L’enseignement de l’histoire des périodes napoléoniennes au collège et au lycée : programme 2010

Auteur(s) : REY Jean-Philippe
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Lors de cette rentrée scolaire, les nouveaux programmes de la classe de Seconde générale sont entrés en application dans plusieurs disciplines enseignées dont l'Histoire. Conçus dans la précipitation et dans le cadre d'une réforme du lycée voulue plus globale, ils sont au centre de vives discussions. En ce qui concerne l'histoire du Premier Empire, nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour regretter son occultation. On peut remarquer que celle-ci fait tristement écho à l'absence d'action commémorative d'envergure à l'occasion du bicentenaire de la période impériale. Plus généralement, d'aucuns regrettent la disparition de l'histoire nationale qui participe à la formation du citoyen.

Afin d'éclairer ce débat, il est possible de présenter succinctement les faits, c'est-à-dire l'essentiel du contenu du nouveau programme de Seconde en ce qui concerne le Premier Empire, et de formuler en suivant quelques observations. Puisque la  période napoléonienne n'est pas enseignée uniquement au lycée mais aussi au collège, il est loisible de conduire la même analyse du programme de la classe de Quatrième. Ce dernier programme envisageant l'ensemble du XIXe siècle, quelques remarques concernent le Second Empire. Il est à noter que le nouveau programme de la classe de Quatrième, rédigé dans le cadre d'une refonte complète des programmes du collège présentée en 2008, entrera en vigueur à la rentrée prochaine seulement.

L’essentiel du programme d’histoire en classe de Seconde générale

– S'agissant du programme de Seconde, l'approche se veut d'emblée « synthétique, conceptuelle et problématisée ». Elle vise à la « compréhension du monde contemporain par l'étude des sociétés du passé » et tend à développer le « sens critique » ainsi qu'à permettre aux élèves d'aboutir à une vision « distanciée » du monde.
 
– L'intitulé officiel du programme d'histoire de Seconde est : Les Européens dans l'histoire du monde. Il est question de « replacer l'histoire des Européens dans celle du monde, de l'Antiquité au milieu du XIXe siècle ».
 
– L'introduction contient une mise en garde : « il faut faire sentir aux élèves que des pans du monde du passé ont été « perdus » ou qu'il n'en reste plus que quelques traces. Ils comprendront ainsi qu'il est impossible d'appréhender ce passé à travers le prisme exclusif du présent ».
 
– Comme dans l'ensemble des programmes du collège et du lycée désormais, l'intérêt de l'histoire des arts est souligné.
 
– Le cinquième et dernier thème du programme s'intitule : Révolutions, libertés, nations à l'aube de l'époque contemporaine. Il est recommandé d'y consacrer entre 15 et 16 heures soit environ un tiers du total. 
 
– Le thème est partagé en deux questions :
La Révolution française : l'affirmation d'un nouvel univers politique
Libertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIXe siècle (il faut dans ce cadre étudier un mouvement libéral et national en Europe, les bouleversements de 1848 et les abolitions de la traite et de l'esclavage et leur application).

Quelques observations sur le programme d’histoire en classe de Seconde générale

– L'histoire nationale n'est définitivement plus au coeur du programme qui envisage résolument une échelle européenne. En outre, le programme se veut une approche synthétique et problématisée. Tout cela concourt à ce que la trame évènementielle soit délaissée au profit d'un questionnement thématique.
 
– La Révolution reste une sorte d'incontournable que l'on ne rapporte plus explicitement, comme c'était le cas dans le précédent programme, aux expériences anglaise ou américaine ni même aux Lumières, pourtant si européennes. Il est juste fait référence à « la montée des idées de liberté avant la Révolution française ». Il y a là une contradiction qui témoigne sans doute de la précipitation dans laquelle le programme a été conçu.
 
– La première question du thème envisage la période de la Révolution comme allant « jusqu'au début de l'Empire ». Cela laisse la possibilité d'aborder le Consulat mais contient le risque de réduire l'Empire, voire la période napoléonienne, à la fin des libertés. Compte-tenu du peu de temps disponible, il est fort probable que les années napoléoniennes seront peu et mal traitées.
 
– La deuxième question du thème n'offre que très peu d'opportunité en réalité d'étudier le Premier Empire. Peut-être dans la genèse des nationalismes ou dans le rappel, devenu récurrent, du rétablissement de l'esclavage par Bonaparte vu alors comme « fossoyeur » de la Révolution.
 
– D'une manière générale, il paraît évident que le délaissement revendiqué de l'histoire nationale ajouté à un abandon progressif de l'histoire évènementielle au cours de la scolarité jouent en défaveur de l'apprentissage du Consulat et de l'Empire, vus souvent comme emblématiques de ces deux « travers ». 
 
– Le phénomène s'amplifiant de l'école élémentaire au lycée, la période napoléonienne disparaît pratiquement des perspectives offertes par le nouveau programme de Seconde. En outre, la question des libertés étant centrale, le risque est grand de voir réduit au statut de repoussoir le régime napoléonien.

