Guerre du Mexique (4) : la présence française

Auteur(s) : GOUTTMAN Alain
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Une fois mis de la sorte, à 4 000 km de distance, devant le fait accompli, que pouvait faire l'Empereur des Français Sinon cautionner l'opération que son représentant au Mexique venait de cautionner lui-même ?
Pour autant, s'il fit parvenir sans attendre à Forey, en juillet 1863, son bâton de maréchal, il ne manqua pas, sous un flot de bonnes paroles, de lui retirer son commandement et de le rappeler en France. Pas plus qu'il ne manqua de signifier de même son rappel à celui qui fut incontestablement le mauvais génie de toute l'affaire du Mexique, Dubois de Saligny. Celui-ci, empêtré sur place dans toutes sortes d'affaires et de combinaisons financières, vécut sa disgrâce comme une insupportable épreuve, d'autant qu'il était devenu l'objet, parmi ses compatriotes, du mépris général. Il ergota piteusement, prétexta des dettes à rembourser et retarda son départ par tous les moyens, jusqu'à ce que Bazaine, nouveau général en chef, menaçât, en octobre, de le faire embarquer “manu militari”. L'Empereur ne manqua pas davantage de rappeler à Bazaine qu'il devait absolument trouver le moyen de faire accepter le nouveau régime par le peuple mexicain, en imaginant, pour cela, une forme de « consultation populaire ».
 
Le gâchis était patent. D'autant qu'il s'avérait, chaque jour davantage, que, si le pays n'était pas franchement républicain dans ses profondeurs, il était encore moins monarchiste. Il y avait encore autre chose : la démonstration venait d'être faite que la maîtrise des événements sur le terrain échappait à leur maître d'oeuvre. C'était sans doute là le pire. Mais comment réagir ?

Napoléon III face au fait accompli

L'Empereur aurait-il pu, s'il avait vraiment voulu reprendre la main au Mexique, répondre au coup d'État des conservateurs par un autre coup d'État, libéral celui-là ? Donner  l'ordre à Bazaine, qui, aux yeux des plus lucides, incarnait le recours, de dissoudre le Conseil de régence et d'exercer lui-même un pouvoir de transition ? Le général se serait dès lors donné le temps de constituer, en puisant dans les bonnes volontés des deux camps en présence, une sorte de troisième voie vers une monarchie constitutionnelle, voire une république moins violemment anticléricale que celle de Juarez.
 
Napoléon III ne le crut pas possible et il avait sans doute raison. Même s'il présenta les choses différemment à l'ambassadeur d'Angleterre au Mexique, sir Charles Wike. Au diplomate, qui lui demandait un jour s'il avait envisagé cette hypothèse du coup d'État, il répondit positivement. Tout en ajoutant: « Je ne le pouvais pas. Cela aurait ressemblé à l'aveu d'une faute commise. Et une faute, en ce moment, je ne peux plus m'en permettre. » Une façon de dire que la situation intérieure française commençait à lui échapper, elle aussi, avec, d'une part, la fronde naissante des soutiens  jusqu'alors inconditionnels du régime impérial, et, d'autre part, le réveil d'une opposition à laquelle il s'était senti obligé, avec les décrets de l'automne 1860, de donner légalement les moyens de s'exprimer.
 
Ainsi voit-on que si les affaires du Mexique n'exerçaient encore que peu d'influence sur l'opinion publique et la vie politique française, l'inverse n'était pas tout à fait vrai?: ce coup d'État que l'Empereur ne se sentait pas en mesure, pour des raisons d'ordre intérieur, d'ordonner à Bazaine, aurait peut-être été pour la France, en faisant prendre à l'entreprise un autre cap, le moyen (le seul moyen?!) de se sortir honorablement du guêpier mexicain…
 
Au Mexique, le général Bazaine se trouvait donc chargé par son souverain, en plus de ses objectifs militaires à atteindre au plus vite, d'une mission toute politique. Tout en lançant ses colonnes pour éloigner les troupes républicaines, faire la chasse aux guérillas, installer dans les grandes villes les bases du nouveau pouvoir et assurer la sécurité de ses lignes de communication, il s'efforça bien d'inventer une forme de “consultation populaire” qui légitimerait le nouveau système incarné, pour le moment, par un Conseil de régence dirigé par Almonte. Mais il n'avait guère le choix des moyens. On se contenta donc de rédiger, dans chaque ville et chaque village où pénétraient des troupes françaises, un acte d'adhésion à l'empire créé le 10 juillet 1863 et dont personne – ou presque – n'avait entendu parler. Sur cet acte, on recueillit la signature de quelques notables assez engagés (ou assez imprudents) pour se compromettre et l'on fit suivre ces signatures d'un chiffre censé représenter le nombre d'habitants de la localité. Que risquait-on ? Il n'y avait pas d'état civil au Mexique. C'est ainsi que, sur les 8 à 9 millions d'habitants que comptait le pays, près de 6 millions et demi avaient officiellement “adhéré” à l'empire. On agit ainsi jusque dans les plus petits hameaux, y compris dans celui que sir Charles Wyke prétendit connaître, qui n'était habité, selon lui, que par « deux Indiens et un singe ». Et ce fut tout.
 
