Données actuelles sur Napoléon II (1811-1832) et ses dents

Auteur(s) : RIAUD Xavier
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L’Aiglon

Napoléon François Joseph Charles Bonaparte naît le 20 mars 1811. Il est le fils de Napoléon Ier (1769-1821) et de l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche (1791-1847). A la fin des Cent-Jours, l'abdication faite au palais de l'Elysée, le 22 juin 1815, Napoléon proclame son fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français. Cette décision est infirmée le 7 juillet 1815. Napoléon II n'aura occupé les fonctions de son père que quinze jours (1). Il meurt à Vienne de la tuberculose, le 22 juillet 1832, sans alliance, ni descendance.

Apparition des dents de lait

Napoléon rencontre Madame de Montesquiou (1765-1835) qui porte son fils près de l'Orangerie, à Saint-Cloud. Il lui demande si son fils se porte bien. La gouvernante de répondre : « …Parfois, il se montre grognon, pleure. Ses dents sans doute, le tourmentent… » L'Empereur aurait rétorqué : « C'est laid un roi qui pleure » (2). Au retour d'un voyage en Belgique, l'Impératrice Marie-Louise retrouve son fils « bien fortifié, ayant quatre dents… mais maigre et pâle, ce qui provient de la dentition. » L'Empereur tout entier à sa campagne de Russie, trouve le temps de demander des nouvelles de la santé de son fils. Ainsi, écrit-il à Mme de Montesquiou : « J'espère que vous m'apprendrez bientôt que ses quatre dernières dents sont faites. » Revenant de Dresde, Marie-Louise retrouve son fils qui a 16 mois, à Saint-Cloud. « Il a quinze dents, mais ne parle pas. » En 1813, l'Impératrice écrit : « Mon fils se porte à merveille…Il a toutes ses dents depuis trois mois » (3). 

Les lettres de Marie-Louise

Marie-Louise a vécu au côté de l'Empereur pendant quatre années, de 1810 à 1814. De 1813 à 1814, l'Autrichienne écrit une série de lettres à Napoléon où elle fait notamment état des problèmes de santé bucco-dentaire de son fils (4). Après avoir été retrouvée, cette correspondance a été publiée par le baron Carl-Fredrik Palmstierna en 1955. Ce dernier en a fidèlement retranscrit le contenu dans le français de l'époque.

Chronologie

8 février 1814 : « Il se porte assez bien, il a eu une rage de dents ce matin, elle l'a bien fait souffrir pendant plus de trois quarts d'heure. Il a déjà deux dents gâtées, cela me désole. » (5)
25 février 1814 : « Il a eu ce soir une rage des dents assez forte qui l'a bien fait souffrir, mais il n'y a pas de remède à cela, cela vient d'une dent gâtée. Dubois (S'agit-il de Dubois-Foucou (1747-1830), le dentiste personnel de Napoléon ?) parle de l'arracher mais il n'y aura jamais moyen de le déterminer à cette opération, car quand on lui parle seulement de mettre du coton dans la dent, il pousse des cris affreux. » (6)
27 février 1814 : « Il va très bien ce soir, il a dormi jusqu'à 6 heures ce matin, il étoit encore bien grognon, je l'ai attribué à son mal aux dents qui le prend bien souvent… » (7)
28 février 1814 : « Il se porte à merveille, il a encore un peu de malaise hier soir, mais cela n'a été l'affaire que d'une demi heure. » (8)
Le 29 février 1814, il n'y a plus de problème.
2 mars 1814 : « Ce matin encore ton fils n'étoit pas bien, ses dents le tourmentent beaucoup, il a des rages de dents à chaque instant, je crains que ses dents gâtées ne lui préparent encore de longues souffrances. » (9)
3 mars 1814 : « Ton fils se porte bien, il a bien dormi toute la nuit et il a été fort gai le reste de la journée. Je crois que sa petite indisposition est tout à fait guérie, pourvu que ses vilaines dents le laissent en repos, car elles l'ont bien fait souffrir depuis quelques temps. » (10)
13 mars 1814 : « Ton fils t'embrasse, il a eu des rages de dents dans la journée mais ce soir il se porte bien et il est gai. » (11)
14 mars 1814 : « Ton fils va bien, il t'embrasse, ses rages de dents sont tout à fait passées. »
16 mars 1814 : « Il se porte assez bien, il a toujours un peu mal aux dents. »
18 mars 1814 : « Ton fils t'embrasse, il se porte très bien, quoi qu'il a dit qu'il souffroit des dents, nous avons découvert que très souvent, il se plaignoit sans avoir un mal réel, mais depuis que je lui ai déclaré que la promenade étoit fort contraire aux fluxions et que l'on seroit obligé de le priver de ce plaisir, son mal a disparu d'un coup envolé et il n'en est plus question ce soir. » (12)
20 mars 1814 : « Tu as pensé un peu à ton fils et moi, ce premier t'embrasse, il se porte assez bien, il a encore par moment des rages de dents, mais ce sont des dents gâtées qui le feront encore souffrir bien souvent. » (13)
25 mars 1814 : « Il a parlé plusieurs fois de ses maux de dents, mais comme il s'en plaignoit tout en riant, je n'y avois pas ajouté grande foi, car l'expérience a prouvé que c'étoit probablement un prétexte sinon même un tour d'espiègle. » (14)
3 août 1814 : « Je t'ai mandé que j'ai de bonnes nouvelles de la santé de ton fils, j'en ai encore reçues hier, il ne s'est jamais mieux porté qu'à présent ; excepté les maux de dents qui le tourmentent. » (15) 

Dernières données

En juillet 1817, la baronne du Montet (1785-1866) écrit du jeune prince qu'il « est ce qu'on peut voir de plus joli ; c'est dommage que ses dents soient noires et déjà affreuses » (16). L'Aiglon avait un menton fort qui était une caractéristique propre à la dynastie des Habsbourg (17).

