La poursuite de Moore par Soult

Auteur(s) : GARNIER Jacques
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Introduction

Après la désastreuse défaite du général Dupont à Bailén, le roi d'Espagne, Joseph, frère de Napoléon, avait jugé plus prudent de se retirer de sa récente capitale, Madrid. Napoléon se sent donc dans l'obligation d'intervenir en personne. Ce sont, à ce moment, pas moins de 200 000 soldats français qui sont, soit lancés sur la frontière espagnole, soit présents dans la Péninsule. L'armée d'opération dont Napoléon prend la tête en personne est forte d'environ 120 000 hommes. Elle est constituée du 1er corps d'armée du maréchal Victor, du 2e du maréchal Soult, du 3e du maréchal Moncey, du 4e du maréchal Lefebvre, du 5e du maréchal Mortier, du 6e du maréchal Ney, de la réserve de cavalerie du maréchal Bessières et de la Garde impériale.

Une situation préoccupante

L'Empereur arrive à Vitoria le 5 novembre et prend commandement de l'armée. Sur sa droite, il laisse à Victor et Lefebvre le soin de contenir le général espagnol Blake. Sur sa gauche, il charge Moncey de couvrir le cours de l'Ebre. Lui-même se fixe pour objectif de prendre l'offensive avec les corps de Soult et de Ney, la Garde, et la réserve de cavalerie pour battre le centre de l'ennemi et se rabattre sur ses deux ailes afin de les prendre en tenaille.
Malheureusement, tant Victor et Lefebvre – tous deux par précipitation, dans le désir d'être le premier à remporter une victoire –, que Moncey échouent dans leur mission. Malgré tout, Napoléon persiste dans son plan de percer le centre ennemi et envoie Soult et son 2e corps (divisions Merle, Bonnet, et Mouton, cavalerie Lasalle) sur Burgos avec pour mission, sitôt la ville prise, de se retourner sur les derrières de l'armée espagnole de Blake. Il fait soutenir Soult par Ney, la cavalerie de Bessières et la Garde.
Le 10 novembre, à Gamonal (à 50 km en avant de Burgos), la division Mouton, du corps de Soult, et la cavalerie légère du général Lasalle battent et mettent en fuite l'armée espagnole d'Estrémadure du général Belveder (qui a remplacé Galluzzo).
Napoléon arrive lui-même à Burgos le 11 novembre et y séjourne jusqu'au 23. De là, tout en faisant contenir les Espagnols, il marche sur Madrid, accompagné du corps de Victor et de la Garde. Le corps de Soult, conformément à la mission qui lui était assignée, est envoyé en direction de l'ouest, vers Reinosa et Saldaña.
Après l'héroïque affaire de Somosierra (1), Napoléon arrive devant Madrid le 2 décembre 1808, jour du troisième anniversaire de la bataille d'Austerlitz. Le 4, il prend possession de la place et se trouve donc à même de rendre son trône à son frère Joseph.
La situation n'en n'est pas moins préoccupante.
En effet, diverses armées espagnoles peuvent se montrer menaçantes. Mais, surtout, une armée anglaise, forte de 30 000 hommes, sous le commandement du général écossais John Moore, a débarqué en deux points de la Péninsule : une colonne à La Corogne, le 13 octobre (2), sous
le général Baird, se dirigeant sur Salamanque ; une autre à Lisbonne (3), sous Moore lui-même. Le maréchal Soult s'étonne de ce morcellement : « Ce fractionnement systématique de son armée, avant d'entrer en campagne, était vicieux et Sir John Moore commit une seconde faute. Il partagea encore en deux la colonne dont il conservait le commandement direct » (4). Autre erreur, il assigne à ses troupes Valladolid comme point de réunion, alors que cet objectif est bien trop exposé : de fait, il sera occupé par les Français avant même que les Anglais l'atteignent.
Le 4 décembre, le corps d'armée du maréchal Soult se trouve à Saldaña, à 80 km à l'ouest de Burgos.« Le 13 décembre, relate Soult, une dépêche du maréchal Berthier, major général de l'Armée (5) [qui m'était adressée, en date du 10 (6) ] fut interceptée : elle annonçait que Madrid était parfaitement tranquille et me donnait l'ordre de marcher sur León et Zamora. “Du moment, ajoutait-elle, que vous serez certain, comme tout porte à le présumer, qu'il n'y a pas d'Anglais devant vous, vous pouvez marcher droit et tête baissée”. […] L'Empereur ignorait donc, le 10 décembre, jusqu'à l'existence d'une armée anglaise, et la dépêche interceptée l'apprenait à Moore. Elle lui faisait connaître en même temps que le 2e corps n'était pas soutenu sur le Carrion. Le général anglais résolut de se réunir le plus tôt possible à la division Baird et de tenter une surprise contre mon corps d'armée. » (7)
De fait, Moore, ainsi prévenu, et se rendant compte que la protection des Espagnols, sur laquelle il comptait pendant la phase de réunion de son armée, se montrait pour le moins douteuse, interrompt son mouvement sur Valladolid.
Le 20 décembre, ses forces « fractionnées » sont enfin réunies. Heureusement pour lui, ni l'Empereur, ni les maréchaux n'ont eu le loisir de profiter de sa faute initiale.

