L’Empire et le Saint-Siège. Le voyage du pape de Rome à Savone

Auteur(s) : GOSSE Colonel
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Nous n'allons pas suivre le Pape dans son long périple ; le voyage en lui-même ne présente qu'un intérêt anecdotique. Mais je vous propose, cependant, de faire un bout de chemin ensemble avec le Souverain Pontife, le cardinal Pacca, et l'escorte du général Radet.
Seuls, enfermés dans la voiture peu confortable qui les amène vers leur prison et leur destin, le Pape et son Premier ministre sont vraiment deux compagnons d'infortune. L'abat-jour de la portière est cloué du côté où le Pape est assis et, par une précaution toute militaire, pour ne pas dire gendarmique, les deux portières sont fermées à clef par un gendarme (à double tour dit Chateaubriand qui en rajoute toujours) et Radet met les clefs dans sa poche.
Il est sensiblement huit heures lorsque la voiture prend la route de Florence, escortée par un détachement de gendarmerie de Rome. Soudain, le Pape se met à sourire, et, avec un air de véritable satisfaction, dit à son voisin : « Cardinal, nous avons bien fait de publier la bulle d'excommunication le 10 juin, autrement, comment ferions-nous aujourd'hui ? ». Cette pensée, qui traduit l'irréversibilité de la décision du Saint-Père, permet dans l'instant de transcender l'attentat exécrable et sacrilège qui vient d'être commis contre l'Eglise romaine.
La première journée du voyage est rapide. Il convient, en forçant l'allure, et sans perdre de temps aux étapes, de mettre Rome à bonne distance pour éviter toute émeute dans les campagnes des Etats, récemment encore pontificaux. A chaque relais, le général Radet fait partir un gendarme au galop pour faire préparer l'escorte et les chevaux de poste.

A Storla, première halte, le Pape bénit les postillons relevés qui, à genoux, demandent sa bénédiction. A Monterozi, les femmes ayant reconnu le Pape dans la voiture se signent, pleurent et crient : « on nous enlève le Saint-Père ! on nous enlève le Saint-Père ! ». Pour éviter ces démonstrations tristes et dangereuses, le général Radet prie le Saint-Père de baisser les rideaux pour qu'on ne le voit pas. Enfermé avec résignation, presque sans air, aux heures les plus chaudes du soleil d'été de l'Italie Centrale, le Saint-Père commence à souffrir du voyage.
Excusez ce détail, témoin du souci de vérité des rapports du moment, mais, peu avant le second relais, Sa Sainteté souffre de colique et le général Radet fait alors arrêter la voiture : « Le Pape descendit et fut soulagé ».
Ainsi, cahin caha, le convoi arrive au milieu du jour au pied de la montagne de Viterbe. La campagne est aride, déserte. C'est l'heure de la collation de midi. Le général Radet fait arrêter la voiture à la maison de poste qui est presque maison de peste. L'auberge est fort malpropre. La pièce comporte « à peine une vieille chaise qui était peut-être la seule de la maison. La table est recouverte d'une nappe sale et dégoûtante ». Le Pape s'assied et mange un oeuf et un morceau de jambon. La tenancière est aussi menteuse que mégère. Elle ne répond pas au général qui lui reproche l'état de sa maison mais, s'adressant au Pape qu'elle prend pour un cardinal « Votre Eminence peut manger en toute sûreté ; il est souvent passé ici des personnes de distinction, notamment le très Saint-Père à son retour de France qui a béni notre maison ». D'évidence, Pie VII avait choisi au retour du Sacre des logis plus conformes à sa dignité.

