La Cour Impériale (3ème partie) : Bals parés et bals masqués

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Un grand bal paré

Avec l'année 1806 commence la période brillante de la vie de la Cour. Napoléon, après s'être couvert de gloire à Austerlitz, a contraint l'empereur François à une paix très dure qui anéantit le Saint-Empire, le tsar a été repoussé loin du centre de l'Europe et, à Munich a été célébré, le 14 janvier 1806, le mariage d'Eugène de Beauharnais avec Augusta de Wittelsbach, fille de l'Electeur de Bavière qui venait de prendre, quelques jours plus tôt, le titre de roi !
L'Empereur exulte ! Pour la première fois, le sang de sa race s'est mêlé au sang très bleu d'une antique dynastie. Son beau-fils Eugène, qu'il vient d'adopter et qui doit lui succéder sur le trône d'Italie, a une épouse digne de son destin extraordinaire. « Il s'agit d'un acte de politique, écrit-il à Murat, et j'y ai bien réfléchi. Ce mariage vous déplait ! Il me convient et je le regarde comme un grand succès, comme un succès égal à la victoire d'Austerlitz ».
Il est de retour à Paris le 26 janvier dans la nuit. Notons que, depuis le début de l'année, on avait renoncé au calendrier républicain et à sa terminologie ridicule. Quelques jours plus tard, le 10 février, le prince héréditaire de Bavière arrive à Paris en visite officielle. Fastueusement reçu, il disposera durant son séjour d'un appartement aux Tuileries, avec table de douze couverts servie des cuisines et par la livrée de l'Empereur, ainsi que d'une voiture à quatre chevaux des écuries impériales (M. Dunan, Napoléon et le royaume de Bavière). Il pourra ainsi participer à la vie très active de la Cour. Napoléon lui-même multiplie les sorties au théâtre, à l'Opéra.
Mais, pour la Cour, la grande affaire de cette année 1806, c'est le mariage de Stéphanie de Beauharnais avec le prince héréditaire de Bade ; encore un acte politique que l'Empereur considère comme une nouvelle et éclatante victoire.
Stéphanie n'a que seize ans. Elle est la cousine issue de germain d'Eugène et d'Hortense. Napoléon, qui a un petit faible pour elle, l'a adoptée le 24 mars, ce qui lui donne le pas sur les princesses soeurs de l'Empereur – à leur grande contrariété ! C'est une blonde aux yeux bleus, gracieuse et pleine d'esprit, qui idolâtre celui dont elle est fière d'être devenue la fille et de porter le nom : Stéphanie Napoléon! Elle croit faire beaucoup d'honneur au prince de Bade, petit-fils de l'Electeur, en acceptant de l'épouser. Précocement obèse, il a, selon Mme de Rémusat, « une figure commune et sans expression, parle peu, semble gêné dans toute son allure et s'endort un peu partout ». Il a dix-neuf ans.
Leur union sera célébrée avec un faste inouï : mariage civil d'abord, dans la galerie de Diane des Tuileries, le 7 avril : mariage religieux le lendemain, dans la chapelle du palais, en présence de toute la Cour. Le soir, illumination du palais et des jardins, feu d'artifice sur la place de la Concorde, grand cercle dans les appartements, concert et ballet dans la salle des Maréchaux et souper dans la galerie de Diane.
L'Empereur et l'Impératrice partent alors pour Malmaison et pour Saint-Cloud, d'où la Cour ne reviendra à Paris que le 20 avril pour assister à une fête magnifique, donnée en réjouissance du mariage. Napoléon, voulant être agréable aux Parisiens, a permis qu'on les invitât très nombreux à assister à cette soirée.

Le début du printemps avait été plutôt maussade et le dimanche 20 avril, tôt ensoleillé, parut à tous comme un avant-goût de lété. D'un bout à l'autre, la journée fut splendide. Au cours de la matinée, les Parisiens avaient pu entendre la musique des régiments qui, des divers quartiers de la ville, se rendaient au Carrousel pour y être passés en revue. L'Empereur, venant de Saint-Cloud, assiste d abord à la messe aux Tuileries. Après quoi, pendant plusieurs heures, il passe à cheval la revue des troupes. « Cette parade a été brillante », pourra-t-on lire dans le Journal de l'Empire. Il accorde ensuite une audience assez longue au Corps diplomatique. Un exemplaire de l'Almanach de 1806 lui est offert par le sieur Testu : « Sa Majesté a daigné l'accepter ». Ceci fait, il va s'habiller pour le bal, tandis que les Parisiens se pressent en foule aux abords du palais.
Un concert public a été prévu sur la terrasse des jardins. Heureusement, la soirée sera belle ! Le concours est immense : « Jamais on ne vit plus d'empressement sans tumulte, plus de mouvement sans désordre, plus de liberté sans agitation ». L'orchestre, formé par les artistes du Conservatoire, répand des sons harmonieux dans l'air encore tiède des jardins illuminés. Mais voici qu'éclatent des applaudissements unanimes et prolongés : l'Empereur l'Impératrice et la princesse de Bade viennent de sortir du Palais. La musique, un instant interrompue, reprend de plus belle.
Pendant ce temps arrivaient les invités. Nombre d'entre eux allaient pénétrer dans les Tuileries pour la première fois, des personnes non présentées ayant reçu des billets. Tout le monde s'était piqué d'arriver de bonne heure. Y avait-il 1 000 ou 2 000 personnes ? Qui pourrait le dire ? La couleur des billets indiquait la partie du palais où l'on devait se rendre et se tenir : les uns dans la salle des Maréchaux, en passant par le Grand vestibule ; les autres, dans la galerie de Diane, par l'escalier du pavillon de Flore. A ce propos, des bruits avaient circulé : on disait que les dames de la Cour ne se mêleraient pas aux bourgeoises de Paris. Ces dernières n'étaient pas sans quelque inquiétude, prêtes à se vexer, le cas échéant.
Certaines invitations n'étant parvenues que la veille, on s'habilla parfois comme on put. La mode féminine, que toutes voulaient suivre, était. ce printemps « espagnole, pour la façon des robes, française pour la qualité des étoffes ». Leurs cavaliers n'avaient pas regardé à la dépense pour paraître élégants. Les plus fortunés se présentaient en habit brodé, avec culotte de même étoffe et un gilet de couleur tranchante ; les autres en habit de drap de couleur de café brûlé, avec veste de drap idem, culotte de soie noire (et non de satin !) et des bas blanc-cendré.
Ils entraient les uns après les autres dans le palais, passaient devant les huissiers tout en noir, sauf les parements et la ceinture de soie verte, admiraient les chambellans, superbes dans leur habit écarlate et argent ceinturé d'une écharpe blanche, avec leur chapeau noir à grandes plumes blanches. A l'odeur douçâtre des bougies de cire, succédaient les parfums plus capiteux des femmes. Une rumeur grandissait, faite de mille propos échangés à mi-voix.
Mais l'Empereur, l'Impératrice, les princes et les princesses s'attardaient sur la terrasse. Dès leur retour, ils se rendirent d'abord dans la salle des Maréchaux, où une estrade avait été préparée pour eux – et la fête put commencer.

