
  13. Au général Clausel, cent mille francs ;
  14. Au baron Meneval, cent mille francs ;
  15. À Arnault, auteur de Marius, cent mille francs ;
  16. Au colonel Marbot, cent mille francs ; je l’’engage à continuer (à écrire) pour la défense de la gloire des armées françaises et à en confondre les calomnieurs et les apostats ;
  17. Au baron Bignon, cent mille francs ; je l’engage à écrire l’histoire de la diplomatie française de 1792 à 1815 ;
  18. À Poggi, de Talavo, cent mille francs ;
  19. Au chirurgien Emery, cent mille francs.
  20. Ces sommes seront prises sur les 6 millions que j’ai placés en en partant de Paris en 1815, et sur les intérêts, à raison de 5 pour 100, depuis juillet 1815. Les comptes en seront arrêtés avec le banquier par les comtes Montholon, Bertrand et Marchand.
  21. Tout ce que ce placement produira au-delà de la somme de 5 600 000 francs, dont il a été disposé ci-dessus, sera distribué en gratifications aux blessés de Waterloo et aux officiers et soldats du bataillon de l’île d’Elbe, sur un état arrêté par Montholon, Bertrand, Drouot, Cambronne et le chirurgien Larrey.
  22. Ces legs, en cas de mort, seront payés aux veuves et enfants,et, au défaut de ceux-ci, rentreront à la masse.

III

  1. Mon domaine privé étant ma propriété, dont aucune loi française ne m’a privé, que je sache, le compte en sera demandé au baron de La Bouillerie, qui en est le trésorier. Il doit se monter à plus de 200 millions de francs, savoir : 1° le portefeuille contenant les économies que j’ai, pendant quatorze ans, faites sur ma liste civile, lesquelles se sont élevées à plus de 12 millions de francs par an, si j’ai bonne mémoire ; 2° le produit de ce portefeuille ; 3° les meubles de mes palais, tels qu’ils étaient en 1814, les palais de Rome, Florence, Turin compris : tous ces meubles ont été achetés des deniers des revenus de la liste civile ; 4° la liquidation de mes maisons du royaume d’Italie, tels qu’argent, argenterie, bijoux, meubles, écuries ; les comptes en seront donnés par le prince Eugène et l’intendant de la couronne Campagnoni.

Napoléon

 

  1. Je lègue mon domaine privé moitié aux officiers et soldats qui restent de l’armée française qui ont combattu depuis 1792 à 1815 pour la gloire et l’indépendance de la nation ; la répartition sera faite au prorata des appointements d’activité ; moitié aux villes et campagnes d’Alsace, de Lorraine, de Franche-Comté, de Bourgogne, de l’Ile-de-France, de Champagne, Forez, Dauphiné, qui auraient souffert par l’une ou l’autre invasion. Il sera de cette somme prélevé un million pour la ville de Brienne et un million pour celle de Méry.

J’institue les comtes Montholon, Bertrand et Marchand mes exécuteurs testamentaires.

Ce présent testament, tout écrit de ma propres main, est signé et scellé de mes armes.

Napoléon

ÉTAT (a)
Conservé aux Archives nationales

  1. Il ne sera vendu aucun des effets qui m’ont servi ; le surplus sera partagé entre mes exécuteurs testamentaires et mes frères.
  2. Marchand conservera mes cheveux et en fera un bracelet avec un petit cadenas en or, pour être envoyé à l’Impératrice Marie-Louise, à ma mère et à chacun de mes frères, soeurs, neveux, nièces, au cardinal, et un plus considérable pour mon fils.
  3. Marchand enverra une de mes paires de boucles à souliers en or au prince Joseph ;
  4. Une petite paire de boucles en or à jarretières au prince Lucien ;
  5. Une boucle de col en or au prince Jérôme.

ÉTAT (a)
INVENTAIRE DE MES EFFETS QUE MARCHAND GARDERA POUR REMETTRE A MON FILS

  1. Mon nécessaire d’argent, celui qui est sur ma table, garni de tous ses ustensiles, rasoirs, etc.
  2. Mon réveille-matin ; c’est le réveille-matin de Frédéric II, que j’ai pris à Postdam (dans le boîte n° III) ;
  3. Mes deux montres, avec la chaîne des cheveux de l’Impératrice et une chaîne de mes cheveux pour l’autre montre ; Marchand la fera faire à Paris ;
  4. Mes deux sceaux (un de France, enfermé dans la boîte n° III)
  5. La petite pendule dorée qui est actuellement dans ma chambre à coucher ;
  6. Mon lavabo, son pot à eau et son pied ;
  7. Mes tables de nuit, celles qui me servaient en France, et mon bidet de vermeil ;
  8. Mes deux lits de fer, mes matelas et mes couvertures, s’ils se peuvent conserver ;
  9. Mes trois flacons d’argent où l’on mettait mon eau-de-vie, que portaient mes chasseurs en campagne ;
  10. Ma lunette de France ;
  11. Mes éperons (deux paires) ;
  12. Trois boîtes d’acajou n° I, II, III, renfermant mes tabatières et autres objets ;
  13. Une cassolette en vermeil.

LINGE DE TOILETTE

6 chemises ;
6 mouchoirs ;
6 cravates ;
6 serviettes ;
6 paires de bas de soie ;
4 cols noirs ;
6 paires de chausettes ;
2 paires de draps de batiste ;
2 taies d’oreiller ;
2 robes de chambre ;
2 pantalons de nuit ;
1 paire de bretelles ;
4 culottes, vestes en casimir blanc ;
6 madras ;
6 gilets de flanelle ;
4 caleçons ;
6 paires de gants ;
1 petite boîte pleine de mon tabac ;
1 boucle de col en or,
1 paire de boucles à garnitures en or,
1 paire de boucles en or à souliers, [ces trois derniers objets] renfermés dans la petite boîte n° III.

HABILLEMENT

1 uniforme de chassseur,
1 de grenadier,
1 de garde national ;
2 chapeaux ;
1 capote grise et verte ;
1 manteau bleu (celui que j’avais à Marengo) ;
1 zibeline petite veste ;
2 paires de souliers,
2 paires de bottes,
1 paire de pantoufles ;
6 ceinturons. Napoléon

ÉTAT (A) JOINT A MON TESTAMENT
Conservé aux Archives nationales

 Longwood, île de Sainte-Hélène, le 15 avril 1821

I

  1. Les vases sacrés qui ont servi à ma chapelle à Longwood.
  2. Je charge l’abbé Vignali de les garder, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

II

  1. Mes armes, savoir : mon épée, celle que je portais à Austerlitz, le sabre de Sobieski ; mon poignard, mon glaive, mon couteau de chasse, mes deux paires de pistolets de Versailles.
  2. Mon nécessaire d’or, celui qui m’a servi le matin d’Ulm, d’Austerlitz, d’Iéna, d’Eylau, de Friedland, de l’île Lobau, de la Moskowa, de Montirail ; sous ce point de vue, je désire qu’il soit précieux à mon fils ; le comte Bertrand en est dépositaire depuis 1814.
  3. Je charge le comte Bertrand de soigner et conserver ces objets, et de les remettre à mon fils lorsqu’il aura seize ans.