Plus loin, à Bolsena, personne ne sait plus que le Pape est dans la voiture et au moment du changement de chevaux, un Père conventuel accoste le général Radet et lui vante ses relations avec le Pape auquel il a été amené à rendre service. Ce qu'entendant, le Saint-Père, caché, se tourne vers le cardinal Pacca et dit : « Quel fripon ! ».
Dans la soirée, le Pape a soif et demande à boire. Le maréchal des logis Gardini puise de l'eau dans une bouteille à une source qui coule sur la route et la présente au Saint-Père qui la trouve fort bonne.
Enfin vers dix heures du soir (onze heures dit Pacca pour en rajouter), le général Radet arrête son escorte à la grosse auberge de la poste de Radicofani, village frontière de la province de Toscane. Il avait remarqué la fatigue du Pape dont le visage s'altérait et qui manifestement souffrait. Il décide de lui accorder un temps de repos. Des logements avaient été retenus pour deux cardinaux et leur suite, si bien qu'à l'arrivée la voiture traverse le vestibule évacué et la porte cochère se ferme. Une manière d'intimité ! Le général aide le Saint-Père à monter l'escalier et le maréchal des logis accompagne le cardinal.
Le Prélat qui boude, bougonne et récrimine pour deux, trouve l'auberge misérable, prétend que rien n'y est prêt et raconte comment, en habits de cardinal, il aida la servante de l'hôtel à arranger le lit de Sa Sainteté et à dresser la table pour le souper. Le général Radet décrit la scène différemment : « J'entre donc avec sa Sainteté dans la chambre qu'on lui prépare et je me mets en devoir de La servir… le souvenir des devoirs que j'ai remplis me fait encore jouir du bonheur que j'éprouvai. Mon coeur s'est épanché et satisfait ».
Pendant ces entretiens le Pape, malade, réclame sa suite et ses bagages comme on le lui avait promis au départ. Le général Radet arrête un commis de passage et adresse un billet au Gouverneur « le sommant de sa parole ». Sur la requête du Pape, bien affaibli, Radet décide de passer la nuit à l'auberge malgré les ordres reçus. « Ma sensibilité l'emporte sur ma responsabilité ». Le repas fut très frugal. Sa Sainteté se retire plus calme et se met à prier, puis se couche tout habillé sur un mauvais lit très dur.
Pendant ce temps la nouvelle de l'arrestation du Pape s'est répandue et la population converge vers l'auberge pour le voir. Les gendarmes tiennent les curieux à distance pour assurer le repos et la sûreté du Pape. Le général Radet fait placer un matelas devant la porte de la chambre de Pie VII et y passe la nuit. Le sommeil ne fut ni tranquille ni long.

Le vendredi 7 juillet au matin le Pape va mieux. Il a passé une bonne nuit, après un léger accès de fièvre, des dégagements de bile l'ont un peu soulagé. Il renouvelle son inquiétude de ne pas être rejoint par sa suite. Il prie.
Radet s'impatiente et ne cesse de regarder à la fenêtre de l'auberge en direction de Rome pour guetter l'arrivée des voitures envoyées par le général Miollis. Enfin, vers trois heures, dans une auréole de poussière, les deux berlines s'avancent. Un gendarme envoyé en reconnaissance place son chapeau à la pointe de son sabre et le tient élevé. À ce signal convenu, Radet annonce la nouvelle au Pape qui est très content. A quatre heures descendent de la première voiture, le Grand chambellan, Monseigneur Doria et l'abbé Pacca ; de la seconde, le médecin de Sa Sainteté le chirurgien Ciccarini, Joseph Moiraga, valet de chambre du Pape et Juan Soglia son chapelain particulier, un cuisinier et un palefrenier. Naturellement malles et effets sont les bienvenus.
A cinq heures le même jour le convoi repart pour ne pas augmenter le retard. Le général craignait en effet que la nouvelle du passage du Pape entraîne des difficultés. Déjà sur la route, dans tous les villages, la foule se presse pour ovationner le Saint-Père et recevoir sa bénédiction.
Le voyage est ralenti. Au relais de San Querino c'est vraiment l'envahissement. Les habitants montent sur la bastarda, sur les chevaux… ils discourent et le général Radet entend distinctement les mots : « Bisogna Salvario (il faut le sauver). Il tire alors son épée, écarte les personnes, ordonne de libérer la voiture, fait fouetter le cocher et démarre. Par miracle, malgré la densité de la foule, il n'y a pas d'accident, mais l'inquiétude des gendarmes a été vive.
Toute la nuit est mise à profit pour s'éloigner rapidement et tenter de passer la ville de Sienne avant le jour.

