Institutions. Les grands dignitaires de l’Empire

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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L’article 32 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804) instituant l’Empire dispose que l’Empereur est entouré de Grands dignitaires et de Grands officiers. Les Grands dignitaires sont nommés par l’empereur et inamovibles. Ils sont membres du Conseil d’État, du Sénat, du Conseil privé et, pour certains d’entre eux, du Grand conseil de la Légion d’honneur. Ils peuvent présider le Sénat et le Conseil d’État, par délégation de l’empereur. A l’origine, les Grands dignitaires sont : le Grand électeur, l’Archichancelier de l’Empire, l’Archichancelier d’État, l’Architrésorier, le Connétable, le Grand amiral. D’autres grandes dignités sont ajoutées ensuite : Vice-connétable, Vice-grand électeur, Vice-grand amiral (1806), gouverneur général des provinces au-delà des Alpes (1808) et la grande-duchesse de Toscane (1809). Un décret du 5 août 1810 prévoit d’octroyer la grande dignité au gouverneur général des départements de Rome et du Trasimène (ex-États romains) : cette fonction ne sera pas attribuée.

Le décret impérial du 31 mars 1806 portant statut de la famille impériale dispose que, outre l’archichancelier qui en est membre de droit, le plus ancien des Grands dignitaires est membre du conseil de la famille institué aux articles 33 et suivants. L’article 31 leur est à tous applicable : si un titulaire d’une grande dignité se livre à des débordements ou vient à oublier ses devoirs, l’empereur peut lui infliger les arrêts, l’éloignement ou l’exil pour une durée ne pouvant excéder un an.

En application de la constitution et du décret du 24 messidor an XII (13 juillet 1804), les Grands dignitaires reçoivent dans les cérémonies auxquelles ils participent les mêmes honneurs que les Princes français. Le décret du 1er mars 1808 concernant les titres leur confirme celui de « prince et altesse sérénissime ». Leur fils aîné a droit au titre de duc de l’Empire, sous réserve de la constitution d’un majorat de 200 000 fr.. Les puînés peuvent être comtes ou barons.

Thierry Lentz, directeur général de la Fondation Napoléon

Institutions. Les grands dignitaires de l’Empire
Sur la même feuille, 32 médaillons contenant les bustes de l'empereur, des princes de la famille impériale et des grands
dignitaires de l'Empire, [Recueil. Collection de Vinck. Un siècle d'histoire de France par l'estampe, 1770-1870. Vol. 58
Le Beau, Pierre-Adrien (1744-1817), graveur, et Naudet, Thomas Charles (1773-1810), peintre du modèle © BnF Gallica

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Les grands dignitaires de l’Empire

Année de création Titulaires
Grand électeur 1804 Joseph Bonaparte
Archichancelier de l’Empire 1804 Cambacérès
Archichancelier d’État 1804 Eugène de Beauharnais
Architrésorier 1804 Lebrun
Connétable 1804 Louis Bonaparte
Grand-amiral 1804 Murat
Vice-connétable 1806 Berthier (nommé en 1807)
Vice-grand électeur 1806 Talleyrand (nommé en 1807)
Vice-Grand Amiral 1806 Non nommé
Gouverneur général des provinces au-delà des Alpes 1808 Borghèse
Grande duchesse de Toscane 1809 Elisa Bonaparte
Gouverneur général des départements de Rome et du Trasimène 1810 Non nommé

Grand électeur

Le Grand électeur est un des grands dignitaires de l’Empire. Ses fonctions, exécutées au nom de l’empereur, sont définies par l’article 39 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804) : convocation du Corps législatif, des collèges électoraux*et des assemblées de canton ; promulgation des sénatus-consultes portant dissolution, soit du Corps législatif, soit des collèges électoraux. Il préside le Sénat en l’absence de l’empereur, lorsque cette chambre procède aux nominations des sénateurs, des législateurs et des tribuns. Il porte à la connaissance de l’empereur les réclamations formées par les collèges électoraux ou par les assemblées de canton pour la conservation de leurs prérogatives. Il reçoit le serment des présidents des collèges électoraux de département et des assemblées de canton. C’est lui aussi qui saisit ces mêmes collèges des actes contraires à l’honneur ou à la patrie commis par un de leurs membres, en application de l’article 21 du sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802) et porte ensuite la proposition du collège concerné à la connaissance de l’empereur. Lors de leur prestation de serment, il présente au souverain les membres du Sénat, du Conseil d’État, du corps législatif et du tribunat. Il est l’introducteur auprès de l’empereur
des députations solennelles du Sénat, du conseil d’État, du corps législatif, du tribunat et des collèges électoraux. Il présidait le collège électoral de département siégeant à Bruxelles.

