Institutions. Les départements réunis et les gouverneurs généraux sous le Consulat et l’Empire

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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Institutions. Les départements réunis et les gouverneurs généraux sous le Consulat et l’Empire
Carte de l'Empire en 1812, les départements français © Fondation Napoléon / Aurélie Boissière 2019

En savoir plus sur la carte des 134 départements français en 1812

Liste des départements réunis

La France napoléonienne compte jusqu’à 134 départements (et non 130 comme on peut le lire parfois car on oublie les départements catalans). Quarante-cinq d’entre eux sont des départements étrangers ou réunis, en ce qu’ils ne faisaient pas partie de l’ancienne France ou de la France actuelle. On en donne ici la liste par pays actuel avec, en plus de quelques détails chronologiques, le nom du chef-lieu entre parenthèses.

Par une loi du 8 mars 1801, les quatre départements rhénans sont confirmés comme faisant « partie intégrante de la République » et comme tels se verront désormais appliquer le droit commun : Rœr (Aix-la-Chapelle), Rhin-et-Moselle (Coblence), Mont-Tonnerre (Mayence), Sarre (Trèves). Par le sénatus-consulte du 13 décembre 1810, la France annexe les pays allemands situés au nord-ouest d’une ligne Wesel-Lunebourg et créé les départements suivants : Ems-Supérieur (Osnabruck), Bouches-du-Weser (Brême), Bouches-de-l’Elbe (Hambourg).

Le 31 août 1795, la Convention avait organisé les » provinces belgiques » en départements : Lys (Bruges), Escaut (Gand), Jemmapes (Mons), Deux-Nèthes (Anvers), Dyle (bruxelles), Meuse-Inférieure (Maastricht), Ourthe (Liège), Sambre-et-Meuse (Namur), Forêts (Luxembourg). Pour les Bouches-du-Rhin et les Bouches-de-l’Escaut, voir ci-dessous : Pays-Bas.

Par un décret du 26 janvier 1812, quatre départements sont « détachés » de l’Espagne pour être administrés par la France, sans être juridiquement annexés : Monserrat (Barcelone), Bouches-de-l’Ebre (Lérida), Ter (Gérone), Sègre (Puycerda). Monserrat et Bouches-de-l’Ebre, d’une part, Ter et Sègre, d’autre part, fusionnent le 13 mars 1813. Cette annexion de fait avait été préparée par un décret du 8 février 1810 qui créait en Catalogne un gouvernement militaire indépendant du gouvernement espagnol. A la tête de ce gouvernement militaire se succèdèrent les maréchaux Augereau (février-mai 1810), Macdonald (mai 1810-janvier 1812) et le général Decaen (février 1812-novembre 1813). On relèvera encore que bien que des préfets et sous-préfets aient été nommés dans les quatre départements, deux intendants y sont maintenus jusqu’en mars 1813 : Joseph-Marie de Gérando pour la Haute-Catalogne (Sègre et Ter) et Bernard-François Chauvelin pour la Basse-Catalogne (Montserrat et Bouches-de-l’Ebre.

Le Piémont est annexé à la France le 11 septembre 1802 et six départements sont créés : Éridan, plus tard Pô (Turin), Marengo (Alexandrie), Tanaro (Asti), Sesia (Verceil), Doire (Ivrée), Stura (Coni). Le 6 juin 1805, la France annexe la Ligurie organisée en trois départements : Montenotte (Savone), Gênes (Gênes) et Apennins (Chiavari). Au même moment, le département du Tanaro est supprimé, tandis que l’arrondissement de San Remo est réuni aux Alpes-Maritimes. Par un sénatus-consulte du 24 mai 1808, l’Étrurie est à son tour annexée et organisée en trois départements : Arno (Florence), Méditerranée (Livourne), Ombrone (Sienne). Le duché de Parme et Plaisance devient le département du Taro (Parme). Le sénatus-consulte du 17 février 1810 organise les ex-États romains en deux départements : Rome ou Tibre (Rome) et Trasimène (Spolète).

Le 24 avril 1810, un accord territorial avec Louis de Hollande permet à la France de distribuer des territoires de Zélande et du Brabant au département des Deux-Nèthes et de créer le département des Bouches-du-Rhin (Bois-le-Duc). Le 15 mai, la Zélande est détachée des Deux-Nèthes et forme le département des Bouches-de-l’Escaut (Middelbourg). Le 9 juillet 1810, par le décret de Rambouillet, la France annexe la Hollande et le décret du 13 décembre suivant l’organise en sept départements : Bouches-de-la-Meuse (La Haye), Zuiderzee (Amsterdam), Yssel-Supérieur (Arnhem), Bouches-de-l’Yssel (Zwolle), Frise (Leeuwarden), Ems-occidental (Groningue), Ems-oriental (Aurich).

A l’été 1798, un département du Léman (Genève) avait été créé. Par le décret de Fontainebleau du 12 novembre 1810, la France annexe la république valaisanne et l’organise en département du Simplon (Sion). 