III

  1. Trois petites caisses d’acajou, contenant, la première, trente-trois tabatières ou bonbonnières ; la deuxième, douze boîtes aux armes impériales, deux petites lunettes et quatre boîtes trouvées sur la table de Louis XVIII, aux Tuileries, le 20 mars 1815 ; la troisième, trois tabatières ornées de médailles d’argent, à l’usage de l’Empereur, et divers effets de toilette, conformément aux états numérotés I, II, III ;
  2. Mes lits de camp dont j’ai fait usage dans toutes mes campagnes ;
  3. Ma lunette de guerre ;
  4. Mon nécessaire de toilette, un de chacun de mes uniformes,une douzaine de chemises, et un objet complet de chacun de mes habillements et généralement de tout ce qui sert à ma toilette ;
  5. Mon lavabo ;
  6. Une petite pendule qui est dans ma chambre à coucher de Longwood ;
  7. Mes deux montres et la chaîne de cheveux de l’Impératrice :
  8. Je charge Marchand, mon premier valet de chambre, de garder ces objets, de les remettre à mon fils lorsqu’il aura seize ans.

IV

  1. Mon médaillier ;
  2. Mon argenterie et ma porcelaine de Sèvres dont j’ai fait usage à Sainte-Hélène (états B et C)
  3. Je charge le comte Montholon de garder ces objets, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

V

  1. Mes trois selles et brides, mes éperons qui m’ont servi à Sainte-Hélène ;
  2. Mes fusils de chasse au nombre de cinq ;
  3. Je charge mon chassseur Noverraz de garder ces objets, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

VI

  1. Quatre cents volumes choisis de ma bibliothèque parmi ceux qui ont le plus servi à mon usage :
  2. Je charge Saint-Denis de les garder, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

Napoléon

ÉTAT (B)
Conservé aux Archives nationales

Inventaire des effets que j’ai laissé chez Monsieur le Comte de Turenne

1 sabre de Sobieski (c’est par erreur qu’il est porté sur l’état A ; c’est le sabre que l’Empereur portait à Aboukir qui est entre les mains de M. le comte Bertrand) ;
1 grand collier de la Légion d’honneur ;
1 épée en vermeil ;
1 glaive de consul ;
1 épée en fer ;
1 ceinturon de velours ;
1 collier de la Toison d’or ;
1 petit nécessaire en acier ;
1 veilleuse en argent ;
1 poignée de sabre antique ;
1 chapeau à la Henri IV et ma toque ;
Les dentelles de l’Empereur ;
1 petit médaillier ;
2 tapis turcs ;
2 manteaux de velours cramoisi brodés, avec vestes et culottes.

  1. Je donne à mon fils : le sabre de Sobieski, le collier de la Légion d’honneur, l’épée en vermeil, le glaive de consul, l’épée en fer, le collier de la Toison d’or, le chapeau à la Henri IV et la toque ; le nécessaire d’or pour les dents, resté chez le dentiste.
  2. À l’Impératrice Marie-Louise mes dentelles;

A Madame, la veilleuse en argent ;
Au cardinal, le petit nécessaire en acier ;
Au prince Eugène, le bougeoir en vermeil ;
A la princesse Pauline, le petit médaillier ;
A la reine de Naples, un petit tapis turc ;
A la reine Hortense, un petit tapis turc ;
Au prince Jérôme, la poignée de sabre antique ;
Au prince Joseph, un manteau brodé, veste et culottes ;
Au prince Lucien, un manteau brodé, veste et culottes.

Napoléon

Inventaire B (argenterie) et C (vermeil et porcelaine)

(Sources : Papiers Marchand (Bib. Thiers, ms Masson 21), Fonds Murat (AN, 31AP/21), Chevallier B., « Le mobilier et la vaisselle de Sainte-Hélène », Sainte-Hélène, île de mémoire, Fayard, 2005, p. 97-119)

Argenterie

Quatre-vingt-seize assiettes à palmettes à couteau, hors de service Quatre-vingt-treize cuillères

Quatre-vingt-deux fourchettes

Hors de service
Dix-sept assiettes à palmettes à soupe, hors de service Quarante-sept cuillères à café
Quatre-vingt-seize assiettes de campagne à couteau Huit cuillères à ragoût
Vingt-trois assiettes de campagne à soupe Deux cuillères à potage
Six plats ovales Douze bols à crème avec couvercles et fonds, hors de service
Six plats d’entrée Quinze timbales
Vingt plats d’entremets Un réchaud à esprit de vin
Deux plats de relevé Deux sceaux à vin
Trois boules ovales Un plateau
Huit boules d’entremets Quatre cafetières, dont deux hors de service
Trois cloches ovales Un pot à lait
Deux soupières et couvercles Deux sucriers hors de service
Quatre casseroles et couvercles, hors de service Deux chocolatières dont un hors de service
Deux saucières sans plateaux Une pince à sucre
Dix-huit plateaux à bouteilles Une truelle à poisson
Huit salières Deux bouteilles, hors de service
Deux moutardiers Quatre girandoles de table dont deux brisées
Deux huiliers Trois flacons à eau de vie
Une écuelle et son couvercle, hors de service
Deux fonds d’entremets
Trente-quatre couteaux, hors de service

 

Vermeil

Vingt-huit fourchettes Une cuillère à punch
Vingt-sept cuillères Huit cuillères à sel
Vingt-neuf couteaux Une cuillère à moutarde
Trente-deux cuillères à café Deux cafetières
Six cuillères à compote Une chocolatière
Deux cuillères à sucre Deux porte-à-boire

 

Porcelaine

Cinquante-quatre assiettes de porcelaine de Sèvres pour dessert* Six assiettes en couteaux
Huit compotiers dont quatre cassés Deux glacières cassées
Quatre bouts de table en mauvais état Vingt-et-une tasse**
Douze assiettes à soupes dont parties écornées Vingt soucoupes

 

*Service dit « des Quartiers généraux      **Cabaret à café dans le goût égyptien »

État des boîtes que Marchand remettra à mon fils

I

La première des boites (n° 1) est à double fond, a 15 pouces de long et contient 19 tabatières. Le fond contient quatorze tabatières. Total des tabatières du n° 1 = 33.

