Le Code de Commerce de 1807 couronne les efforts constants déployés tout au long du XVIIIe pour adapter et mettre à jour l'ordonnance de 1673 ou Code marchand dont les imperfections s'étaient assez vite fait sentir. « Faite pour un commerce encore dans l'enfance », selon la formule d'E. Vincens, l'ordonnance avait déjà été l'objet de quelques modifications législatives tenant compte de l'évolution de certains usages, mais une révision générale ne s'en était pas moins fait sentir. En témoigne la tentative du garde des Sceaux Hue de Miromesnil qui, en 1778, nomma une commission de six membres présidée par Huguet de Montaran (trois intendants et trois députés du commerce) pour rédiger un Projet d'ordonnance relative au commerce. Achevé à la fin de 1782, le projet fut transmis pour avis au parlement de Paris en novembre 1783, mais ce dernier ne s'était pas encore prononcé lorsque éclata la Révolution.
Assigné à son tour à cette oeuvre de révision, le Code de Commerce n'atteint que partiellement l'objectif d'inscrire celle-ci dans la durée. En effet, il ne sort pas du cadre trop étroit du droit des marchands qu'au demeurant l'ordonnance de 1673 régissait incomplètement, et il n'assure pas toujours de façon cohérente la synthèse avec la jurisprudence et les usages, contradictoires parfois, qu'il s'efforce d'intégrer. Il adapte, en revanche, de manière plus heureuse, en son livre II, l'ordonnance de 1681 relative au droit maritime. Mais si le Code de commerce échoue à refondre complètement le droit des affaires, c'est surtout parce que sans tenir compte de la spécificité de la matière, il se situe dans une perspective trop strictement civiliste. « Les lois du commerce n'étant que des lois d'exception qui reçoivent leur complément du droit civil, ne peuvent seules former un système complet sur presque aucune des matières qu'elles règlent », assure Locré dans son Esprit du Code de commerce (Avant-propos, p. XIII). A cet égard, l'élaboration du Code de commerce en deux temps encadrant la rédaction du Code civil rend incertaine l'articulation avec celui-ci. Comme le relèvera Vincens quelques années plus tard, « que pouvait être une loi supplémentaire ou exceptionnelle avant que la loi fondamentale existât ? » (in Exposition raisonnée de la législation commerciale et examen critique du Code de Commerce, t. I, p. XI).
Pour l'essentiel en effet, le dispositif est arrêté, dès 1803, dans le Projet de Code de Commerce qui servira ensuite de base aux remaniements successifs préparant la rédaction définitive. La commission chargée de rédiger ce projet, composée de sept membres (Gorneau, juge au tribunal d'appel de paris ; Vignon, président du tribunal de commerce ; Boursier, ancien juge de commerce ; Legras, jurisconsulte ; Vital-Roux, négociant lyonnais ; Coulomb, ancien magistrat ; Mourgues, administrateur des hospices, est mise en place par un arrêté des consuls du 13 germinal an IX (3 avril 1801). Il lui faudra a peine huit mois pour s'acquitter de sa mission, puisque le projet est en état d'être présenté au gouvernement par Chaptal le 13 frimaire au X (4 décembre 1801). Cette célérité a renforcé chez certains auteurs l'idée d'une filiation entre les travaux de la commission Gorneau et le projet Miromesnil-Montaran, bien que celui-ci ne paraisse plus connu sous le Consulat qu'à l'état de « fragments », d'après les propres termes de Gorneau dans le Discours préliminaire au projet. Une mouture assez complète du « projet d'ordonnance relative au commerce » rédigée par la commission de Montaran, retrouvée depuis lors, a permis de démontrer de façon convaincante (cf. H. Lévy-Bruhl, Un projet de Code de commerce à la veille de la Révolution, le projet Miromesnil, Paris, 1932) la similitude entre les deux projets pour nombre des solutions retenues. Mais le projet Gorneau innove en faisant entrer dans son champ le droit maritime que régissait jusque-là l'ordonnance de 1681. En revanche, les idées de Vital-Roux sur la nécessité d'affirmer l'autonomie et la spécificité des lois du commerce – développées dans un ouvrage intitulé De l'influence du gouvernement sur la prospérité du commerce et publié à la même époque – ne semblent guère trouver d'écho que dans le Discours préliminaire au projet. Chaptal, dans son rapport, se charge de redonner clairement à la codification son orientation civiliste, rappelant que les commissaires « ont circonscrit les lois commerciales aux objets pour lesquels la loi civile leur a paru insuffisante et à ceux qui par leur nature et par les besoins du commerce exigent des dispositions particulières ».
Au lendemain de sa présentation au gouvernement, le projet fut communiqué aux Conseils et aux tribunaux de commerce, de même qu'aux tribunaux d'appel et au Tribunal de cassation qui furent invités à émettre leurs observations dans les deux mois. Au vu de ces observations, trois des membres de la commission de rédaction, Gorneau, Vital-Roux et Legras, furent chargés de remanier le projet. Le texte ainsi revu fut transmis au Conseil d'Etat, section de l'Intérieur, et publié en 1803 sous le titre : « Révision du projet de Code de commerce. »
Il fallut les retentissantes faillites de 1806 pour que le projet soit ressorti des cartons où il s'était fait oublier entre-temps. L'Empereur, ému par le scandale que suscitèrent ces affaires frauduleuses, enjoignit au Conseil de se mettre aussitôt à l'ouvrage. Le prestige du négoce était au plus bas, et les intérêts des commerçants n'étaient pratiquement pas représentés au Conseil d'Etat. A la section de l'Intérieur chargée de la discussion du projet de Code de commerce, seuls Corvetto, ancien avocat d'affaires spécialiste des causes commerciales, et Begouën, riche armateur du Havre, pouvaient porter témoignage sur les préoccupations du monde du commerce et, grâce à leur expérience, faciliter la codification des usages et de la pratique courante.