L’essentiel du programme d’histoire en classe de Quatrième

– L'importance de l'histoire des arts est signalée avec force comme dans l'ensemble des programmes d'histoire mais de telle façon qu'un thème transversal  est créé, intitulé : Les arts, témoins de l'histoire des XVIIIe et XIXe.
 
Du Siècle des Lumières à l'Âge industriel est le titre du programme de la classe de Quatrième. Alors qu'il porte pour moitié sur les années postérieures à 1815, un quart de ce programme est consacré à la question classiquement intitulée : La Révolution et l'Empire
 
– Cette question est partagée en trois thèmes :
Les temps forts de la Révolution (thème 1) exige d'insister sur trois moments : 1789-91, 1792-94 et 1799-1804 : du Consulat à l'Empire. Parmi les 6 repères chronologiques, 2 concernent la période napoléonienne (1799-1815 et 1804).
Les fondations d'une France nouvelle pendant la Révolution et l'Empire (thème 2) propose notamment 6 études au choix parmi lesquelles 2 comprennent explicitement l'Empire : l'une sur les religions et l'autre sur la guerre.
La France et l'Europe et 1815 (thème 3) invite à faire le bilan des transformations engendrées à l'échelle du continent.
 
– Alors que la moitié du programme d'histoire est consacrée à l'étude du XIXe siècle, aucune référence explicite n'est faite au Second Empire. Néanmoins, le deuxième thème sur les cinq que compte la partie porte sur l'évolution politique de la France de 1815 à 1914. Dans ce cadre, les élèves doivent « situer dans le temps les régimes successifs de la France de 1815 à 1914 » et comprendre que leur succession « rapide (…) jusqu'en 1870 est engendrée par des ruptures : révolutions, coup d'État, guerre. »
 
– Les quatre autres thèmes de la partie sont consacrés à l'âge industriel, à l'affirmation des nationalismes, aux colonies et à la carte de l'Europe en 1914.

Quelques observations sur le programme d’histoire en classe de Quatrième

– L'Empire et la période napoléonienne plus largement ne sont pas écartés du programme. Le titre de la question, d'un des trois thèmes y font explicitement référence. Sans doute le Consulat sera-t-il plus naturellement traité que l'Empire, sauf si l'enseignant décide de consacrer du temps à la thématique des guerres. 
 
– On peut penser que l'évolution des frontières sera évoquée dans chacun des trois thèmes et que l'enseignant ne pourra pas faire l'économie de références régulières à l'Empire.
 
– Les nouveaux programmes du collège redonnent quelques lettres de noblesse au récit. Il est demandé aux enseignants par deux fois de raconter des événements ainsi que des moments de la vie des principaux acteurs de la période. L'évocation de Napoléon et de quelques moments, de Brumaire aux Cent-jours, semble tentante dans ce cadre.
 
– L'attention portée à l'histoire des arts s'accompagne du signalement d'artistes et d'oeuvres parmi lesquels, pêle-mêle, on trouve notamment David, Goya, Ingres, Goethe, Madame de Staël, Beethoven… Il s'agit sans doute d'une piste privilégiée pour qui voudra mettre en lumière la période napoléonienne. Cela sera encore plus aisé en ce qui concerne le Second Empire compte tenu, en particulier, de l'élargissement des références aux productions architecturales et aux aménagements urbains : l'opéra Garnier, le Paris d'Haussmann.
 
– Hormis le dernier (l'Europe en 1914), chacun des thèmes de la seconde partie du programme peuvent en principe comporter des références précises au Second Empire. C'est notamment le cas lorsque l'enseignant aborde le développement de l'économie ou encore l'unité italienne. Il reste qu'il est néanmoins possible d'aborder l'ensemble des thèmes sans mobiliser beaucoup de savoirs directement liées à connaissance du Second Empire.
 
– Cette dernière possibilité est d'autant plus grande que l'évolution politique est envisagée de manière à nettement privilégier l'avènement et l'enracinement de la République après la Commune.

En conclusion…

Comme on peut aisément le constater, l'enseignement du Premier Empire en tant que tel ne fait pas partie du programme de la classe de Seconde alors qu'il est encore inclus, quoiqu'incomplètement, dans celui de la classe de Quatrième. Pour autant, et la remarque vaut pour le Second Empire en Quatrième, il n'est pas interdit ni impossible aux enseignants de le traiter. La liberté pédagogique dont le principe est opportunément rappelé en introduction de chacun de ces textes officiels que sont les programmes, et dont jouit chaque enseignant, doit être mise à profit. Elle permet à qui le souhaite de privilégier des approches, des documents, des personnages, des événements qui, au service de problématiques accessibles aux élèves, en prise avec l'historiographie savante et dans le respect des programmes, apportent à la jeunesse les éléments indispensables à la compréhension d'un moment crucial de l'histoire française et européenne.  

Titre de revue :
inédit
Mois de publication :
septembre
Année de publication :
2010
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