Le col de Guadarrama

Vers la mi-décembre, Napoléon a la confirmation qu'il y a bien une armée espagnole (celle de La Romana) dans les environs de León, là où il avait ordonné à Soult de se rendre, mais il apprend qu'un corps anglais, fort de 14 000 hommes, est signalé vers Astorga, à 50 km environ à l'ouest de León : c'est la colonne de Baird, qui arrive de La Corogne. Lui sont signalés aussi des concentrations de troupes anglaises près de Salamanque : ce sont les colonnes de Moore et de Hope qui sont en train de réussir leur concentration.
Le 19 décembre, Napoléon a confirmation de la présence de Moore à Salamanque : « L'Empereur n'avait toujours aucune nouvelle positive au sujet de l'armée anglaise et il la croyait décidément en retraite vers le Portugal, lorsqu'une lettre du général Lahoussaye lui annonça tout à coup que 3 prisonniers français, qui avaient déserté l'armée anglaise quatre jours auparavant et venaient d'arriver à l'Escorial, affirmaient positivement que 16 000 Anglais commandés par le général Moore occupaient Salamanque, et qu'ils ne paraissaient faire aucun préparatif de retraite.» (8)
L'Empereur est « stupéfait d'apprendre l'offensive anglaise vers le nord-est » (9). Son plan est vite établi. Dans une lettre qu'il dicte au major-général destinée au général Mathieu Dumas, il en précise les détails : « Dans tout état de cause, le maréchal Ney part avec son corps d'armée pour manoeuvrer et se jeter sur les derrières de l'armée anglaise, la couper du Portugal et la séparer de ses communications. Dans le cas où leur mouvement se vérifierait, le maréchal Ney serait fortement appuyé. » (10).
Napoléon décide donc de quitter Madrid afin de se rendre au devant de cette nouvelle menace, non sans avoir pris la précaution de se faire couvrir dans toutes les directions d'où pourrait survenir une menace. Il a avec lui les divisions Marchand et Maurice Mathieu (du corps de Ney), Lapisse (du corps de Victor), Valence (du corps de Lefebvre), et la Garde.
Dans la matinée du 22 décembre, l'Empereur n'ayant reçu aucune nouvelle qui infirmât les renseignements précédemment reçus et l'idée qu'il s'était faite de la situation de l'armée anglaise, donne ses derniers ordres pour imprimer aux opérations une direction d'ensemble et assurer le succès de sa manoeuvre tout en maintenant l'occupation de Madrid en tenant en respect les forces espagnoles qui restaient encore au sud du Tage (11).
Il prend la route du col de Guadarrama, avec l'intention de porter le soir même son quartier général à Villacastin, à environ 60 km au nord-ouest de Madrid. Mais depuis trois jours, le temps, qui jusque-là avait été constamment beau, était devenu froid et mauvais et une tempête des plus violentes sévissait dans la région de Guadarrama ; les troupes du maréchal Ney avaient eu beaucoup de peine à y passer la veille, car le vent du nord, s'engouffrant dans la dépression du col et poussant devant lui des tourbillons de neige, soufflait avec une telle impétuosité qu'il rendait par moments la marche impossible pour les hommes et les chevaux dont plusieurs avaient été précipités dans les ravins par la violence des rafales ; de plus, le froid était devenu tellement vif que des cas de congélations s'étaient produits.
