La bataille de la Moskowa par le général baron Lejeune

Auteur(s) : BENOÎT Jérémie
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[Note de l'éd. du site napoleon.org : afin de vous permettre de profiter pleinement de l'analyse de « La bataille de la Moskowa » de Lejeune, nous avons créé un premier lien vers le tableau général, puis des liens vers des détails de ce tableau. Pendant la lecture de l'article, nous vous conseillons de garder ouverte la fenêtre de votre navigateur avec le tableau général. Les liens vous dirigent tous sur le site de l'Agence photographique de la Réunion des Musées nationaux.]
 
Étudier la peinture du général baron Louis-François Lejeune (Strasbourg, 1775-Toulouse, 1848), c'est faire appel à plusieurs disciplines, l'histoire et la tactique militaire bien sûr, mais aussi l'uniformologie et l'histoire de l'art, c'est-à-dire la conception picturale du temps qui préside à la pensée du peintre. Dans une étude précédente consacrée à la bataille de Marengo (1), nous avions montré comment l'artiste avait été obligé de distordre la réalité de l'événement pour donner à comprendre la victoire tardive de Bonaparte. Il avait en particulier déplacé la charge du général Kellermann de façon à ce qu'elle soit vue de face et non de dos, ce qui aurait évidemment gêné la vision du tableau. Autrement dit, notre propos était de montrer qu'une peinture n'est pas un événement historique, ne serait-ce que parce qu'elle est une image globale fixe, alors qu'une bataille se déroule nécessairement sur un temps donné et est conçue comme une succession d'événements particuliers liés par une action commune.

Dans le même esprit, nous souhaitons livrer ici une étude de La bataille de la Moskowa, tableau tardif de Lejeune puisqu'il fut peint en 1822 et exposé au Salon de 1824, n° 1121 (musée de Versailles) (2). Cependant, cette oeuvre ressortit encore de la première conception du peintre, vision topographique d'une bataille, et non scène de combat anecdotique à l'instar de ses dernières oeuvres, L'attaque d'un convoi dans les défilés de Salinas (1819, musée de Versailles) ou L'assaut du monastère de San Engracia (1827, musée de Versailles).

La bataille de la Moskowa

Le 7 septembre 1812, après avoir longtemps recherché l'affrontement avec les Russes commandés par le général Barclay de Tolly, celui-ci ayant été relevé devant Moscou au profit de Koutousov, Napoléon pouvait enfin espérer la grande bataille décisive qui eût pu faire fléchir le tsar Alexandre. 120 000 Russes allaient combattre 127 000 Français et alliés (Saxons, Westphaliens et Italiens du prince Eugène). La victoire, sans être certaine, restait pourtant à l'Empereur, puisque selon la conception du temps, l'armée russe avait quitté le champ de bataille à la tombée de la nuit, et malgré Murat, Napoléon refusa qu'on la poursuive pour lui donner l'estocade finale. Les portes de Moscou étaient à présent ouvertes, et Napoléon y entra en effet quelques jours plus tard, le 14 septembre.

50 000 Russes étaient restés sur le terrain, pour seulement 800 prisonniers, contre 30 000 Français. De nombreux généraux ont été tués, Caulaincourt, Montbrun, Tharreau, Lanbère, Romeuf, Compère. Friant est blessé, ainsi que La Tour-Maubourg, Grouchy, Nansouty, Morand et Davout. En face, Bagration, les deux frères Touczoz, Voronzov ont été tués. Après Eylau, la Moskowa est sans doute la bataille la plus meurtrière de l'Empire. Il est vrai que les Russes sont certainement les combattants les plus solides du temps.

Durant la bataille, ils se sont plutôt tenus sur la défensive, laissant l'initiative à Napoléon, qui avait établi son plan en attendant le corps de Poniatowski débouchant de la droite pour envelopper les Russes, tandis que le prince Eugène attaquerait à gauche (3). Mais en fait, le retard de Poniatowski a fait porter tous les efforts sur le centre, sur la Grande Redoute, position formidable qui ne sera pas prise et contre laquelle se sont usés les Français. Compans et Dessaix d'abord, du corps de Davout, à droite, puis Charrière, ont attaqué la redoute des Trois Flèches devant Semenovskoïe, tandis qu'à gauche, Delzons entraîne les Italiens du corps du prince Eugène sur le village de Borodino. Puis Ney – qui gagna là son titre de prince –, au centre, emmène les divisions Razout, Ledru et Marchand, au secours des Trois Flèches.

Murat arrive alors avec les cavaliers de Bruyère et Nansouty, puis ceux de La Tour-Maubourg appelés en renfort, tandis que Napoléon envoie Friant pour tenter d'emporter la décision sur la Grande Redoute, tenue par Paskiévitch et littéralement pilonnée par l'artillerie. Car à 10 heures, la division Morand a attaqué cette formidable position. C'est Bonnamy qui a l'honneur de monter le premier à l'assaut, avec le 30e de ligne. Mais Koutousov s'est déjà ressaisi et l'armée russe converge vers la Grande Redoute. Bagration et Barclay de Tolly repartent contre Bonnamy, Ney et Murat. Morand, Bonnamy sont blessés, Bagration est tué. Alors arrivent la division Friant et les Wurtembergeois de Gérard, tandis que Poniatowski débouche enfin à l'extrême droite après avoir défait Touczov.