De Montarone le général envoie des ordres par estafette à la gendarmerie de Sienne. Il ne cache pas au Pape qu'il a dû prendre toutes précautions en raison de l'échauffement des esprits. Le mécontentement dû au récent passage dans la ville d'un prélat, Monseigneur Ferraja, conduit en prison par les gendarmes n'est pas encore estompé. Pourtant, à cinq heures du matin, personne ne reconnaît les voyageurs et les rares personnes rencontrées n'ont aucune réaction. Le changement d'équipage permet au général d'être renseigné par le capitaine de Gendarmerie de l'Ombrone sur l'état d'esprit des populations et sur le degré d'insécurité de l'itinéraire. Des bandes de brigands détroussent les voitures. Il y a danger.
Mais, il faut bien continuer ; et d'ailleurs tout se passe bien jusqu'à Poggibonzi où le général décide de s'arrêter à l'auberge pour permettre au Pape, fatigué et souffrant, de se reposer pendant les heures les plus ardentes du jour. Détail piquant, le Pape ne peut pas descendre de voiture, la clef de la portière est dans la poche de l'officier de gendarmerie qui se trouve dans la deuxième voiture de la suite. Il faut attendre vingt minutes. Le Pape peut alors déjeuner, prier et se reposer pendant trois heures. Le général Radet permet à quelques femmes d'entrer à l'auberge pour baiser les mains et les pieds du Pape ; et déjà il faut repartir. Repartir à travers les rues remplies d'une foule immense. Le Saint-Père n'arrête pas de donner sa bénédiction aux fenêtres, aux toits, au clocher même, puis à la sortie de la ville, dans les champs et les chemins. Le général Radet estime avoir vu environ trois mille personnes, surtout des femmes. Les postillons ont beaucoup de mal à conduire les attelages. Il faut tenir l'allure en évitant la foule : c'est une gageure. La préoccupation de Radet, partagée par le personnel d'escorte, est d'empêcher l'arrêt forcé qui conduirait à des extrémités fâcheuses. Dans ces dispositions psychologiques, l'accident est toujours possible et, il se produit, en effet, lors du franchissement du pont de Poggibonzi.
La route qui monte sur le pont en dos d'âne fait angle droit au niveau du tablier. Pour avoir tourné trop court, la bastarda heurte l'angle du pont. Surpris de cette résistance les chevaux tirent fort. L'essieu casse. La voiture verse. Dans la chute, le général Radet tombe de son siège, se foule le poignet et reçoit une forte contusion à la jambe droite. Mais son premier soin est de s'inquiéter du Pape et du cardinal. La foule accourt et dégage la caisse en la relevant. Le peuple pleure et crie « Saint-Père ! Saint-Père ! » En fait, rapidement, un gendarme ouvre les portières fermées à clef et le Pape sort en répondant au général Radet « Nous n'avons aucun mal, ni son Éminence ». Les gendarmes « pâles et défaits » dit le cardinal Pacca, sabre nu, cherchent à éloigner le peuple qui, furieux, leur crie « Chiens ! Chiens ! ».

La décision du général Radet est immédiate. Il rejoint la deuxième voiture du convoi, en fait descendre le neveu du cardinal Pacca et Monseigneur Doria pour faire place aux deux Prélats qui s'y installent. Le général monte à côté du camérier et, laissant les deux ecclésiastiques débarqués aux bons soins du maréchal des Logis Cardini, il tente de reprendre la route. Mais la foule est agglutinée sur la chaussée et elle est assez hostile. Les gendarmes d'escorte ne peuvent pas faire place pour le passage. La ruse va alors se substituer à la force. Le général Radet crie à pleine voix : « A genoux, à genoux, le Saint-Père va donner sa bénédiction. Passez à droite ». La foule se porte sur le côté où le Pape, sur la supplique de Radet, apparaît à la portière. « Silence » dit Radet, et le Pape bénit le peuple à genoux en disant « Courage et priez mes enfants ».
Profitant de l'instant, ordre est donné aux postillons de fouetter et de partir en toute hâte… la multitude suit en courant mais, distancée, elle s'arrête et s'en retourne.
La deuxième voiture, rejoint peu de temps après.

A San Casciano, la foule est considérable mais calme, et se contente des bénédictions du Saint-Père.
Enfin vers une heure du matin, c'est l'arrivée au terme du voyage, à la Chartreuse de Florence où le lieutenant-colonel de Gendarmerie Le Crosnier, accompagné d'un commissaire de Police appelé Biamonti, accueille le Pape à la porte. Le Prieur, seul, complimente le Saint-Père.
Avant d'arriver à la Chartreuse, le colonel Le Crosnier avait transmis au général Radet les ordres de la Grande Duchesse de Toscane, Elisa Bonaparte ; dès l'arrivée au monastère, le Directeur général de la Police attend pour conduire le général, sans délai, auprès de la Grande Duchesse « par des chemins de traverse » au Palais Del Poggio où elle résidait. La soeur de l'Empereur écoute le compte rendu et congédie Radet en le priant de rejoindre Rome où sa présence est nécessaire.
Sa mission accomplie, et sans revoir le Pape à son grand regret, l'Inspecteur Général de la Gendarmerie s'en retourne fidèlement vers le général Gouverneur Miollis.

