L’art de la natation

Auteur(s) : PRÉVOT Chantal
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L’édition des Mémoires du colonel Combe aux éditions Bernard Giovanangeli (2006) permet aux lecteurs, entre autres sujets, de suivre la formation d’un collégien. On y apprend entre autre que la natation était enseignée aux jeunes nobles ou bourgeois au même titre que l’équitation, l’escrime et la danse. On parlait alors des quatre arts académiques.

L’art de la natation
« Les nageurs » in « Le Suprême Bon Ton ou
Étrennes de la mode aux personnes curieuses de leur parure » (1802)

Julien Combe apprend à nager dans la seule piscine parisienne publique : l’École de natation crée en 1801 par le maître-nageur Deligny, qui avait repris les Bains de M. Turquin fondé en 1786 sur la Seine. Elle était située d’abord au pied du pont de la Tournelle puis au pont de la Concorde. Le futur colonel Combe y appris à nager. Tout d’abord « à sec », couché et suspendu dans des sangles pour apprendre les mouvements, puis dans le bassin, tout habillé, car lorsqu’on tombe à l’eau, on est généralement vêtu, alors autant connaître les sensations pour savoir se sauver. Dans le même esprit, les leçons suivantes se passaient en rivière (et c’est pourquoi les piscines devaient posséder une partie en site naturel) pour apprendre à nager contre le vent et  le courant d’eau. Des surveillants suivaient en barque, un grand bâton à la main.

Le costume réglementaire était le « calçon » ou le « pentalon ». Les cheveux pouvaient être « conservés » par un serre-tête de taffetas gommé. Les peignoirs étaient portés également. Les ceintures et planche d’apprentissage étaient soit en bottes de jonc (mais ce n’était pas pratique pour mouvoir les bras), en vessies de porc gonflées (mais elles pouvaient éclater !), en calebasses (mais les bouchons pouvaient sauter à la chaleur et l’eau y rentrer). On devait préférer le liège, fixé sur une bande ou des corselets, qui représentaient le dernier cri en matière d’équipement.

Les nages enseignées venaient de l’observation du règne animal : « la grenouille » en premier (une sorte de brasse), ou encore « le chien » (on coupe l’eau à coups de poings et de pieds, très utile pour s’extirper des herbes des étangs et rivières).

Les noyades, malheureusement, pouvaient se produire en piscine. Charles de Clary-et-Aldringen raconte dans le récit de son séjour à Paris qu’un garçonnet de neuf ans, employé par Deligny, périt dans le bassin, sans qu’aucun maître nageur ne l’ait vu tomber.

On peut se demander si le jeune Bonaparte a appris à nager lors de sa formation. Mais si les programmes des écoles militaires de Brienne puis de Paris comportent bien des leçons de danse, d’escrime et de musique vocale, l’art de la natation n’était pas enseigné, faute peut-être de bassin à proximité. Les personnes sachant nager étaient des exceptions. Un exemple souvent cité était la résolution de Napoléon de faire apprendre aux soldats du Camp de Boulogne à nager.

Une piscine fut créée à Paris, sur la rive gauche de la Seine, en face de l’École militaire. Le général Bigarré raconte dans ses mémoires que les sous-officiers et soldats désignés devaient apprendre à traverser la rivière avec leurs fusils chargés sur la tête.

Par contre à Boulogne, le terme « nager » employé dans les instructions de Napoléon Ier doit être pris dans leur sens maritime, c’est-à-dire : ramer. On peut lire par exemple : « On veillerait à ce que les ouvriers conscrits apprissent à nager dans la rade sur des canots et péniches » (19 fructidor an XII), ou encore « Nous nous exerçons ici depuis trois jours à nager sur des péniches » (15 vendémiaire an XII).

Chantal Prévot

Bibliographie

Turquin, Avis au public sur l’établissement d’une école de natation, Paris, Impr. Polytype, 1786, 4 p.

Nicolas Roger, Méthode sûre pour apprendre à nager en peu de jours, Paris, chez Legras, libraire, 1783. Plagié par : Louis Poissonnier jeune, Le guide des nageurs, Paris, Delacour, 1813

Prince Charles De Clary-et-Aldringen, Trois mois à Paris lors du mariage de l’Empereur Napoléon Ier et de l’archiduchesse Marie-Louise : souvenirs . Publié par le baron de Mitis et le comte de Pimodan, Paris, Plon, 1914

Isabelle Backouche, La trace du fleuve : la Seine (1750-1850). Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2000

Auguste Bigarré, Mémoires du général Bigarré 1775-1813. Présentation et notes de Michel Legat, Paris, Éditions du Grenadier, 2002

Julien Combe, Mémoires du colonel Combe, 1793-1832. Édition établie par Michel Legat ; Bernard Giovanangeli, 2006

Mise en ligne : 29 janvier 2024

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