Le traité de Campoformio, 17 octobre 1797

Auteur(s) : COLLECTIF
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La signature du traité définitif eut lieu au château de Campoformio le 17 octobre. Sa publication apprit à l'Europe le sort de la république de Venise, destinée à dédommager l'Autriche de la perte de la Belgique et de la Lombardie.

Voici le texte de ce traité:

« S.M. l'empereur des Romains, roi de Hongrie et de Bohême, et la république français, voulant consolider la paix dont les bases ont été posées par les préliminaires signés au château d'Eckenwal, près de Leoben en Styrie, le 18 avril 1797, ou 20 germinal an III de la république française, une et indivisible, ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir:
S.M. l'empereur et roi, le sieur D. Martins Mastrili, noble patricien napolitain, marquis de Gallo, chevalier de l'ordre de Saint-Janvier, gentilhomme de la chambre de S.M. le roi des Deux-Siciles, et son ambassadeur extraordinaire à la cour de Vienne; le sieur Louis de Cobentzel, comte du Saint-Empire romain, grand'croix de l'ordre royal de Saint-Étienne, chambellan, conseiller d'état intime actuel de S.M.I. et R.A., et son ambassadeur extraordinaire près S.M. L'empereur de toutes les Russies; le sieur Maximilien, comte de Meerfeldt, chevalier de l'ordre teutonique et de l'ordre militaire de Marie-Thérèse, chambellan et général-major de cavalerie dans les armées de sadite majesté l'empereur et roi; et le sieur Ignace, baron de Degelmann, ministre plénipotentiaire de sadite majesté près la république helvétique;
Et la république française, Bonaparte, général en chef de l'armée française en Italie, lesquels, après l'échange de leurs pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté les articles suivants:

Article 1er. Il y aura à l'avenir et pour toujours une paix solide et invariable entre sa majesté l'empereur des Romains, roi de Hongrie et de Bohême, ses héritiers et successeurs, et la république française. Les parties contractantes apporteront la plus grande attention à maintenir entre elles et leurs États une parfaite intelligence, sans permettre dorénavant que, de part ni d'autre, on commette aucune sorte d'hostilités par terre ou par mer, pour quelque cause ou quelque prétexte que ce puisse être, et on évitera soigneusement tout ce qui pourrait altérer à l'avenir l'union heureusement établie. Il ne sera donné aucun secours ou protection, soit directement, soit indirectement, à ceux qui voudraient porter quelque préjudice à l'une ou l'autre des parties contractantes.

Article 2. Aussitôt après l'échange des ratifications du présent traité, les parties contractantes feront lever tout séquestre mis sur les biens, droits et revenus des particuliers résidant sur les territoires respectifs et les pays qui y sont réunis, ainsi que des établissements publics qui y sont situés; elles s'obligent à acquitter tout ce qu'elles peuvent devoir pour fonds à elles prêtés par lesdits particuliers et établissements publics, et à payer ou rembourser toutes rentes constituées à leur profit sur chacune d'elles.
Le présent article est déclaré commun à la république cisalpine.

Article 3. S.M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, renonce pour elle et ses successeurs, en faveur de la république française, à tous ses droits et titres sur les ci-devant provinces de la Belgique connues sous le nom de Pays-Bas autrichiens. La république française possédera ce pays à perpétuité, en toute souveraineté et propriété, et avec tous les biens territoriaux qui en dépendent.

Article 4. Toutes les dettes hypothéquées avant la guerre sur le sol des pays énoncés dans les articles précédents, et dont les contrats seront revêtus des formalités d'usage, seront à la charge de la république française; les plénipotentiaires de S.M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, en remettront l'état le plus tôt possible aux plénipotentiaires de la république française, et avant l'échange des ratifications, afin que, lors de l'échange, les plénipotentiaires des deux puissances puissent convenir de tous les articles explicatifs ou additionnels au présent article et les signer.

Article 5. S.M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, consent à ce que la république française possède en toute souveraineté les îles ci-devant vénitiennes du Levant, savoir: Corfou, Zante, Céphalonie, Sainte-Maure, Cérigo, et autres îles en dépendant, ainsi que Butrinto, Arla, Vonizza, et en général tous les établissements ci-devant vénitiens et albanais, qui sont situés plus bas que le golfe de Lodrino.