A la Chartreuse les gendarmes conduisent le Pape à ses appartements, les mêmes que ceux du malheureux Pie VI, son prédécesseur. Le Saint-Père est fatigué et épuisé. Il compte bien rester quelque temps chez les Frères pour reprendre des forces. Pour l'instant il mange puis il dort.
Ce qui permettra de le réveiller trois heures après pour de nouvelles péripéties. Par convois séparés et par des chemins différents, le Saint-Père et le cardinal, escortés avec discrétion, font route vers Alexandrie. Le premier, sous l'autorité de l'officier Mariotti, prend la route de Gênes, cependant que le second, aux ordres du lieutenant Bulla, prend le 9 juillet la route de Bologne.

Le 12, le Pape et son Premier ministre se rejoignent dans une auberge d'Alexandrie. Les ordres de la Grande Duchesse n'ont pas encore de prolongement. Le prince Borghèse est alerté à Turin par le général de la Place Despinoy. Le Saint-Père arrive entre temps et, le 17 juillet, sous la bonne escorte du chef d'Escadron de Gendarmerie Gaillot, la caravane épiscopale s'ébranle de nouveau – Turin, Rivoli, le Mont-Cenis, Lans-le-Bourg, Modane, Saint-Jean-de-Maurienne. Le 19 juillet Montmeillan, Grenoble où la halte va durer du 21 juillet au 1er août pour attendre la décision de Napoléon qui fait la guerre en Autriche.
Belle et bonne étape avec mille marques de sympathie, voire d'affection, de la population de tous les environs jusqu'à Lyon. Dans la matinée du 1er août, à neuf heures, ce sont hélas, les pérégrinations qui reprennent. Le colonel de Gendarmerie Brissard a reçu, du ministre de la Police, l'ordre de procéder à l'arrestation du cardinal Pacca avec incarcération dans le Piémont au Fort de Fenestrelle.
A la même heure le Pape part pour Avignon par la route de Valence ; on l'accompagnait à Savone où il devait rester trois ans.


Séjour à Savone

C'est qu'en effet Napoléon n'avait pas apprécié les initiatives que, ponctuellement, chacun a prises pour faire en sorte que le séjour du Pape dans ses Etats ne soit, en vérité, qu'un simple transit, aussi bref que possible. Et c'est pourquoi après un long périple, via Grenoble, c'est le retour en Italie et nous dirions aujourd'hui, l'assignation à résidence à Savone sous la surveillance active du Préfet Chabrol, du colonel de Gendarmerie Thoveneau et du général Pouget.
Naturellement ce séjour n'est pas sans intérêt, comme d'ailleurs serait intéressant celui du cardinal Pacca à Fenestrelle ; mais, il ne s'agit que d'une période de transition entre les événements capitaux qui viennent d'être rapportés et ceux aussi déterminants qui vont suivre. Et l'action de la gendarmerie, du point de vue où j'ai situé mon propos, n'a pas interféré dans le cours de l'histoire du Saint-Siège.
Cette histoire, nous la reprendrons au soir du 9 juin 1812 vers les sept heures lorsque le Pape reçoit l'ordre de se tenir prêt à rentrer en France.

