La guerre d’Italie de 1859. Opérations navales en Méditerranée et en Adriatique

Auteur(s) : GOMANE Jean-Pierre
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Solferino surtout, mais même Montebello, Palestro, Magenta, voilà des noms qui ne sont pas inconnus, aujourd'hui encore, de « l'homme de la rue » ! Pourtant, notre historiographie a longtemps rejeté dans l'ombre ce conflit, et plus encore le rôle joué par la marine de Napoléon III.

Un petit royaume non dénué d’ambitions

Le Premier Empire avait laissé une marine encore imposante malgré ses déboires mais immobilisée dans ses ports de par la domination absolue des mers par l'adversaire britannique. Au moment de la préparation des opérations liées à la guerre de 1859, le portefeuille de la Marine était détenu par l'amiral Hamelin qui s'était illustré au cours de la guerre de Crimée. Dotée d'un appareil industriel en plein essor bien que souffrant d'un léger retard par rapport à son voisin et rival britannique, la France pouvait se targuer de détenir un potentiel naval qui ne le cédait que de peu à l'État qui était alors, et pour encore plus d'un demi-siècle, la première puissance maritime du monde. Toutefois l'Empereur eut la prudence de ne pas heurter la susceptibilité de celle qui avait été son alliée quatre ans plus tôt, qui l'était encore dans le cadre de l'expédition de Chine, mais qui, dans l'affaire italienne, allait faire preuve d'une neutralité vigilante voire méfiante, ne serait-ce qu'en raison des intérêts majeurs qu'elle détenait en Méditerranée. La Royal Navy suivit d'ailleurs de très près, en observateur, les opérations qui s'y déroulèrent au printemps et à l'été de 1859.

À la tête d'un État exclusivement montagnard dont les cols constituaient des passages obligés pour se rendre dans la péninsule et, en particulier, à Rome quand on venait de l'Europe du Nord-Ouest, le comte de Savoie avait été qualifié, dès le Moyen-Âge, de « portier des Alpes ». Mais les ambitions de la dynastie s'étendaient bien au-delà, jusqu'à la Méditerranée atteinte en 1388, la région niçoise s'étant séparée de la Provence. La possession du port de Nice et, surtout, de la rade de Villefranche au fond de laquelle fut édifié un arsenal, avait désormais permis à la Savoie devenue duché en 1416, une modeste mais active politique maritime, commerciale et guerrière. C'est ainsi que les galères savoyardes prirent une part glorieuse à la bataille de Lépante. Le domaine maritime s'étendra en 1713 lorsque érigé en royaume, le territoire du duché, constitué de la Savoie et du Piémont, s'enrichira d'abord et provisoirement de la Sicile, puis en 1720, par échange avec l'Espagne, la Sardaigne qui donnera son nom officiel à la monarchie turinoise.

Ayant repoussé en 1793, avec le soutien de la Royal Navy, la lamentable tentative d'invasion de l'île de Sardaigne par les Français qui avaient déjà envahi la portion continentale du royaume, celui-ci obtint, au congrès de Vienne, grâce à l'Angleterre soucieuse de se trouver en Méditerranée occidentale un allié fiable, les dépouilles de la défunte et jadis brillante république de Gênes qui avait été envahie puis annexée par les Français. Le royaume allait y gagner un port de première importance sur le plan commercial, et une extension vers l'Est de sa frontière maritime à l'extrémité de laquelle il allait édifier progressivement sa principale base navale, La Spezzia. Après une période de réaction conservatrice, ce royaume situé à la périphérie de la péninsule, fut le seul à s'engager dans la modernité grâce à une bourgeoisie entreprenante tant sur le plan industriel autour de Turin que dans le commerce international dont Gênes constituait le foyer.

La Sardaigne entend alors développer sa marine d'autant plus que de nombreux Piémontais et Savoyards émigrent à cette époque, notamment en Amérique du Sud où est même installée une station navale. C'est que s'édifie alors une marine militaire moderne avec le concours de la coopération technique et financière de la France voisine mais, plus encore, de l'Angleterre. Celle-ci apparaît non seulement comme l'alliée ancienne des temps malheureux de la Révolution mais, surtout, comme la nation la plus en avance dans tous les domaines et en particulier sur le plan maritime. Malheureusement, échaudée par les déboires éprouvés en Crimée peu auparavant, Londres se maintiendra dans une stricte neutralité. Cavour en est fort conscient. Il se résigne donc au recours à la France bien qu'il craigne les exigences et les palinodies de cette dernière. Celle-ci, contrairement à l'Angleterre, est contrainte de tenir compte des intérêts de la papauté qui s'opposeront, au moins à long terme, aux ambitions du Piémont. L'option française sera cependant facilitée du fait que, tant dans l'armée que dans la marine, les relations sont excellentes entre les deux pays dès avant la guerre de Crimée.