Article 6. La république française consent à ce que S.M. l'empereur et roi possède en toute souveraineté et propriété les pays ci-dessous désignés, savoir: l'Istrie, la Dalmatie, les îles ci-devant vénitiennes de l'Adriatique, les bouches du Cattaro, la ville de Venise, les lagunes et les pays compris entre les états héréditaires de S.M. l'empereur et roi, la mer Adriatique; et une ligne qui partira du Tyrol, suivra le torrent en avant de Gardala, traversera le lac de Garda jusqu'à Lazice; de là une ligne militaire jusqu'à San-Giacomo, offrant un avantage égal aux deux parties, laquelle sera désignée par des officiers du génie nommés de part et d'autre avant l'échange des ratifications du présent traité. La ligne de limite passera ensuite l'Adige à San-Giacomo, suivra la rive gauche de cette rivière jusqu'à l'embouchure du canal Bianco, y compris la partie de Porto-Legnago qui se trouve sur la rive droite de l'Adige, avec l'arrondissement d'un rayon de trois mille toises. La ligne se continuera par la rive gauche du canal Bianco, la rive gauche du Tartaro, la rive gauche du canal dit la Polisella, jusqu'à son embouchure dans le Pô, et la rive gauche du grand Pô jusqu'à la mer.

Article 7. S.M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, renonce à perpétuité, pour elle, ses successeurs et ayants-cause, en faveur de la république cisalpine, à tous les droits et titres provenant de ces droits, que sadite majesté pourrait prétendre sur les pays qu'elle possédait avant la guerre, et qui font maintenant partie de la république cisalpine, laquelle les possédera en toute souveraineté et propriété, avec tous les biens et propriétés qui en dépendent.

Article 8. S.M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, reconnaît la république cisalpine comme puissance indépendante.
Cette république comprend la ci-devant Lombardie autrichienne, le Bergamasque, le Bressan, le Crémasque, la ville et forteresse de Mantoue, le Mantouan, Peschiera, la partie des états ci-devant vénitiens à l'ouest et au sud de la ligne désignée dans l'article 6 pour la frontière des états de S.M. l'empereur en Italie, le Modenais, la principauté de Massa et Carrara, et les trois légations de Bologne, Ferrare et la Romagne.

Article 9. Dans tous les pays cédés, acquis ou échangés par le présent traité, il sera accordé à tous les habitants et propriétaires quelconques, main-levée du séquestre mis sur leurs biens, effets et revenus, à cause de la guerre qui a eu lieu entre S.M.I et R. et la république français, sans qu'à cet égard ils puissent être inquiétés dans leurs biens et personnes. Ceux qui à l'avenir voudront cesser d'habiter lesdits pays, seront tenus d'en faire la déclaration trois mois après la publication du traité définitif; ils auront le terme de trois ans pour vendre leurs biens, meubles, immeubles, ou en disposer à leur volonté.

Article 10. Les pays cédés, acquis ou échangés par le présent traité porteront à ceux auxquels ils demeureront les dettes hypothéquées sur leur sol.

Article 11. La navigation de la partie des rivières et canaux servent de limites entre les possessions de sa majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et celles de la république cisalpine sera libre, sans que ni l'une ni l'autre puissance puissent y établir aucun péage, ni tenir aucun bâtiment armé en guerre, ce qui n'exclut pas les précautions nécessaires à la sûreté de la forteresse de Porto-Legnago.

Article 12. Toutes rentes ou aliénations faites, tous engagements contractés, soit par les villes, ou par les gouvernements ou autorités civiles et administratives des pays ci-devant vénitiens, pour l'entretien des armées allemandes et françaises, jusqu'à la date du présent traité, seront confirmés et regardés comme valides.

Article 13. Les titres domaniaux et archives des différents pays cédés ou échangés par le présent traité seront remis, dans l'espace de trois mois à dater de l'échange des ratifications, aux puissances qui en auront acquis la propriété. Les plans et cartes des forteresses, villes et pays que les puissances contractantes acquièrent par le présent traité, leur seront fidèlement remis.
Les papiers militaires et registres pris, dans la guerre actuelle, aux états-majors des armées respectives, seront pareillement rendus.

