Après l'entrevue de Plombières entre Napoléon III et Cavour, Premier ministre du royaume du Piémont, la France s'était résolue à soutenir le roi de Sardaigne en cas d'acte agressif de l'Autriche. Le but était bien d'affranchir l'Italie de l'occupation autrichienne. L'article 3 prévoyait expressément que le duché de Savoie, terre ancestrale de la dynastie piémontaise, et le comté de Nice seraient réunis à la France en échange de son soutien militaire. La France fournirait 200000 soldats sur les 300000 prévus par la convention militaire pour le conflit mais les frais de guerre seraient entièrement supportés par le royaume de la Haute-Italie.
Le 23 avril 1859, l'Autriche déclenche les hostilités en adressant un ultimatum au Piémont, sommé de démobiliser les volontaires étrangers qui affluaient aux abords de la frontière. Trois jours plus tard, la guerre d'Italie commence. Les Autrichiens franchissent le Tessin. Comme prévu, la France amène les deux tiers des troupes combattantes. La coalition francopiémontaise remporte une série de victoires : Montebello, Palestro, Turbigo, Magenta puis Solférino.
Après cette dernière victoire, la diplomatie entre en action. Alors que Solférino aurait pu être le prélude à une conquête de la Vénétie, Napoléon III cesse brusquement les hostilités. Le 5 juillet 1859, il envoie le général Fleury proposer un armistice à l'empereur d'Autriche. François-Joseph Ier accepte immédiatement.
L'armistice est conclu le 11 juillet à Villafranca di Verona.
L'Autriche cède la Lombardie à la France qui la rétrocède au Piémont. En revanche, François-Joseph conserve la Vénétie pourtant convoitée. L'Italie unie promise par Napoléon III ne sera donc pas concrétisée. D'autant plus que les souverains de Toscane et de Modène doivent normalement être rétablis sur leur trône. Estimant qu'il n'est pas parvenu à ses fins, Napoléon III renonce à Nice et à la Savoie.
Contrairement à l'article 6 du traité de Plombières, la France cessait les hostilités sans en référer au roi Victor- Emmanuel II ou à son président du conseil et sans conquérir la Vénétie. Se considérant comme trompé, Cavour démissionnait.
On peut s'interroger sur l'empressement de Napoléon III à conclure une paix alors que ses armées sont victorieuses sur le terrain. Plusieurs explications peuvent être avancées.
Profondément humaniste, ne pouvant résister à la souffrance des soldats, l'Empereur a été traumatisé par le spectacle horrible du champ de bataille de Solférino. Sardes et Français avaient perdu 16000 hommes, morts ou blessés. Les Autrichiens laissaient 22000 soldats sur le terrain.
De même, Napoléon III est ému par les embarras de l'armée autrichienne et de François-Joseph. Il ne souhaite pas qu'une humiliation entraîne une vague révolutionnaire dans l'Empire austro-hongrois.
Par ailleurs, il redoute des difficultés militaires, l'Autriche tenant bien la Vénétie et ses places fortes de Mantoue, Vérone, Peschiéra… Quoique victorieuse, l'armée française avait terriblement souffert. L'artillerie de siège manquait.
L'intendance, comme souvent, n'avait pas suivi. Enfin, il craint l'impopularité de la guerre en France. Soutenant le Pape menacé par les Piémontais, les catholiques entrent dans l'opposition tandis que les républicains s'agitent. Surtout, la Prusse avait déjà commencé à mobiliser le 28 juin. Six de ses corps d'armée se massaient en Rhénanie. La France risquait une invasion sur le Rhin tandis que ses troupes étaient en Italie. Le temps de la paix était venu.
Villafranca marque donc la fin de la campagne d'Italie. Malgré le soutien français, les Piémontais n'accordent aucune reconnaissance à Napoléon III. Un ancien ministre sarde, le marquis d'Azeglio, déclarera ainsi : « Aller en Italie avec 200000 hommes, dépenser un demi-milliard, gagner quatre batailles, restituer aux Italiens une de leurs plus belles provinces et en revenir maudit par eux… ». C'est le triste résultat de Villafranca.
L'armistice du 11 juillet sera solennisé par la signature de la paix de Zurich le 10 novembre 1859. Après ratification populaire, la Toscane, Parme, Modène, l'Émilie, la Romagne… rejoignaient le Piémont qui, de surcroît, annexait l'Italie centrale. En 1860, les « chemises rouges » de Garibaldi permettaient au Piémont d'annexer également l'Italie du Sud. En 1866, l'Autriche aliénait la Vénétie. L'Italie était enfin unifiée. Après la chute du Second Empire, Rome était rattachée. Enfin, par plébiscite, la Savoie et le comté de Nice, donnés par le Piémont, devenaient français en 1860. Entre-temps, Cavour était revenu au pouvoir le 20 janvier 1860. Villafranca était effacé.
L’armistice de Villafranca (11 juillet 1859)
Auteur(s) : CHOFFAT Thierry
- Titre de revue :
- Revue du Souvenir Napoléonien
- Numéro de la revue :
- 480
- Mois de publication :
- JUILLET-SEPTEMBRE
- Année de publication :
- 2009