  1. La Sagesse de Scipion (donnée par le pape Pie VII à l’empereur lors du Couronnement).
  2. Le roi de Rome enfant (tabatière dont l’empereur a fait usage pendant plusieurs années).
  3. Portrait de l’impératrice Joséphine, première femme de l’empereur Napoléon.
  4. Tabatière ovale long, contenant quatre médailles où se trouve Jules César (L’empereur s’est souvent servi de cette tabatière).
  5. Tabatière ornée du portrait du roi et de la reine de Westphalie.
  6. Petite boîte à cure-dents ornée d’un portrait de Madame.
  7. Tabatière quarrée [sic] ornée d’un camée, portrait de Madame fort ressemblant.
  8. Tabatières quarrées [sic] ornées de cinq médailles du moyen âge.
  9. Boîte à odeur.

9 Bis. Bonbonnière ornée du portrait de la reine de Naples, sœur de l’empereur.

  1. Tabatière ronde. 4 portraits : l’impératrice Joséphine, le prince Eugène, la reine Hortense et le roi de Hollande.
  2. Tabatière ovale ornée de trois médailles parmi lesquelles se trouvent celle de César. L’Empereur s’est souvent servi de cet tabatière).
  3. Fédération de Milan ou création de la République cisalpine en 1797.

12 bis. Tabatière quarrée [sic] ornée d’une agate.

  1. Tête d’Alexandre, camée Antique.
  2. Auguste et Livie, camée Antique (le seul qui existe).
  3. Tabatière ornée d’un camée portrait de l’Empereur.
  4. Portrait de Turenne
  5. Tabatière ornée de pierres offrant une vue de Laeken.

Second fond

  1. Paul Ier, empereur de Russie.
  2. Plan de Vienne.
  3. Deux portraits des deux nièces de l’empereur, filles du roi Joseph.
  4. Paysage en mosaïque.
  5. Bataille de Marengo (donné par la ville de Dieppe).
  6. Bonbonnière ornée du portrait de Madame.
  7. Portrait du roi Joseph, frère aîné de l’empereur.
  8. Boîte d’or enrichie de diamants (donnée à l »empereur par l’empereur de Perse).
  9. Frédéric le Grand à Potsdam.
  10. Une tête d’Alexandre (la seule qui existe).
  11. Une boîte Pierre de lave avec trois médailles.
  12. Le roi de Rome enfant priant Dieu pour la France et son père.
  13. Portrait de l’impératrice Marie-Louise, tabatière que portait souvent l’empereur.

Dans plusieurs de ces boîtes, il existe des décorations de la Légion d’honneur, de la Couronne de fer, et de la Réunion que portait l’empereur ; et une grande croix de la Légion d’honneur. Napoléon

II

Deuxième boîte

12 boîtes aux armes impériales.
2 petites lunettes dont se servait l’empereur à l’armée.
Une boîte en pierre de Russie ornée d’un portrait.
Une boîte en ivoire.
Une boîte offrant une chasse à Fontainebleau.
Une boîte d’or avec un paysage en ivoire.

NAPOLEON

III

Troisième boîte

  1. Trois tabatières dont se servait l’empereur à Sainte-Hélène, savoir :
    1. Une tabatière ornée de 4 médailles d’argent,
    2. Une tabatière ornée de 2 médailles d’argent,
    3. Une tabatière ornée de 3 médailles d’argent.
  2. Deux ordres de la Légion d ‘honneur.
  3. Une paire de boucles de souliers dont se servait l’empereur à Sainte-Hélène.
  4. Une boucle de col en or.
  5. Une petite paire de boucles à jarretières.
  6. Une bonbonnière en écail [sic].
  7. Une grosse montre d’argent (cette montre se mettait dans la voiture de l’empereur en campagne) et une chaîne en or.
  8. Une petite lorgnette du nombre de celles dont se servait l’empereur à l’armée.
  9. Deux petits cachets aux armes de France.

NAPOLEON 

[1er] codicille
Conservé aux Archives nationales

Avril, le 16, 1821, Longwood.

Ceci est un codicille de mon testament.

1° Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé.

2° Je lègue aux comtes Bertrand, Montholon et à Marchand l’argent, bijoux, argenterie, porcelaine, meubles, livres, armes, etc. et généralement tout ce qui m’appartient dans l’île de Sainte-Hélène.

Ce codicille, tout entier écrit de a main, est signé et scellé de mes armes.

Napoléon

Second codicille
Conservé aux Archives nationales

Avril, ce 16, 1821, Longwood.

Ceci est un second codicille à mon testament.

Par mon premier codicille de ce jour, j’ai fait donation de tout ce qui m’appartient dans l’île Sainte-Hélène aux comtes Bertrand, Montholon et à Marchand. C’est une forme pour mettre hors de cause les Anglais.  Ma volonté est qu’il soit déposé de mes effets de la manière suivante :

1° On trouvera  300 000 francs en or et argent desquels seront distraits 30 000 francs pour payer les réserves de mes domestiques. Le restant sera distribué : 50 000, à Bertrand ; 50 000, à Montholon ; 50 000, à Marchand ; 15 000, à Saint-Denis ; 15 000 à Noverraz ; 15 000, à Pierron ; 15 000, à Vignali ; 10 000, à Archambault ; 10 000, à Coursot ; 5 000, à Chandellier. Le restant sera donné en gratifications aux médecins anglais, domestiques chinois et au chantre de la paroisse.

2° Je lègue à Marchand mon collier de diamants.

3° Je lègue à mon fils tous les effets qui ont été à mon usage, conformément à l’état A ci-joint.

4° Tout le reste de mes effets sera partagé entre Bertrand, Montholon, Marchand, défendant qu’il ne soit rien vendu de ce qui a servi mon corps.

5° Je lègue à Madame, ma très bonne et chère mère, les bustes, cadres, petits tableaux qui sont dans mes chambres, et les seize aigles d’argent, qu’elle distribuera entre mes frères, soeurs, neveux (je charge Coursot de lui porter ces objets à Rome) ; ainsi que les chaînes et colliers de la Chine, que Marchand lui remettra pour Pauline.

6° Toutes les donations contenues dans ce codicille sont indépendantes de celles faites par mon testament.

7° L’ouverture de mon testament sera faite en Europe, en présence des personnes qui ont signé sur l’enveloppe.

8° J’institue mes exécuteurs testamentaires les comtes Montholon, Bertrand et Marchand.

Ce codicille, tout écrit de ma propre main, est signé et scellé de mes armes.