Le chirurgien Larrey, dans ses Mémoires, témoigne : « Nous avions remarqué au pied de ces montagnes, que le mercure était déjà descendu à 9 degrés au-dessous de zéro. Les vents étaient au nord plein, il était tombé, les jours précédents, une assez grande quantité de neige ; aussi, à mesure que nous nous élevions sur la montagne, le froid, déjà très vif, augmentait sensiblement et progressivement, au point que les hommes et les animaux perdaient l'équilibre, tombaient sur le chemin, et plusieurs étaient entraînés sur la pente rapide par des tourbillons épais de grésil ou de neige. Quelques-uns, perclus par le froid, restaient sur les bords de la route sans pouvoir se relever. » (12).
Même la cavalerie de la Garde marque un moment d'hésitation. Dans un premier temps, elle rebrousse même chemin. Mais, l'arrivée de l'Empereur étant annoncée, les cavaliers se disent que, comme à Somosierra, celui-ci ne comprendrait pas le mot « impossible ». Chacun mit donc pied à terre, et, se regroupant autour du général Lefebvre-Desnouettes, passa, tenant son cheval par la bride (13).
Napoléon lui-même donne l'exemple : « Le chef de l'armée enfonce son chapeau, présente sa tête à la fureur des aquilons, s'avance d'un pas assuré, et, chacun se précipitant sur ses pas, on forme une masse compacte qui, après avoir brusqué un passage où les rafales les plus violentes se faisaient sentir, arrive enfin, non sans avoir perdu plus d'un brave. » (14)
Le 22 au soir, l'Empereur bivouaque au hameau de La Fonda de San Rafael, à une quinzaine de kilomètres avant Villacastin.
Pendant ce temps, Moore avait décidé de marcher sur Carrion et, de là, sur Saldaña dans l'intention de manoeuvrer Soult par son flanc gauche. Il ne se rend pas compte que, par ce mouvement, il présente son propre flanc droit aux coups de Ney. Il marche à une destruction certaine, mais sa bonne étoile le protège : apprenant par le général espagnol La Romana que Napoléon marche dans sa direction, il décide de se mettre en retraite. La nouvelle est prématurée, mais s'avérera vraie par la suite… La précipitation du général anglais à se mettre en retraite surprend même son propre état-major. Le marquis de Londonderry exprime le mécontentement général de l'armée anglaise : « Il ne serait pas facile de peindre les effets que l'événement imprévu que nous venons de rapporter causa sur toute l'armée en général. Les troupes qui avaient longtemps désiré la présence de l'ennemi et qui une heure auparavant étaient plein d'activité et de confiance ne présentaient plus que l'aspect d'hommes dont les plus chères espérances viennent de s'évanouir, et qui se voient contraints d'y renoncer. Il y en eut peu qui manifestèrent leurs sentiments par des plaintes ou des murmures, mais tous se retirèrent à leurs postes dans un silence morne qui indiquait mieux que des paroles l'extrême chagrin qu'ils éprouvaient. » (15)
Ainsi, une erreur stratégique du général Moore était réparée par une erreur d'appréciation du général La Romana… Il faut dire, à sa décharge, que Napoléon lui-même a mis beaucoup de temps pour prendre conscience de la situation exacte des Anglais.
Arrivés entre Soult, au nord, et Ney, au sud, menaçant l'un mais menacés par l'autre, les Anglais se mettent donc en retraite sur deux colonnes : Baird sur Valencia où il pourra passer l'Esla, Hope et Fraser sur Benavente après avoir fra

