Et Morny créa Deauville

Auteur(s) : PAPOT Emmanuelle
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La célèbre cité balnéaire de Deauville est une oeuvre sortie tout droit du désir d'un homme, Morny, tombé amoureux lors d'un voyage, en 1858, de la côte normande.

Un rivage rural propice au rêve

L'endroit de la future station n'est encore au milieu du XIXe siècle qu'un ensemble de marais servant à faire paître vaches et moutons, avec à proximité une dizaine de fermes et de maisons constituant un petit village appelé Dosville autour de l'église Saint-Laurent (l'actuelle commune de Bénerville). Sa voisine, Trouville, petite station balnéaire est ancien village de pêcheurs.

C'est sur l'invitation de son médecin, le Dr Oliffe que Morny, demi-frère de Napoléon III, découvre Trouville. De suite, il est charmé par les paysages alentours et imagine rapidement le parti à tirer de ce rivage de sable et de marais qui bénéficie déjà d'une jetée. Du panorama du mont Canisy il s'exclame devant un tel paysage : « C'est vertigineux ! Quelle immensité et quelle beauté ! Nous allons bâtir ici le royaume de l'élégance ».

L'époque se prête bien à ce genre de rêve car, depuis le début du Second Empire, les stations balnéaires, grâce à la vague des bains de mer, poussent comme des champignons le long des littoraux français, à commencer par Biarritz, perle du pays Basque où Napoléon III a fait construire la villa Eugénie mais aussi Cabourg créée en 1853 ou encore Houlgate en 1854.

Une association d’hommes

Pour mener à bien un tel projet Morny sait trouver et convaincre les bons associés : ainsi aux côtés du Dr Oliffe s'associe-t-il Donon un banquier parisien directeur de la banque ottomane, Breney un architecte qui dressa les plans de la future ville et qui deviendra le premier maire de la ville – il le restera jusqu'en 1876.

Ensemble ils constituent une société immobilière qui rachète à la commune les vastes étendues de marais (240 hectares) pour la somme de 800 000 francs or. Les travaux de drainage peuvent débuter. Une fois la viabilisation des terrains faite, la revente de parcelles est lancée. En 1861, des terrains achetés 33 centimes le mètre carré sont revendus sur la base de 8 à 10 francs. Il ne faudra que quatre années pour que Deauville sorte des sables.

Constructions

Pour Morny, outre l'atout du paysage et de la mer, la future Deauville a surtout l'avantage d'être très proche de la capitale. Il veut ainsi créer la cité de l'élégance mais aussi du jeu et du loisir.
 
Pour attirer le Tout-Paris et pousser à construire les villas dont il rêve, Morny donne l'exemple en faisant construire sa propre villa qu'il appelle Sergevna du patronyme de son épouse russe Sophie. D'autres mondains suivent le mouvement et construisent à leur tour leurs demeures.
 
Rapidement la première liaison en chemin de fer Paris-Deauville est inaugurée, grâce à un décret impérial permettant le prolongement de la ligne Paris-Lisieux. Une gare est construite ainsi qu'une usine à gaz qui permettra l'éclairage des grandes artères. Suit la construction d'hôtels, la création du champ de courses et du casino en 1864. Tout va très vite d'autant que désormais la capitale n'est plus qu' à cinq heures en train au lieu de sept en voitures rapides quinze ans plus tôt.

Une station de plaisirs

Le succès est rapide, la saison d'été bat rapidement son plein. Le Tout-Paris se presse pour se divertir et prendre l'air.
 
Le Grand hôtel du casino, conçu pour recevoir deux cents voyageurs, ne désemplit pas. L'hôtel de la Terrasse, quant à lui, avec ses 80 chambres et son accès direct à un bâtiment réservé à des bains hydrothérapiques, affiche complet la plupart du temps. Les soins d'eau sont alors trés appréciés, on raffole des douches et des massages à l'eau de mer pour évacuer le stress et les douleurs engendrés par le rythme fou de la capitale.

Le casino offre aussi de nombreuses distractions comme le billard ou des jeux de cartes. Un coin est même réservé au jeu des petits chevaux très en vogue depuis son importation d'Angleterre au début du XIXe siècle.

Le beau-monde aime aussi se retrouver à l'hippodrome inauguré en 1864. En 1866, est créée la coupe de Deauville dotée de 20 000 F et d'un objet d'art de 10 000 F.
 
Les journées finissent souvent en soirées ou bals privés.

 
Deauville est l'une des grandes réussites du duc de Morny (qui disparaît le 10 mars 1865) et connait encore aujourd'hui un énorme succès.

Biblio express

– Carmona Michel, Morny, le vice-empereur, Paris, Fatard, 2005.
– « Le charme incomparable de la nouvelle Deauville » in Napoléon III magazine, n°6, janv.-mars 2009.
Site web : www.Deauville.fr

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