Napoléon

3e codicille
Conservé aux Archives nationales

Ce 24 avril 1821, Longwood.

Ceci est mon troisième codicille à mon testament du 15 avril.

1° Parmi les diamants de la Couronne qui furent remis en 1814, il s’en trouve pour 5 à 600 000 francs qui n’en étaient pas et faisaient partie de mon avoir particulier : on les fera rentrer pour acquitter mes legs.

2° J’avais chez le banquier Torlonia, de Rome 2 à 300 000 francs en lettres de change, produits de mes revenus de l’île d’Elbe ; depuis 1815, le sieur Peyrusse, quoiqu’il ne fût plus mon trésorier et n’eût pas de caractère, a tiré à lui cette somme : on lui fera restituer.

3° Je lègue au duc d’Istrie, 300 000 francs, dont seulement cent mille francs réversibles à la veuve si le duc était mort lors de l’exécution du legs ; je désire, si cela n’a aucun inconvénient, que le duc épouse la fille de Duroc.

4° Je lègue à la duchesse de Frioul, fille de Duroc, 200 000 francs ; si elle était morte avant l’exécution du legs, il ne sera rien donné à la mère.

5° Je lègue au général Rigaud, celui qui a été proscrit, cent mille francs.

6° Je lègue à Boinod, commissaire ordonnateur, cent mille francs.

7° Je lègue aux enfants du général Letort, tué à …., dans la campagne de 1815, cent mille francs.

8° Ces 800 000 francs de legs seront comme s’ils étaient portés à la suite de l’article 35 de mon testament ; ce qui porterait à quatre cent mille francs la somme des legs dont je dispose par mon testament, sans comprendre les donations faites par mon second codicille.

Ceci est mon troisième codicille, à mon testament, tout entier écrit de ma main, signé et scellé de mes armes.

[sur l’enveloppe]

Sera ouvert le même jour et immédiatement après l’ouverture de mon testament.

Napoléon

4e codicille
Conservé aux Archives nationales

Ce 24 avril 1821, Longwood.

Ceci est mon quatrième codicille à mon testament. Par les dispositions que nous avons faites prcédemment nous n’avons pas rempli toutes nos obligations ; ce qui nous a décidé à faire ce quatrième codicille.

1° Nous léguons au fils ou petit-fils du baron du Theil, lieutenant général d’artillerie, ancien seigneur de Saint-André, qui a commandé l’école d’Auxonne avant la Révolution, la somme de cent mille francs comme souvenir de reconnaissance pour les soins que ce brave général a pris de nous lorsque nous étions, comme lieutenant et capitaine, sous ses ordres.

idem au fils ou petit-fils du général Dugommier, qui a commandé en chef l’armée de Toulon, la somme de cent mille francs, nous avons sous ses ordres dirigé ce siège, commandé l’artillerie ; c’est un témoignage de souvenir pour les marques d’estime, d’affection et d’amitié que nous a données ce brave et intrépide général.

idem  nous léguons cent mille francs au fils ou petit-fils du député de la Convention Gasparin, représentant du peuple à l’armée de Toulon, pour avoir protégé et sanctionné de son autorité le plan que nous avons donné, ce qui a valu la prise de cette ville et qui était contraire à celui envoyé par le Comité de salut public. Gasparin nous a mis par sa protection à l’abri des persécutions de l’ignorance des états-majors qui commandaient l’armée avant l’arrivée de mon ami Dugommier.

idem nous léguons cent mille francs à la veuve, ou fils ou petit-fils de notre aide de camp Muiron, tué à nos côtés à Arcole, nous couvrant de son corps.

idem 10 000 francs au sous-officier Cantillon, qui a essuyé un procès comme prévenu d’avoir voulu assassiner lord Wellington, ce dont il a été déclaré innocent. Cantillon avait autant de droit d’assassiner cet oligarque que celui-ci de m’envoyer, pour y périr, sur le rocher de Sainte-Hélène. Wellington, qui a proposé cet attentat, cherchait à le motiver sur l’intérêt de la Grande-Bretagne. Cantillon, si vraiment il eût assassiné ce lord, se serait couvert et aurait été justifié par les mêmes motifs, l’intérêt de la France de se défaire d’un général qui, d’ailleurs, avait violé la capitulation de Paris et par là s’était rendu responsable du sang des martyrs Ney, Labédoyère, etc.  et du crime d’avoir dépouillé les musées contre le texte des traités.

6° Ces 410 000 francs seront ajoutés aux 6 400 000 dont nous avons disposé, et porteront nos legs à 6 810 000 francs. Ces 410 000 francs doivent être considérés comme faisant partie de notre testament, article 35, et suivre en tout le même sort que les autres legs.

7° Les 9 000 livres sterling que nous avons données au comte et à la comtesse Montholon doivent, si elles ont été soldées, être déduites et portées en compte sur les legs que nous lui faisons par notre testament ; si elles n’ont pas été acquittées, nos billets seront annulés.

8° Moyennant le legs fait par notre testament au comte Montholon, la pension de 20 000 francs accordée à sa femme est annulée ; le comte Montholon est chargé de la lui payer.

9° L’administration d’une pareille succession jusqu’à son entière liquidation exigeant des frais de bureaux, de courses, de missions, de consultations, de plaidoiries, nous entendons que nos exécuteurs testamentaires retiendront 3 pour 100 sur tous les legs, soit sur les 6 810 000 francs, soit sur les sommes portées dans les codicilles, soit sur les 200 millions du domaine privé.

10° Les sommes provenant de ces retenues seront déposées dans les mains d’un trésorier et dépensées sur mandats de nos exécuteurs testamentaires.

11° Si les sommes provenant desdites retenues n’étaient pas suffisantes pour pourvoir aux frais, il y sera pourvu aux dépens des trois exécuteurs testamentaires et du trésorier, chacun dans la proportion du legs que nous leur avons fait par notre testament et codicilles.

12° Si les sommes provenant des susdites retenues sont au-dessus des besoins, le restant sera partagé entre nos trois exécuteurs testamentaires et le trésorier, dans le rapport de leurs legs respectifs.

13° Nous nommons trésorier le comte de Las Cases,et, à son défaut, son fils, et, à son défaut, le général Drouot.

Ce présent codicille est entièrement écrit de notre main, signé et scellé de nos armes.

Napoléon

[5e] codicille
Conservé aux Archives nationales

Ce 24 avril 1821, Longwood.

Ceci est mon codicille ou acte de ma dernière volonté.