Il y eut d'abord un quadrille, conduit par la princesse Louis, future reine Hortense. « Je faisais partie de celui-là, écrira Mme de Rémusat. Seize dames vêtues de blanc, couronnées de fleurs de couleurs différentes, quatre par quatre, les robes garnies en fleurs et des épis de diamants sur la tête, dansèrent avec seize hommes, portant l'habit, fermé par devant, en satin blanc, et des écharpes assorties aux couleurs des fleurs de leur dame ».
Hortense avait pour cavalier le prince royal de Bavière, âgé de dix-neuf ans. Sourd, bègue et marqué de la petite vérole, il manquait de charme, d'autant plus qu'il postillonnait en parlant. « Mais, écrit la reine Hortense dans ses Mémoires, il était beau-frère d'Eugène : c'était un grand titre pour moi. Aussi je m'occupai de lui avec le plus vif intérêt. Je lui prêtai mes diamants. Je les arrangeai moi-même sur son chapeau. Je mis le plus grand soin à ce qu'il parût bien ».
Après le quadrille, (c'était le premier que l'on eût dansé à Paris depuis la Révolution), l'Empereur descendit seul de l'estrade, écrit Mme de Boigne « et il fit la tournée de la salle, s'adressant exclusivement aux femmes. Il portait son costume impérial… la veste, la culotte en satin blanc, les souliers blancs à rosettes d'or, un habit de velours rouge fait droit à la François Ier et brodé sur toutes les coutures, le glaive éclatant de diamants ; par-dessus l'habit : des ordres, des plaques aussi en diamants… Il avait l'air du roi du carreau. Je me trouvais placée entre deux femmes que je ne connaissais pas. Il demanda son nom à la première ; elle lui répondit qu'elle était la fille à Foncier (1). « Ah ! » fit-il, et il passa ». Il échangea alors quelques propos avec Mme de Boigne, la regarda un instant en souriant assez gracieusement et passa à sa voisine : « Votre nom ? – La fille à Foncier. – Encore une fille à Foncier ! » et il continua sa promenade. « Je ne puis exprimer, ajoute Mme de Boigne, l'excès de dédain aristocratique avec lequel cet « Encore une fille à Foncier » sortit des lèvres impériales…
Après avoir fini sa tournée, l'Empereur se rapprocha de l'Impératrice et toute la troupe dorée s'en alla sans se mêler le moins du monde à la plèbe ».

Dans la galerie de Diane les attendaient toutes les dames rangées sur une seule ligne. Le Journal de Paris décrit leurs robes « blanches, garnies les unes en nacarat, les autres en bleu-mars, en bleu-de-ciel, en hortensia, en rose. Il y avait des fourreaux à queues de toutes les couleurs et des broderies de tous les genres… Les souliers étaient plus couverts que de coutume et un peu moins ronds ».
La princesse Caroline, qui venait de recevoir le titre de grande-duchesse de Clèves et de Berg, conduisait un autre quadrille avec le Grand maréchal Duroc. « Les costumes étaient de quatre couleurs différentes, écrit la duchesse d'Abrantès. qui en faisait partie : le blanc, le vert, le rouge et le bleu… Les dames blanches avaient des diamants ; les rouges, des rubis : les vertes, des émeraudes : et les bleues, des turquoises et des saphirs. L'habit était de forme espagnole. C'était une robe de crêpe blanc avec des crevés en satin de la couleur du quadrille : et ces crevés étaient entourés d'une broderie en lame d'argent. Sur la tête, nous avions des toques de velours noir, avec deux plumes blanches. Nous étions encore assez supportables… mais les hommes avaient une tournure plus que comique avec un habit fait de velours blanc… puis une écharpe, nouée sur le côté, de la couleur du quadrille et une toque de velours noir semblable à la nôtre… Je fus longtemps sans pouvoir regarder sérieusement quelques-uns des hommes qui faisaient partie de notre quadrille. Quant à la manière dont il fut dansé, voilà encore une bonne matière à souvenirs ».
« L'Empereur, écrit Mme de Rémusat, repartit pour Saint-Cloud après être demeuré une heure et avoir parlé à beaucoup de monde, c'est-à-dire demandé à chacun ou à chacune son nom ». « A neuf heures du soir. tout était fini, selon M »' de Boigne : les invités pouvaient rester et danser, mais la Cour était retirée ».
« Les invités de la galerie de Diane, écrit Fr. Masson, souperont dans les salles du pavillon de Flore ; ceux de la salle des Maréchaux. souperont dans la salle du Conseil d'Etat ; il leur faudra descendre un escalier, traverser le Grand vestibule, monter un étage… Quand Leurs Majestés seront parties pour Saint-Cloud, liberté d'aller d'un bal dans l'autre. A onze heures et pas avant, les huissiers laisseront les portes libres ».
« Tout le monde, conclut le Journal de l'Empire. s'est retiré content ». Seule, Mme de Boigne. grincheuse comme à l'ordinaire, se montra « frappée des façons impériales. J'avais vu d'autres monarques, mais aucun traitant aussi cavalièrement le public ».
 
Il y aura, aux Tuileries, bien d'autres bals. L'Empereur y tient beaucoup, bien qu'il ne danse plus ; ou presque plus. Le temps des joyeuses sauteries de Malmaison est passé. Les rares fois où on pourra le voir évoluer – et plutôt gauchement – au son de l'orchestre, ce sera pour se procurer un tête-à-tête avec une femme dont il est épris. Ainsi avait commencé la liaison avec Madame Walewska, en Pologne ; et dans les premiers temps de son mariage avec Marie-Louise, il voudra apprendre la valse: des étourdissements le contraindront à y renoncer.
Néanmoins, l'Etiquette du Palais impérial a prévu le cas : le chambellan du jour, ayant pris les ordres de l'Empereur sur les personnes qui auront l'honneur de danser avec lui, les invitera lui-même. Ensuite, le Premier chambellan, en sa qualité de Maître de la Garde-Robe, ou en son absence, le chambellan du jour, s approchera de S.M. et recevra d'elle son épée et son chapeau. L'Empereur ayant cessé de danser, le Premier chambellan lui présentera son épée et son chapeau… L'Impératrice veut-elle danser ? La dame d'atours recevra son éventail et le lui remettra après la danse, la dame d'honneur ayant pris ses ordres pour inviter les personnes qui auront l'honneur de danser avec S.M.
L'Empereur veut non seulement que sa Cour soit fastueuse ; il veut aussi que ceux qui en ont les moyens reçoivent souvent, et sans lésiner. De Pologne, il écrit à Lebrun, quelques jours avant la bataille d'Eylau : « Je connais tout votre attachement pour moi et j'en fais grand cas», mais il ajoute : « Que faites-vous à Paris ? Je n'entends pas dire que vous ayez donné un petit bal dans le Carnaval ».
Princes et princesses, Grands dignitaires, ministres et maréchaux rivaliseront de faste pour lui plaire. L'Empereur sera toujours invité, bien sûr, ainsi que l'Impératrice et les princes et princesses. Mais il lui arrive de ne se décider qu'au dernier moment. Ainsi, en 1809, le soir même du jour où il avait chassé Talleyrand, la reine de Hollande donnait un bal dans son hôtel de la rue Cerutti. Quoi qu'il fît un assez vilain temps, et que les rues fussent excessivement crottées, il désigna le nouveau Grand chambellan. le comte de Montesquiou, pour l'accompagner à pied dans cette course. « Il mit sa redingote ; j'avais un habit habillé peu voyant, et nous voilà arpentant les rues de Paris en bas de soie blancs, à dix heures du soir. par une soirée de carnaval où les rues étaient pleines de monde. Nous ne remontâmes en voiture qu'auprès du boulevard ». C'est ainsi qu'Anatole de Montesquiou a rapporté les souvenirs de son père.
Deux ans plus tard. au début de 1811. Napoléon ne fera pas plus de façons pour aller à un autre bal donné par Hortense. « Il fit partir l'impératrice la première, écrit le chambellan comte de Rambuteau, parce qu'il était retenu au travail. A onze heures il ouvre la porte de son cabinet et me dit : « Rambuteau, vous avez votre voiture ? – Oui Sire ! – Alors vous allez me conduire ». Heureusement ma voiture était très convenable ainsi que mes gens, et je n en fus pas peu fier ».
Tous ces bals sont des bals parés, c'est-à-dire que l'on y danse en grande toilette, les femmes en robe à traîne, décolletées, couvertes de bijoux ; les hommes en habit de soie brodé, l'épée au côté. Mais il est des bals d'un autre genre, qui sont plus amusants : les bals costumés ou masqués.