L'instant est décisif, les Russes plient. Belliard, après Borelli (4), est chargé de demander la Garde, recours suprême. L'Empereur s'y refuse obstinément et les cosaques de Platov sont inopinément parvenus à semer la panique dans les bagages de l'armée, mais ils ont été chassés par Delzons et d'Ornano. Cette perte de temps a une nouvelle fois permis à Koutousov d'envoyer des renforts au centre. Murat décide alors de faire enlever la Grande Redoute par la cavalerie pour tenter d'arracher la victoire (5), tandis que l'artillerie bombarde le site. Enfin, Eugène reçoit l'ordre d'attaquer. Caulaincourt enlève les cavaliers de Wathier et Defrance. Il est tué. Les Russes tiennent, contre-attaquent, mais Grouchy arrive à son tour. Écrasée sous les boulets, la Grande Redoute tiendra jusqu'au bout, jusqu'à la nuit. Malgré les demandes pressantes, Napoléon refusera d'engager la Garde, hésitant même à lancer Mortier avec la Jeune Garde dans la bataille, et se reposera sur l'artillerie, impuissante à donner le coup de boutoir final. Commencée à 6 heures du matin, la bataille s'achève sur une mêlée d'hommes et de chevaux imbriqués dans la mort.
La Moskowa ne fut pas un chef-d'oeuvre de stratégie, plutôt une succession d'assauts jamais décisifs, durant lesquels l'artillerie joua un très grand rôle. Les Russes ayant fait preuve d'une ténacité jamais égalée, se sont seulement retiré du champ de bataille, un peu comme à Eylau. Leur armée n'est pas détruite et ils défileront durant plusieurs jours à travers Moscou, laissant la place à Napoléon qui trouvera la ville abandonnée.

Le contexte de 1822-1824

À la Moskowa, Lejeune servait encore comme aide de camp à l'état-major de Berthier, major général de la Grande Armée. Ayant combattu en Espagne auparavant, il avait été promu colonel du génie en 1809, et c'est avec ce grade qu'il avait combattu à Essling puis à Wagram avant de retourner en Espagne puis de servir en Russie, particulièrement à la Moskowa. À la suite de cette bataille, il fut promu général de brigade le 23 septembre 1812, ayant remplacé le 10 septembre, le général Romeuf, tué le 7, comme chef d'état-major du 1er corps de Davout (6).

C'est d'après ses dessins que Lejeune, artiste du bureau topographique du Service de la Guerre, réalisa son tableau quelque dix ans plus tard, alors qu'il se trouvait en disponibilité depuis 1819. Il avait été chargé de prendre des relevés du terrain dès le 6 septembre, ainsi qu'il le relate dans ses Souvenirs (7) : « L'Empereur m'ordonna de parcourir de nouveau la ligne avec soin, d'en crayonner la topographie et de lui apporter aussi quelques vues du terrain. Je passai le reste du jour à remplir cette honorable tâche, qui me fit faire une étude plus exacte de la localité. L'Empereur reçut mes croquis, s'y reconnut et parut satisfait. En rentrant, il avait ordonné à Bacler d'Albe, chef des ingénieurs géographes, de leur demander le même travail qu'à moi, et le levé à vue des positions des Russes fut fait avant le soir ». C'est donc à partir de ses croquis, qu'il conserva précieusement plusieurs années en vue de positionner son sujet, et de ceux pris par Bacler d'Albe qu'il travailla en 1822. À cela s'ajoute le fait, ainsi qu'il le relate également, qu'il passa le soir de la bataille à « résumer ce que j'avais vu dans la journée ». Enfin, il ne faut pas négliger que son grade et sa position lui donnaient accès aux cartes d'état-major, ce qui lui permit de reproduire exactement les mouvements des troupes. Cependant, ainsi que nous le verrons lors de l'analyse du tableau, c'est plus vraisemblablement le texte de Ségur que celui de ses Souvenirs qui servit de cadre au récit qu'il déroule dans sa peinture.

Contrairement à sa bataille de Marengo ou à sa bataille d'Aboukir, Lejeune n'émailla le devant de son tableau que de très peu d'anecdotes vécues par lui durant les combats, qu'il ne cite d'ailleurs pas dans ses Souvenirs – sauf en ce qui concerne son cheval renversé –, excepté sans doute en bas à droite le grenadier repoussant du pied un obus. Il chercha plutôt à reproduire certains des petits événements mémorables de cette terrible journée, sans chercher l'exhaustivité. En cela, il voulut faire travail d'historien plutôt que de combattant ayant assisté à la scène. Il ne s'agissait plus en effet en 1822 de rappeler à ses collègues militaires certains détails qu'ils purent voir tout comme lui, il s'agissait bien plutôt de rappeler la mémoire de ces soldats qui furent tués ou furent blessés durant la bataille. C'était à une sorte de réhabilitation de l'héroïsme des anciens soldats de l'Empire que tentait de se livrer Lejeune, qui attendit encore deux années avant d'exposer son tableau au Salon. La mort du roi Louis XVIII, en 1824, permit enfin d'espérer plus de liberté, et la réaction propre au règne de Charles X ne s'était pas encore manifestée. Car le tableau de Lejeune s'inscrit aussi dans le contexte de réactivation du souvenir de l'Empire qui apparut après 1820. C'était l'époque où Las Cases faisait paraître le Mémorial de Sainte-Hélène (1823), où le général de Ségur publiait sa Campagne de Russie (1824), où le colonel Pelletier de Chambrure éditait son Napoléon et ses contemporains (1824), que suivit en 1827-1828 la première histoire de Napoléon, écrite par Norvins.