L’Adriatique, lac autrichien

La suppression de l'Empire romain-germanique par Napoléon, en 1806, rejeta les Habsbourg vers l'Europe méridionale. La seule façade maritime de ce nouvel empire d'Autriche (qui ne prendra le nom d'Autriche-Hongrie qu'en 1867) donnait dès lors sur une mer presque fermée que Vienne entendait bien dominer. À l'Est, la côte de la péninsule balkanique était, au moins dans sa partie septentrionale, sous son autorité, le Sud dépendant, il est vrai, de l'Empire ottoman. Sur la rive occidentale de l'Adriatique, il était impératif pour la sécurité de l'Autriche que les États italiens riverains lui fussent favorables ou soumis, ce qui était le cas ; le royaume des Deux-Siciles surveillait le canal d'Otrante, et les États pontificaux, présents dans les Marches et la Romagne, y détenaient des ports fort bien abrités sinon bien équipés, comme Pescara, Ancône ou Rimini.

Au fond de cette mer ainsi dominée, des ports bien aménagés permettaient l'accès direct à ce grand État qui, bien que presque enclavé, entendait jouer son rôle maritime et commercial de grande puissance. Certes, Trieste n'appartenait pas en propre à l'Autriche mais elle en avait la disposition, ce port relevant de la Confédération germanique ; celle-ci avait été créée en 1815, pâle successeur parce que sans pouvoir fédéral, du défunt empire romano-germanique. En revanche, Bonaparte avait offert à l'Autriche, au traité de Campo Formio, en 1797, les dépouilles de la république de Venise, ce port possédant un arsenal qui avait été un des plus importants du bassin méditerranéen et qui, de plus, avait été agrandi et modernisé du temps de l'occupation française. Rendu à l'Autriche en 1814, il était donc devenu la base principale de la marine de cet empire.

Maîtresse de l'Adriatique, l'Autriche y entretenait une marine importante encore que plutôt vétuste. Elle se recrutait surtout parmi les populations des régions côtières, riches d'une tradition maritime, au premier chef, bien sûr, les Vénitiens. La mission principale de la marine habsbourgeoise était, en temps de paix, de veiller sur l'important trafic marchand dont une partie au moins relevait de la contrebande ; c'était une pratique qui s'était développée au début du siècle, du temps de l'occupation française qui avait imposé le blocus continental. Celui-ci avait d'ailleurs fait preuve d'une efficacité toute relative, surtout en Adriatique en raison de la configuration géographique de la côte, de type appelé précisément « côte dalmate », favorisant les trafics clandestins tandis qu'une piraterie rémanente aggravait encore l'insécurité de la navigation. La marine autrichienne était donc pourvue de nombreuses unités légères mais elle s'était efforcée de suivre l'évolution technologique tant en matière de construction en fer que de propulsion mécanique, sans oublier les armes, y compris les armes sous-marines.

Transport et logistique

On a souvent critiqué l'état d'impréparation, voire d'improvisation des armées du Second Empire. Ce reproche n'est qu'en partie mérité en ce qui concerne, du moins, la guerre d'Italie. La marine pour sa part avait été mise en alerte dès le tout début de l'année 1859. Elle avait rapatrié d'Algérie vers la métropole des troupes d'élite et transporté en sens inverse, et pour les remplacer pendant la durée du conflit, des unités moins aguerries. Simultanément, l'arsenal de Toulon aménageait des bâtiments de transport pour les chevaux, l'artillerie et, plus généralement, le matériel lourd. Pour ce genre d'opération, les marins bénéficiaient de l'expérience acquise trois ans plus tôt dans des conditions plus difficiles parce que les relations étaient plus lointaines et plus laborieuses entre Toulon et Constantinople. Et en 1859, le ministre est donc l'amiral Hamelin qui se souvient avoir été commandant en chef en mer Noire.