Sur la liquidation de ma liste civile d’Italie tels qu’argent, bijoux, argenterie, linge, meubles, écuries, dont le vice-roi est dépositaire et qui m’appartenaient, je dispose de 2 millions que je lègue à mes plus fidèles serviteurs. J’espère que, sans s’autoriser d’aucune raison, mon fils Eugène Napoléon les acquittera fidèlement ; il ne peut oublier les 40 millions que je lui ai donnés, soit en Italie, soit par le partage de la succession de sa mère.

1° Sur ces 2 millions, je lègue au comte Bertrand 300 000 francs dont il versera 100 000 dans la caisse du trésorier pour être employés, selon mes dispositions, à l’acquit de legs de conscience ;

2° Au comte Montholon, 200 000 francs, dont il versera 100 000 à la caisse pour le même usage que ci-dessus ;

3° Au comte Las  Cases, 200 000 francs, dont il versera cent mille francs dans la caisse pour le même usage que ci-dessus ;

4° A Marchand, cent mille francs, dont il versera 50 000 à la caisse pour le même usage que ci-dessus ;

5° Au comte Lavalette, cent mille francs ;

6° Au général Hogendrop, Hollandais, mon aide de camp, réfugié au Brésil, cent mille francs ;

7° A mon aide de camp Corbineau, cinquante mille francs ;

8° A mon aide de camp Caffarelli, cinquante mille francs ;

9° A mon aide de camp Dejean, cinquante mille francs ;

10° A Percy, chirurgien chef à Waterloo, cinquante mille francs ;

11° cinquante mille francs, savoir : 10 000 à Pieron, mon maître d’hôtel ; 10 000 à Saint-Denis, mon premier chasseur ; 10 000 à Noverraz ; 10 000 à Coursot, mon maître d’office ; 10 000 à Archambault, mon piqueur ;

12° Au baron Meneval, cinquante mille francs ;

13° Au duc d’Istrie, fils de Bessières, cinquante mille francs ;

14° A la fille de Duroc, cinquante mille francs ;

15° Aux enfants de Labédoyère, cinquante mille francs ;

16° Aux enfants de Mouton-Duvernet, cinquante mille francs ;

17° Aux enfants du brave et talentueux général Travot, cinquante mille francs ;

18° Aux enfants de Chartrand, cinquante mille francs ;

19° Au général Cambronne, cinquante mille francs ;

20° Au général Lefebvre-Desnouettes, cinquante mille francs ;

21° Pour être répartis entre les proscrits qui errent en pays étranger, Français, ou Italiens, ou Belges, ou Hollandais, ou Espagnols, ou des départements du Rhin, sur ordonnances de mes exécuteurs testamentaires : cent mille francs ;

22° Pour être répartis entre les amputés ou blessés grièvement de Ligny, Waterloo, encore vivants, sur des états dressés par mes exécuteurs testamentaires, auxquels seront adjoints Cambronne, Larrey, Percy et Emery (il sera donné double à la Garde, quadruple à ceux de l’île d’Elbe) : 200 000

Ce codicille est écrit  entièrement de ma propre main, signé et scellé de mes armes.

Napoléon

[6e] codicille
Conservé aux Archives nationales

Ce 24 avril 1821, Longwood.

Ceci est mon codicille ou acte de ma dernière volonté.

Sur les fonds remis en or à l’Impératrice Marie-Louise, ma très chère et bien aimée épouse, à Orléans en 1814, elle reste me devoir 2 millions, dont je dispose par le présent codicille, afin de récompenser mes plus fidèles serviteurs, que je recommande du reste à la protection de ma très chère Marie-Louise.

1° Je recommande à l’Impératrice de faire restituer au comte Bertrand les 30 000 francs de rente qu’il possède dans le duché de Parme et sur le Mont Napoléon, de Milan, ainsi que les arrérages échus.

2° Je lui fais la même recommandation pour le duc d’Istrie, la fille de Duroc, et autres de mes serviteurs qui me sont restés fidèles et qui me sont toujours chers ; elle les connaît.

3° Je lègue, sur les 2 millions ci-dessus mentionnés, 300 000 francs au comte Bertrand, sur lesquels il versera cent mille francs dans la caisse du trésorier pour être employés, selon mes dispositions, à des legs de conscience.

4° Je lègue 200 000 francs au comte Montholon, sur lesquels il versera cent mille francs dans la caisse du trésorier pour le même usage que ci-dessus ;

idem 200 000 francs au comte Las Cases, sur lesquels il versera cent mille francs dans la caisse du trésorier pour le même usage que ci-dessus ;

6 idem à Marchand cent mille francs, sur lesquels il versera 50 000 dans la caisse pour le même usage que ci-dessus ;

7° Au maire d’Ajaccio au commencement de la Révolution  Jean-Jérôme Levie ou à sa veuve, enfants ou petits-enfants, cent mille francs ;

8° A la fille du Duroc, cent mille francs ;

9° Au fils de Bessières, duc d‘Istrie, cent mille francs ;

10° Au comte Drouot, cent mille francs ;

11° Au comte Lavalette, cent mille francs ;

12° idem cent mille francs, savoir : 25 000 à Pierron, mon maître d’hôtel ; 25 000 à Noverraz, mon chasseur ; 25 000 à Saint-Denis, le garde de mes livres ; 25 000 à Santini, mon ancien huissier ;

13° idem cent mille francs, savoir : 40 000 à Planat, officier d’ordonnance ; 20 000 à Hébert, dernièrement concierge à Rambouillet, et qui était de ma chambre en Egypte ; 20 000 à Lavigne, qui était dernièrement concierge d’une de mes écuries et qui était mon piqueur en Egypte ; 20 000 à Jannet-Dervieux, qui était piqueur des écuries et me servait en Egypte.

14° 200 000 francs seront distribués en aumônes aux habitants de Brienne-le-Château qui ont le plus souffert.

15° Les 300 000 francs restants seront distribués aux officiers et soldats du bataillon de ma Garde de l’île d’Elbe actuellement vivants, ou à leurs veuves et enfants, au prorata des appointements et selon l‘état qui sera arrêté par es exécuteurs testamentaires. Les amputés ou blessés grièvement auront le double. L’état en sera arrêté par Larrey et Emery.

Ce codicille est écrit tout de ma propre main, signé et scellé de mes armes.

Napoléon

[au dos]

Ceci est mon codicille ou acte de ma dernière volonté, dont je recommande l’exécution à ma très chères épouse l’Impératrice Marie-Louise.

Napoléon

7e codicille
Une copie est conservée aux Archives nationales, dans le fonds Murat, 31 AP 28, et deux autres dans le fonds Napoléon, 400 AP 5 (dossier 6), f° 160-186 et f° 198-226.

Ce 25 avril 1821, Longwood

Ceci est mon septième codicille à mon testament.

