L’épopée du trésor des Invalides

Auteur(s) : GARRIGOUX Jean
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Le 8 juin 1940, le front des troupes françaises est entièrement disloqué. C’est l’exode : neuf millions de Français fuient l’envahisseur, cap au sud, voitures, chevaux, charrettes, poussettes, bicyclettes pêle-mêle… Ces immenses colonnes croisent ou se suivent avec celles des troupes françaises en déroute. L’aviation allemande les prend régulièrement pour cible et l’on compte plus de victimes, le long des routes, parmi les civils que parmi les militaires. Le 10, le gouvernement français quitte Paris pour la région de Tours. Le 12, la capitale est abandonnée par presque tous ses habitants devant l’arrivée annoncée des troupes allemandes triomphantes. Un certain affolement a également gagné l’Hôtel des Invalides, dont les pensionnaires ont déjà été évacués vers les Pyrénées.

Après une carrière à la direction de l’exportation d’un grand groupe industriel français, Jean M. Garrigoux a publié des ouvrages historiques, dont Un aventurier visionnaire. Arsène Lacarrière Latour (1997), Manhès, vice-roi des Calabres (2000) et Delzons, Destaing, un clan sous la Révolution et l’Empire (2005).

Le départ des caisses

Dans l’après-midi du 12 juin 1940, trois camions sont mis à la disposition des responsables du musée de l’Armée, sur ordre de repliement signé par le général gouverneur militaire de Paris (1), afin d’évacuer au plus vite le plus précieux de ses collections inestimables. On charge alors dans ces trois camions, selon la déclaration faite un peu plus tard par M. Lévêque, maître-armurier au musée de l’Armée (2), « quatre caisses contenant des objets de collection, portant les numéros 2, 18, 19 et 21 ainsi que deux caisses contenant des archives et des pièces comptables du musée. Ces pièces étaient prêtes depuis huit mois. Ces trois camions avec quelques personnes désignées d’avance ont quitté Paris vers les 5 heures de ce même après-midi, à destination de Beynac, en Haute-Vienne […] » (3).
Ces quelques personnes désignées d’avance se sont trouvées placées sous les ordres du général (CR) Eugène Augustin Mariaux, lequel était à cette date en même temps le « commandant » de l’institution nationale des Invalides, et le directeur du musée de l’Armée, en dépit de ses soixante-dix-sept ans. Cet héroïque combattant de la Grande Guerre, gazé en 1915, avait été amputé de sa jambe gauche en 1918. Il ne pouvait évidemment pas conduire et se déplaçait le plus souvent en chaise roulante.
Le convoi chargé de cette lourde mission va être victime d’un affreux drame qui va se produire à Étampes, sur la route nationale n° 20, à 50 km au sud de Paris. Cette ville était située à cette époque dans le département de Seine-et-Oise dont le chef-lieu était Versailles (4). En effet, il est avéré que les caisses du musée de l’Armée ont été retrouvées le 14 juin, dans l’après-midi, abandonnées sur un ou deux camions (les témoignages varient), dans de terribles circonstances. Nous lisons, par exemple, dans le récit d’un habitant d’Étampes (5) qui décrit longuement les effets des bombardements et des mitraillages effectués par les avions allemands : «[…] Alors, ce fut chez ceux qui avaient résolu de rester quand même à Étampes un sauve-qui-peut général. On alla jusqu’à arracher des portes pour s’en servir de civières. Malheureusement, le feu ravageait les automobiles et les corps mutilés. Un camion militaire chargé de cartouches avait sauté sous la mitraille […]. M. Hennequin, en qualité d’aide-fossoyeur, paya nuit et jour de sa personne, accomplissant une besogne qu’il n’est point exagéré de qualifier de surhumaine si l’on veut bien se rendre compte de l’état effroyable des pauvres corps déchiquetés ou carbonisés. M. Guerry fit de même pour les multiples chevaux et vaches crevés au long des rues et des chemins, ainsi que M. Hédeville, qui, armé d’une pique et d’une massue, abattait les chiens enragés […] ». Il ajoute, plus loin, après avoir évoqué les rapports entre les très rares responsables français demeurés à Étampes et le général allemand commandant la division qui vient d’occuper la ville : « […] La relation des événements qui se déroulèrent à la mi-juin 1940 à Étampes ne serait pas complète si nous ne mentionnions pas la découverte éminemment historique faite le 15 juin, sur le Port, d’un camion abandonné contenant un trésor inestimable que peut s’enorgueillir à juste titre de posséder le musée des Invalides. À savoir : une collection des reliques de l’Empereur, parmi lesquelles son petit chapeau, son chapeau d’Eylau, sa redingote prise à Marengo, son épée d’apparat, son épée d’Austerlitz et ses décorations. Tous ces objets, soigneusement enfouis dans des caisses, avaient quitté les Invalides deux ou trois jours plus tôt pour être transportés en lieu sûr, lorsque le conducteur du camion, affolé sans doute par le bombardement du 14, abandonna dans notre ville ses précieux bagages et… disparut. Ajoutons que, grâce à l’initiative habile d’un médecin de l’hôpital, les inestimables reliques purent être dissimulées jusqu’à ce qu’on les entreposât provisoirement au château de la Malmaison, en attendant leur retour aux Invalides […]. »
En tout état de cause, les deux camions (6) bombardés, portant encore les quatre caisses – dont une éventrée –, vont être sauvés d’un pillage à ce moment-là généralisé.