L'oeuvre pourtant ne se voulait pas une prise de position politique, de tendance bonapartiste, comme l'étaient à la même époque les tableaux d'Horace Vernet du type des Adieux de Fontainebleau (1821). Lejeune cherchait seulement à poursuivre sa carrière de peintre militaire et à rappeler les hauts faits de l'armée française. On ne ressent en effet aucune revendication dans ce tableau qui ne se veut que l'illustration de la bataille de la Moskowa. « Ce serait une chose bien curieuse d'illustrer Lejeune écrivain par Lejeune peintre », relève Fournier-Sarlovèze dans un article sur l'artiste (8). Cet auteur a parfaitement compris la problématique qui préside à l'art de Lejeune, problématique faite de narration, de réalisme et de reconstruction. Nous y reviendrons dans la conclusion. Pourtant, le tableau de la Moskowa est-il bien une véritable illustration ? Comme nous l'avons rappelé au début de cette étude, le peintre ne peut échapper à la distorsion de la réalité. S'il voulait en effet glorifier tous les protagonistes du drame, il lui fallait nécessairement les rassembler sur un seul point de vue, celui qu'il avait choisi. Pourtant, dans les Notices citées en note 2, bien que l'artiste se soit défendu de déformer la réalité, il reconnaît qu'il lui était impossible d'y échapper. Cependant, le texte est suffisamment ambigu pour laisser entendre une vérité et son contraire. Qu'on en juge : « Les trois redoutes […] ne pouvaient trouver place dans le présent tableau, sans que le peintre ne sacrifiât la vérité historique à l'arrangement pittoresque de son oeuvre ; il s'y est absolument refusé ». Que signifie ce passage, très peu clair finalement ? Lejeune a-t-il ou non distordu la réalité ? Voit-on ou non les trois redoutes ? En fait toute la composition tourne autour de la seule Grande Redoute, ainsi que nous allons le voir.

Le tableau : le point de vue

Le point de vue choisi par Lejeune est ainsi laconiquement décrit dans le livret du Salon de 1824 (n° 1121) : « Cette faible portion du champ de bataille, représente la prise de la redoute du centre par les cuirassiers de Caulaincourt ». Il se situe à peu près en avant de la redoute des Trois Flèches, près du village de Semenovskoïe, laissant voir dans le fond la Grande Redoute, tandis qu'à gauche, des artilleurs, des cuirassiers et des lanciers traversent le ruisseau qui court dans le ravin de Semenovskoïe. C'est donc l'emplacement tenu par Ney et Murat qui est représenté au centre du tableau. Le poste d'observation occupé par l'Empereur et la Garde, à Schwardino, n'est en revanche pas représenté, se situant hors du champ de la composition. « Ce terrain, écrit Lejeune dans les Notices, se trouvait dans la même direction que la redoute, plus à droite du village de Sircova que l'on aperçoit en flammes ». On comprend mal pourquoi, les Français attaquant depuis la droite sur le tableau, en remontant depuis Semenovskoïe, Lejeune affirme que le village de Schwardino se trouve plus à droite. Si l'on suit la topographie du terrain, il devrait au contraire se trouver plus à gauche, en arrière des cavaliers russes poursuivant le prince Eugène, celui-ci arrivant de Borodino au nord. Plus à droite, ce serait faire intervenir les troupes de Poniatowski et de Junot débouchant à l'aile droite française. Or celles-ci ne se voient pas sur le tableau, même si l'on remarque des lanciers polonais. Si le site d'observation de l'Empereur se trouvait à droite, alors nous aurions dû voir Borodino en flammes dans le fond, prise par le prince Eugène. Or ni ce village, ni la redoute de Gorki, ne peuvent être vus, étant cachés par la Grande Redoute, selon le point de vue de Lejeune. Il y a sur ce point sans doute une petite erreur de direction dans le texte des Notices.