Le testament de Napoléon

Enfin, « l'Etat B » du testament de l'Empereur écrit le 24 avril 1821 à Longwood, qui fait l' « Inventaire des effets laissés chez M. le comte de Turenne », stipule : « Je donne à mon fils le nécessaire d'or, pour les dents resté chez le dentiste » (18). D'après Claude Rousseau (1998), le nécessaire à dents Biennais en la possession de la Fondation Napoléon serait bien celui hérité par son fils.

Hypothèse sur la mort du jeune roi de Rome

Certains historiens affirment qu'il aurait été empoisonné. Ils pensent que le produit létal aurait été administré par son médecin, mais d'autres suggèrent qu'il proviendrait de son chirurgien-dentiste et que ce dernier « aurait été payé pour empoisonner lentement le duc, en lui arrangeant ses dents. »
Un quotidien parisien, la Revue de Paris, publie le 11 août 1910, une confidence faite par Madame Judith, alors sociétaire du Théâtre-Français, au prince Napoléon, fils du roi Jérôme (19) : « L'accord s'était fait entre la cour de Vienne et la monarchie française, le fils de Napoléon n'était plus d'aucune utilité  dans les calculs diplomatiques et l'éveil subit de son âme devenait un danger européen. Metternich décida sa mort. Ce crime, c'est la grande duchesse Stéphanie de Bade, cousine de Napoléon Ier, qui me l'a appris. Elle avait une femme de chambre qu'elle aimait beaucoup. Quand celle-ci fut sur le point de se marier, sa maîtresse, pour lui témoigner son affection, lui constitua une grosse dot. L'ex-femme de chambre épousa un dentiste renommé en Autriche du nom de Carabelli (20).
Quelques temps après, elle tomba malade. Déjà moribonde, elle fit demander à la grande-duchesse de venir à son chevet pour recueillir une importante confidence. Et quand son ancienne maîtresse fut près d'elle, elle lui dit : « Vous aurez sans doute intérêt à savoir la vérité sur la mort du duc de Reichstadt, puisqu'il était de votre famille. Vous réglerez votre conduite à l'égard de certains personnages sur l'avis que je vais vous donner » (21). Mourante, cette femme ajoute : « C'est mon mari qui a tué le fils de l'Impératrice Marie-Louise ; il m'en a fait l'aveu. Il soignait les dents du jeune duc. Un jour, le prince Metternich l'appela et lui parla sans témoins. Il lui demanda s'il ne pouvait pas, par plusieurs piqûres empoisonnées, faites aux gencives et espacées sur le cours d'une année au moins, tuer lentement le fils de Napoléon Ier. La mort paraîtrait ainsi l'effet d'une maladie de langueur. Il lui promettrait de l'enrichir pour le récompenser. Mon mari accepta ce marché abominable et l'exécuta. Telle est la confession que j'avais à vous faire » (22). 
Il est évident qu'il convient de rester circonspect quant aux allégations de ce journal. En effet, rien n'est venu étayer ses affirmations, aussi bien sur un plan historique que scientifique.

Un dentiste du nom de Carabelli

Georg Carabelli von Lunkaszprie (1787 ou 1788-1842) est le premier médecin à avoir donné à partir de 1821, à Vienne en Autriche, des cours magistraux sur la dentisterie. Il est dentiste à la cour de l'empereur autrichien Franz (1803-1887) et fondateur d'une clinique de stomatologie à l'université de Vienne. Dans un traité d'anatomie dentaire qu'il publie en 1842, il décrit un tubercule sur la face palatine des premières molaires supérieures. Il en précise la description dans un second travail qui paraît après sa mort, en 1844. Ce relief a conservé le nom de son découvreur (23).

Notes

(1) http://fr.wikipedia.org, 2007.
(2) Cabanès A., Légendes et curiosités de l'Histoire, Albin Michel (éd.), Paris, 1953.
(3) Cabanès A., op. cit.
(4) De Maar F. E. R., « Le mal aux dents du Roi de Rome », in Revue de la Société française d'histoire de l'art dentaire, Paris, 1981, http://bium.univ-paris5.fr, p. 25-26.
(5) Palmstierna Carl-Fredrik, Marie-Louise et Napoléon (1813-1814), Stock (éd.), Paris, 1955, p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(6) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(7) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(8) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(9) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(10) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(11) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit.,  p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(12) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit.,  p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(13) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(14) Palmstierna Carl-Fredrik, Marieop. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(15) Palmstierna Carl-Fredrik, op. cit., p. 66, 109, 114, 117, 123, 126, 153, 155, 159, 162, 165, 171 et 269.
(16) Du Montet, 1914.
(17) Lamendin Henri, « Napoléon II : un dentiste et l'Histoire… », in Le Chirurgien-Dentiste de France, 8-15/06/2000 ; 988/989 : p. 104-108.
(18) Antommarchi F., Mémoires du Docteur F. Antommarchi ou les derniers momens de Napoléon, Librairie Barrois L'Aîné, Paris, tome 2, 1825.
(19) Cabanès A., op. cit.
(20) Lamendin Henri, op. cit., p. 104-108.
(21) Cabanès A., op. cit.
(22 )Lamendin Henri, op. cit., p. 104-108
(23) http://en.wikipedia.org, 2007.

Titre de revue :
Inédit
Mois de publication :
Avril
Année de publication :
2011
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