Deux grands bals masqués

S'il faut en croire le général baron de Marbot, ce fut Marescalchi qui donna les premiers. « Ce diplomate, écrit-il, ambassadeur de Napoléon roi d'Italie, auprès de Napoléon Empereur des Français, qui occupait le bel hôtel situé aux Champs-Elysées, au coin de l'avenue Montaigne, avait imaginé un amusement sinon nouveau, au moins très perfectionné par lui : c'étaient des bals costumés et masqués. et comme l'étiquette se serait opposée à ce que l'on se travestît à la Cour et chez les Grands dignitaires, M. Marescalchi avait le monopole de ce genre de plaisir, et ses bals, très courus. réunissaient toute la haute société de Paris ». Sur ce premier bal donné le 27 février 1810, la duchesse d'Abrantès donne maints détails :
« Marescalchi… avait fait construire un immense local en planches à la suite de ses appartements et en dehors de la maison, tout-à-fait sur les Champs-Elysées. En voyant de la route cet assemblage de planches… l'Empereur riait… et demandait à Marescalchi… qu'il lui donnât un bal, mais un bal masqué, et le plus magnifique que Venise elle-même… eût jamais vu sur ses lagunes. Marescalchi ayant pris les ordres de l'Empereur, la fête fut fixée au Mardi-Gras, et les invitations envoyées à temps pour que les costumes fussent faits avec le plus de magnificence possible.
« La reine de Naples… dominait alors, et voulut dominer également par un quadrille, le plus élégant, le plus somptueusement extraordinaire… un jeu d'échecs… qu'organisa Despréaux, ordonnateur en chef des ballets de la Cour… Chaque matin nous fûmes répéter les pas de la partie dans la grande galerie de l'Elysée où la Reine de Naples avait été reprendre ses quartiers. On choisit pour les seize pions, seize femmes de même taille ; les deux reines étaient Madame de Barral et Madame la duchesse de Bassano. Les seize pions étaient en deux couleurs. huit en bleu et huit en rouge. Notre habit était horriblement disgracieux… Nous étions habillées comme des figures égyptiennes, avec une jupe de gros de Naples fort étroite, et puis un petit pagne rayé en bleu et argent, ou bien en rouge et or. qui nous enveloppait les banches en nous les serrant très fortement tandis que nos bras, recouverts de manches de gros de Naples très étroites, devaient être serrées contre nous, parce que nous figurions des momies. Notre coiffure était comme celle des sphinx… Je n'ai jamais compris pourquoi la reine l'avait choisie, car elle lui allait horriblement… Les deux reines avaient un costume de reines de théâtre, extrêmement somptueux… Les cavaliers étaient coiffés comme nous, en sphinx ; mais ils avaient en manière de queue, une croupe de cheval en osier, avec laquelle ils jouaient le centaure à miracle. Les fous étaient les mieux de la troupe : ils portaient un chapeau de fou avec des grelots d'argent et de la couleur de leur cotte : et puis une jolie petite marotte avec des grelots comme au chapeau. Quant aux tours, elles étaient tout simplement représentées par quatre personnes fort volumineuses : M. de Ponte (chambellan de l'Empereur), M. de Bausset (préfet du Palais), M. de Brigode (chambellan d'ordonnance de l'Empereur) ; je ne me rappelle plus quelle était la quatrième. Anatole (officier d'ordonnance de l'Empereur) et Eugène (colonel du 13e chasseurs) de Montesquiou, son frère, MM. de Septeuil et Jules de Canouville (aides-de-camp du prince de Nenchâtel). Ernest de Canouville (maréchal-des-logis de l'Empereur), Fritz de Pourtalès et M. de Curneux (aides-de-camp du prince de Neuchâtel), furent chargés de représenter les cavaliers, les fous et les rois. Deux magiciens armés d'une longue baguette devaient jouer la partie dont nous étions les pions. Du reste, l'armée féminine était composée à peu près comme toujours : c'étaient la reine de Naples, la princesse de Neuchâtel, Madame Regnaud, moi, Madame Duchâtel, Madame de Rovigo, Madame de Colbert (dame du Palais de la reine de Naples), Madame de Canisy, la princesse de Ponte-Corvo (depuis reine de Suède) et plusieurs autres dont j'ai oublié les noms.

« La partie n'était pas longue, ou plutôt le ballet : le pion du roi bleu faisait un chassé en avant, le pion de la dame rouge lui ripostait par une pareille manoeuvre : c'était la reine de Naples qui était le pion du roi bleu. Le second coup était dansé par moi. je m'avançais auprès de la reine pour la soutenir, étant immédiatement auprès d'elle ; les pions rouges faisaient de même… le pion prenant faisait faire un tour de main au pion pris, et puis le mettait en pénitence sur le côté de l'échiquier. Le magicien bleu touchait alors un cavalier, le magicien rouge, un fou ; le cavalier arrivait en pas basques. le fou en jetés battus ; on jouait enfin l'échec du berger, et la partie était finie.
Croirait-on que pour cette sotte manière de ballet, nous ayons répété pendant quinze jours ? J'en avais pardessus la tête… Enfin arriva ce fameux Mardi-Gras : nous nous rendîmes à l'Elysée pour nous réunir sous le drapeau de notre premier pion… Nous partîmes quatre à quatre… chez Marescalchi… En arrivant… deux Sauvages prirent une immense toile cirée sur laquelle était figuré un échiquier et, faisant leur entrée dans la salle principale, ils firent taire tous les instruments, étendirent leur tapis, et l'orchestre ayant joué l'air de notre marche, nous arrivâmes en bon ordre, deux par deux. Les magiciens montèrent sur leurs banquettes pour jouer leur partie, et rangèrent leurs pièces ; l'échiquier étant en ordre, l'un d'eux toucha la tête du pion bleu avec sa baguette, et le pion partit. On a dit dans le temps que l'Empereur était l'un des deux magiciens ; mais je n'en ai jamais eu la certitude. Le fait réel de ce ballet, c'est qu'il amusa beaucoup plus les autres qu'il ne nous amusa ».