Vers Astorga puis Lugo

Le 28 décembre, Napoléon apprend le retrait de Moore et le passage de l'Esla par les Anglais à Castro Gonzalo. La manoeuvre de l'Empereur est en train d'échouer, d'autant plus que les Anglais ont fait sauter le pont de Castro Gonzalo. Mais il ne perd pas tout espoir. Le général Lefebvre-Desnouettes, à la tête de quatre escadrons de la Garde, réussit à trouver un gué et attaque l'ennemi le 29 près de Benavente, mais il est ramené par la cavalerie anglaise et lui-même fait prisonnier.
Le 30 décembre, c'est toute la réserve de cavalerie de Bessières qui passe l'Esla à son tour. Mais il est déjà bien tard… En effet, à ce moment, Moore a déjà quitté Astorga (à une soixantaine de kilomètres plus à l'ouest) et continue sa route.
Pendant ce temps, Soult culbute des troupes espagnoles et marche sur Astorga en passant par León. Il arrive à Astorga le 1er janvier, mais Moore est déjà loin.
C'est à ce moment que Napoléon reçoit de Paris des nouvelles inquiétantes : une agression de l'Autriche contre la France semble proche. Il devient donc urgent de s'occuper de ce nouveau problème. Il quitte donc Astorga le 3 janvier et se dirige sur Valladolid afin de regagner la France où de nouvelles aventures l'attendent. À Soult de continuer la poursuite. Malheureusement, celui-ci n'arrivera jamais à imprimer à son armée la même vigueur que celle qu'avait apportée Napoléon. Il faut dire que son action ne sera pas vraiment facilitée par l'insubordination constante de Ney.
Soult avait alors sous ses ordres directs 25 000 fantassins (divisions Merle, Mermet, Delaborde et Heudelet) et 4 000 cavaliers (Franceschi, Lorge et Lahaussaye). C'est plus que n'en a Moore (13 600 selon Soult lui-même). Mais ses forces sont disséminées. Ainsi, à Lugo, le 7 janvier, ne pourra-t-il mettre en ligne que 12 000 hommes, aux dires de Soult.
Le 3 janvier, il arrive néanmoins à accrocher l'arrière-garde de Moore. « Elle fut rejointe en avant de Cacabelos, et il y eut une escarmouche dans laquelle le général Auguste de Colbert, officier d'une grande distinction, fut tué. Impatient de ne pouvoir déboucher avec sa cavalerie, il marchait avec les tirailleurs d'infanterie pour les faire aller plus vite et reconnaître l'ennemi, lorsqu'en avant du village de Pruvos une balle l'atteignit à la tête et le renversa mort. » (Soult) Les Anglais se replient lorsque la division Merle prononce son attaque.
« Quoique leur position fût forte, les Anglais l'abandonnèrent pendant la nuit ; n'osant s'arrêter à Villafranca, ils se hâtèrent de gagner Lugo qu'ils parurent vouloir tenir. La route était couverte de leurs débris. »
Effectivement, Moore doit remplir un double rôle : ne pas se faire détruire par les Français qui sont globalement plus nombreux que lui, mais aussi les retarder le plus longtemps possible afin que les bateaux de transports qui doivent rapatrier son armée de La Corogne vers l'Angleterre soient arrivés. Il s'établit donc dans une position défensive assez forte en avant de Lugo.
Soult relate : « Lorsque le 2e corps se présenta dans la journée du 6, il ne comptait pas 12 000 hommes et ne montrait que des têtes de colonnes (16).
Une grande quantité d'hommes et de chevaux n'avaient pu suivre, à cause de la fatigue et du manque de subsistance qu'il leur fallait subir dans un pays de montagne, ravagé par le passage des Anglais (17). Il en fut de même de l'artillerie et des munitions. Une reconnaissance dirigée sur la position anglaise me convainquit que, pour l'attaquer, je devais réunir tous mes moyens et faire arriver ce qui me manquait (18). Cela demandait au moins deux jours. En attendant, je fis menacer la gauche de l'ennemi par la division Franceschi. Mais, dans la nuit du
8 au 9, l'armée anglaise décampa : elle abandonna dans Lugo 500 hommes, ses hôpitaux, de l'artillerie, détruisait les magasins et abattait un grand nombre de chevaux. Elle souffrit elle-même beaucoup dans cette marche de nuit qui lui coûta plus de monde que toutes les opérations précédentes. »
Le 10 janvier, la poursuite reprend. « Ainsi, après avoir renoncé à renouveler son attaque à Lugo le 8 janvier, Soult perdait encore un temps précieux alors que, de Perillo, on pouvait voir, le 14, la flotte anglaise venue de Vigo mouiller en rade de La Corogne ; il va attaquer mollement le 15, et remettre l'action principale au 16. » (Bourdeau)
Moore arrive à La Corogne dans la nuit du 11 au 12 janvier. La ville est aussitôt mise en état de défense.