L’inventaire de Versailles

Le récit le plus complet et le plus précis – « exposé sommaire des faits » – de cette affaire est celui qui se trouve dans le document officiel existant aux Archives communales de Versailles et qui vient à la suite de la mention-titre de l’inventaire pratiqué : « Inventaire détaillé et partiellement numéroté d’armes et souvenirs historiques provenant du musée de l’Armée, contenus dans des caisses portant les numéros 2, 18, 19, 21 : le tout trouvé et signalé par un officier allemand (oberleutnant Oberneburg, 44e division), dans un camion mitraillé et abandonné sur la route d’Étampes et déposé provisoirement le 23 juin 1940 à l’hôtel de ville de Versailles […]. / Exposé sommaire des faits qui ont marqué la remise des reliques napoléoniennes à l’Hôtel de ville de Versailles : / 1°– Les deux camions portant ces reliques se sont trouvés en panne à Étampes, le 13 juin. / 2°– Le 14 juin ils ont été abandonnés à la suite du bombardement. Les soldats allemands ont ouvert les caisses dont les objets ont été jetés pêle-mêle dans les camions. C’est à ce moment, sans doute, que plusieurs fusils ont été brisés. / 3°– Le lendemain, 15, un officier de l’armée allemande a confié les camions et leur contenu au docteur Guilluy. Un autre officier, le lieutenant Berneburg, agissant au nom du général commandant la 44e division (7), lui a donné, par écrit, mission de les mettre à l’abri en lieu sûr. Le docteur Guilluy, aidé de son infirmière, a en effet gardé les caisses et les a entreposées dans son hôpital, sous sa surveillance. / 4°– Le 21 juin, le docteur Guilluy a pu venir à Versailles, où il a confié à monsieur Henry-Haye (8), le secret de sa mission imprévue. Le soir même monsieur Henry-Haye a dicté (9) en ma présence et devant monsieur l’intendant Cornet, et monsieur le général Sutterlin (10), le récit que venait de lui faire le docteur Guilluy. / 5°– Le 22 juin, monsieur Henry-Haye a envoyé un camion et une voiture pilote, avec des hommes de confiance (11), prendre à Étampes le précieux dépôt. / 6°– Le 23 juin, déballage des caisses devant monsieur le maire et les quelques personnes de son entourage immédiat. Grande émotion devant la qualité des reliques. Un inventaire fut fait par MM. Pichard du Page (12) et Crozet (13) ; les objets photographiés (14), et une garde de jour et de nuit organisée, pour éviter toute indiscrétion. M. Pichard du Page observe que les armes proviennent presque toutes de la manufacture de Versailles et qu’il y aurait lieu de saisir l’occasion de demander aux musées nationaux d’en confier quelques-unes au musée municipal de Versailles qui en est démuni. M. le maire envisage de faire rentrer ces objets dans les musées nationaux, mais ses occupations urgentes l’ont empêché de donner suite immédiatement à ce projet. / 7°– Le 4 juillet, M. Charmoillaux, conseiller municipal, a eu particulièrement affaire avec M. Ladoué (15), et en a profité pour lui faire voir les objets entreposés à l’hôtel de ville et le prier d’en faire connaître l’existence à la direction des Beaux- Arts qu’il devait voir le lendemain. M. l’intendant Cornet fut mis au courant de cette conversation. / 8°– Le 6 juillet, M. Ladoué vient à l’Hôtel de ville et dit à M. Charmoillaux qu’il a vu à Paris M. Jaujard (16) et M. Japy, qui ont décidé de prendre livraison des objets au nom des musées nationaux. Aussitôt avisés, M. l’intendant Cornet et M. le général Sutterlin prennent les mesures nécessaires pour mettre les objets à la disposition du service des musées nationaux. / 9°– Le dimanche 7, M. Charmoillaux reçoit à l’hôtel de ville la visite du docteur Guilluy. Il lui fait voir les objets déballés des caisses. Il ne les connaissait pas tous. Son émotion est forte. Le docteur lui donne diverses précisions sur les circonstances de la remise des objets, le 14 juin. Dans l’après-midi, il revient avec son infirmière, qui a contribué au sauvetage, et tous deux ajoutent de nouvelles précisions qui ont été consignées (17) en vue d’un rapport plus détaillé. / 10°– Le 9 juillet, M. Ladoué, accompagné de MM. Jaujard et Bourguignon (18), sont reçus dans le cabinet du maire par la municipalité réunie en séance de conseil. Ils reconnaissent rapidement les objets qui leur sont présentés. Ils conviennent de venir chercher ces reliques, qui seront emballées par leurs soins le vendredi 12 juillet, et de les faire conduire au musée de la Malmaison. / À l’hôtel de ville, le 10 juillet 1940, / pour le sénateur-maire de Versailles, le conseiller municipal délégué / Général Sutterlin ».
C’est en effet le 23 juin (19) que Paul Haye a signé à l’hôpital d’Étampes, au nom du sénateur-maire de Versailles, une décharge en bonne et due forme au docteur Guilluy « pour quatre caisses ouvertes, contenant différentes reliques de l’épopée napoléonienne, plus une malle cantine, un coffre à pistolets et un carton ». Henry Haye a donc fait procéder alors, par les gens particulièrement compétents qu’il a très heureusement pu mobiliser, à l’inventaire détaillé du contenu de ces caisses. Il a également fait tirer les photographies de l’ensemble par un professionnel.
Nous observons ainsi que deux éclats d’obus ont alors été retirés des caisses, ce qui expliquerait sans doute pourquoi l’une d’entre elles était éventrée, même si, selon le docteur Guilluy, des rôdeurs et, peut-être, des soldats allemands – avant l’intervention rapide d’un de leurs officiers, puis les ordres du général commandant la 44e division – s’étaient «chargés» de les ouvrir sans précautions… Ceci est d’autant plus miraculeux que l’on va y constater la présence d’un grand nombre d’objets précieux, dont des médailles et des pièces d’or, faciles à subtiliser…