Là se termine le récit de Mme d'Abrantès. Rendons maintenant la parole à Marbot, qui a vu l'Empereur de près ce soir-là :
« Le bal se donnait au rez-de-chaussée, tandis que dans les appartements du premier étage, se trouvaient les tables de jeu et les salons de conversation. Il y avait foule, lorsque j'arrivai, autour des nombreux quadrilles de danseurs, parés des costumes les plus magnifiques… J'ai dit qu'à leur entrée dans le bal, presque toutes les femmes se démasquaient, ce qui rendait la réunion bien plus agréable. Quelques hommes faisaient de même pour éviter la chaleur, et l'on tolérait cela tant que leur nombre n'était pas trop considérable, parce que s'ils eussent tous le visage découvert, il aurait été évident qu'en ne voyant plus que deux hommes masqués, ç'aurait été l'Empereur avec le général Duroc. Dès lors, la réunion aurait perdu toute espèce de charme pour Napoléon qui, dans son incognito, se complaisait à intriguer certaines personnes et à écouter ce qui se disait de lui. Or, au moment où… beaucoup d'hommes avaient, ainsi que moi, la figure découverte, les jeunes secrétaires attachés à l'ambassade de M. Marescalchi parcouraient les salles, en nous invitant à remettre nos masques.
« Je me hâtai de monter au premier étage où, après avoir traversé les paisibles salons de jeu, j'allai m'établir à l'extrémité des appartements, dans un pièce isolée, faiblement éclairée par le demi-jour d'une lampe d'albâtre. Il ne s'y trouvait personne. Je me démasquai donc et, tout en prenant un excellent sorbet, je me reposais… lorsque deux hommes masqués, à taille courte et grosse, enveloppés dans des dominos noirs, entrèrent dans le petit salon où je me trouvais seul. « Nous serons ici loin du tumulte », dit l'un d'eux ; puis il m'appela sur un ton d'autorité, par mon nom tout court, en me faisant signe de venir à lui. Bien que je ne visse pas la figure de cet individu… je compris à l'instant que l'homme qui, par un geste aussi impératif, appelait à lui un officier de mon grade, devait être un grand personnage. Je m'avançai donc, et l'inconnu me dit à mi-voix : « Je suis Duroc ; l'Empereur est avec moi : Sa Majesté est très fatiguée ; accablée par la chaleur, elle désire se reposer dans cette pièce écartée ; restez avec nous, afin d'éloigner les soupçons des personnes qui pourraient survenir ».

L'Empereur s'assit alors sur un fauteuil tourné vers l'angle des murs du salon. Le général et moi, nous en primes deux autres, que nous plaçâmes dos à dos avec le sien, de façon à le couvrir. Nous faisions face à la porte d'entrée. Le général conserva son masque… L'Empereur, s'étant démasqué, demanda au général deux mouchoirs avec lesquels il essuya la sueur qui inondait sa figure et son cou ; puis, me frappant légèrement sur l'épaule, il me pria (ce fut son expression) de lui avoir un grand verre d'eau fraîche et de le lui apporter moimême. Je courus promptement au buffet d'un des salons voisins, pris un verre et le remplis d'eau à la glace. Mais au moment où je le portais vers la pièce où se trouvait Napoléon, je fus accosté par deux hommes de haute taille, déguisés en Ecossais, dont l'un me dit tout bas à l'oreille : « Monsieur le chef d'escadron Marbot répond-il de la salubrité de l'eau qu'il porte en ce moment ? » Je crus pouvoir l'affirmer, car je l'avais prise dans une des nombreuses carafes servant indistinctement à toutes les personnes qui s'approchaient du buffet. Ces deux individus faisaient certainement partie des agents de la sûreté disséminés dans l'hôtel sous divers travestissements, et dont plusieurs surveillaient constamment la personne de l'Empereur, sans le gêner par une assiduité obséquieuse…
Napoléon reçut avec un si vif plaisir l'eau que je lui apportais, que je le crus en proie à une soif ardente ; mais, à mon grand étonnement, il n'en but qu'une très petite gorgée ; puis, trempant tour à tour les deux mouchoirs dans l'eau à la glace, il me dit de lui en glisser un sur la nuque, tandis qu'il en plaçait un sur sa figure, et répétant plusieurs fois : « Ah ! Que c'est bon ! que c'est bon ! ». Le général Duroc reprit alors la conversation avec moi… Napoléon, ayant toujours le dos tourné et la figure dans le mouchoir mouillé, gardait la plus parfaite immobilité ».
« L'Empereur se plaisait au bal masqué, écrit la reine Hortense. On aurait eu de la peine à deviner l'attrait qu'il y trouvait, car il ne disait pas un mot… Aussitôt qu'il arrivait à un de ces bals, il faisait appeler la reine de Naples ou moi, croyant être moins reconnu s'il donnait le bras à une femme. Nous nous promenions sans rien dire. Il me demandait quelquefois : « Quelle est cette personne-là ? ». Je n'en savais rien et je cher chai à le découvrir. « Bonjour, beau masque ! Comment vous portez-vous ? » ou bien : « Comment vous nommezvous ? » étaient les seuls mots qui me vinssent à l'idée et j'en restais à cet effort d'esprit. Si on nous avait devinés, on se rangeait en nous faisant une profonde révérence. Sinon, on nous tournait le dos en s'écriant : « Qu'ils sont bêtes ! » ce qui amusait autant l'Empereur que moi. Après une heure ou deux de promenade aussi intéressante et employée souvent à chercher l'Impératrice qui jouait le même jeu avec la duchesse de Montebello, nous allions souper avec l'Empereur, l'Impératrice et les personnes marquantes qui se trouvaient là, et chacun racontait ses hauts faits du bal. Le seul plaisir de l'Empereur avait été de n'être pas reconnu, ou du moins de le croire et, lorsqu'on a dit qu'il était charmant au bal, qu'il intriguait tout le monde, c'était sans doute une plaisanterie ».

