« Napoléon-Le-Grand, qui se réclamait volontiers de son antique prédécesseur Charlemagne, tenait plutôt de pépin le Bref. » Ainsi résumerions-nous la tradition sur la taille de Napoléon, où, comme pour tout son aspect physique et jusqu'à la couleur de ses yeux, les témoignages sont demeurés les plus contradictoires, de Méneval à Constant ou Antonmarchi et autres. Même quand des mesures ont été prises, elles ne nous renseignent qu'imparfaitement. Une coquille s'est en tout cas glissée dans in article d'Edmond Soreau (n°88, de juillet, p.97) : « plutôt petit, 1m. 64 » ; il fallait lire 1 m. 68. Mais il s'agissait d'une approximation et de toutes façons, nos lecteurs seront reconnaissants à M. le colonel Raugel des précisions qu'il nous rappelle pour eux :
« si l'on se réfère aux Mémoires de Marchand, t. II, 1955, p.338 : « la hauteur totale du sommet de la tête aux talons est de 5 pieds, 2 pouces, 4 lignes », soit (mesures françaises) 32 cm. 47 X 5 + 2.7 X 2 + 0.22 X 4 = 1m.686. Ces mesures ont été prises par Antonmarchi aidé par Marchand. De son côté, dans le numéro 8 (janvier 1963) du Bulletin trimestriel d'informations des domaines français de Sainte-Hélène, le Journal d'Andrew Darling, tapissier anglais qui fut chargé de prendre des mesures exactes que je prends assisté par le général Montholon : taille 5 pieds, 7 inches », soit (mesures anglaises) : 30 cm.47 X 5 + 2.54 X 7 =1m.70. De ces deux témoignages on peut conclure que la taille de Napoléon n'était pas inférieure à 1m.686. »
L'impression des contemporains nous paraît avoir été essentiellement relative. Consul et Empereur avant l'obésité de l'époux de Marie-Louise, il tranchait sur son entourage athlétique et chamarré autant par sa stature fluette que par la sobriété de son uniforme de colonel de chasseurs et par le légendaire « petit chapeau » à simple cocarde. Les extravagants plumets et aigrettes d'un Murat, les panaches de grande tenue, les bonnets à poil de ses grenadiers, grandissaient encore autour de sa personne les tailles alors exceptionnelles des principaux figurants de ses parades ou même de ses batailles. La lettre du jeune Anglais John Leslie Foster, admis au lendemain de la paix d'Amiens à une réception de ses compatriotes aux Tuileries, lettre du 6 avril 1802 publiée par pierre Schommer dans notre Revue d'avril 1959 (n° 71, p. 90-91) attribue au Premier Consul « environ 5 pieds, 7 pouces ».
La légende du petit grand-homme » est la mine qu'à partir de la rupture de la paix d'Amiens, ont exploitée la propagande britannique et ses caricaturistes contre « le petit Boney », « le Nabot », écorchant le nom en même temps que le personnage. Les deux plus typiques caricatures furent, réduisant leur victime à un Gulliver liliputien, celle de Gillray en 1803, le représentant armé de son grand sabre du Camp de Boulogne dans une main de l'énorme roi de Brobdingnac – George III – qui l'observe de l'autre avec une lunette d'approche, et celle de Gruikshank en 18014, posant « le petit empereur » comme un petit oiseau sur le doigt d'un gigantesque maréchal Blücher. « Calomniez, il en restera toujours quelque chose ! » Ce procédé de minimisation n'a d'ailleurs pas disparu de la vie publique.