Dans son château de Miramar, Maximilien attendait que ces listes lui fussent présentées avant de se dire en mesure d'accepter officiellement, « au nom du peuple mexicain », le trône qui lui était offert. C'était assez dérisoire. Mais qui les connaissait alors, les réalités du Mexique, sinon les notables qui lui présentèrent enfin, le 10 avril 1864, sur la grande table du salon d'honneur du château, les « procès verbaux d'adhésion » censés incarner le voeu de la nation mexicaine ? Personne, en Europe, ne fut dupe de cette mascarade, mais les apparences, du moins, étaient sauves. C'était assez pour Maximilien qui, ce 10 avril 1864, se proclama l'élu légitime du peuple mexicain, signa la Convention conclue le 12 mars précédent avec la France – qui prit alors de nom de Convention de Miramar (voir encadré, plus bas) – et posa ses premiers actes de souverain en signant quelques décrets et en procédant à quelques nominations. C'était assez pour que l'on comprît que l'homme n'était pas à la hauteur de la situation. Le soir même, délaissant la fête et ses invités, il se réfugia, abattu, dans un pavillon du jardin où il demeura prostré, lançant à son épouse à travers la porte : « Je ne veux pas entendre parler du Mexique en ce moment »
 
Partira-t-il ? Ne partira-t-il pas ? Beaucoup, en Autriche comme en France, ne le voyaient guère quitter ses collections d'insectes, ses parterres de fleurs et le petit personnel du château qui l'aimait comme un père. Le 14 avril, tout de même, il se résolut à embarquer sur la frégate Novarra, l'air morne, les larmes aux yeux, tandis que son épouse, au contraire, semblait brûler d'enthousiasme.
 
Mollesse de caractère ? Ou prémonition du sort qui l'attendait ? Napoléon III devait avoir bientôt l'occasion de lire une lettre écrite du Mexique par le capitaine d'état-major Henri Loizillon à Hortense Cornu, amie et filleule de l'Empereur, laquelle ne manqua pas de la lui mettre sous les yeux : « Pauvre Maximilien ! écrivait le capitaine. Quelle déception il va avoir lorsqu'en débarquant à la Vera-Cruz il reconnaîtra que tout son empire se compose de la route de la Vera-Cruz à Mexico ! Et que, de plus, il sera obligé de marcher avec une forte escorte pour ne pas être enlevé. Quelle désillusion quand, arrivé dans sa capitale, il ne trouvera ni armée, ni finances, ni justice, mais bien le brigandage organisé ! Dans ce cas, à quel saint  se vouer ?»
 
Bien d'autres lettres de même teneur, en provenance du Mexique, seraient ainsi complaisamment mises sous les yeux de l'empereur pendant toute la durée de la campagne. Le souverain pouvait donc avoir des excuses, mais certainement pas celle d'avoir été tenu dans l'ignorance de la réalité. Pour autant, le seul espoir de remettre le Mexique en ordre de marche, la seule chance de sauver l'ensemble de l'opération, ne reposaient plus que sur les épaules de Maximilien. Et tout le monde, dès lors, l'attendait comme le Messie.

Sans empereur, où va l’empire du Mexique ?

Au Mexique, il y avait neuf mois, déjà, que l'empire avait été proclamé et la situation, tant politique que militaire, n'avait cessé, depuis, de se dégrader. La réaction cléricale se déchaînait, au point que l'un des “Trois Caciques” du pouvoir exécutif provisoire, l'archevêque Labastida, irait jusqu'à prononcer, à l'automne 1863, contre le général Bazaine et contre toute l'armée française, l'« excommunication majeure », aux termes de laquelle les excommuniés « ne [pourraient] être absous, même à l'article de la mort ». Au point, également, que l'impératrice Eugénie elle-même, pourtant favorable, en bonne catholique, à un rééquilibrage en faveur d'une église mexicaine qui avait été fortement maltraitée par les républicains, ne décolérait pas contre le fanatisme des cléricaux, auxquels elle reprochait de vouloir vivre – comme elle le dit un jour à Gutierrez de Estrada – « entourés de vieux tableaux, c'est-à-dire dans un monde qui n'existe plus ».
 