1° Mes exécuteurs testamentaires enverront à ma mère, au cardinal Fesch, à chacun de mes frères, de mes sœurs, de mes beaux-frères, de mes neveux et nièces, à Eugène, à Hortense, une assiette à soupe, une assiette, un couvert, un couteau, un gobelet ; le tout en argent aux armes impériales.

2° Les effets que Marchand gardera et soignera pour être remis à mon fils sont ceux compris dans l’état ci-joint ; A.

3° Il sera disposé des effets que j’ai laissé à Paris chez Turenne, conformément à l’État B.

4° Si l’on trouve chez mes anciens valets à la Secrétairerie d’État, mes cachets de France et d’Italie, du duché de Berg, on les remettra à mon fils. On lui fera remettre par mon dentiste mon nécessaire de dents en or, que l’on remettra à mon fils.

5° On remettra à mon fils ma carte d’Italie, d’Albe, et les copies, vues des champs de bataille, quartiers généraux, que j’ai fait faire par [Bacler d’] Albe et Denon ; Celui-ci a touché des sommes importantes pour cet objet.

On réunira soit par le canal de Denon, soit par celui d’Albe, le plus de dessins et tableaux que l’on pourra relatifs à moi, à mes guerres, à mes évènements politiques ; On y dépensera s’il est nécessaire une somme de 300 000 f. que l’on prélèvera sur ma succession. Tous les objets pour être envoyés à mon fils.

Sur les 700 000 f. réservés par mes codicilles pour argent de legs de conscience, nous léguons : 300 000 francs au pupille du beau-père de Méneval appelé Léon. Cette somme sera employée à lui acheter une terre dans le voisinage de celle de Montholon ou Bertrand. Cette acquisition sera faite dans l’année de ma mort. Si cet enfant était mort ou mourait sans tester, avant l’âge, ce bien serait donné à Alexandre Walewski.

100 000 f. que je lègue, savoir : au grand vicaire Arrighi, qui était à l’Ile d’Elbe 30 000, 20 000 f. à mon officier d’ordonnance Vantini, 10 000 f. à mon officier d’ordonnance de Porto Longona [Pons][2] et qui était à Waterloo, 10 000 f. à celui de Marciano et 30 000 f. au général Lapi commandant la garde nationale de Porto Ferrajo;

100 000 f. que nous léguons, savoir : 30 000 f. à Chotat [Chautard] capitaine du brick l’Inconstant, 30 000 f. au lieutenant de frégate Taillade qui commandait alors les marins de la garde, 30 000 à Sari [ou Sary] lieutenant du brick l’Inconstant et natif d’Ajaccio, 10 000 f. aux maîtres et équipages du brick l’Inconstant, qui seraient dans le besoin [Raimbaud].

100 000 f. que nous léguons, savoir : 20 000 à l’abbé Recco, professeur au collège d’Ajaccio qui m’a appris à lire, et dans le cas de sa mort, à son plus proche héritier, 20 000 f. à Paoli commandant de gendarmerie de l’Ile d’Elbe, 20 000 f. au capitaine du port de l’isle d’Elbe, que Bertrand connait [Felidoro ou Philidoro] , 20 000 f. au jeune Matras fils de Mme Matras qui a séjourné à l’Ile d’Elbe, 20 000 f. à Louis Coni [ou Loviconi] de Bastelica en Corse officier au bataillon volontaire que j’ai jadis commandé.

100 000 f. que je lègue, savoir :  10 000 f. au fils ou petit-fils du berger Nicolas de Bocognano [Nicolas Farinacci], 10 000 au berger Bagaglino, celui qui est venu à l’Ile d’Elbe, 10 000 à Costa constructeur de gondoles du faubourg d’Ajaccio, 10 000 à la veuve du fils du sergent du bataillon [Marinaro] que j’ai commandé, il était de Bastelica en l’île de Corse. Costa et [illisible] désigneront son nom, son fils était à l’isle d’Elbe, 10 000 f. à Marenyge [Marcaggi] de Bocognano, maréchal des logis de gendarmerie à l’ile d’Elbe, 20 000 f. au brave habitant de la commune de Bocognano qui en 1792 ou 1793 m’a ouvert la porte d’une maison ou des brigands m’avaient enfermé et m’a escorté jusqu’à Occiani [ou Toussaint Bonelli], 10 000 f. à Visse Savona [Jacques-Alphonse Vizzavona], habitant de Bocognano, 20 000 f. à Poggi ancien maire d’Occiani [ou Ucciani].

6° Les recettes qui doivent faire face à ces legs éprouvaient des difficultés, ils seront diminués au marc la livre.

Ce codicille ne sera jamais imprimé. Il restera secret. Le trésorier même n’en aura pas connaissance et sera annulé aussitôt qu’il sera exécuté ; communication en sera refusée, comme contenant des affaires de conscience.

Ce codicille est signé de ma propre main et écrit de même tout entier

Signé Napoléon

Les deux derniers codicilles

8e codicille
non signé, partiellement autographe

Ce codicille ne fut jamais conservé avec les autres pièces de l’ensemble testamentaire.
Son lieu actuel de conservation est inconnu.

Aujourd’hui 27 avril 1821

Malade de corps, mais sain d’esprit, j’ai écrit de ma propre main ce 8ème codicille à mon testament

I° j’institue mes exécuteurs testamentaires Montholon, Bertrand et Marchand, et Las Cases ou son fils thrésorier ;

2° je prie ma bien-aimé Marie-Louise de prendre à son service mon cherurgien Antommarchi, auquelle je lègue une pension pour sa vie durant de 6 000 francs (six mille francs) quelle lui payera ;

3° de prendre idem Vignaly pour aumônier et l’atacher en cette qualité à mon fils ;

4° je lègue ma maison d’habitation à Ajaccio et tous mes biens, terres, vignes, jardins, meubles, troupeau à ma mère ;

5° je lègue tout ce que je possède à lisle d’Elbe maison, meubles, vignes terres troupeaux à ma très chère et très honorée la princesse Pauline ;

6° je lègue à la comtesse Bertrand et à la comtesse Montholon la moitié de mon cabaret de Sèvres l’autre moitié à mon fils ;

7° je lègue tout ce que je possède d’indivis avec le cardinal Fesch en Corse au dit cardinal[3]

 

[Au dos d’une Carte à jouer] Considéré comme le 9e codicille
Ecrit par Marchand, non signé
Cette pièce est en mains privées.

[Dicté à Marchand le 29 avril ou le 2 mai]

Je lègue à mon fils ma maison d’habitation d’Ajaccio et ses dépendances, deux maisons aux environs des salines avec jardins, tous mes biens dans le territoire d’Ajaccio pouvant lui donner 50 mille livres de rente.