Le moment ou les moments

Le moment choisi par Lejeune est celui de l'attaque du général Caulaincourt, frère du grand-écuyer commandant le grand quartier général impérial, qui mène à l'assaut de la Grande Redoute, vers 15 heures, les cuirassiers de Wathier et les carabiniers de Defrance, du corps de Montbrun qui vient d'être tué. Ainsi, c'est l'attaque finale qui est représentée, presque déterminante, même si les Russes résistaient encore. Caulaincourt est bien visible sur son cheval blanc, au sommet de la redoute, suivi par les cuirassiers de Wathier. Juste à sa gauche, arrivent les fantassins de Gérard, remplaçant de Gudin tué à Valoutina, emmenés par le général Grand, monté sur un cheval bais, et auprès duquel se tient Lejeune, sur un cheval gris, qui fut renversé lors de la disposition des canons de Sorbier. Dans ses Souvenirs, l'artiste relate en effet son rôle aux côtés non pas de Gérard mais du général Sorbier, commandant l'artillerie de la Garde. Derrière eux, juste à droite du panache de fumée, résultat de l'explosion d'un caisson de munitions (9), apparaissent les carabiniers de Defrance, avec leurs cuirasses dorées et leurs casques à chenille rouge, suivis par les cavaliers saxons selon les Notices, mais peu reconnaissables. Plus en arrière encore viennent à nouveau des cuirassiers. Toute l'armée russe se trouve à gauche dans le lointain et à droite dans le fond.
Comme nous l'avons rappelé, ce fut le maréchal Murat qui ordonna l'attaque finale de la Grande Redoute par la cavalerie. Il apparaît donc au centre du tableau, « montant un bel arabe couleur fauve », écrit Lejeune, donnant un ordre au général Belliard, portant chapeau, accompagné d'un aide de camp, tête nue. Dans ses Souvenirs, Lejeune rapporte qu'il portait en effet un dolman de hussard et qu'un panache blanc surmontait son chapeau, le rendant très visible surtout des cosaques qui cherchaient à l'approcher. On peut imaginer que c'est le moment où Belliard, chef d'état-major du roi de Naples, vient de revenir avec le refus de l'Empereur d'engager la Garde (10), et qu'en conséquence Murat ordonne l'attaque de la cavalerie pour en finir avec la Grande Redoute. L'ordre donné à Belliard n'est donc pas celui de se rendre auprès de Napoléon mais celui de transmettre sa décision d'attaque générale. Autrement dit, le tableau représente deux moments successifs, puisque si Murat donne l'ordre de l'assaut, on comprend mal que Caulaincourt soit déjà en train d'emmener la cavalerie. Ainsi Lejeune semble avoir opéré une première distorsion dans son tableau, synthétisant deux ordres en une seule action reproduite sur la toile. Nous verrons plus loin qu'il n'en est rien, et que les actions se succèdent en réalité sur la toile. Relevons cependant que dans les Notices, Lejeune écrit que l'idée de cette attaque de cavalerie revient à Belliard et que Murat en donna l'ordre à Caulaincourt. Rien ne vient historiquement étayer cette affirmation.

La situation de Murat dans le tableau se trouve à la jonction des deux grandes parties de la composition. Nous avons décrit le fond, qui est séparé du premier plan par une ligne qui, partant des cavaliers traversant le ravin de Semenovskoïe en bas à gauche, passe par Murat et Belliard et suit le panache de fumée. Cette diagonale dégage à droite un ensemble de figures qui sont autant de portraits et d'anecdotes. Nous allons y venir. Remarquons d'abord qu'on retrouve le type de composition chère à Lejeune depuis sa bataille de Marengo, qui sépare le tableau en deux parties, un arrière-plan représentant le combat dans son ensemble, reconstitué en grande partie d'après les pièces d'archives et les plans de la bataille, auquel s'oppose un premier plan émaillé d'anecdotes plus ou moins vécues. Comme nous l'avons dit, ce sont pour l'occasion plutôt des événements de cette grande journée que des moments vécus par l'artiste. Or c'est ici que se situent les plus grandes libertés prises par Lejeune avec la chronologie de la bataille et avec la topographie, puisque tous ces événements historiques sont groupés en un même lieu.

Relevons d'abord que la jonction entre les deux parties du tableau s'effectue certes autour de Murat qui prit en quelque sorte la décision de l'attaque finale, mais en fait, celui-ci s'inscrit dans une contre-diagonale partant du bas de la composition, à droite, où un grenadier repousse du pied un obus prêt à exploser devant des prisonniers russes, kalmouks et tatars, pour gagner la liste des cosaques fuyant devant l'attaque française, à gauche de Murat. La deuxième grande anecdote de cette ligne concerne le maréchal Berthier, qui rend son épée au général Sokereff devant le grenadier qui l'avait fait prisonnier, lequel dit au major général : « Vous faites bien de lui rendre son épée, mon général, car c'est un brave à qui j'ai eu bien du mal à l'arracher ». S'agit-il du même général que celui que cite l'artiste dans ses Souvenirs (11) ? C'est possible. Fait prisonnier, ce militaire russe fut honoré sur ordre de Napoléon qui souhaitait qu'on lui rendit son épée. On lui tendit une arme qui n'était pas la sienne et le général l'ayant refusée, l'Empereur aurait dit : « Emmenez cet imbécile ».

Avant d'en venir à la description des détails du premier plan, notons d'abord que deux grands maréchaux qui combattirent à cette journée, Davout, blessé vers 6 h 30 du matin, au début de l'action, et évacué peu après, et Ney, qui sera fait prince de la Moskowa, sont absents des représentations de Lejeune. Si l'on peut comprendre l'absence de Davout qui n'était plus sur les lieux à 15 heures, moment représenté par le peintre, en revanche on s'explique plus mal l'absence de Ney, présent aux côtés de Murat jusqu'au soir. Le tableau date de 1822, rappelons-le, c'est-à-dire qu'il fut peint sous la Restauration. Or « le Rougeaud » avait été fusillé par Louis XVIII en 1815, après un procès partial. Il était donc sans doute difficile pour Lejeune de le représenter dans ces conditions. Certes, mais n'en allait-il pas de même de Murat ? Lui aussi fut fusillé. Cependant, c'est lui qui remplaça Napoléon vacillant semble-t-il – avait-il la migraine – durant cette action finale. Il apparaît donc en quelque sorte comme le généralissime à ce moment de la bataille, ce qui explique sa place dans le tableau. Mais de toute façon celle-ci ne suffit pas à justifier l'absence de Ney. Quelque chose ne s'explique pas sur ce point.