Premier bal de 1812

Il n'est pas possible de parler de tous les bals qui furent donnés au palais ou dans les hôtels des grands personnages sous le règne de Napoléon : bals parés ou bals masqués, car ces derniers avaient été admis à jeter leur éclat éphémère à la Cour. Autant en emporte le vent! Mais le souvenir reste vivant de deux bals auxquels les Tuileries servirent de cadre pendant le Carnaval de 1812, deux bals extraordinairement fastueux.
L'année avait pourtant mal commencé. Désséchées par le torride été de 1811, les campagnes avaient donné de mauvaises récoltes, surtout dans le Midi, et des disettes locales s'étaient produites. Depuis des mois, le prix du sac de farine et celui du pain ne cessent d'augmenter. Paris mangera toujours à sa faim, mais des émeutes éclateront en province. Le vaste Empire qui s'étend de Cadix à Dantzig, de Naples et de Raguse à la mer du Nord, souffre des contraintes imposées par le système continental. Des préparatifs militaires d'une ampleur inconnue à ce jour pèsent sur la vie économique de la nation. La guerre avec la Russie est désormais inévitable, car le tsar craint une résurrection de la Pologne autour du grandduché de Varsovie. Déjà, en 1811, ses armées étaient mobilisées et prêtes à attaquer ; et puis, il a temporisé. Napoléon est décidé à ne pas se laisser devancer. Il veut choisir lui-même le terrain des opérations futures, surprendre si possible son adversaire et lui imposer sa stratégie. Dans quelques mois, il repartira donc en guerre, à la tête de la Grande Armée qui se forme, pour forcer le destin une nouvelle fois.
Pourtant, à le voir, il n'a plus l'air d'un conquérant, et lui-même dira qu'il en a passé l'âge. Joufflu et bedonnant, le front dégarni, le corps alourdi au point de ne pouvoir monter en selle sans être aidé, comme il a changé en quelques années ! Mais le regard de ses yeux bleus est toujours aussi ferme, aussi impérieux, et même plus que jamais.
Ceci dit, la vie de Paris ne connaît nul ralentissement, animée comme elle l'est par de nombreux étrangers, dont certains portent des noms illustres. Les Polonais ont mis à la mode leur danse nationale si entraînante, la mazurka ; il est de bon ton d'en connaître les pas. Dans leurs somptueux hôtels, princes et ducs de l'Empire mènent le train auquel les oblige leur nouvelle noblesse. « Jamais la Cour de France ne fut plus brillante, écrit la générale Durand. C'était au milieu des fêtes et des divertissements de toute espèce que Napoléon méditait la conquête de la Russie… Pas un jour ne se passait qu'il n'y eût à la Cour spectacle, concert ou bal masqué ».
C'est ainsi que l'Empereur avait décidé de donner deux grands bals aux Tuileries, l'un paré, l'autre masqué. La reine de Naples, qui se trouvait à Paris depuis l'automne, fut chargée de faire un quadrille ; et la reine de Hollande, d'en faire un autre. Cette rivalité brouillera les deux princesses qui, jusqu'alors, s'entendaient assez bien. « Caroline, logée aux Tuileries, le sut la première, écrit la reine Hortense et, au lieu de se consulter avec moi, se pressa de faire la liste des plus jolies femmes de la Cour, des hommes les plus agréables, et de les engager pour son quadrille. J'étais le soir chez moi avec mes dames et mes officiers, lorsque le Grand maréchal du Palais vint me faire part du désir de l'Empereur, dont la reine de Naples était chargée de me prévenir la veille. Je craignais beaucoup de fatigue pour ma faible santé (*). Je voulais refuser, mais chacun se récria contre cette détermination… Je me laissai convaincre.

La reine de Naples, jointe à la princesse Pauline. avait imaginé de représenter une allégorie sur la réunion de Rome à la France. Elles avaient choisi le jour du bal paré ; à ma grande satisfaction, on m'avait laissé celui du bal masqué qui devait avoir lieu quelques jours après. La rivalité qui s'établit entre ces deux quadrilles était réellement plaisante. Les hommes, même les moins futiles, traitaient la chose sérieusement ».
Le jour du bal paré arrive enfin. C'est le 6 février 1812.
« La duchesse de Courlande, la comtesse de Périgord et moi, écrit la comtesse de Kielmannsegge, nous nous rendîmes ensemble à la fête. La première, en robe de tulle blanc et satin blanc à jour avec une guirlande de tulipes en satin et en tulle argenté. Dans les cheveux et autour du cou, des diamants en pendeloque et des saphirs. Quant à moi, j'avais une robe de tulle blanc avec satin à jour de même couleur, bordée d'une épaisse guirlande à triple rangée de violettes et de gazon argenté. Dans ma coiffure, des guirlandes de violettes et des feuilles de laurier en diamants. Autour du cou, une rivière d'améthystes et de pierres précieuses. Nous parvînmes aux Tuileries au prix des plus grands dangers, après avoir traversé un inextricable enchevêtrement d'hommes et de chevaux ».
Une autre mémorialiste. Mme de Chastenay, avoue avoir passé deux heures dans sa voiture, dans la cour des Tuileries, bien ennuyée et sans lumière, en attendant que l'horloge sonnât dix heures et qu'on ouvrît les corridors.
« Le théâtre, poursuit Mme de Kielmannsegge, avait été pour la circonstance transformé en salle de bal et était brillamment illuminé. Plus de deux mille invités, tous habillés avec le dernier des raffinements, emplissaient la salle, et dans les loges s'entassaient environ quinze cents spectateurs. Les dames avaient leurs places assignées par des chambellans ».
Ces places, c'étaient quatre rangées de banquettes alignées sur les côtés longs de la salle. Pour l'Empereur, l'impératrice, les princes et les princesses, on avait installé une estrade à l'extrémité opposée à l'orchestre. Quant aux spectateurs des loges, des bourgeois et des bourgeoises de Paris qui n'ont pas été présentés à la Cour, ils ne seront pas autorisés à se mêler aux danseurs. On leur portera des rafraîchissements à leur place, les buffets leur étant aussi interdits.
Vers onze heures, un grand silence se fait. Les voici ! Bien que les mémorialistes ne disent pas comment Napoléon était vêtu, il faut se l'imaginer dans son costume d'apparat: habit rouge brodé d'or, culotte et bas blancs, toque de velours noir. « Il s'entretient avec plusieurs personnes, écrit Mme de Kielmannsegge, tandis que l'impératrice danse une contredanse avec le prince de Neuchâtel. Y prennent encore part, la reine Hortense et le maréchal Duroc, la comtesse de Crouy et le prince Aldobrandini, la maréchale Davout et le général Nansouty ».
Il eût été normal que cette dernière eût pour cavalier le Grand écuyer Caulaincourt. Mais il était alors en disgrâce et Napoléon avait lui-même désigné le Premier écuyer pour la contredanse d'étiquette. Caulaincourt sera également le seul Grand officier à ne pas être invité à souper ensuite chez l'Impératrice. Les réclamations qu'il adressera le lendemain à l'Empereur ne lui apporteront pas les consolations qu'il pouvait en espérer.

Après la contredanse commencent les divertissements auxquels participent les plus jolies femmes de la Cour. Despréaux en a dirigé les nombreuses répétitions. L'argument du quadrille, écrit par Dupaty, paraîtra inintelligible à la plupart des spectateurs, tant les allégories en sont déconcertantes. Les relations qu'en ont laissé les contemporains ne concordent guère et il est bien regrettable que, dans l'étude très documentée qu'il a publiée sur les Quadrilles à la Cour de Napoléon, Frédéric Masson confonde les détails des deux bals qui furent donnés à quelques jours l'un de l'autre, aux Tuileries. Le meilleur récit, celui de Mme de Kielmannsegge, nous servira de fil conducteur.
Douze hommes entrent dans la salle: MM. de Lennep, de Rambuteau, de Saluces, de Monteynard, d'Hautpoul, Pallavicini, Duhamel de Prié, de Lambertye, de Clermont-Tonnerre, de Chabrillan, de Montguyon et de Montbreton. Vêtus de bleu et de blanc, ils représentent des Etoiles ou des Constellations. Les tonnelets qu'ils portent leur donnent une tournure si ridicule que des rires éclatent dans la salle.
Mais voici la jeune et ravissante comtesse Legrand qui personnifie Iris. Elle n'a que seize ans ; son mari en a cinquante. Ce sont ses débuts à la Cour. On la regarde avec curiosité, et bientôt avec admiration, tant elle danse son solo avec aplomb, grâce et simplicité. Ses magnifiques cheveux blonds, plus encore que sa robe blanche et bleue, que son châle multicolore et que son collier de pierres bariolées, sont sa plus belle parure.
Viennent ensuite les Nymphes du Tibre en robe de mousseline blanche brodée d'or en point turc avec des corsages de même, brodées dans le bas de feuilles de chêne vert et or, une couronne de roseaux sur la tête, des diamants et des perles au chignon ; des fleurs aussi, trop de fleurs, selon Mme de Chastenay. Parmi elles, Mme de Dalberg, épouse du ministre de Bade à Paris, la maréchale Augereau, Mmes de Montmorency et de Brignole et la comtesse Duchâtel. Zéphyr, qui les poursuit, est incarné par M. de Galz-Malvirade, blond et charmant. Ancien Premier page, il est présentement capitaine de Hussards et officier d'ordonnance de l'Empereur.