Je lègue à mon fils …

Instructions aux financiers

Lettre à Laffitte
Conservée aux Archives nationales

Monsieur Laffitte, je vous ai remis en 1815, au moment de mon départ de Paris, une somme de près de six millions, dont vous m’avez donné un double reçu. J’ai annulé un des reçus, et je charge le comte de Montholon de vous présenter l’autre reçu, pour que vous ayez à lui remettre après ma mort ladite somme avec les intérêts à raison de 5 pour 100 à dater du 1er juillet 1815, en défalquant les payemens dont vous avez été chargé en vertu d’ordres de moi.

Je désire que la liquidation de votre compte soit arrêtée d’accord entre vous, le comte de Montholon, le comte Bertrand et le sieur Marchand, et, cette liquidation réglée, je vous donne par la présente, décharge entière et absolue de ladite somme.

Je vous ai également remis une boîte contenant mon médaillier : je vous prie de la remettre au comte Montholon.

Cette lettre n’étant à autre fin, je prie Dieu, Monsieur Laffitte, qu’Il vous ait en sa sainte et digne garde.

Longwood, île de Sainte-Hélène, ce 25 avril 1821.

Napoléon

 

Lettre à La Bouillerie
Conservée aux Archives nationales

Monsieur le Baron la Bouillerie, trésorier de mon domaine privé, je vous prie d’en remettre le compte et le montant après ma mort au comte  Montholon, que j’ai chargé de l’exécution de mon testament.

Cette lettre n’étant à autre fin, je prie Dieu, Monsieur le Baron la Bouillerie, qu’Il vous ait en sa sainte et digne garde.

Longwood, île de Sainte-Hélène, ce 25 avril 1821.

Napoléon 

Instruction pour mes exécuteurs testamentaires
Conservée aux Archives nationales

Ce 26 avril 1821, Longwood.

1° J’entends que mes legs soient payés dans leur intégralité.

2° Les 5 280 000 francs que j’ai placés chez le banquier Laffitte devront avoir produit, au 1er janvier 1822, les intérêts étant comptés à 5 pour 100, ainsi que je le lui ai dit, environ 7 millions de francs. En cas de difficulté, il faut compter de clerc à maître, puisque des forces majeurs m’ont empêché d’écrire et de disposer de mes fonds. Je n’entends aucune modification là-dessus.

3° Je n’ai connaissance que le banquier Laffitte ait payé pour mon compte que : 1) 20 000 francs au général Lallemand aîné ; 2) 3 000 francs à Gillis, mon valet de chambre ; 3) cent mille francs au comte Las Cases ; 4) 72 000 francs à Balcombe, sur une lettre de crédit du comte Bertrand ; 5) Une autorisation, envoyée par le canal du prince Eugène, de fournir 12 000 francs par mois, depuis 1817, à Londres, pour mes besoins ; cette somme n’a pas été fournie, si ce n’est une partie chez MM Parker, ce qui rend redevable de sommes considérables au comte Bertrand, sommes dont il doit tout d’abord être remboursé. D’où il résulte que le réglement de ce compte doit porter les fonds que j’ai placés chez M. Laffitte à la somme de 6 200 000 francs, capital et intérêts, ou environ, disponibles au 1er janvier 1822.

4° La question de mon domaine privé est une question majeure ; elle sera susceptible de beaucoup de débats : mais la restitution de l’argent de Peyrusse, qui a été versé à la Couronne, à ce que je crois ; mais la liquidation de ma liste civile d’Italie, dont il doit me revenir plusieurs millions ; mais la rentrée des meubles existants à la Couronne et qui m’appartenaient avant l’institution de la liste civile, du temps du Consulat et même lorsque j’étais général (dans le premier cas sont tous les meubles de Saint-Cloud, une partie de ceux des Tuileries ; dans le deuxième cas sont une grande partie des meubles de Rambouillet) ; mais les présents reçus évidemment soit des souverains, soit de la ville de Paris, tels que les beaux meubles de malachite de Russie, les lustres, les cristaux, etc, mais le service d’or de la ville de Paris, sont une question particulière. Ces divers objets doivent avoir une valeur de plusieurs millions.

5° Quant à tous les meubles de la Couronne qui m’appartiennent comme ayant été achetés des deniers des revenus de la liste civile, on opposera que, par un sénatus-consulte, les héritiers de l’Empereur ne pouvaient en hériter que lorsque la valeur dépassait 30 millions : mais cela était pour l’avenir ; c’était une règle de famille, et l’on ne pourrait sans injustice ne pas considérer ces meubles comme ma propriété.

6° Laeken a été acheté des deniers du domaine extraordinaire ; mais les meubles ont été payés par les deniers du  domaine privé ; cela forme un article de 800 000 francs, qui doivent être réclamés au roi des Pays-Bas.

7° Lorsque le roi de Sardaigne et le grand-duc de Toscane furent chassés de leurs États en 1799, ils emportèrent leur argenterie, leurs bijoux et autres effets précieux ; on leur conserva même leurs domaines particuliers ; de quels droits ces souverains prétendraient-ils garder mon argenterie et les meubles que j’ai envoyés de Paris et qui ont été achetés des deniers de ma liste civile ?

8° Le pape a emporté de Rome son argenterie et ses objets précieux : l’argenterie et les meubles que j’ai envoyés à Rome, et qui ont été payés des deniers de ma liste civile, m’appartiennent de droit.

9° J’avais à l’île d’Elbe une petite métairie appelée Saint-Martin, estimée 200 000 francs, avec meubles, voitures, etc. Cela avait été acheté des deniers de la princesse Pauline : si on le lui a remis, je suis satisfait : mais, si on ne l’a pas fait, mes exécuteurs testamentaires doivent en poursuivre la remise, qui sera donnée à la princesse Pauline si elle vit, et qui rentrera à la masse de ma succession si elle ne vit plus alors.

10° J’avais à Venise 5 millions de vif-argent, qui ont été, je crois, en grande partie dérobés aux Autrichiens : les réclamer et en poursuivre la rentrée.

11° Il court des bruits sur un testament du patriarche de Venise : il faut les approfondir.

12° J’avais laissé à Malmaison, indépendamment de tous mes livres, 2 millions en or et bijoux, dans une cachette ; donation spéciale n’en a jamais été faite à l’Impératrice Joséphine : je désire que cette somme soit réclamée qu’autant que cela serait nécessaire pour compléter mes legs.

13° J’ai donné à l’Impératrice Marie-Louise 2 millions en or, à Orléans, qu’elle me doit : mais je désire que cet somme ne soit réclamée qu’autant que cela serait nécessaire pour compléter mes legs.