La marine impériale, cependant, se trouvait, en Méditerranée, privée d'une partie de ses moyens. En effet, simultanément, la France était engagée, aux côtés des Britanniques, en Extrême-Orient où elle avait dépêchée des forces importantes sous les ordres de l'amiral Rigault de Genouilly. Le précédent de la guerre de Crimée avait révélé les inconvénients du recours au nolisement de bâtiments marchands ; car outre le coût d'une telle opération, cela désorganisait le trafic maritime. Il fut donc décidé de ne recourir qu'aux bâtiments de la marine militaire, y compris les bâtiments de combat. Ces derniers étaient donc réduits à la mission ingrate, mais essentielle en l'occurrence, de transports de troupe. En effet, les voies terrestres par les Alpes ou la route côtière risquaient d'être rapidement saturées et n'auraient pu absorber en urgence la totalité des effectifs prévus pour mener à bien les opérations, soit cinq corps d'armée avec leurs impedimenta.Il fut donc décidé que deux corps d'armée, le 1er et le 2e, plus une partie de la Garde impériale, transiteraient par la mer donc par Gênes, et, ultérieurement, le 5e par Livourne.

Les bâtiments de l'escadre d'évolution, renforcés par des unités envoyées de Brest, perdaient ainsi momentanément toute capacité opérationnelle. Compte tenu de la brièveté des parcours et de la faible probabilité d'une sortie des forces autrichiennes hors de l'Adriatique, ce pari risqué fut adopté et se révéla heureux. Pour le transit en mer tyrrhénienne, une sorte de noria avait été organisée ; dans un sens et selon la direction générale du vent au moment de l'appareillage des convois, les bâtiments longeaient la côte, alors que, dans l'autre sens, ils devaient se tenir à une dizaine de milles au large de manière à éviter tout risque de collision. Dès le mois de février, le capitaine de vaisseau Chaigneau avait été détaché auprès des autorités du port de Gênes pour y organiser les opérations de débarquement ; celles-ci se déroulèrent effectivement, dès le 29 avril, en des temps records. L'Empereur lui-même, ayant embarqué à Marseille sur le Reine Hortense le 11 mai, était accueilli à Gênes par Cavour le lendemain dans l'après midi et rejoignait immédiatement l'armée dont il allait prendre le commandement et qui commençait à se déployer dans la plaine du Pô.

Le blocus de l’Adriatique

Les opérations de transport se déroulant sans incidents, l'escadre d'évolution, rebaptisée escadre de Méditerranée, put détacher trois bâtiments qui, sous les ordres du contre-amiral Jurien de la Gravière, constitua la division de l'Adriatique. De fait, cette formation légère franchissait le détroit d'Otrante dès le 8 mai ; elle fut bientôt rejointe par d'autres unités qui procédèrent au contrôle de la navigation neutre et à l'arraisonnement des navires en provenance ou à destination d'un port ennemi, essentiellement Venise puisque Trieste jouissait théoriquement d'un statut de neutralité. L'amiral était chargé, de plus, d'une mission secrète, celle de rechercher un port qui pourrait servir de base de départ pour un débarquement sur les côtes de Vénétie de manière à prendre à revers le dispositif défensif autrichien. Celui-ci était toujours articulé sur le redoutable « quadrilatère » constitué sur les rives du Mincio et de l'Adige, respectivement par les villes fortes de Peschiera et Mantoue sur le premier, et de Vérone et Legnano sur le second.

La plupart des bâtiments français étaient soit à propulsion mixte soit, déjà, exclusivement à vapeur. De ce fait se posait le problème ardu du ravitaillement en combustible. Le charbon anglais, le meilleur, n'était pas disponible car le gouvernement britannique, mécontent des initiatives de Napoléon III, avait instauré un embargo de fait, au nom du principe de neutralité. La division put cependant charbonner à Messine puis eut la chance, parmi les navires autrichiens arraisonnés, de saisir quatre transports charbonniers. Mais ce charbon n'étant pas de bonne qualité, plusieurs bâtiments tombent en panne, ce qui fait écrire à l'amiral : « […] tout ce que j'ai vu depuis que je navigue sur des bateaux à vapeur me prouve à quels mécomptes on peut être exposé avec ce genre de bâtiments » ; la querelle entre la voile et la vapeur n'est pas encore éteinte au sein du monde maritime.