Après leur danse apparaît la princesse Pauline. Coiffée d'un casque doré à visière relevée, garni de plumes d'autruche, elle porte une égide d'écailles d'or sur une tunique de mousseline brodée d'or. Sur ses bras, les plus beaux camées des Borghèse – qui en ont de superbes ! Aux pieds, des brodequins à lacets de pourpre brodés d'or, dont chaque croisement sur la jambe est orné d'un camée. Sa main tient une petite lance dorée. A l'expression attristée de son visage, à ses gestes suppliants, on comprend qu'elle implore du secours. C'est Rome en pleine détresse ! Pour la réconforter, Mme Just de Noailles, ou plutôt, la nymphe Egérie, lui montre, dans un miroir magique, le brillant destin qui lui est réservé. L'affliction cède alors à l'espoir et le beau visage de Rome s'éclaire.
Une musique plus martiale accompagne l'entrée des Génies de la Victoire, du Commerce, de l'Agriculture et des Arts. Ce sont MM. de Montmorency, de Prié, Le Clément de Taintegnies et de Montaigu. Ils annoncent la France, qui n'est autre que la reine Caroline. Elle aussi porte un casque surmonté d'un panache ; des diamants y brillent, des grenats et des chrysoprases grosses comme un écu de cinq francs. Son bouclier d'or resplendit de turquoises ; ses brodequins sont garnis de diamants ; son manteau de velours rouge brodé d'or, recouvre une tunique de satin blanc. Rome et la France s'affrontent au cours d'une pyrrhique ; leurs lances s'entrechoquent. « La princesse Pauline, écrit la duchesse d'Abrantès, eut… l'avantage par la légèreté de son costume et la grâce qu'il permettait à ses attitudes ».
C'est maintenant la reconstitution d'une gravure célèbre : Apollon et les Heures. Vingt-quatre dames de la Cour se sont parées de vêtements de toutes les nuances, du clair au sombre, pour indiquer le passage du jour à la nuit. Chacune porte sur le front le chiffre de la fraction du temps qu'elle représente. Fr. Masson donne leurs noms : les Heures du jour sont la duchesse de Bassano, les comtesses de Bouillé, Andréossi, Curial, de Lobau, Regnaud de Saint Jean d'Angély, Daru, de Chabrillan, Walther, de Montaigu, Mmes de Braacamp et de Lambert. Les Heures de la nuit sont les comtesses de Beauharnais, de Crouy-Chanel, de La Vieuville, les baronnes Le Pelletier d'Aulnay, Lepic, Foy, Anatole de Montesquiou, et Mmes de Crillon, de Broc, de Ligneris, de Chastenet et de Laubépin.
« Pour trouver ainsi vingt-quatre Heures à joindre à huit Nymphes, ajoute-t-il, il n'a point fallu être trop difficile sur la beauté et dans les Heures du soir, il s'en trouve quelques-unes qui sont d'âge respectable. Ainsi la comtesse de La Vieuville fait dans ce quadrille la huitième étoile ; ainsi la pauvre Mme de Crouy-Chanel qui représente minuit et dont on dit : « C'est minuit passé ».
Sur une musique douce qui parut élyséenne à certains, elles entourent en dansant le dieu du Soleil, Apollon, dont le rôle est tenu par Charles de Lagrange, un des aides-de-camp de Berthier. Il se drape avec élégance dans son manteau écarlate brodé d'or. Sa belle tête est, comme il se doit, couronnée de lauriers. Mais il porte un affreux maillot rose, des bas blancs et des souliers, s'obstine à pincer les cordes de sa lyre dont ne sortent que des sons discordants et l'expression de ses yeux dont l'un est. hélas ! complètement de travers, achève de le rendre ridicule.
Mme de Mesgrigny, sous-gouvernante du roi de Rome, apporte à Flore son joli visage et son doux sourire.
« Autour des Heures, écrit Masson, Zéphyr s'empresse et vient présenter des fleurs. Il offre à Rome l'Iris et l'Immortelle, en même temps que. revenus du séjour céleste, les Génies, messagers des dieux, apportent un manteau triomphal et une armure dont Rome est revêtue par les soins de la France. Avec une nonchalance adorable, la princesse Pauline se laisse parer : mais qu'est-ce encore que les Génies viennent de remettre à la France ? C'est un portrait, le portrait d'un enfant, un nouveau-né qui a trouvé dans son berceau la couronne de Rome et, à genoux, Rome reçoit ce portrait tandis que les Nymphes, les Heures, Egérie, Iris, Zéphyr, les Génies et les Etoiles exécutent un balabille final ».

Le bal commença aussitôt après. « La Princesse Pauline, écrit Mme de Kielmannsegge, déposa son costume romain pour revêtir une robe blanche de tulle garnie de guirlandes mousse bordée de chaque côté de gros diamants. Le corsage de velours vert-mousse était garni d'une broderie de pierres précieuses. L'Impératrice Marie-Louise portait une robe blanche à garniture et à épaisse bordure d'argent ; au-dessus de celle-ci, des bouquets de roses pâles en forme de grappes et des épis de diamants. Dans sa chevelure, une guirlande d'hortensias et diamants blancs.
« L'Empereur se montra gai et toute la soirée on le vit aller et venir, s'entretenant tantôt avec celui-ci, tantôt avec celui-là, leur communiquant avec bonne humeur et cordialité ses impressions sur la fête et sur les invités.
« A une heure et demie, on passa dans la salle où avait été préparé un souper d'une magnificence inouïe. On se plaça à chacune des tables par groupes de dix à douze personnes. Tandis que les invités se restauraient copieusement, l'Empereur circulait dans la salle, allant d'une table à l'autre. Il vint à celle où Mmes de Dalberg, de Bauffremont, de Carignan et moi étions assises et non seulement il ne nous permit pas de nous lever à son approche, mais lui-même s'installa sans façon auprès de nous et s'amusa à nous parler du temps où il était à l'Ecole militaire de Brienne et des soupers plutôt maigres qu'on y faisait ».
« Le coup d'oeil était superbe, ajoute Castellane. Cambacérès avait un habit tout doré. La comtesse Tyskiewicz, née princesse Poniatowska, a fait une entrée merveilleuse avec son cordon noir par-dessus une robe très brillante ; elle a cinquante ans et une figure de l'autre monde ».
A deux heures et demie, l'Empereur et l'Impératrice se retirent et leur exemple ne tardera pas à être suivi.
Napoléon, qui n'avait rien critiqué le jour même, s'est rattrapé le lendemain, s'il faut en croire la reine Hortense. « Lorsque j'arrivai chez lui, écrit-elle, et que la reine de Naples y fut aussi, il lui dit avec assez d'humeur : « Où avez-vous été chercher le sujet de votre quadrille ? Il n'a pas le sens commun. Rome est soumise à la France, mais elle n'est pas contente. Comment avezvous pu avoir l'idée de la représenter heureuse et satisfaite de sa dépendance ? C'est là une flatterie ridicule »… Alors, se tournant vers moi : « Et vous ? Avez-vous préparé quelque fadaise ? Je n'aime pas les compliments, je vous en avertis ». Je m'empressai de lui dire que mon quadrille n'avait aucune allusion à la politique, ni à lui. « A la bonne heure », dit-il… Il se promena de long en large dans le salon et continua à dire : « Ah, ces jeunes femmes, c'est plus difficile à mener qu'un régiment ».