14° J’ai chez Denon et d’Albe une grande quantité de plans qui m’appartiennent puisque j’ai payé pendant plusieurs années 10 à 20 000 francs par mois pour la levée et confection de ces plans et dessins : s’en faire rendre compte et faire faire remise pour mon fils.

15° Je désire que mes exécuteurs testamentaires fassent un réunion de gravures, tableaux, livres, médailles, qui puissent donner à mon fils des idées justes et détruire les idées fausses que la politique étrangère aurait pu vouloir lui inculquer, afin qu’il soit dans le cas de voir les choses comme elles ont été. En imprimant es campagnes d’Italie et d’Egypte, et ceux de mes manuscrits qu’on imprimera, on les dédiera à mon fils, ainsi que les lettres des souverains, si on les trouve ; on doit pouvoir se les procurer des Archives ; ce qui ne doit pas être difficile, puisque la vanité nationale y gagnerait beaucoup.

16° Si on peut se procurer une collection de mes quartiers généraux qui était à Fontainebleau, ainsi que les vues de mes palais de France et d’Italie, on en fera une collection pour mon fils.

17° Constant m’a beaucoup volé à Fontainebleau ; je crois que de lui et de Roustan on peut tirer beaucoup de choses précieuses pour mon fils et qui pour eux n’ont que des valeurs métalliques.

18° Il y avait dans mes petits appartements, au comble des Tuileries, un grand nombre de chaises faites par Joséphine et Marie-Louise, qui peuvent être agréables à mon fils.

19° Quand mes exécuteurs testamentaires pourront voir mon fils, ils redresseront ses idées, avec force, sur les faits et les choses, et le remettront en droit chemin.

20° Quand ils pourront voir l’Impératrice (je désire que ce soit isolèment et aussitôt que la prudence le permettra),  ils feront de même.

21° Sans désirer que ma mère, si elle n’est pas morte, fasse, par son testament, des avantages à mon fils, que je suppose plus riche que ses autres enfants, je désire cependant qu’elle le distingue par quelques legs précieux, tels que portrait de ma mère, de mon père, ou quelques bijoux qu’il puisse dire tenir de ses grands parents.

22° Aussitôt que mon fils sera en âge de raison, ma mère, mes frères, mes soeurs, doivent lui écrire et se lier avec lui, quelque obstacle qu’y mette la maison d’Autriche, alors impuissante, puisque mon fils aura sa propre connaissance.

23° Je verrais avec plaisir ceux de mes officiers ou domestiques qui pourraient s’attacher au service de mon fils, soit les enfants de Bertrand, soit ceux de Montholon, soit…

24° Engager mon fils à reprendre son nom de Napoléon aussitôt qu’il sera en âge de raison et pourra le faire convenablement.

25° On doit trouver chez Denon, d’Albe, Fain, Meneval, Bourrienne, beaucoup de choses d’un grand intérêt pour mon fils.

26° En faisant imprimer mes mémoires d’Italie, se servir d’Albe pour les plans. J’ai fait relevé tous les champs de bataille, il paraît même qu’il les a imprimés ; on pourra se procurer au Dépôt de la guerre des plans que j’avais faits de plusieurs batailles ; je soupçonne que Jomini en a eu connaissance.

27° Mes exécuteurs testamentaires doivent écrire au roi d’Angleterre en passant en Angleterre, et insister pour que mes cendres soient transportées en France ; ils doivent écrire de même au gouvernement en France.

28° Si Las Cases remplit les fonctions de trésorier, et que mes exécuteurs testamentaires jugent nécessaire d’avoir un secrétaire, et que cela convienne à Drouot, ils pourraient le nommer.

29° J’ai une petite cousine à Ajaccio, qui a, je crois, 300 000 francs en terres et s’appelle Pallavicini : si elle n’était pas mariée et qu’elle convînt à Drouot, la mère, sachant que cela était mon désir, la lui donnerait sans difficulté.

30° Je désire qu’il soit manifesté à ma famille que je désire que mes neveux et nièces se marient entre eux ou dans les états Romains, ou dans la république Suisse, ou dans les États-Unis d’Amérique. Je blâme le mariage avec un Suédois, et, à moins d’un retour de fortune en France, je désire que le moins possible mon sang soit à la cour des rois.

31° On peut trouver chez Appiani, peintre à Milan, beaucoup de choses importantes pour mon fils ; mon souvenir sera la gloire de sa vie ; lui réunir, lui acquérir ou lui faciliter l’acquisition de tout ce qui peut lui faire un entourage dans ce sens.

32° S’il y avait un retour de fortune et que mon fils remontât sur le trône, il est du devoir de mes exécuteurs testamentaires de lui mettre sous les yeux tout ce que je dois à mes vieux officiers et soldats et à mes fidèles serviteurs.

33° Entretenir par lettres, et lorsqu’on pourra la voir, l’Impératrice Marie-Louise de la constance, de l’estime et des sentiments que j’ai eus pour elle, et lui recommander toujours mon fils, qui n’a de ressources que de son côté.

34° Si le député Ramolino est à Paris, on pourra se servir de lui et le consulter sur l’état de ma famille et la manière de correspondre avec elle.

35° Je désire que mes exécuteurs testamentaires se procurent les dessins les plus ressemblants de moi sous divers costumes, et les envoient à mon fils aussitôt qu’ils le pourront.

36° Ma nourrice à Ajaccio a des enfants et petits-enfants que le grand sort que je lui ai fait l’a mise à même de bien élever ; ils ne seraient pas suspects à l’autorité autrichienne : tâcher d’en mettre au service de mon fils. Je la suppose morte. D’ailleurs je la crois fort riche ; si cependant, par un caprice du sort, tout ce que j’ai fait pour elle n’avait pas bien tourné, mes exécuteurs testamentaires ne la laisseraient pas dans la misère.

37° Je ne serais pas fâché que le petit Léon entrât dans la magistrature, si cela était son goût. Je désire qu’Alexandre Walewski soit attiré au service de France dans l’armée.

Napoléon

[Sur l’enveloppe]

Ceci est une instruction pour Montholon, Bertrand, et Marchand, mes exécuteurs testamentaires.

J’ai fait un testament et sept codicilles dont Marchand est dépositaire.

Napoléon

Le 27 avril.

[1] Les numérotations des paragraphes ne figurent pas dans le testament. Ils ont été ajoutés pour faciliter leur référencement et suivent la nomenclature choisie par les Archives nationales.

[2] Les noms entre crochets ne figurent pas dans le codicille. Ils ont été ajoutés pour faciliter la compréhension de ce texte.

[3] En souligné : écriture de Montholon.

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