Le rôle des responsables allemands

La traduction d’une note tapée sur papier à en-tête de l’hôpital d’Étampes, figurant en copie dans le dossier, atteste de la position très nette que prirent les responsables allemands : « Le contenu des caisses se trouvant dans cette pièce est de la plus grande valeur historique. Il est absolument indispensable que l’on n’y touche pas et qu’on les laisse sous surveillance du médecin en chef de l’hopital d’Étampes. / Par ordre du général commandant la 44e division. »
Plus tard, dans un petit recueil de souvenirs rédigé en 1942 (20), des militaires allemands, stationnés en occupation à Étampes, ont ironisé sur l’épisode que nous contons ici (c’est aussi une confirmation des faits qui viennent d’être exposés) : « […] Pour qu’une note comique ne manque pas dans cette tragédie, nous avons découvert, sur un camion abandonné, emballées avec soin, les reliques précieuses d’une époque glorieuse : les bicornes du “Grand Corse”, son sabre de parade et ses décorations. On les avait évacuées du musée des Invalides pour les mettre en sécurité. Mais le conducteur du véhicule avait abandonné son très précieux chargement ! […]. »
C’est le mois suivant, le 13 juillet 1940, que, selon un autre document (21) contenu dans le dossier des Archives communales, le «trésor » a bien pris la direction du château de la Malmaison, depuis l’hôtel de ville de Versailles, sous la responsabilité de M. Jean Bourguignon, directeur du domaine. Ce dernier signe en effet, à cette date, la décharge correspondante.
En 1972, Gaston Henry-Haye, après un long exil, écrit un important ouvrage, La grande éclipse franco-américaine (22), dans lequel il conte, au passage, l’affaire qui nous intéresse. Ce récit complète notre documentation et y apporte quelques éléments nouveaux (23) : « […] La pendule de mon cabinet de la mairie de Versailles marquait neuf heures trente-cinq, au matin du 14 juin 1940, lorsque les premiers éléments blindés de l’armée allemande firent irruption en trombe dans les grandes avenues de la cité royale. J’avais autour de moi les quelques adjoints et conseillers qui avaient eu le courage de rester à mes côtés […] ». Henry-Haye décrit comment les quatre cinquièmes des habitants avaient fui la ville – en dépit des exhortations au calme et des ordres formels – tout comme les gendarmes, les cent policiers municipaux et les pompiers avec leur matériel! Il va connaître des jours terribles. L’occupant l’arrête puis le relâche… : « Un soir je reçus la visite d’un messager venu d’Étampes à bicyclette, porteur d’un mot écrit à la hâte par le médecin-chef de l’hôpital de cette ville, le docteur Guilluy, me demandant d’envoyer d’urgence un camion pour enlever des trésors historiques abandonnés, à la porte même de son hôpital, dans deux camionnettes dont les conducteurs avaient été tués lors d’un bombardement aérien […]. Dès le lendemain, je réquisitionnai une vieille camionnette Fiat que j’envoyai à Étampes en priant, pour plus de sûreté, mon frère Paul et mon beau-frère André Chambelland d’accompagner