La France perd quarante-trois départements au premier traité de Paris (30 mai 1814) et les Alpes-Maritimes au second traité de Paris (20 novembre 1815).

Les gouverneurs généraux

Tous les départements de l’Empire sont organisés de la même façon, en départements, arrondissements et communes, à l’exception des provinces Illyriennes. Napoléon crée cependant une série de gouvernements généraux chapeautant l’administration civile, judiciaire et militaire de groupes de départements situés hors de ce qui était considéré comme les frontières naturelles de la France. Chaque gouvernement est dirigé par un gouverneur général, assisté d’un intendant (conseiller d’État ou maître des requêtes) pour les questions financières et les grands travaux, d’un chef d’état-major pour les affaires militaires et d’un directeur général de la Police.

Il y aura six gouvernements généraux sous l’Empire :

gouvernement général des départements hanséatiques, confié au maréchal Davout, installé à Hambourg. Un décret du 18 décembre 1810 crée une commission de gouvernement des départements hanséatiques (Ems supérieur, Bouches-du-Weser, Bouches-de-l’Elbe) annexés à l’Empire. Elle est présidée par un gouverneur général (le décret désigne immédiatement à cette fonction le maréchal Davout), assisté d’un conseiller d’État* faisant fonction d’intendant, d’un conseiller d’État chargé de l’organisation judiciaire et d’un auditeur faisant fonction de secrétaire général. Cette commission est investie « des pouvoirs nécessaires pour gouverner et administrer le pays. La fonction de gouverneur général est confirmée par le décret du 4 juillet 1811 pour être effective au 1er janvier 1812, date de la dissolution de la commission de gouvernement. A partir de cette époque, le gouvernement général est organisé comme les autres institutions de même nature dans l’Empire. Davout est confirmé dans ses fonctions. Le gouverneur général a le commandement de toutes les troupes ; il transmet les ordres de tous les ministres aux administrations, exerce la surveillance de la police (il est assisté d’un directeur général de police), signe les mandats d’arrêt, assure l’exécution des lois et des règlements. Toutes les autorités doivent au moins l’informer de leurs activités et décisions.

gouvernement général des départements au-delà des Alpes, confié au prince Borghèse, beau-frère de l’empereur, installé à Gênes. Il fait partie des grands dignitaires de l’Empire. Cette fonction n’était pas prévue par le sénatus-consulte* du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Elle est créée par un sénatus-consulte du 7 février 1808. Ce gouverneur exerce les fonctions suivantes : porter à la connaissance de l’empereur les réclamations formées par les collèges électoraux ou les assemblées de cantons ; recevoir le serment des présidents des collèges électoraux et assemblées de canton, des présidents et procureurs généraux des cours et tribunaux, des administrateurs civils et des finances, des majors, chefs de bataillon et d’escadron de toutes les armes ; présenter à l’empereur les généraux et fonctionnaires publics devant prêter serment devant lui ; introduire les députations des collèges électoraux, des villes, des cours et des tribunaux reçus en audience par le souverain. Il préside le collège électoral de département* siégeant à Gênes. En application d’un décret impérial du 24 février 1808, outre ses fonctions de grand dignitaire, le gouverneur général exerce une part du pouvoir sur les départements de son ressort (Apennins, Doire, Gênes, Marengo, Montenotte, Pô, Sesia, Stura, Taro). Il en est le commandant militaire, exerce sa haute surveillance sur les administrations et la police, confirme les mandats d’arrêt et d’amener, surveille l’exécution des lois relatives à la conscription, les finances et les grands travaux, reçoit et transmet les plaintes des citoyens. Le prince Camille Borghèse (1775-1832), époux de Pauline Bonaparte, est nommé gouverneur général le 13 février 1808. Ce prince a été naturalisé français par un sénatus-consulte du 6 germinal an XIII (27 mars 1805).

gouvernement général des départements de Toscane devenu grand-duché de Toscane en 1809, confié à Élisa Bonaparte, sœur de l’empereur, secondée par son époux Félix Baciochi, commandant général, installé à Florence. Le sénatus-consulte du 2 mars 1809 érige le Gouvernement général* de Toscane en grand-duché de Toscane. Le gouverneur général, Maria-Anna, dite Élisa, Bonaparte (1777-1820), prend le titre de grande-duchesse de Toscane*. Rattachée à l’Empire français, cette entité est composée des départements* de la Méditerranée, du Taro et de l’Ombrone. Elle n’est en aucune façon un duché indépendant. Les découpages administratifs, civils, judiciaires et militaires restent ceux de l’administration locale* de l’Empire. Le siège du gouvernement général est Florence. La grande-duchesse gouverneur général est assistée dans ses fonctions d’un général de division, d’un chef d’état-major, d’un intendant du Trésor public* et d’un directeur général de la police*. En dehors de ses prérogatives de Grand dignitaire* de l’Empire, elle a pour fonction de transmettre les ordres des ministres, d’exercer la haute surveillance de la police, de viser les mandats d’arrêts décernés par le directeur de la police, de veiller à l’exécution des lois sur la conscription et d’exercer une surveillance générale sur les autorités militaires, civiles et administratives. Elle approuve les projets de travaux publics, examine les comptes et veille à la perception des contributions.