Quant aux autres détails du tableau, ils sont tout aussi difficiles à placer simultanément dans cette image. Car il est bien évident que tous les généraux représentés blessés au premier plan ne le furent pas en même temps, et surtout ne le furent pas les uns à côté des autres sur un quasi petit espace. Sur ce point encore, Lejeune est forcé de distordre la réalité s'il veut faire oeuvre d'historien. Voici ces détails. En arrière de Berthier, au pied de l'arbre, le général Pajol est renversé de son cheval par l'éclat d'un obus. Là encore, quelque chose s'explique mal. Ce général, commandant la deuxième division de cavalerie légère du 2e corps de cavalerie (général Montbrun), avait remplacé le général Sébastiani qui avait pris la place de son chef, tué vers 14 h 30. Il chargea donc à la Moskowa, cependant son livret militaire rapporte qu'il ne fut blessé que deux jours plus tard au bras droit lors du combat de Mojaïsk (9 septembre). Or dans ses Souvenirs, Lejeune cite la blessure que reçut le général Belliard lors de ce combat, mais ne parle pas de Pajol (12). Celui-ci a-t-il été blessé à la Moskowa, rien n'est donc moins sûr, et Lejeune a certainement mêlé les deux journées Moskowa-Mojaïsk autour des généraux Pajol et Belliard, mal distingués pour l'occasion, même si l'action de Belliard durant la bataille est bien relatée. Quoi qu'il en soit, il est évidemment certain que Pajol ne put recevoir sa blessure à l'endroit où le peintre l'a placé, mais bien plutôt dans les charges de cavalerie qui se livraient autour de la Grande Redoute, c'est-à-dire dans le fond du tableau. Derrière lui suivent des lanciers rouges polonais.

En bas de la composition viennent d'autres anecdotes survenues durant la bataille, formant un groupe étiré en longueur. À gauche, Larrey, chirurgien en chef de la Garde, panse le général Morand, dont la mâchoire vient d'être fracassée par un biscaïen. Celui-ci commandait la 1re division d'infanterie du corps de Davout. L'événement avait dû se produire entre 10 heures et 11 heures du matin, lors de l'assaut mené par Bonnamy qui sera tué. Si le tableau représente l'assaut lancé vers 15 heures, on imagine aisément que Larrey s'activait autour d'autres blessés aussi importants que Morand. Pourtant Lejeune n'a pas hésité à placer cet incident majeur de la bataille dans sa composition. Nouvelle distorsion chronologique de sa part. À ses côtés se meurt son frère.

À côté, deux carabiniers soutiennent le fils du général Lariboisière, mortellement blessé dans les charges menées par Defrance (13). Son père, aide de camp de l'Empereur commandant l'artillerie, si reconnaissable avec ses cheveux gris, lui dit « un adieu éternel ; pour adoucir les derniers instants du jeune homme, Napoléon lui envoie son frère, qui lui remet la croix de la Légion d'honneur avant qu'il expire » (14). Le général Lariboisière mourra aussi en Russie, en décembre, des suites des fatigues de la campagne. Le frère de Napoléon dont il est question semble être Jérôme Bonaparte, revêtu d'un uniforme de hussard, qui, mécontent d'être placé sous le commandement de Davout, quitta son poste et rentra à Cassel, sa capitale, dès juillet 1812. Il ne pouvait donc être présent au moment de la bataille. Pourquoi Lejeune l'a-t-il placé dans son tableau ? N'ayant pas représenté Napoléon, ce qui ne se pouvait en 1822, la présence de Jérôme est sans doute un clin-d'oeil rappelant qu'il s'agissait d'une bataille menée par l'Empereur, et non par Murat, qu'il était en effet plus facile de montrer dirigeant la bataille à l'époque où le tableau fut peint. Cela dit, il s'agit à nouveau d'une distorsion de la réalité de la part de Lejeune.

Derrière le cheval blanc duquel est descendu Jérôme, deux dragons portent le général Montbrun mourant. C'est le seul événement de ce genre qui soit chronologiquement bien placé dans la peinture, puisque Montbrun fut en effet tué vers 14 h 30, juste avant la charge menée par Caulaincourt. « Il ne s'agit pas de le pleurer, aurait dit ce dernier à ses cavaliers, il faut le venger ».