La discussion au Conseil d'Etat s'engagea le 4 novembre 1806 et s'étendit sur près de neuf mois, occupant quelque soixante-huit séances. Le premier livre relatif au commerce en général fut examiné tout d'abord sur la présentation de Regnault de Saint-Jean-d'Angély, président de la section de l'Intérieur. Il donna lieu à cinq rédactions successives, prenant en compte les observations qu'avait formulées officieusement le tribunat. Mais l'attention fut portée prioritairement sur la loi relative aux faillites qui « seule importait à napoléon », à en croire Locré. L'examen du livre III qui lui était consacré ne prit pas moins de quatre mois, de février à mai 1807, Ségur étant chargé avec son collègue Cretet d'en assurer la présentation. L'intérêt que porte, en revanche, le Conseil d'Etat au titre relatif à la lettre de change et au livre II sur le commerce extérieur et de la navigation, et Begouën, qui assure la présentation de ces deux volets avec le concours de Corvetto, pourra mener à bien son travail de rajeunissement des ordonnances de Colbert sans trop risquer le contredit de ses collègues. Le livre IV, relatif à la juridiction commerciale, rapporté par Beugnot, se réfère au Code de procédure civile, mais il est muet sur la juridiction des prud'hommes.
Eloigné de Paris par les campagnes de Prusse et de Pologne, Napoléon ne put participer à la discussion du Code de commerce rythmée par l'annonce des victoires d'Iéna, d'Auerstaedt, Eylau et de friedland. Dès son retour à Saint-Cloud, le 27 juillet 1807, l'Empereur s'informe de l'état d'avancement des travaux, et convoqué pour le lendemain, le Conseil d'Etat doit rouvrir, sous sa présidence, le débat sur les faillites, le dispositif adopté ne lui paraissant pas encore assez répressif. Mais les interventions de Begouën, Cambacérès, Cretet et Treilhard tempèrent sa rigueur, et le texte du Conseil – « loi sévère », dira Ségur, orateur du gouvernement, devant le Corps législatif – est maintenu en l'état. Au cours des trois autres séances qu'il préside les 29 juillet, 1er et 8 août 1807, Napoléon revient également sur le billet à ordre, avec pour conséquence le retranchement de la disposition soumettant strictement tout signataire de billet à ordre à la contrainte par corps. Il s'attache enfin à la revendication et fait renvoyer du livre premier au livre IV les mesures de forme qui figureront aux articles 632 et 633. Il manifeste, en revanche, sa confiance aux spécialistes pour la matière maritime qu'il n'évoque pas. Ainsi revêtus de l'imprimatur impérial et après prise en compte des observations formulées par le Tribunat – qui exerce pour la dernière fois sa vigilance – les différents livres du Code de commerce sont présentés tour à tour au Corps législatif pour adoption.
Au cours de cette étape formelle, prétexte à de beaux morceaux d'éloquence, s'illustrèrent notamment Regnault de Saint-Jean-d'Angély, Begouën, Corvetto, Ségur et Maret. L'adoption définitive, puis la promulgation séparée de chacune des lois composant le Code de commerce, s'échelonnèrent tout au long du mois de septembre 1807. Néanmoins, la mise en exécution du Code dans son entier fut fixée au 1er janvier 1808, aux termes d'une loi du 15 septembre 1807 dont l'article 2 abrogeait, à compter du même jour, toutes les anciennes lois touchant les matières commerciales sur lesquelles il statuait. En fait cette abrogation était moins générale qu'il ne semblait et ne visait en réalité que les ordonnances de 1673 et 1681 ainsi que les matières sur lesquelles statuait le Code. « Pour embrasser dans son ensemble la législation commerciale », devait préciser Locré dans son Esprit du Code de commerce en s'appuyant sur les travaux du Conseil d'Etat, « un autre complément n'est pas moins nécessaire : c'est celui que fournissent les dispositions de l'ancien droit commercial auxquelles le Code a laissé leur force et leur autorité ». Ainsi des bourses de commerce, des agents de change et des courtiers de commerce.
Bien que l'un des objets de la codification ait été d'inclure dans le droit écrit ce que régissaient antérieurement les usages, ceux-ci conservèrent, du fait des lacunes du Code de Commerce, une large place en matière commerciale. Le Conseil d'Etat l'admit implicitement dans un avis du 13 décembre 1811, qui prescrivait aux tribunaux de commerce de juger les questions qui se présentaient d'après les termes du Code de Commerce et, en cas de silence de sa part, d'après le droit commun et les usages du commerce. Ceci donna une certaine souplesse à l'application du Code de Commerce. Cependant, ce monument de 648 articles n'eut pas la postérité escomptée. A partir du premier tiers du XIXe siècle, de substantielles modifications durent lui être apportées (loi de 1838 sur les faillites, législation de 1856, 1863, 1867 sur les sociétés), en considération des conditions nouvelles créées par la révolution industrielle.
Source : Le Dictionnaire Napoléon (sous la direction de Jean Tulard), Fayard, 1987.
Cette notice est diffusée avec l'aimable autorisation des éditions Fayard.
Le Code de Commerce
Auteur(s) : TULARD Marie-José