Joseph Bonaparte (1768-1844) est nommé grand électeur le 18 mai 1804. Lorsqu’il accède au trône de Naples, la dignité de Vice-grand électeur est créée.

Vice-grand électeur

Le vice-grand électeur est un des grands dignitaires de l’Empire. Cette fonction n’est pas prévue par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Elle est créée le 30 mars 1806 par un « acte » de l’empereur transcrit sur les registres du Sénat. Le grand électeur Joseph Bonaparte ayant été fait roi de Naples, un vice-grand électeur est établi pour remplir ses fonctions en son absence. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord est nommé par un décret impérial du 9 août 1807.

Archichancelier de l’Empire

L’archichancelier de l’Empire –titre emprunté aux structures du Saint Empire romain germanique- est un des Grands dignitaires de l’Empire. Ses fonctions sont définies par l’article 40 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Il exerce les fonctions de chancelier (conservation des sceaux) pour la promulgation des sénatus-consultes organiques ou des lois et des actes officiels du palais impérial. Il est présent au travail annuel au cours duquel le Grand-juge ministre de la Justice rend compte à l’empereur « des abus qui pourraient s’être introduits dans l’administration de la justice ». Il préside la Haute Cour impériale et les sections réunies du Conseil d’État et du Tribunat. Sa présence est requise à la célébration des mariages et à la naissance des princes ainsi qu’au couronnement et aux obsèques de l’empereur. Lors de leurs prestations de serment devant l’empereur, il introduit les titulaires des Grandes dignités de l’Empire, les ministres et le secrétaire d’État, les Grands officiers civils de la couronne et le Premier président de la Cour de cassation. Il reçoit lui-même les serments des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des présidents et procureurs généraux des cours d’appel, des cours criminelles et des inspecteurs généraux des écoles de droit (décret du 21 septembre 1804). Il introduit les députations solennelles et les membres des cours de justice admis à l’audience de l’empereur. Il signe les commissions et brevets des membres des cours de justice, des officiers ministériels, des fonctions civiles administratives. Il préside enfin le collège électoral de département siégeant à Bordeaux.

A compter du décret impérial du 31 mars 1806 portant statut de la famille impériale, l’archichancelier est en outre officier d’état-civil de celle-ci. Il en reçoit les actes de naissance, d’adoption, de mariage et tous les actes prescrits et autorisés par le Code Civil, les actes établissant la douaire de l’impératrice, le testament de l’empereur et les actes de décès des princes et princesses de la Maison. Il est membre du conseil de famille qu’il préside même en l’absence de l’empereur.

Jean-Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824) est nommé archichancelier de l’Empire le 18 mai 1804.

Archichancelier d’État

L’archichancelier d’État est un des Grands dignitaires de l’Empire. Ses fonctions sont définies par l’article 41 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Il est le gardien du protocole impérial en matière de Relations extérieures. Il exerce les fonctions de chancelier (conservation des sceaux) pour la promulgation des traités de paix ou d’alliance et pour les déclarations de guerre. Il présente à l’empereur les lettres de créance et la correspondance d’étiquette avec les autres cours. Il assiste au travail annuel lors duquel le ministre des Relations extérieures rend compte à l’empereur de la situation politique internationale. Lors de leur prestation de serment, il introduit les ambassadeurs et ministres de l’empereur auprès des cours étrangères. Il reçoit lui-même les serments des résidents, chargés d’affaires, secrétaires d’ambassade et de légation et des commissaires généraux et commissaires des relations commerciales. Il préside le collège électoral de département siégeant à Nantes.

Eugène de Beauharnais (1781-1824) est nommé archichancelier d’État le 31 janvier 1805 (la dignité était restée vacante depuis mai 1804).

