La tombe de Cipriani a-t-elle disparu ?

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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Les tenants de la théorie de  » l’enlèvement  » par les Anglais de la dépouille de Napoléon soutiennent notamment que c’est le  » maître d’hôtel  » Cipriani qui a remplacé l’empereur dans sa tombe de Sainte-Hélène puis, après 1840, aux Invalides. Leur principal argument consiste à soutenir que la tombe de Cipriani, mort à Sainte-Hélène, en février 1818, n’a pas été retrouvée. Et il est vrai que, dans son article consacré à ce personnage dans le Dictionnaire Napoléon (ou dans ses conversations avec Jean-Paul Kaufmann), Gilbert Martineau, ancien consul de France à Sainte-Hélène aujourd’hui décédé, a écrit :  » Son tombeau a disparu « , façon pour lui d’insister sur le mystère qui entoure ce personnage mal connu et non, évidemment, de valider la thèse de la substitution des corps.

Nous avons interrogé sur ce point M. Michel Martineau, successeur de son père au consulat de France et conservateur des Domaines français de Sainte-Hélène, afin qu’il nous précise quelles furent les démarches de son prédécesseur pour arriver à une telle conclusion.

En réponse à nos questions, M. Michel Martineau nous a précisé qu’à sa connaissance, il n’y a pas eu de recherche systématique de la tombe de Cipriani. Il n’en subsiste en tout cas aucune trace dans les archives des Domaines ni dans celles de Sainte-Hélène ni dans les papiers personnels de Gilbert Martineau. Les anciens collaborateurs de Gilbert Martineau et les habitants de l’île ne se souviennent pas non plus de l’épisode. En conclusion, M. Michel Martineau doute que la phrase figurant notamment dans le Dictionnaire Napoléon soit fondée sur une étude et des recherches approfondies.

M. Michel Martineau nous a indiqué que le premier inventaire des pierres tombales de tous les cimetières de Sainte-Hélène date de 1984. La tombe de Cipriani n’y figure pas.

Mais le fait que le nom de Cipriani ne figure pas sur la liste des tombes inventoriées ne prouve ni que sa tombe a disparu et ni qu’une l’exhumation a été organisée dans le cadre d’une substitution de cadavres.

Car, en dépit de l’inventaire de 1984, il existe des tombes non identifiées à Sainte-Hélène, ainsi que nous l’a confirmé M. Michel Martineau.

Plusieurs tombes datant de la période 1815-1821 dont, nous précise-t-il,  » certaines avec plaque de marbre, luxe extrême à Sainte-Hélène « , subsistent aux abords de la  » cathédrale  » Saint-Paul. Les noms figurant sur ces tombes sont illisibles. Il est donc fort possible que la tombe de Cipriani soit une des tombes anonymes subsistant.

 » Tant qu’une recherche n’est pas consciencieusement entreprise, personne n’est autorisé à dire que Cipriani n’est pas enterré dans une de ces tombes « , conclut M. Michel Martineau qui nous autorise à préciser que les personnes souhaitant venir sur place pour travailler sérieusement sur ce sujet seront les bienvenues et qu’il leur facilitera les démarches pour obtenir les autorisations nécessaires, y compris pour procéder à une exhumation et autres travaux scientifiques.

Pour notre part, il nous semble que le fardeau de la preuve incombe à ceux qui soutiennent que c’est Cipriani qui est aux Invalides. Nous les encourageons donc à se rendre à Sainte-Hélène pour procéder aux vérifications indispensables.

Titre de revue :
inédit
Mois de publication :
janvier
Année de publication :
2003
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