Vainqueur de l’affrontement

La division de réserve E. Paget, formant arrière-garde, défend le pont sur le Rio Mero et le village d'El Burgo pour laisser au gros de l'armée le temps de se préparer. Le 14 au soir (19), les bateaux anglais arrivent dans la rade et l'embarquement peut commencer.
La défense de Moore, toute « wellingtonienne » (20) avait fait merveille contre la prudence de Soult.
Moore poste ses forces sur « la hauteur intérieure », Hope sur la gauche, appuyée sur un rocher qui domine la route de Bentazos, Baird sur la droite de Hope, occupant le village d'Elvina. Plus en arrière, sur la droite du dispositif, se trouvent la division Fraser et la réserve de Paget.
L'Anglais Londonderry, qui était présent à la bataille, écrit : « Ces dispositions n'étaient pas terminées, que l'ennemi s'avança en force le long de la rive opposée au Mero ; mais il resta parfaitement tranquille. La même inaction continua pendant la journée du 14, excepté pourtant que l'artillerie de la colonne du général Hope eut une affaire de courte durée, mais très chaude, avec de l'artillerie ennemie, et qu'un magasin à poudre qui contenait quatre mille barils envoyés tout récemment d'Angleterre fit explosion avec un bruit si terrible que tous les habitants de La Corogne furent dans la consternation la plus profonde. La commotion fut si violente qu'on eût dit un tremblement de terre » (p. 276). Il semble bien que cette explosion fut due à une action volontaire des Anglais, comme l'affirme Soult, mais que les Anglais ont préféré l'attribuer au hasard ou à l'artillerie française, pour garder de bonnes relations avec les Espagnols…
Soult place les divisions Merle et Mermet sur les hauteurs de Peñasquedo, en face de Baird. Delaborde est placé sur leur droite, en face de Hope. La cavalerie est placée sur les ailes.
Le 15 janvier au matin, l'avant-garde de la division Merle est lancée la première à l'attaque et refoule Baird. Au centre, Mermet, chargé de l'attaque principale, réussit, lui aussi, à repousser les Anglais de la division Hope. Le soir, ces deux divisions contrôlent les pentes nord des hauteurs de Peñasquedo.
Dans la nuit du 15 au 16 janvier, la situation de l'armée anglaise est donc la suivante : Baird et Hope forment toujours le front anglais, mais un peu en retrait par rapport à la situation de la veille : ils sont sur le Monte Mero, au nord de Piedralonga et d'Elvina. Paget est en réserve en avant de Santa Maria de Osa. Fraser est plus en retrait et surveille les arrières de la position. Les flanqueurs de Crawfurd se trouvent derrière Hope.
Les positions françaises sont à peu près les mêmes que le 15, sauf que la ligne de front est plus avancée.
Pour la journée du 16 janvier, le plan de Soult est de fixer le centre de l'ennemi par les divisions Merle et Delaborde, pendant que la division Mermet débordera sa droite par Elvina.
À 14 heures, l'artillerie française ouvre le feu. Comme prévu, Mermet envoie ses régiments en colonnes serrées sur Elvina. Malgré la résistance anglaise, qui réussit un instant à repousser les Français, ceux-ci restent maîtres du village.
Au centre, Merle lance ses régiments qui prennent possession de Palaveau.
À droite, le 70e de ligne, de la division Delaborde réussit à s'emparer de Piedralonga.
Dans la nuit, les Anglais réussissent à embarquer.
Le général Moore, ainsi que le général Manigault-Gaulois, sont tués.
Soult est indicutablement le vainqueur de l'affrontement, ce-pendant, il n'a en aucune manière rempli son rôle, qui était d'empêcher le corps expéditionnaire anglais de rejoindre son pays. Le colonel Bourdeau juge son action : « Soult avait attqué trop tard ; son but devait être d'atteindre le plus tôt possible les hauteurs dominant la rade d'où il eût pu cannoner la flotte anglaise. La disposition de ses trois divisions côte à côte était défectueuse. Malgré son inexpérience de la guerre et ses fautes, Moore avait échappé à Napoléon et à Soult, et il était tombé glorieusement sur le champ de bataille au moment où le salut de son armée était assuré. »(21)