Second bal de 1812

Le second bal des Tuileries, celui pour lequel la reine Hortense avait préparé un quadrille, eut lieu le mardi 11 février 1812. C'était le Mardi-Gras et, dans la capitale. les réjouissances allaient bon train ce soir-là. L'Académie Impériale de Musique (l'Opéra) affichait « Bal Masqué ». ainsi que le théâtre de l'Impératrice, (l'Odéon), le Tivoli d'Hiver, le Cirque et le Prado. Beaucoup de bals particuliers aussi, ce Mardi-Gras. « Plusieurs ont été remarquables par la magnificence, pourra-t-on lire dans le Journal de l'Empire, tous ont offert l'image de la joie ».
C'est donc un bal costumé et masqué que l'Empereur offre à ses invités : ceux qui font partie de la Cour, s'entend. car les bourgeois et les bourgeoises de Paris qui ont été conviés, ne seront que les spectateurs de cette soirée. Ils la verront du haut des loges qui leur sont réservées.
Le cadre est le même que pour le bal précédent : le théâtre des Tuileries transformé en immense salle ovale. Mais il n'y a pas d'estrade, cette fois, pour l'Empereur et sa famille, qui se mêleront à la foule sous le couvert de leur déguisement. « Les personnes de la Cour, écrit le Journal de l'Empire, étaient toutes masquées ; les hommes étaient en dominos de diverses couleurs, le noir excepté ; les dames portaient des habits de caractère dont la richesse, l'élégance et la variété présentaient le plus beau coup d'oeil ».
Tous ceux qui avaient été invités au premier bal ne sont pas allés au second ; il y a donc moins de témoignages pour nourrir le récit de l'historien. Heureusement que la comtesse de Kielmannsegge se trouve de nouveau là. Travestie en batelière danoise, elle est venue avec la princesse Tyskiewicz, qui a mis un costume espagnol. Cette dernière, malgré son âge canonique et son oeil de verre, n'a qu'une idée en tête : séduire le prince de Bénévent dont elle est follement éprise.
 
Cependant, on n'a d'yeux dans la salle et dans les loges, que pour le premier quadrille qui vient de faire son entrée. Vingt-quatre femmes le composent, toutes déguisées en paysannes des diverses provinces de l'Empire, « depuis les villageoises de Corfou et de la campagne de Rome jusqu'aux habitants des bords de l'Elbe et du Rhin ». Les costumes, dessinés par Garneray, exécutés par Leroy, ont été payés par la cassette de l'Impératrice. « Les regards… écrira le Journal de l'Empire, se sont particulièrement fixés sur une habitante du pays de Caux qui, au milieu de ce brillant quadrille, se distinguait par la grâce de son maintien et la noblesse de son attitude ». Des chuchotements se font entendre ; un nom circule ; bientôt il est sur toutes les lèvres. Plus de doute ! C'est l'Impératrice. Et auprès d'elle, une autre paysanne masquée vient d'être reconnue, une Provençale : c'est Caroline, la reine de Naples.
Selon Frédéric Masson, la comtesse de Mortemart est en costume corse, la comtesse de Luçay en Bretonne, la duchesse de Bassano en Tyrolienne, la duchesse de Rovigo en Landaise, la princesse d'Eckmühl en Toscane, la comtesse Duchâtel en Basquaise, Mme de Mercy en Bordelaise, Mme de Talhouët en Mâconnaise, la comtesse Philippe de Ségur en Strasbourgeoise, la comtesse de Brignole en Hollandaise, la comtesse Daru en Vosgienne, la comtesse de Lauriston en Milanaise, la comtesse de Bouillé en Piémontaise, la baronne de Mesgrigny en Béarnaise, la duchesse de Dalberg en costume neuchâtelois ; et puis on voit des costumes de la Lorraine, de la Flandre, de Gênes, de Naples, de Hambourg, de Dantzick, de la Provence, de la Savoie, des environs de Paris. « Un des plus jolis, ajoute Masson, est à coup sûr le costume polonais de la duchesse de Castiglione : jupe en satin blanc et or, avec spencer en velours couleur pensée garni de renard bleu et, sur la tête, une toque polonaise en velours pensée rehaussée d'or sur laquelle est appliqué un oiseau de paradis ».
« Ce cortège charmant. lira-t-on dans le Journal de l'Empire, a traversé la salle au son d'une musique nationale et au bruit d'instruments qui faisaient entendre tour à tour les farandoles des bords de la Durance. et les airs vifs et pittoresques des montagnes de l'Auvergne ».

