Présentation
Une pièce à 2 personnages de Patrick Tudoret (1), d'après son propre ouvrage La Gloire et la Cendre, Editions de La Table Ronde (groupe Gallimard), 2008, et une idée originale de Jacques Auxenel.
Une création en coproduction avec le Théâtre du Silo (Compagnie Jacques Auxenel/Annie Chaplin) à Montoire-sur-le-Loir.
Avec le soutien de la Fondation Napoléon.
Mise en scène : Jacques Auxenel (2) ; avec Benoît Solès (3) et Jacques Auxenel.
La date de la première de cette pièce n'est pas encore définie.
Le propos
Nous sommes au soir du 15 décembre 1940, à Paris, sous l'occupation allemande : une alerte aérienne oblige un homme à se réfugier dans la cave de son immeuble. Il n'a emporté qu'une lampe et un épais paquet de feuilles calé sous son bras. Dans l'ombre, il finit par buter sur un corps allongé, c'est celui d'un autre homme qui se réveille brusquement. Il est enveloppé d'une couverture et lui tend un regard d'animal traqué, affublé de lunettes à double foyer. Bien que voisins, ils se connaissent à peine. Le premier homme s'installe sur une caisse de bois et s'emploie à régler son poste de radio. Soudain, une voix nasillarde, façon speaker des années 40 en jaillit, évoquant le retour des cendres de l'Aiglon, le duc de Reichstadt (un nom aux consonances si germaniques…), le « roi de Rome », fils de Napoléon, consenti par le chancelier Hitler « en gage de bienveillance » à l'endroit du régime de Vichy et de sa politique de collaboration. Cette cérémonie « volée » par l'occupant, pathétique, véritable insulte à la mémoire bien fragile de l'héritier déchu de l'Empereur a lieu cette même nuit, presque en catimini, en présence d'une poignée de dignitaires français et allemands, dont l'amiral Darlan et l'ambassadeur Otto Abetz. Colère de l'homme qui semble déjà connaître la nouvelle et s'en offusque comme d'une humiliation, une de plus après la débâcle de l'armée française et la soumission de Vichy. Elle le touche d'autant plus que le précieux manuscrit dont il ne se sépare jamais est le livre de sa vie et qu'il relate le retour des cendres de Napoléon 1er qui eut lieu le 15 décembre 1840, cent ans auparavant, jour pour jour. Depuis cette cave à demi éclairée, face à son unique auditeur, mais aussi face au public pris à témoin, l'homme, poussé par la révolte, exalté, entreprend de revivre l'incroyable histoire qu'il est en train d'écrire. D'emblée, on comprend que le contraste est saisissant. « Le 15 décembre 1840 et le 15 décembre 1940, dira-t-il, c'est le jour et la nuit »…
Ordonnée en mai 1840, dix-neuf ans après la mort de Napoléon et confiée à son fils le prince de Joinville par le roi Louis-Philippe, l'expédition du « Retour des cendres » a lieu entre juillet et décembre 1840. C'est à un extraordinaire périple maritime accompli à bord de La Belle poule et de La Favorite, depuis Toulon jusqu'à Sainte-Hélène en passant par Cadix, Madère, les Iles Canaries, le Brésil et retour, que nous sommes conviés. Participant à l'expédition, la plupart de ceux qui ont accepté de partager l'Exil de l'Empereur, entre 1815 et 1821, revivent le moment le plus exaltant de leur vie. Entre émotion, vibrantes pages d'histoire et épisodes quasi comiques, le récit, émaillé de tableaux surréalistes (comme l'exhumation du corps), se mue en véritable épopée. Enfin, c'est un colossal cortège, un cortège comme Paris n'en reconnaîtra qu'avec le défilé de la victoire emmené par le général de Gaulle au mois d'août 1944, qui prend vie devant nous grâce au talent d'un conteur inspiré. En cette journée du 15 décembre, dans un Paris figé par –15° de froid, mais exalté, l'événement réunit un million et demi de personnes. C'est une foule inouïe et bigarrée, digne d'une « apothéose à la romaine » – comme l'attesteront Victor Hugo ou Balzac – qui accompagne ainsi le catafalque de l'Empereur déchu de Courbevoie aux Invalides. L'élan « patriotique » qui aura porté cette journée si particulière trouvant un écho douloureux, un siècle plus tard, dans les débuts de l'Occupation allemande où la Résistance n'en est qu'à ses balbutiements.
NB : Une bande-son travaillée viendra de temps à autre étayer le récit.