gouvernement général des départements de Rome et du Trasimène, sans titulaire mais dirigé par le général Miollis, premier lieutenant du gouverneur général, installé à Rome. Cette fonction est prévue par le décret du 5 août 1810. Elle est réservée à un prince grand dignitaire*. Le gouverneur général est nommé par l’empereur. Il est investi du commandement des troupes et de la gendarmerie des deux départements faisant partie des ci-devant États romains. Il transmet les ordres des ministres à tous les agents civils et militaires, exerce la haute surveillance de toutes les administrations et particulièrement de la police, vise les mandats d’arrêts, veille à l’exécution des lois, vise et autorise les travaux publics, surveille les recettes et dépenses publiques. Il est assisté d’un secrétaire des commandements pour la correspondance et d’un intendant du trésor public. Cette fonction ne sera pas pourvue et sera exercée, sans qu’il en ait le titre, par le général Miollis, nommé Premier lieutenant du gouverneur général par le décret du 19 février 1811.

gouvernement général des départements de la Hollande, confié à l’architrésorier Lebrun, installé à Amsterdam. Le décret du 18 octobre 1810 portant règlement général pour l’organisation des départements de la Hollande y prévoit l’instauration d’un gouvernement général composé d’un gouverneur général (Lebrun), d’un conseiller d’État intendant général des Finances, d’un maître des requêtes* chargé des digues, polders et routes, d’un maître des requêtes directeur de la caisse centrale, d’un maître des requêtes directeur des douanes, d’un directeur de la dette publique et d’un directeur de la police. On leur adjoint un secrétaire des commandements du gouverneur général (pour la correspondance) et un archiviste. Ce gouvernement général est le plus structuré qui ait été mis en place, ce qui atteste de l’importance attachée par Napoléon à la réunion de la Hollande. Le gouverneur général exerce les fonctions suivantes : porter à la connaissance de l’empereur les réclamations formées par les collèges électoraux ou les assemblées de cantons ; recevoir le serment des présidents des collèges électoraux et assemblées de canton, des présidents et procureurs généraux des cours et tribunaux, des administrateurs civils et des finances, des majors, chefs de bataillon et d’escadron de toutes les armes ; présenter à l’empereur les généraux et fonctionnaires publics devant prêter serment devant lui ; introduire les députations des collèges électoraux, des villes, des cours et des tribunaux reçus en audience par le souverain. Il préside le collège électoral siégeant à Amsterdam. Il est le commandant militaire des départements hollandais, exerce sa haute surveillance sur les administrations et la police, confirme les mandats d’arrêt et d’amener, surveille l’exécution des lois relatives à la conscription, les finances et les grands travaux, reçoit et transmet les plaintes des citoyens. Les départements concernés sont : le Zuyderzée, les Bouches-de-la-Meuse, l’Issel supérieur, les Bouches-de-l’Issel, la Frise, l’Ems occidental et l’Ems oriental.

gouvernement des provinces Illyriennes, confié successivement à Marmont, Bertrand, Junot et Fouché, installé à Laybach (Lubjana). La fonction de gouverneur général des provinces Illyriennes* est créée par le décret du 25 décembre 1809. Ce gouverneur général a sous ses ordres immédiats les forces de terre et de mer, la garde nationale, la gendarmerie et les troupes de toute nature. Il statue sur tout ce qui touche au port d’armes, vise les passeports. Il détermine chaque année, avec l’intendant général, le budget des provinces et les travaux publics à faire. Il nomme aux emplois publics, civils, judiciaires et militaires. Il a la haute surveillance de la police et est compétent en matière de haute police. Il peut en cas de besoin prendre des mesures urgentes et suspendre l’application des lois et règlements. Il est placé sous la tutelle du ministre de la Guerre pour les affaires militaires et sous celle du vice-roi d’Italie pour les autres. Le maréchal Marmont, les généraux Bertrand et Junot et l’ancien ministre Fouché exerceront successivement cette fonction. Avant cela, Junot avait été nommé gouverneur (et non gouverneur général) des États de Parme et Plaisance, le 19 janvier 1806. Il y avait été remplacé par Perignon, le 18 septembre suivant. Leur mission était dite « extraordinaire » : ils devaient rétablir l’ordre dans ces territoires donnés en apanage à Pauline Borghèse (mars 1806) puis annexés à l’Empire (mai 1808). Le gouverneur militaire de Paris a rang de gouverneur général.

Thierry Lentz, directeur général de la Fondation Napoléon

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