Durant toute la campagne, près d'une centaine de bâtiments seront visités par les forces françaises auxquelles se seront jointes quelques unités de la marine sarde. Une quarantaine de navires seront saisis et déroutés sur Antivari où la marine a établi une base grâce à la neutralité bienveillante de la Sublime Porte voyant là l'occasion de s'opposer, au moins indirectement, à son adversaire traditionnel. La situation est plus délicate à l'égard des États de l'Église dont le port le plus septentrional, Rimini, abrite alors une garnison autrichienne. La marine y débarque un détachement et occupe le port au grand dam du Quai d'Orsay ! Elle surveille également le delta du Pô où de petites embarcations, sous couvert du pavillon pontifical, tentent de forcer le blocus établi par les français. En revanche, nos patrouilles maritimes seront impuissantes face aux bâtiments légers vénitiens, les trabacoli, familiers de la lagune.

La tentative de diversion

Une brèche s'était ouverte dans le dispositif autrichien ; le grand-duc de Toscane, inféodé à Vienne, avait été chassé le 15 mai par un mouvement populaire fomenté d'ailleurs, à peine discrètement, par Turin. Napoléon III décide alors de faire débarquer à Livourne le 5e corps d'armée, le corps de réserve commandé par son incommode cousin, le prince Napoléon, pour remonter vers le Nord, franchir l'Apennin et menacer le flanc gauche autrichien. Mais sans attendre cette opportunité imprévue, avait été montée une opération combinée destinée à attaquer les arrières mêmes de l'ennemi en débarquant en Vénétie, dans l'ouest de la Lagune, à l'embouchure de la Brenta, de manière à pousser en direction de Padoue. L'assaut direct contre Venise même avait été un moment envisagé, puis le projet en avait été abandonné, les renseignements faisant penser que la cité était puissamment défendue. De fait, un ingénieur naval autrichien, le baron von Ebner, avait mis au point un système de mines sous-marines commandées à distance, qui aurait pu faire beaucoup de dégâts dans les rangs alliés.

Les batteries flottantes avaient fait preuve de leur puissance destructrice, trois ans auparavant, devant Kimburn, à la fin de la guerre de Crimée. L'arsenal de Toulon en avait donc remis en chantier dès le mois de mars ainsi que des chalands de débarquement. L'Empereur avait d'abord envisagé une opération de grande envergure pour ouvrir une sorte de second front qui aurait pris les Autrichiens en tenaille. Mais outre les aléas météorologiques toujours à prendre en compte dans une opération de débarquement, le prélèvement d'effectifs importants aurait affaibli les capacités offensives du front principal qui se situait aux confins orientaux de la Lombardie, là même où va se dérouler l'affrontement sanglant du 24 juin, entre Solferino et San Martino. La mission de nos forces rassemblées en Adriatique se résume donc à la destruction des installations portuaires et des fortifications côtières des parages de Venise, soit par la mise à terre provisoire d'équipes de sapeurs, soit par simple pilonnage par l'artillerie des bâtiments.

Le dispositif allié est tout d'abord réorganisé. Nous occupons l'île de Lossini, situé dans l'archipel de Quarnero et disposant d'un excellent mouillage. La division navale est renforcée par des bâtiments français et sardes dont le vice-amiral Romain-Défossées prend le commandement. Il prépare l'attaque du port fortifié de Chioggia qui défend l'embouchure de la Brenta ; il entend y détruire les deux forts qui flanquent l'entrée de la lagune, le fort Carona et le fort San Felice. L'opération va se déclencher le 8 juillet à l'aube quand l'Eylau apporte la dépêche ordonnant de « cesser toute hostilité ». L'amiral annule aussitôt tous ses ordres ; il obéit, bien sûr, mais la mort dans l'âme. Pour fournir quelque compensation morale aux équipages désappointés et pour impressionner l'ennemi en cas de reprise des combats, il fait mouiller en cinq rangs, face à Venise, la force navale qu'il commande. C'est ainsi que l'on peut dénombrer quarante-cinq bâtiments, français et sardes. Le 12 juillet, il reçoit l'ordre d'appareiller ; la campagne d'Adriatique s'achève avant que d'avoir commencé !