Architrésorier

L’architrésorier est un des Grands dignitaires de l’Empire. Ses fonctions sont définies par l’article 42 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Elles touchent essentiellement aux matières financières et budgétaires. Il assiste au travail annuel au cours duquel les ministres des Finances et du Trésor public rendent comptes des recettes et des dépenses de l’État et exposent leurs vues sur les besoins des finances de l’Empire. Il vise les comptes des recettes et des dépenses annuelles, reçoit tous les trois mois le compte des travaux de la comptabilité nationale (et tous les ans le résultat général) et les vues de réforme et d’amélioration dans les différentes parties de la comptabilité. Il arrête tous les ans, le Grand livre de la dette publique. Il signe les brevets des pensions civiles. Comme l’archichancelier, il peut présider les sections réunies du Conseil d’État et du Tribunat. Il reçoit le serment des membres de la comptabilité nationale, des administrations de Finances, et des principaux agents du Trésor public. Lors des audiences de l’empereur, il introduit les députations de la comptabilité nationale et des administrations de finances. Il préside enfin le collège électoral de département siégeant à Lyon.

Charles-François Lebrun (1739-1824) est nommé architrésorier le 18 mai 1804.

Connétable

Le connétable est un des grands dignitaires de l’Empire. Ses fonctions, exécutées au nom de l’empereur, sont définies par l’article 43 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Elles touchent essentiellement aux affaires militaires. Mais ce Connétable n’a rien de commun avec celui de l’Ancien Régime qui était le chef suprême de l’armée en l’absence du souverain, jusqu’à la suppression de cette dignité par Richelieu en 1627.

Le connétable « napoléonien » assiste au travail annuel au cours duquel le ministre de la Guerre et le ministre directeur de l’Administration de la guerre rendent compte à l’empereur des dispositions à prendre pour compléter le système de défense des frontières, l’entretien, la réparation et l’approvisionnement des places. Il est le gouverneur des écoles militaires, remet les drapeaux aux corps d’armée, pose la première pierre des places fortes et passe en revue la garde impériale en cas d’empêchement de l’empereur. Lorsqu’un général d’armée est prévenu d’un délit, le connétable peut présider le conseil de guerre. Lors de leur prestation de serment à l’empereur, il introduit les maréchaux de l’Empire, les colonels généraux, les inspecteurs généraux, les officiers généraux et les colonels de toutes les armes. Il joue le même rôle lors des audiences accordées aux généraux, colonels, majors, chefs de bataillon ou d’escadron. Il reçoit lui-même le serment des majors, chefs de bataillon et d’escadron de toutes armes. Il signe les brevets de l’armée et ceux des militaires pensionnaires de l’État. Il préside enfin le collège électoral de département siégeant à Turin.

Louis Bonaparte (1778-1846) est nommé connétable le 18 mai 1804. L’appellation de sa dignité est changée en « grand connétable » lorsqu’il accède au trône de Hollande (traité du 24 mai 1806). Le même texte crée la dignité de vice-connétable.

Vice-connétable

Le vice-connétable est un des grands dignitaires de l’Empire. Cette fonction n’est pas prévue par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804) mais créée par le traité du 24 mai 1806 sur la monarchie en Hollande (art. 6) et un message de Napoléon au Sénat français, du 5 juin 1806. Le connétable Louis Bonaparte ayant été fait roi de Hollande, un vice-connétable est établi pour remplir ses fonctions en son absence.

Le maréchal de l’Empire Louis-Alexandre Berthier est nommé vice-connétable par un décret impérial du 9 août 1807.

Grand amiral

Le Grand amiral est un des Grands dignitaires de l’Empire. Ses fonctions, exécutées au nom de l’empereur, sont définies par l’article 44 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Elles touchent essentiellement aux affaires maritimes. Il assiste au travail annuel dans lequel le ministre de la Marine et des Colonies rend compte à l’empereur de l’état des constructions navales, des arsenaux et des approvisionnements. Il présente au souverain les comptes de la caisse des invalides de la marine. Lorsqu’un amiral, vice-amiral ou contre-amiral commandant en chef une armée navale, est prévenu d’un délit, il peut présider la cour martiale chargée de le juger. Lors de leur prestation de serment à l’empereur, il introduit les amiraux, les vice-amiraux, les contre-amiraux et les capitaines de vaisseau. Lors des audiences ordinaires, il joue le même rôle pour la présentation des amiraux, vice-amiraux, contre-amiraux, capitaines de vaisseau et de frégate et des membres du conseil des prises. Il signe les brevets des officiers de l’armée navale et ceux des marins pensionnaires de l’État. Il préside enfin le collège électoral de département siégeant à Marseille.