Enfin, à gauche de la composition, en arrière du ravin de Semenovskoïe, apparaît le prince Eugène, commandant l'aile gauche de l'armée, et qui avait pris le village de Borodino. Les Notices indiquent : « Poursuivi par la cavalerie russe, les cosaques et les cuirassiers, [il] se jette précipitamment au milieu d'un carré d'infanterie française et demande vivement : Où suis-je ? ». Le colonel lui répond avec toute la confiance d'un brave : « Au milieu du 84e régiment, Monseigneur, où Votre Altesse est aussi en sûreté qu'au Louvre ». On voit en effet les cuirassiers russes arriver sur lui à l'extrême gauche du tableau, tandis que devant la réplique des fantassins, les cosaques font déjà demi-tour. Cet épisode fait référence à l'événement survenu vers 13 heures, qui stoppa l'envoi de la Jeune Garde avec Mortier que Napoléon avait enfin concédé : les cosaques de Platov et la cavalerie du 1er corps du général Ouvarov ayant franchi la Kolocza, étaient tombés sur les bagages de l'armée. Ils furent repoussés par les fantassins de Delzons et les cavaliers de d'Ornano. Le 84e de ligne était commandé par le colonel Pégot. Cela n'explique cependant pas la présence du prince Eugène si près de Murat. Lejeune a évidemment resserré sa composition sur ce point précis, de façon à montrer, par l'intermédiaire du prince Eugène, son chef, l'aile gauche de l'armée invisible sur le tableau, cachée qu'elle est par la Grande Redoute.

L’art de Lejeune

Autrement dit, si on lit le tableau de gauche à droite comme il se doit, nous commençons par un épisode situé vers 13 heures, et nous glissons vers la figure de Murat qui à 15 heures donna l'ordre d'attaque générale de la cavalerie, au fond du tableau. Le sens directionnel de cette charge menée par Caulaincourt permet au spectateur du tableau de repartir en sens inverse, après avoir vu les anecdotes situées au premier plan. On a donc un double sens de lecture très net dans cette oeuvre, l'une des plus habiles de Lejeune. Et c'est cette double direction qui lui permet d'éviter en fait les erreurs chronologiques que nous avons relevées si l'on admet qu'elles sont juxtaposées sur la toile. Car en effet, si l'on considère le tableau comme une image fixe, alors certes, les décalages sont évidents, mais au contraire, si l'on suit le discours gauche droite, puis droite gauche, alors on comprend que le tableau expose l'évolution de la bataille entre 13 heures et 15 heures.

Un tableau n'est pas une image fixe. S'il se saisit dans son ensemble, il n'empêche qu'il convient de le parcourir des yeux dans ses détails, et c'est la raison pour laquelle Lejeune ayant à peindre un sujet qui se déroule dans le temps, à multiplié les anecdotes. Grâce à elles, le spectateur reproduit la temporalité de l'événement Moskowa, en entrant par la gauche du tableau puis en le parcourant lentement vers la droite dans ses détails, avant de ressortir par le même côté. Tout le génie de Lejeune tient en cette narration interne de la surface : il ne nie pas la difficulté de peindre une bataille, il l'affirme au contraire, et son idée est de décrire au maximum les anecdotes, de manière à faire comprendre au spectateur qu'il peint le temps comme s'il l'avait écrit, et que son tableau équivaut à une lecture. Voilà qui explicite le sens de la phrase de Fournier-Sarlovèze citée plus haut.

Pourtant, nombreux ont été ceux qui firent grief à Lejeune de cette multiplication de détails, et Fournier-Sarlovèze fut de ceux-là, qui semblait pourtant avoir saisi le fond de l'art de Lejeune. Il écrivait en effet (15) : « Nous ne nous dissimulons pas le grave défaut de la méthode de Lejeune. Dans une bataille, il n'y a qu'une action commune faite de mille incidents particuliers ; or, si cela se raconte successivement, cela ne se peint pas d'un coup. Le narrateur peut glaner les épisodes ; le peintre doit choisir l'instant à peindre, […] et tâcher que le détail ne vienne pas encombrer la scène et distraire le spectateur du sujet principal. Par son constant désir de faire entrer dans un cadre la plus grande partie de ce qu'il avait vu pendant le combat, Lejeune amoindrit souvent l'effet en divisant la scène outre mesure ». En fait, Fournier-Sarlowèze n'a pas compris que le tableau possède un sens de lecture propre qui évite précisément de se perdre dans les détails. De plus, nous l'avons dit, il est coupé en deux moitiés, l'une reproduisant l'action générale, au fond, l'autre sur le devant, montrant les anecdotes. Certes, il ne peut éviter les distorsions de lieu, comme nous l'avons vu avec la blessure de Pajol, mais cette différenciation lui permet cependant d'éviter de mêler les épisodes. Si lors de son exposition au Salon de 1824, le tableau ne bénéficiait pas d'une longue explication dans le livret comme cela était souvent le cas, permettant précisément au spectateur d'éviter de se perdre dans les méandres de la composition, il n'empêche que le tableau était conçu selon la formule des grands tableaux précédents, qui avait été mise au point dès le Salon de 1800, avec la bataille de Marengo.