Il convient seulement de noter que, pendant trois années, le Pape fut l'objet de pressions morales continuelles de la part de Napoléon pour tenter, en particulier, de régulariser la situation du clergé français en notifiant, par des bulles d'institution canoniques, les nominations d'évêques ou d'archevêques que l'Empereur avait prononcées.
Dès novembre 1809, c'est la réunion à Paris d'un conseil ecclésiastique présidé par le cardinal Fesch chargé de préparer un projet de clarification de la situation épiscopale en France. La réponse intervient en janvier 1810. Contrairement aux attentes de l'Empereur les considérations courtisanes masquent le refus de la commission. Napoléon réfléchit et attend. En janvier 1811, un nouveau conseil ecclésiastique est réuni et propose en mars la tenue d'un concile.
Pour conditionner le Pape, le Préfet Chabrol lui a notifié, dès le 14 janvier 1811, dans une note comminatoire remise sans embarras diplomatique, la défense de communiquer avec les fidèles de Savone. Déjà le 6 janvier, les appartements de Monseigneur Doria et ceux de la suite du Saint-Père sont minutieusement fouillés et tous les documents (livres, écrits, plumes, etc…) sont saisis et remis à la police. Le triumvirat (Le Directoire) des autorités du département : le Préfet Chabrol (en habits bourgeois), le commandant de la Place, général Pouget, et le colonel de Gendarmerie Thoveneau (toujours en couverture judiciaire) assiste le Préfet de Police Murio, dans ses perquisitions. Le 7 janvier, pendant que le Pape se promène dans les jardins, une opération similaire, plus discrète, est effectuée par le colonel Thoveneau et l'officier Ginauhio : tout fut saisi, hormis le bréviaire. La fouille n'épargne ni le secrétaire, ni le lit, ni les poches du Saint-Père. Le 29 janvier, Monseigneur Doria est transféré à Naples, et les serviteurs du Pape au Fort de Fenestrelle où le cardinal Pacca les voit arriver. En avril 1811, le concile national se réunit fastueusement et suggère la députation à Savone de trois évêques pour informer le Pape des travaux en cours.
Du 1er au 19 mai 1811 les trois prélats tentent d'infléchir le Pape en lui demandant à la fois :
– de valider les évêques nommés par le Pouvoir impérial ;
– de prêter serment à Napoléon en échange de son retour à Rome (et à défaut de son transfert en France à Avignon).
Cette menace insolente irrite le Pape qui, pourtant, en l'absence de conseillers ardents, fatigué et anémié par le sort qu'on lui inflige, finit par consentir à remettre aux trois émissaires une note écrite, mais non signée, dans laquelle il se déclare prêt à donner l'investiture aux évêques de France ; cette faiblesse, aussitôt regrettée par Pie VII, est exploitée par le Conseil National qui feint de la considérer comme une victoire.

Le 5 août 1811, c'est la nouvelle réunion du concile. Une lettre est rédigée à l'intention du Souverain Pontife auprès duquel cinq cardinaux vont être dépêchés pour rendre compte. Le Pape tergiverse et finalement confirme par un Bref sa note du 19 mai.
Dès lors c'est le calme à Savone. Le Saint-Père est laissé en repos. L'hiver, puis le printemps de 1812 sont tranquilles pour lui. Le climat est doux et largement ensoleillé ; les jardins embaument le mimosa, les amandiers, le romarin ; la campagne est sereine dans l'arrière-pays planté de pins parasols et de cyprès.
Et pourtant… et pourtant… le Pape s'alanguit à force de solitude, de remords, de regrets. Gregorio, Luigi, Barnabé Chiaramonti, né en 1742, a été élu Pape en 1800. Il a donc 70 ans. Son physique est déconcertant. La Duchesse d'Abrantès, Laure Permon, épouse du général Junot, souligne dans ses Mémoires le contraste insolite entre la pâleur blafarde de son teint et la noirceur de ses cheveux. Quand il est en prière ou qu'il médite, sans bouger, on dirait véritablement une statue au visage de marbre et parfois même, un homme mort.
Son secrétaire d'Etat le cardinal Pacca, qui a longtemps vécu dans son intimité en a laissé le portrait suivant : « Pie VII n'était pas un homme de peu de talent ni d'un caractère faible et pusillanime ; il avait au contraire un esprit prompt et actif et était versé dans les sciences sacrées. De plus il était doué de ce bon sens qui fait voir les choses sous leur véritable point de vue…
Il était exempt des grandes passions de l'ambition et de l'intérêt et de cet attachement pour les choses de ce monde qui a terni la réputation de plusieurs papes.
Bon sens exquis et jugement fin. Le bon Pie VII abandonnait souvent son avis et suivait les conseils d'autrui. Les malveillants attribuent cette qualité à la faiblesse de son caractère et à un excessif laisser-aller ; d'autres l'imputent à une opinion trop désavantageuse de lui-même et à une trop grande défiance de ses lumières et de son talent, reconnaissant par là sa modestie et son humilité ».

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
305
Numéro de page :
15-18
Mois de publication :
05
Année de publication :
1979
Année début :
1809
Année fin :
1812
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