Et voici qu'apparaît le second quadrille : celui de la princesse Pauline Borghèse. Toutes les jeunes femmes qui le composent portent des costumes napolitains : « paysannes de l'Abbruzze, de la Calabre, villageoises du golfe de Tarente et de la campagne de Naples… La tarentelle a été exécutée par quatre dames… à la tête du quadrille, et qui l'ont dansée avec une grâce et une vivacité charmantes… L'or, l'argent, l'ambre, les perles, le corail étalaient leurs richesses et l'éclat de leurs couleurs, et cette marche vive et brillante [était] animée par le son des tambourins, de la mandoline et des castagnettes ».
Mais le clou de la soirée sera le quadrille tant attendu de la reine Hortense. Il a été, écrit Mme de Kielmannsegge, « d'une beauté dont on ne peut se faire une idée ». Masson en conte l'argument et décrit les costumes d'après les factures qu'il a pu retrouver :
« La scène, empruntée à Marmontel (les Incas, ch. XVII) se passe au Pérou, en 1525, dans une île sauvage. D'abord arrivent des Péruviens et des Péruviennes. Les Péruviens sont MM. de Montesquiou, de Bongars, de Flahaut, de Canouville, de Bellissen, de Marmier, de Villeneuve, de Saint-Aulaire, Germain et Perregaux. Les Péruviennes, Mmes de Montesquiou, de Grammont, de Fésenzac, de Graville, de Villeneuve, de Maillé, de Rochefort, de Menou, de Broc, de Bellissen, d'Ambrugeac, Mlle de Bourgoing, Mme Gantheaume, Mme Mollien, Mme Letort, et Mlle Cochelet : seize Péruviennes pour dix Péruviens. Tous sont masqués et les costumes légers et courts sont du meilleur effet. Les femmes ont la jupe en gaze rouge et bleu rayée d'or et d'argent ; sur la poitrine, un soleil ; sur la tête, un diadème en paillon et en plumes [rouges]. Les hommes ont, sur un pantalon de tricot, une tunique en gaze semblable aux jupes des danseuses, garnies de plumes, le même soleil et le même diadème. Chaque costume coûte 300 francs. Mais le drame commence…
« Entre Alonzo, officier castillan (le comte d'Arjuzon) qui, séparé de l'armée de Pizarre, cherche son fils égaré comme lui. Il se trouve au milieu des sauvages qui l'entourent, le désarment, annoncent le projet de le faire périr et sortent pour aller prendre leurs arcs et leurs flèches, après avoir confié Alonzo à leurs femmes qu'ils menacent de toute leur colère si elles le laissent échapper. Aussi, quoiqu'Alonzo supplie les femmes de lui rendre sa liberté, elles ne cèdent point à ses prières et forment une danse guerrière autour de lui. Arrive le fils d'Alonzo (un jeune page de l'Empereur) il exprime sa terreur en voyant son père enchaîné, il se précipite à ses pieds ; il essaie d'attendrir les Péruviennes qui vont céder à ses larmes, lorsque les Péruviens reparaissent armés d'arcs et de flèches. Leurs femmes intercèdent vainement pour obtenir la grâce de l'Espagnol ; déjà, les arcs sont tendus et les flèches encochées, lorsqu'une marche religieuse se fait entendre. C'est la reine de l'île, grande-prêtresse du Soleil, la reine Hortense ; elles est entourée des prêtresses du Soleil, la duchesse de Bellune, la belle comtesse Dulauloy, Mmes Delaborde, Rampon, Harrel, Wattier Saint-Alphonse, Molé, Octave de Ségur, la baronne de Bréhan et Mme de Montalivet. Leur robe de mousseline, garnie de frange effilée d'or, est retenue par une ceinture croisée en chef, sur une robe de dessous en satin blanc. Sur la robe de mousseline, brodée à la poitrine d'un soleil d'or, est passée une étole de satin brodée d'or, avec soleil et frange d'or. La coiffure est un diadème de paillon à pointes, sur lequel tombe un grand voile de mousseline brodée d'or… La reine a un costume presque semblable, mais beaucoup plus riche, tout couvert de diamants et de perles. Les prêtresses portent religieusement l'image du dieu qu'elles servent.

Le jeune Alonzo tombe aux pieds de la reine pour obtenir la vie de son père. La reine l'accorde à condition que Alonzo père et fils rendent hommage au soleil. Ils y consentent de fort bonne grâce et se prosternent devant la bannière. La reine témoigne le contentement qu'elle éprouve de cette conversion spontanée par un pas qu'elle danse avec les prêtresses. Les Péruviens et les Péruviennes se mêlent à la ronde et tout le monde s'en va fort satisfait ».
M. de Sérans, le page qui était Alonzo, fut jugé parfait. Quant à la reine Hortense, elle se montra, selon Mme de Kielmannsegge « supérieure en grâce, en légèreté, en naturel et en art, à la plus habile danseuse de profession. Elle exécuta dans la perfection un solo de danse avec intermezzi de sa suite et des autres figurants. Elle était vêtue de crêpe blanc entrelacé d'argent avec de longues manches fermées par plusieurs agrafes en brillants. La bordure de sa jupe était argentée et audessus couraient plusieurs rangées de pierreries avec une frange de même nuance. Le corsage et la ceinture scintillaient également de pierres précieuses. Sur la tête, elle portait un diadème de plumes de cacatoès, devant chacune desquelles une gerbe de diamants lançait ses feux. Le diadème même était fixé à l'aide d'une quintuple rangée de gros diamants. D'une main elle tenait un tambourin d'or monté en pierres bariolées. Chacune des exécutantes de ce ballet avait la moitié du visage couverte d'un masque noir. Les six compagnes de l'Inca étaient vêtues de crêpe d'argent et avaient la tête ornée d'une couronne de plumes blanches et bleu clair ».
« Gardel avait été le compositeur de ce ballet, écrit la reine Hortense, qui eut tant de succès que l'étiquette même ne put empêcher d'éclatantes manifestations d'approbation que l'Empereur dit à la reine de Naples, au souper : « Ah ! c'est mieux, beaucoup mieux que vous ». Remarque peu galante qui remplit d'amertume le coeur de la reine Caroline.
« Lui-même, reprend Mme de Kielmannsegge, portait comme toujours un domino vert foncé et des souliers montants et, comme toujours aussi, les messieurs de son entourage immédiat étaient vêtus de la même manière, pour le rendre plus difficilement reconnaissable… Un peu plus tard, l'impératrice changea de costume et réapparut en compagnie de la duchesse de Montebello, toutes deux travesties en habitantes de Corfou, élégamment drapées dans leurs châles et les bras couverts de diamants jusqu'aux doigts. Leur ceinture et leur poignard en étaient aussi garnis et les plaques qu'elles portaient sur la poitrine et à la main gauche étincelaient de mille feux. Sur le front et un peu en avant de son turban, l'Impératrice s'était mis un gros saphir avec une grande plume de pierres précieuses. La duchesse de Montebello en portait un semblable en améthyste et en brillants. Toutes deux avaient autour du cou et sur la poitrine, une longue chaîne de diamants.
Mme Clarke, la grosse et grasse épouse du ministre de la Guerre, représentait la ville de Paris et brandissait une grande clef. Mme Walewska se montra en paysanne de Cracovie. Mme de Brignole exhibait un très drôle costume qui symbolisait une ville française. Elle était vêtue d'une robe de gros de Tours bleu foncé à traîne… et avait la tête surmontée d'une de ces hautes coiffures qu'on appelle dormeuse ». La reine de Naples avait changé son costume provençal pour un costume dalmate : robe de mousseline rayée d'or, pantalon de satin blanc rayé en vert, écharpe en satin lilas, voile de mousseline lamée d'or.

Puis, c'est le souper, magnifiquement servi dans le foyer dont les grandes glaces réfléchissent les tentures bleues et dont le plafond bleu est orné de figures dorées.
A deux heures et demie, l'Empereur et l'impératrice se retirent et les invités ne tarderont pas à les imiter. Les alentours du palais étant réservés aux équipages de la Cour, les bourgeois qui ont vu la fête de leur loge, devront marcher jusqu'à la place du Carrousel pour retrouver leur voiture. Une pluie battante tombe sans discontinuer dans la nuit noire, trempant chapeaux, capes et manteaux, formant des flaques qu'on ne voit pas, où s'enfoncent les petits souliers.
Ainsi se termine cette soirée inoubliable. Un an plus tard, Napoléon voudra revoir le quadrille des Incas. Mais l'ambiance ne sera plus la même le 3 mars 1813. Chacun pense alors à l'avenir lourd de menaces. Celles qui ont perdu un mari ou un frère à la guerre, ne pourront pas reprendre leur rôle. Parmi les danseurs, certains auront un bras en écharpe ou boiteront d'un pied qui avait été gelé.
Et personne ne s'amusera.

Notes

(*) La reine Hortense était encore mal rétablie de la naissance clandestine du futur duc de Morny.
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
299
Numéro de page :
6-17
Mois de publication :
05
Année de publication :
1978
Année début :
1804
Année fin :
1815
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