Quoi qu'il en soit, Lejeune – et c'est là la fantaisie de l'artiste, si précis soit-il – se plaisait à provoquer des distorsions chronologiques, ainsi que nous l'avons vu avec Pajol, blessé en réalité deux jours après la Moskowa, ou Jérôme, absent de cette journée. Pourtant, dans les Notices, il affirme qu'il lui était impossible de représenter l'ensemble du champ de bataille, sans qu'il « ne sacrifiât la vérité historique à l'arrangement pittoresque de son oeuvre ; il s'y est absolument refusé ». De toute façon, il ne pouvait tout représenter, tout raconter. Politiquement, en 1822, il lui était impossible de peindre l'Empereur, voire le maréchal Ney, mais il ne put éviter de choisir les généraux qu'il représenterait. Était-il envisageable qu'il représentât tous les tués et blessés célèbres de la bataille ? Certainement non, car en effet, on ne rencontre ni Davout, ni Nansouty, ni Lanabère, ni Romeuf, ni Friant, ni Bonnamy, pourtant cité dans les Notices pour son action, ni tous les autres. Il lui aurait fallu un espace bien plus considérable pour tout montrer. Toutefois, les artistes du temps comprirent bien la leçon transmise par Lejeune. Son tableau, montrant une succession d'événements et d'anecdotes, est déjà prêt à éclater dans la forme. La génération des jeunes artistes n'hésitera pas à peindre plusieurs tableaux pour représenter une action dans son ensemble. Ainsi en alla-t-il d'Horace Vernet, dans sa Prise de Constantine, composée de trois tableaux successifs peints en 1838-1839 (musée de Versailles). Nous sommes proches déjà des panoramas de la seconde moitié du XIXe siècle qui, bien que peints sur un seul support, nécessitaient pour le spectateur de suivre un parcours bien précis pour lire ces immenses compositions grandeur nature qui le plongeait au coeur même de la bataille, dans tous ses divers épisodes. On échappait ainsi à cette ambiguïté propre à l'art de Lejeune par laquelle l'image, trop petite finalement, faisait qu'on percevait le sujet dans son ensemble en même temps que dans ses détails. Le panorama résolvait le problème : c'était le spectateur qui, en suivant du regard et en se déplaçant devant l'immense composition, découvrait peu à peu la narration de la bataille dans son déroulement spatio-temporel, c'est-à-dire dans ses détails chronologiques.

La narration commande

Mise au point autour de 1800, au moment de la réalisation de la Bataille de Marengo, la formule picturale de Lejeune est vraisemblablement le résultat de discussions avec Louis Bacler d'Albe (1761-1848), autre général, autre peintre, nommé chef des ingénieurs-géographes du Dépôt de la Guerre en 1799. Les relations entre les deux hommes étaient si étroites que Lejeune peignit sa Bataille du Pont de Lodi (1804, musée de Versailles) d'après une aquarelle de Bacler d'Albe peinte pour le Dépôt de la Guerre. Il s'agit en effet d'une copie à peine transformée de cette oeuvre conservée au Service Historique de l'Armée à Vincennes. Dans ses Souvenirs, qui sont à lire avec prudence, Lejeune écrit : « Pour raconter ces souvenirs (entendons aussi bien littéraires que picturaux) avec exactitude, je me sers des agendas sur lesquels j'avais l'habitude d'écrire jour par jour, pendant mes campagnes, tous les événements de la journée. Sans doute, ces notes abrégées sont des ébauches très informes de tout ce que j'ai vu, mais elles me remettent sur la voie ; et ma mémoire de peintre, exercée à étudier et à reproduire ce qui a fixé mon attention, m'aide beaucoup aujourd'hui pour retracer les lieux que j'ai parcourus, les effets que j'ai vus, et les événements auxquels j'ai pris part » (16). L'art de Lejeune ne distingue pas en quelque sorte entre l'écriture et la peinture. Dans les deux cas, la narration commande, c'est-à-dire à la fois la temporalité et l'anecdote susceptible d'attacher le lecteur-spectateur. Et pour réaliser ses tableaux, Lejeune opéra dans ses oeuvres une synthèse entre ses souvenirs écrits ou dessinés, les dessins des artistes du Dépôt de la Guerre et l'étude des cartes, plans et récits des batailles. C'est ainsi qu'il présenta lui-même au Salon de 1806 (Vincennes, Service Historique de l'Armée), trois dessins représentant le champ de bataille d'Austerlitz, qui lui permirent ensuite de peindre son Bivouac d'Austerlitz présenté au Salon de 1808, n° 382 (musée de Versailles).

Cette conception si moderne de l'art narratif, qui accompagne autant qu'elle anticipe la peinture illustrative du XIXe siècle (Girodet s'inspirant de l'Atala de Chateaubriand, Delacroix peignant d'après Dante et Byron, etc.), mais dans un genre particulier bien sûr, se conçoit pourtant aussi dans le contexte de la peinture classique. En effet, quand on y regarde de près, les plus ambitieuses compositions de Lejeune (Marengo, Aboukir, La Moskowa) sont fondées sur deux registres, l'un au fond (en haut dans l'espace du tableau), l'autre en bas. Or, en haut, l'artiste peint l'événement dans son ensemble, tandis qu'en bas, il peint des anecdotes. S'il a pu voir ces derniers, il lui était impossible dans l'action d'observer le déroulement complet des batailles. C'est donc dans son atelier qu'il a recomposé ces actions de stratégie militaire, tandis que les petits événements pouvaient être retracés directement parce qu'il les avait vus. Que signifie cela ? Dans l'ancienne peinture classique, les tableaux se composaient de deux registres superposés, l'un sacré (ou divin, royal, héroïque) en haut, l'autre réaliste (humain) en bas. À l'époque néo-classique, David commença de désorganiser ces registres, discutant par-là le côté sacré de la société, en accord donc avec la matérialisation montante au tournant de 1800. Lejeune poursuivit la leçon dans ses oeuvres. Si ses tableaux comportent bien encore deux registres, ceux-ci sont mêlés, et il ne subsiste plus en haut qu'une intellectualisation de l'événement, recomposé par la pensée, alors qu'en bas l'artiste multiplie les anecdotes observées durant les combats, aspect réaliste de la guerre. Plus rien de véritablement sacré dans la peinture de Lejeune donc, même si la forme classique demeure encore. Tout se déroule sur le plan proprement humain, mais l'intellectualisation, l'art militaire, s'opposent cependant à l'observation directe, aux détails, du premier plan.