Article 14. Les deux parties contractantes, également animées du désir d'écarter tout ce qui pourrait nuire à la bonne intelligence heureusement établie entre elles, s'engagent de la manière la plus solennelle à contribuer de tout leur pouvoir au maintien de la tranquillité intérieure de leurs États respectifs.

Article 15. Il sera conclu incessamment un traité de commerce, établi sur des bases équitables, et telles qu'elles assurent à sa majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême et à la république française, des avantages égaux à ceux dont jouissent, dans tous les États respectifs, les nations les plus favorisées.
En attendant, toutes les communications et relations commerciales seront rétablies dans l'état où elles étaient avant la guerre.

Article 16. Aucun habitant de tous les pays occupés par les armées autrichiennes et françaises ne pourra être poursuivi ni recherché, soit dans sa personne, soit dans ses propriétés, en raison de ses opinions politiques, ou actions civiles, militaires et commerciales, pendant la guerre qui a eu lieu entre les deux puissances.

Article 17. Sa majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, ne pourra, conformément aux principes de neutralité, recevoir dans chacun de ses ports pendant le cours de la présente guerre plus de six bâtiments armés en guerre, appartenant à chacune des puissances belligérantes.

Article 18. Sa majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, s'oblige à céder au duc de Modène en indemnité des pays que ce prince et ses héritiers avaient en Italie, le Brisgaw, qu'il possédera aux mêmes conditions que celles en vertu desquelles il possédait le Modénois.

Article 19. Les biens fonciers et personnels non aliénés de LL. AA. RR. l'archiduc Charles et l'archiduchesse Christine, qui sont situés dans les pays cédés à la république française, leur seront restitués, à la charge de les vendre dans l'espace de trois ans.
Il en sera de même des biens fonciers et personnels de S.A.R. l'archiduc Ferdinand dans le territoire de la république cisalpine.

Article 20. Il sera tenu à Rastadt un congrès uniquement composé des plénipotentiaires de l'empire germanique et de ceux de la république française, pour la pacification entre ces deux puissances. Ce congrès sera ouvert un mois après la signature du présent traité, ou plus tôt, s'il est possible.

Article 21. Tous les prisonniers de guerre faits de part et d'autre, et les otages enlevés ou donnés pendant la guerre, qui n'auraient pas encore été restitués, le seront dans quarante jours, à dater de celui de la signature du présent traité.

Article 22. Les contributions, livraisons, fournitures et prestations quelconques de guerre, qui ont eu lieu dans les États respectifs des puissances contractantes, cesseront à dater du jour de l'échange des ratifications du présent traité.

Article 23. Sa majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et la république française conserveront entre elles le même cérémonial, quant au rang et autres étiquettes, que ce qui a été constamment observé avant la guerre.
Sadite majesté et la république cisalpine auront entre elles le même cérémonial d'étiquette que celui qui était d'usage entre sadite majesté et la république de Venise.

Article 24. Le présent traité de paix est déclaré commun à la république batave.

Article 25. Le présent traité sera ratifié par sa majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et la république française, dans l'espace de trente jours, à dater d'aujourd'hui, ou plus tôt, si faire se peut, et les actes de ratification en due forme seront échangés à Rastadt. »
Quatorze articles secrets non moins importants que ce traité lui-même, spécifiaient les limites de la France et les concessions qui devaient en résulter. L'empereur promettait de ne point soutenir l'empire germanique, si la diète se refusait aux cessions de territoire sur la rive gauche du Rhin. La libre navigation du Rhin et de la Meuse était assurée. La France consentait à ce que l'Autriche acquît le pays de Salzbourg, et reçût de la Bavière l'Innwirtel et la ville de Wasterbourg sur l'Inn. L'Autriche cédait le Frickthal, pour être réuni à la Suisse. La France consentait à rendre les états prussiens entre la Meuse et le Rhin. Des indemnités étaient promises en Allemagne aux princes qui perdaient leurs possessions sur la rive gauche de ce fleuve.


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