Joachim Murat, par ailleurs maréchal de l’Empire, est nommé grand-amiral le 31 janvier 1805 (la dignité était restée vacante depuis mai 1804). Il conserve cette dignité lorsqu’il est nommé grand-duc de Berg. L’acte du 15 mars 1806 dispose cependant que le souverain se réserve la création « lorsqu’il le jugera convenable » de la dignité de Vice-grand amiral. Cette dignité ne sera pas créée.

Gouverneur général des départements au-delà des Alpes

Le gouverneur général des départements au-delà des Alpes est un des grands dignitaires de l’Empire. Cette fonction n’était pas prévue par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804). Elle est créée par un sénatus-consulte du 7 février 1808. Ce gouverneur exerce les fonctions suivantes : porter à la connaissance de l’empereur les réclamations formées par les collèges électoraux ou les assemblées de cantons ; recevoir le serment des présidents des collèges électoraux et assemblées de canton, des présidents et procureurs généraux des cours et tribunaux, des administrateurs civils et des finances, des majors, chefs de bataillon et d’escadron de toutes les armes ; présenter à l’empereur les généraux et fonctionnaires publics devant prêter serment devant lui ; introduire les députations des collèges électoraux, des villes, des cours et des tribunaux reçus en audience par le souverain. Il préside le collège électoral de département siégeant à Gênes.

En application d’un décret impérial du 24 février 1808, outre ses fonctions de grand dignitaire, le gouverneur général exerce une part du pouvoir sur les départements de son ressort (Apennins, Doire, Gênes, Marengo, Montenotte, Pô, Sesia, Stura, Taro). Il en est le commandant militaire, exerce sa haute surveillance sur les administrations et la police, confirme les mandats d’arrêt et d’amener, surveille l’exécution des lois relatives à la conscription, les finances et les grands travaux, reçoit et transmet les plaintes des citoyens.

Le prince Camille Borghèse (1775-1832), époux de Pauline Bonaparte, est nommé gouverneur général le 13 février 1808. Ce prince a été naturalisé français par un sénatus-consulte du 6 germinal an XIII (27 mars 1805).

Grande duchesse de Toscane

La Grande-duchesse de Toscane est Grand dignitaire de l’Empire, en application du sénatus-consulte du 2 mars 1809. Elle gouverne les départements précédemment placés sous la responsabilité du gouverneur général de Toscane. Le sénatus-consulte précise qu’elle jouit des mêmes droits et prérogatives que le gouverneur général des départements au-delà des Alpes, à savoir : porter à la connaissance de l’empereur les réclamations formées par les collèges électoraux ou les assemblées de cantons ; recevoir le serment des présidents des collèges électoraux et assemblées de canton, des présidents et procureurs généraux des cours et tribunaux, des administrateurs civils et des finances, des majors, chefs de bataillon et d’escadron de toutes les armes ; présenter à l’empereur les généraux et fonctionnaires publics devant prêter serment devant lui ; introduire les députations des collèges électoraux, des villes, des cours et des tribunaux reçus en audience par le souverain. Elle préside le collège électoral de département siégeant à Florence.

Un décret du 3 mars 1809 nomme Élisa Bonaparte (1777-1820), princesse de Lucques et de Piombino, précédemment gouverneur général, grande-duchesse de Toscane.

Gouverneur général des départements de Rome et du Trasimène

Cette fonction est prévue par le décret du 5 août 1810. Elle est réservée à un prince grand dignitaire. Le gouverneur général est nommé par l’empereur. Il est investi du commandement des troupes et de la gendarmerie des deux départements faisant partie des ci-devant États romains. Il transmet les ordres des ministres à tous les agents civils et militaires, exerce la haute surveillance de toutes les administrations et particulièrement de la police, vise les mandats d’arrêts, veille à l’exécution des lois, vise et autorise les travaux publics, surveille les recettes et dépenses publiques. Il est assisté d’un secrétaire des commandements pour la correspondance et d’un intendant du trésor public.

Cette fonction ne sera pas pourvue et sera exercée, sans qu’il en ait le titre, par le général Miollis, nommé Premier lieutenant du gouverneur général par le décret du 19 février 1811.

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