Histoire du tableau

Au Salon de 1824, Lejeune proposait trois tableaux, La bataille de Lodi, Le combat de Chiclana et Le passage du Rhin (conservés à Versailles). Le comte de Forbin, directeur des Musées, rédigea un rapport à Lauriston, ministre de la Maison du Roi, dans lequel il ne lui cachait pas que ces oeuvres, politiques quand bien même elles ne s'avouaient pas comme telles, ne laissaient pas de poser problème relativement à leur exposition. Le ministre, ancien général d'Empire, n'était pas hostile à la présentation de ces tableaux, « en ayant le soin, disait-il, de n'en présenter qu'un à la fois », mais en fait un seul fut exposé bien qu'ils aient été tous trois annoncés dans le livret du Salon de 1824. D'ailleurs, Lejeune se trouvait en dissidence vis-à-vis du gouvernement, puisqu'il avait exposé ses tableaux dans son atelier en 1822. Refusé au Salon, il prit le parti d'exposer en province, à Lille et à Douai en 1825, avant d'aller montrer son talent aux Britanniques, à Londres en 1829, chez William Bullock, qui proposait une sorte de rétrospective de sa production. Seule la révolution de 1830 pouvait faire sortir l'artiste de l'ombre dans laquelle l'avait tenu la Restauration. Restées pourtant dans ses collections, ses peintures ne furent acquises qu'auprès de ses descendants en 1861 (17).

Notes

(1) J. Benoît, « La bataille de Marengo du général baron Lejeune », actes du séminaires L'art de la guerre, La vision des peintres aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1997, pp. 47-57.
(2) Huile sur toile, H 2,100 ; L 2,640. MV 6860.
(3) Cf. Ségur, La campagne de Russie (1824), éd. Nelson, p. 116. Nous ne ferons que parcimonieusement référence aux mémoires du général Lejeune, publiés en deux tomes à Toulouse en 1851 sous le titre Souvenirs d'un officier de l'Empire, dans lesquels il n'est que très rarement question de peinture, et qui sont à lire d'autre part avec la plus grande circonspection.
(4) Le général Borelli était chef d'état-major de la réserve de cavalerie sous Murat.
(5) Les Cahiers du capitaine Coignet, qu'il faut lire avec circonspection, affirment que l'attaque de cavalerie fut ordonnée par l'Empereur (cf. Éd. Hachette, 1968, p. 289).
(6) Dans Les notices sur les tableaux de bataille peints par le général baron Lejeune, Paris, Marc Ducloux et Cie, 1850, p. 38, il est dit de manière erronée que Lejeune occupait déjà ses fonctions auprès de Davout à la Moskowa.
(7) Souvenirs, op. cit., t. II, p. 206.
(8) Fournier-Sarlovèze, « Le général Lejeune », La Revue de l'Art Ancien et Moderne, t. IX, janvier-juin 1901, p. 179.
(9) « Comme il [ce caisson] contenait quelques barils de poix, l'air en fut longtemps obscurci », stipulent les Notices, p. 40.
(10) L'ordre fut donné à Belliard vers 13 heures, selon J. Tranié et J.-C. Carmigniani, Napoléon. 1812, la campagne de Russie, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1997, p. 152. Mais Napoléon aurait refusé d'engager sa Garde aussi loin de Paris, même s'il détacha Mortier et la Jeune Garde, ordre aussitôt reporté. Il est vrai que Bessières, jaloux de sa troupe d'élite, avait aussi conseillé la prudence à l'Empereur.
(11) Souvenirs, op. cit., t. II, pp. 215-216.
(12) Souvenirs, op. cit., t. II, p. 221.
(13) Un portrait par Gros, conservé au musée de l'Armée à Paris, représente le général Lariboisière et son fils mourant. Il fut exposé au Salon de 1814, n° 477.
(14) Notices, p. 40.
(15) Fournier-Sarlovèze, op. cit., pp. 23-25.
(16) Souvenirs d'un officier de l'Empire, op. cit., t. I, p. 320.
(17) Voir V. Bajou, « Les mésaventures de la collection du baron Lejeune », Versalia, 2004, n° 7, pp. 14-35.
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
455-456
Numéro de page :
45-54
Mois de publication :
décembre
Année de publication :
2004
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