Les ministres et les officiels de la Régence, les officiers d'une armée “nationale” que les Français tentaient vainement de mettre sur pied pour que Maximilien la trouvât disponible à son arrivée, étaient tous retournés, avec encore plus de délectation qu'autrefois, à leurs prévarications, à leurs rapines, au détournement des deniers publics et à l'arbitraire le plus absolu. Dès lors, les Français devenaient une gêne pour eux et tout était prétexte à protestations de leur part. Car, si Bazaine travaillait, quant à lui, à préserver les chances de l'avenir, les notables, eux, vivaient au jour le jour et ne s'inquiétaient que de se remplir les poches. Demain était un autre jour… Au point qu'on les verrait bientôt considérer l'empereur Maximilien lui-même, avec ses grandes et belles idées inapplicables, comme un empêcheur de piller en rond.
 
Le régent de l'empire, Juan Almonte, qui était l'homme le plus honnête de la régence et s'inquiétait de voir les chances de Maximilien de plus en plus compromises, alla, quant à lui, jusqu'à proposer à Bazaine, en février 1864, d'accomplir ce coup d'État anti-réactionnaire auquel Napoléon III avait lui-même déjà songé. Après tout, le général avait la force pour lui. Et il travaillait, non sans succès, à attirer vers lui les hésitants, les républicains modérés et même des dirigeants politiques ou militaires de Juarez qui se disaient prêts, sous réserve de garanties à leur fournir, à faire confiance aux idées généreuses qu'on prêtait à l'Empereur des Français. Mais c'était mal connaître Bazaine, l'homme le moins fait, contrairement à tout ce que l'on a pu raconter à son propos, pour opérer un coup d'État. Et c'est ainsi que, le régime s'affirmant, jour après jour, plus violemment réactionnaire, les chances de création d'une “troisième voie” s'effilochaient. Bazaine, pourtant, aurait pu réussir. Il “savait y faire”. Il avait l'expérience des fameux “bureaux arabes” d'Algérie et il aurait pu se vanter d'être l'homme qui avait su négocier la reddition d'Abd el-Kader, en 1847.
 
Sur le plan militaire, les choses n'allaient guère mieux. Plus qu'une guerre de sabres ou de fusils, les opérations prenaient l'allure d'une “guerre de jambes” : les Français couraient derrière des troupes républicaines fantômes, qui ne cessaient de se dérober devant eux. Les accrochages étaient donc rares, les vrais combats, davantage encore. Les Français occupaient-ils, momentanément, un village ou une ville ? Dès qu'ils en sortaient, les républicains ou les guérilleros y pénétraient sur leurs talons. La population applaudissait les premiers, puis, aussitôt qu'ils avaient tourné le dos, accueillait les seconds par des acclamations. Les distances étaient énormes, le climat éprouvant, les dangers innombrables. Et si le soldat français sut garder longtemps son entrain légendaire, aucune solution militaire, pour autant, ne se laissait entrevoir. Juarez se repliait de plus en plus au Nord, vers la frontière du rio Grande, où ses amis américains lui ouvraient grandes leurs portes, le ravitaillaient, soignaient ses blessés et le fournissaient en armes et en munitions. Le « petit Indien » se révélait un adversaire coriace, dont les troupes avaient conscience de se battre pour un bel idéal : n'avaient-ils pas pour adversaires, d'une part les prêtres et les grands propriétaires, de l'autre des envahisseurs étrangers ?
 
Ces régiments républicains avaient survécu au désastre de Puebla. Ils s'étaient réorganisés et installés dans des villes de province, où ils vivaient sur l'habitant. En vain les Français tentèrent-ils, pour préparer la relève prévue par la Convention de Miramar, d'organiser une armée impériale à partir d'éléments divers, anciens soldats des armées conservatrices du temps de la guerre civile, déserteurs de l'armée républicaine, bandits de grands chemins en quête d'une rémunération régulière, recrues généralement dénuées de motivation. Parfois, des unités entières passaient à l'ennemi avec uniformes, armes et bagages, après avoir assassiné leurs instructeurs français. Les officiers, selon une vieille tradition nationale, s'enrichissaient de toutes sortes de prévarications, détournaient la solde de leurs hommes – lesquels désertaient alors et passaient à l'ennemi –, pillaient les villages et vivaient en satrapes, entourés d'esclaves.
 
