Le naufrage du Lyonnais : une affaire maritime complexe
Par une nuit étoilée mais brumeuse, vers 23 heures, l’Adriatic et Le Lyonnais se heurtèrent violemment en pleine mer. Selon les témoignages, le matelot Choupeau du Lyonnais aperçut l’Adriatic peu avant la collision et donna l’alerte. Le capitaine Durham, aux commandes de l’Adriatic, tenta une manœuvre d’évitement, mais ne put empêcher le choc.
Après l’impact, Le Lyonnais, ne semblant pas avoir subi de dommages importants, poursuivit sa route. Ce n’est que dix minutes plus tard qu’une voie d’eau se déclara, mettant le navire en péril. Malgré 36 heures de lutte acharnée, le vapeur français finit par sombrer dans l’Atlantique.
L’Adriatic, ayant subi des avaries à l’avant, s’arrêta brièvement avant de reprendre sa route vers le port le plus proche pour effectuer des réparations. Le capitaine Durham ignorait alors l’ampleur des dégâts subis par Le Lyonnais.
Les conséquences humaines et juridiques
Le naufrage du Lyonnais fut particulièrement meurtrier. Sur les quelque 150 personnes à bord, seuls 16 survivants furent recueillis par une barque de Brême, puis transférés sur le navire Elisa qui les ramena à New York le 14 novembre. Parmi eux se trouvait le second lieutenant Luguière, témoin clé de la catastrophe.
Face à cette tragédie, les armateurs du Lyonnais, les frères Gauthier, intentèrent une action en justice contre le capitaine Durham de l’Adriatic. L’affaire fut portée devant le tribunal de commerce de Marseille.
L’affaire du Lyonnais mit en lumière plusieurs aspects du droit maritime : le capitaine Durham contesta d’abord la compétence du tribunal français, arguant que l’article 14 du Code Napoléon ne s’appliquait qu’aux obligations contractuelles et non aux délits ou quasi-délits. Cette exception fut rejetée par le tribunal.
Durham invoqua ensuite le non-respect des articles 435 et 436 du Code de commerce français, relatifs aux procédures à suivre en cas d’abordage. Le débat porta sur la responsabilité du capitaine Durham dans la collision, celui-ci affirmant avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter l’accident.
Le jugement et ses implications
Le 9 avril 1857, le tribunal de commerce de Marseille rendit son verdict, donnant raison au capitaine Durham sur tous les points. La demande des frères Gauthier fut déclarée non recevable.
Ce débat mit en évidence la complexité des affaires maritimes internationales et les difficultés à établir les responsabilités dans de telles circonstances.
Le naufrage du Lyonnais reste un épisode tragique de l’histoire maritime. Sur le plan juridique, cette affaire contribua à l’évolution du droit maritime international, en mettant en lumière les défis posés par les litiges transfrontaliers et la nécessité d’harmoniser les pratiques entre les différentes nations maritimes.
La création du Comité Maritime International (CMI), une organisation internationale de droit maritime, fondée en 1897 à Anvers, a pour but d’unifier le droit maritime au niveau international. C’est la première et la plus ancienne organisation internationale dédiée au droit maritime et la deuxième organisation maritime la plus importante, après l’OMI (Organisation Maritime Internationale).
Bibliographie
• Louis Pouget, Principes de droit maritime suivant le Code de commerce français, analogie avec les lois ou codes étrangers, 1858
• J.-B. Sirey, Recueil général des lois et des arrêts : en matière civile, criminelle, commerciale et de droit public, 1857, p. 723-727.
• Petit manuel de l’instruction primaire, L. Hachette (Paris), 1857, p. 11.
• Journal du Palais : contenant les jugements du Tribunal de cassation, et des tribunaux d’appel de Paris et des départements, dans les principales causes et questions que les lois nouvelles rendent douteuses et difficiles, 1858, p. 156-157.
Pour aller plus loin
L’épave du navire français Le Lyonnais, coulé en 1856, retrouvée au fond de l’océan Atlantique, Sciences et Avenir avec AFP, 12 septembre 2024
Claudia Bonnafoux, web-éditrice (octobre 2024)