Notes

(1) Voir Jacques Garnier, Napoléon 1er, n° 13, p. 46.
(2) Du fait de difficultés avec les Espagnols, l'ensemble des troupes de Baird ne débarqueront que le 29 octobre.
(3) Il s'agit de l'ancienne armée de Portugal envoyée contre Junot.
(4) Mémoires du maréchal Soult. Espagne et Portugal, Paris, Hachette, 1955, p. 41.
(5) Dans le texte : « du prince de Neuchâtel ».
(6) Cette lettre ne figure pas dans la Correspondance. Y figure, toutefois, une lettre à Berthier : « Envoyez un de vos aides de camp à Talavera de La Reina, afin qu'il apporte sur-le-champ des nouvelles de ce qui se passe et de ce qu'on sait des Anglais. »
(7) Mémoires du maréchal Soult…, p. 42.
(8) Commandant Balagny, Campagne de l'Empereur Napoléon en Espagne (1808-1809), Paris, Berger-Levrault, 1903, t. 3,
p. 377.
(9) Balagny, p. 380.
(10) Balagny, p. 381. Cette lettre ne figure pas à la Correspondance.
(11) Voir Balagny, p. 445.
(12) D. J. Larrey, Mémoires de chirurgie militaire et campagnes, Paris, Smith, 1812, t. 3, p. 251.
(13) Voir Sources documentaires contenant l'histoire des chevau-légers de la Garde de Napoléon Ier, Varsovie, Rubieszewski, 1899, p. 41.
(14) Bory de Saint-Vincent, Guide du voyageur en Espagne, Paris, Janet, 1823, p. 25.
(15) Lieutenant-général Charles William Vane, marquis de Londonderry, Histoire de la guerre de la Péninsule (années 1808 et suivantes), Paris, Bossange, 1802, t. 1,
p. 243. Le marquis de Londonderry était détaché au quartier général de Moore.
(16) En fait, le 8, au moment de la bataille, des troupes ayant rejoint, les forces de Soult atteignent 18 000 hommes, et il n'attaque pas, « ne se sentant pas assez fort »…
(17) Cette poursuite d'une armée épuisée par les mauvaises conditions climatiques, par une autre qui l'est tout autant, fait penser à la poursuite de la Grande Armée par les Russes en 1812.
(18) Toujours cette « prudence » de Soult qui, ne l'oublions pas, trouvait la position d'Austerlitz absolument indéfendable… (voir J. Garnier, Austerlitz, Paris, Fayard, 2005).
(19) « Le 15 », dit Londonderry.
(20) Après avoir fait preuve d'une certaine imprudence dans son mouvement sur Valladolid.
(21) Colonel Bourdeau, Campagnes modernes, Paris, Charles Lavauzelle, 1916, t. 2, p. 438.
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
477
Numéro de page :
15-23
Mois de publication :
oct. - déc.
Année de publication :
2008
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