Et tous ces “alliés”, qui faisaient honte aux officiers et aux hommes de Bazaine, émargeaient à la caisse de l'armée française. Pour autant, l'arrogance et les prétentions de leurs officiers supérieurs n'avaient rien à envier à celles des politiques de Mexico?: le général Miramon, que l'on croyait, à Paris, à la tête d'une division opérationnelle de 10 000 hommes, n'en alignait, en réalité, que… 200, flanqués, il est vrai de 500 à 600 officiers. C'est à lui que l'on doit la naissance du mythe, devenu fameux, de l'« armée mexicaine »… Ce qui ne l'empêcha pas de réclamer à Bazaine le poste de gouverneur de la province de Guadalaraja, ayant la haute main sur toutes les troupes qui s'y trouvaient… y compris les françaises ! Quant à Léonardo Marquez – que tout le mon-de appelait “Leopardo” à la suite d'un massacre  d'étudiants qu'il avait autrefois ordon-né –, il se trouva compromis dans une sordide affaire de détournements de fonds de l'armée, à hauteur de 980 000 francs.
 
Le mal, décidément, semblait profond et sans remède.
 
De novembre 1863 à février 1864, en lançant ses colonnes aux trousses des généraux mexicains, Bazaine réussit à donner de  l'air à la capitale et à élargir la zone qu'il contrôlait jusqu'à  800 km de Mexico. Mais les ré-giments républicains s'étaient seulement retirés hors de  portée, ils n'avaient pas été détruits. Et Bazaine, qui voulait rejeter définitivement Juarez au-delà du rio Grande afin de lui interdire toute prétention à se proclamer encore président de la République, semblait courir lui-même derrière un mirage. À lui, à ses officiers, à ses soldats, il semblait pourtant chaque jour plus intolérable de se battre pour une régence unanimement exécrée. Mais comment se défaire, comme se le demandera son aide de camp, le capitaine Blanchot, de « ce boulet impérial que Forey lui avait attaché aux pieds » ?
 
Dès le printemps 1864, fort des enseignements de la première, Bazaine lança sa deuxième campagne de l'intérieur. Et, de fait, lorsque Maximilien débarquerait à la Vera-Cruz, le 28 mai de cette année-là, le gros des forces républicaines serait sur le point de se trouver séparé en deux tronçons, rejetés de plus en plus loin, vers le Nord pour une part, et vers le Sud pour l'autre. Un an plus tard, en août 1865, Juarez lui-même allait devoir installer son « gouvernement de Juifs errants », comme le moquaient certains, à quelques mètres de la frontière des États-Unis, à Paso del Norte (devenue aujourd'hui Ciudad Juarez) à l'extrême-nord de l'État de Chihuahua. Il était conscient du fait que Bazaine, très préoccupé d'une éventuelle intervention américaine,  n'oserait jamais envoyer ses troupes si près de celles de son grand ami du Nord.
 
Pour autant, même si elle semblait faire tache d'huile, la présence des Français conservait son caractère aléatoire et leur « occupation » se limitait, en fait, à la surface de terre que recouvrait la semelle de leurs souliers. Nulle part les populations ne leur manifestaient de franche sympathie. Quant à l'administration qu'ils concouraient à mettre en place, dans tout le pays, pour le compte du Conseil de régence, ses membres eurent tôt fait de leur mettre des bâtons dans les roues plutôt que de favoriser leurs opérations : qu'avaient-ils à faire, en effet, des leçons de morale ou de loyauté qu'on leur donnait avec l'espoir de battre en brèche des siècles de mauvaises habitudes ? Les conservateurs n'attendaient des Français qu'une seule chose : qu'ils leur rendent le pouvoir. Pour le reste…
 
Et puis, ces soldats européens, quelles que fussent leurs intentions, n'étaient au fond que des étrangers, auxquels la fierté des Mexicains refusait le droit de leurs donner des ordres. De surcroît, comme il n'existait pas encore de “nation” mexicaine au sens où l'entendaient les Français, ceux-ci devaient traiter avec des Créoles, des Espagnols, des Indiens, qui étaient bien loin de partager, pour reprendre la formule de Renan, « le même héritage, la même volonté de vivre ensemble et le même projet ». Alors, cette fusion des esprits et des coeurs que Bazaine, par la force des choses, n'avait guère de chance de réussir, on espérait que l'empereur Maximilien, lui, la réussirait, dès lors qu'il aurait annoncé clairement son programme et posé les premiers actes  de son règne. 