Les relations entre les deux marines alliées

On connaît les raisons qui amenèrent l'Empereur à mettre fin brusquement à un combat victorieux encore que terriblement sanglant. Certes, contrairement à son oncle, Napoléon III ne semblait pas insensible aux souffrances et aux horreurs de la guerre. On sait que l'homme d'affaires genevois, Henri Dunant, traversant fortuitement la région, aida à installer un hôpital de fortune dans l'église de Castiglione, petite bourgade située en arrière des lignes franco-sardes. Les blessés des deux camps y était soignés avec un dévouement égal, limité par des moyens insuffisants. Une telle situation l'émut au point d'imaginer une organisation humanitaire internationale qui allait voir le jour trois ans plus tard : la Croix-Rouge. Il faut noter cependant que, pour sa part, la marine avait aménagé quatre navires hôpitaux qui rapatrièrent de nombreux blessés et malades. Simultanément, certaines unités étaient ramenées d'urgence, donc par mer, jusqu'à Marseille pour participer aux cérémonies qui, le 15 août, devaient, à Paris, célébrer la fête de l'Empereur.

Pour Napoléon III, outre les motifs humanitaires, c'étaient surtout les raisons politiques qui avaient prévalu dans la décision de mettre fin aux hostilités. C'était la crainte d'une menace prussienne aux frontières du Nord-Est alors que la majeure partie de l'armée, ses formations les plus opérationnelles, étaient immobilisées aux confins de la Lombardie et de la Vénétie. Par la paix bâclée de Zurich (novembre 1859), seule la première reviendra au royaume de Piémont-Sardaigne. Venise restera à l'Autriche, contrairement aux promesses faites à Cavour lors des entretiens secrets de Plombières de l'été 1858. L'homme d'Etat piémontais démissionnera de manière spectaculaire pour dénoncer la duplicité française. Quant au cousin Plon-Plon, il se répandra en sarcasmes, à son habitude. Il prenait en cela le parti de son beau-père puisque, dès avant les hostilités et pour sceller symboliquement l'alliance des deux pays, on lui avait fait épouser Clotilde, fille du roi Victor-Emmanuel que les journaux turinois, féroces, comparaient à Iphigénie !

La brouille, bien que discrète, fut profonde et durable entre les deux versants des Alpes puisque, entre-temps, en juillet 1860, Nice et la Savoie étaient devenus français. Puis, l'année suivante, sera proclamé le royaume d'Italie. Les marins, pour la plupart, optèrent pour cette nouvelle patrie. Même si un Chambérien, Simon Pacoret de Saint Bon, devait finir amiral et ministre de la marine à Rome, c'est la perte d'une portion du littoral méditerranéen qui les affectait le plus, avec la splendide rade de Villefranche qui avait été le berceau de la marine savoyarde du temps glorieux de Lépante. Une forte minorité de Niçois aussi regrettait ce transfert et, tout d'abord, le plus célèbre d'entre eux, marin et aventurier, Giuseppe Garibaldi. Les marins ne furent donc pas les derniers à pousser le gouvernement, installé provisoirement à Florence, à une alliance avec la Prusse qui, malgré les revers, en 1866, de Custozza à terre, et de Lissa en Adriatique, permit au jeune royaume de récupérer sa province irrédente de Vénétie. Au mieux avec l'Angleterre, l'Italie demeura méfiante à l'égard de la France redevenue république mais qui allait mener une politique coloniale contraire aux ambitions de Rome, particulièrement en Tunisie, occupée par les Français en 1882. Alliés en 1915, ennemis en 1940, marins français et italiens se trouvent, aujourd'hui, côte à côte au sein de l'Europe et de l'OTAN.

Encadré 1 : Trois marines en présence

Si la France a toujours été partagée entre une façade atlantique à l'Ouest et son rivage méridional, bordé par la Méditerranée, le domaine maritime du Piémont-Sardaigne est situé exclusivement dans cette mer. Quant à l'empire d'Autriche, ses seuls débouchés maritimes sont situés sur une mer adventice de la Méditerranée, l'Adriatique. C'est dire que, pour ces trois pays, la mer jouait un rôle important dans la paix comme dans la guerre.

Encadré 2 : Le rôle de la mer dans le conflit

Compte tenu du déroulement des opérations à terre, compte tenu de la disproportion des forces navales en présence, l'attention des observateurs comme celle de l'opinion publique de l'époque, et même celle des historiens d'aujourd'hui, se polarisa sur la plaine du Pô où se déroula, il est vrai, l'essentiel des opérations terrestres. Mais si les marins furent frustrés de la gloire des combats par la cessation imprévue de ceux-ci, ils n'en jouèrent pas moins un rôle essentiel dans le camp des deux alliés, rôle que leur adversaire fut impuissant à contrecarrer.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
HS 3
Numéro de page :
pp. 66-71
Mois de publication :
Décembre
Année de publication :
2010
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