La convention de Miramar (10 avril 1864)

On désigne sous ce nom le document négocié à Paris, en mars 1864, entre Maximilien d'Autriche et l'Empereur Napoléon III, mais paraphé par Maximilien dans son château de Miramar, sur l'Adriatique, seulement le 10 avril suivant. La convention liait l'empire du Mexique, proclamé le 10 juillet 1863, à la France qui, tout en se voulant généreuse et désintéressée, n'entendait pas laisser les mains libres à un jeune souverain inexpérimenté, dont on attendait d'abord qu'il fît ses preuves. Après tout, Maximilien avait tergiversé pendant trois ans avant d'accepter le trône du Mexique. Et puis, en un an, Napoléon III avait pris conscience de la difficulté qu'il y aurait à imposer un régime monarchique aux Mexicains et il voulait, par mesure de précaution, « serrer la vis » au futur souverain.
 
Les principales stipulations de la convention étaient les suivantes :
« Les troupes françaises seront réduites le plus tôt possible à un corps de 25 000 hommes, y compris la Légion étrangère […]. La Légion étrangère au service de la France demeurera néanmoins encore pendant six années après que toutes les autres forces françaises auront été rappelées » (article 1).

« Les commandants français ne pourront intervenir dans aucune branche de l'administration mexicaine » (article 6).

« [Le Mexique s'engage au] remboursement de 270 millions de francs pour les frais de guerre au 1er juillet 1864 » (article 9) ainsi qu'au « versement  de 1 000 francs par homme et par jour pour l'entretien des troupes françaises » (article 10).

Il versera immédiatement « la somme de 66 millions en titres de l'emprunt » (article 11) ainsi qu'une somme annuelle de « 25 millions en numéraire pour paiement du surplus des frais de guerre et du montant stipulé à l'article 10 » (article 12).

Enfin, il « s'engage à indemniser les sujets français des préjudices qu'ils ont indûment soufferts » (article 14).

Sans surprise, aucune des clauses de la Convention de Miramar ne fut jamais respectée.

Achille Bazaine, l’enfant chéri de la troupe

Le futur maréchal Bazaine naît à Paris, le 13 février 1811. En 1831, après avoir échoué à Polytechnique, il s'engage comme simple soldat au 37e de ligne. Dès l'année suivante, il est en Algérie, avec la Légion étrangère, où il gagne ses galons les uns après les autres. Sous-lieutenant en 1833, il est capitaine en 1839, chef de bataillon en 1844, lieutenant-colonel en 1848. Parlant la langue du pays, il travaille avec les bureaux arabes, qui organisent et gèrent sur le terrain une administration en contact direct avec les populations. Nommé colonel en 1851, il prend le commandement du 1er régiment de Légion étrangère. En 1847, il négocie et reçoit, aux côtés du duc d'Aumale, la reddition d'Abd el-Kader. En 1853, il est général de brigade. En 1855, devant Sébastopol, il commande les deux régiments de Légion étrangère. Débarqué au Mexique avec le corps d'armée de Forey, pendant l'été 1862, il manifeste un grand sens de l'organisation, beaucoup de courage physique et un calme imperturbable, autant de qualités qui font de lui l'enfant chéri du soldat. Bonhomme, fumant la pipe au bivouac et bavardant avec les simples soldats, sachant se faire aimer de ses hommes tout en gardant la bonne distance, il incarne l'officier de troupe idéal. Au Mexique, le proconsulat qu'il exerce avec efficacité au profit d'un souverain d'abord absent (juillet 1863 – juin 1854), puis sourd et aveugle dans sa tour d'ivoire, le font d'abord apprécier, puis détester par l'empereur Maximilien. On a beaucoup prétendu, sans preuves, qu'il s'était enrichi au Mexique et que c'était là une des raisons pour lesquelles, à son retour à Saint-Nazaire en 1867, il n'avait pas reçu les honneurs militaires dus à un maréchal de France.
 
Mais Napoléon III pouvait-il honorer de façon trop ostentatoire le chef d'une armée vaincue?? Il reste qu'un an plus tard, la « disgrâce » que certains avaient cru observer, n'était plus qu'un lointain souvenir. Quant aux accusations de corruption et de malversations, diverses enquêtes ont démontré qu'elles étaient malveillantes. Condamné à mort pour trahison en 1873, pour avoir capitulé à Metz devant les Prussiens, évadé l'année suivante, il meurt seul et dans la misère à Madrid, en 1888.

Cet article est publié avec l'aimable autorisation de Napoléon III. Le magazine du Second d'Empire et de l'auteur.
 
 
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Cet article fait partie du dossier thématique sur la Campagne du Mexique (1861-1867).

Titre de revue :
Napoléon III. Le magazine du Second Empire
Numéro de la revue :
9
Numéro de page :
24-29
Mois de publication :
Janv.-Mars
Année de publication :
2010
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