le conducteur. J’attendis toute la journée le retour de l’équipage, qui ne rentra que le surlendemain, la voiture ayant été arrêtée à la nuit tombante par des sentinelles allemandes. Lorsque je pris possession de ce précieux fardeau, l’inventaire des caisses nous mit simplement en présence de tous les trésors napoléoniens du musée des Invalides : l’original du grand collier de la Légion d’honneur, le chapeau que portait l’Empereur à Austerlitz, plusieurs de ses uniformes, la tunique du Roi de Rome, soixante-dix épées magnifiquement ciselées ayant appartenu aux maréchaux de l’Empire… Je dissimulai les pièces principales de cette collection unique dans mon cabinet de travail, et les plus encombrantes dans la salle des mariages. Mes craintes furent grandes de voir confisquer ces reliques mais j’eus la bonne fortune de pouvoir les faire remettre en mains sûres au musée de la Malmaison, avant mon départ de Versailles pour Washington […] ». Et tout cela dans une mairie occupée par des Allemands beaucoup moins « corrects » que ceux d’Étampes !

Les conditions de la découverte

Avant d’en revenir au sort de ces collections, nous devons tenter d’éclaircir les conditions dans lesquelles celles-ci ont pu être ainsi découvertes le 14 juin. Il existe en effet certaines divergences entre ce que le général Mariaux (24) écrit à la fin du mois de juillet, soulagé, certes, mais très laconique, au général Sutterlin – en remerciant ce dernier pour sa lettre relatant l’histoire de la récupération des collections et les pièces jointes – et ce que nous savons déjà.
Le directeur du musée de l’Armée écrit : « Mon cher Sutterlin […] / Quel soulagement m’a apporté votre lettre ! Je vais en faire une copie au ministère de la Guerre comme suite au compte-rendu (25) que je lui ai fait parvenir de notre exode du 12 juin : 3 morts et 7 blessés dans mon convoi escortant les caisses en question (matinée du 14 juin). / Les autorités allemandes ont agi en l’occasion avec une correction à laquelle je rends hommage. / Et je suis touché du soin avec lequel vous avez pris de me rassurer sans tarder sur le sort des reliques que j’avais cru devoir emporter pour les mettre à l’abri […]. »
L’absence du compte-rendu indiqué par le général Mariaux, ou d’autres témoignages, nous font poser la question suivante : si le convoi des camions et des véhicules d’escorte dont il assurait le commandement avait bien été gravement touché au matin du 14 par le bombardement, s’il déplorait des morts et des blessés, il n’expliquait pas totalement comment les quatre caisses avaient été trouvées abandonnées, dès l’après-midi du même jour, sur un camion seulement. L’explication nous est donnée en partie par le sénateur Henry-Haye, le seul à indiquer (26) que les conducteurs des deux camions avaient euxmêmes été tués lors d’un des bombardements.
Le commandant des Invalides – et ce qui restait éventuellement de ses effectifs – a dû quitter Étampes, emporté vers le sud dès le 14 au matin. Dans sa lettre, il n’apporte donc aucune précision au général Sutterlin. Nous savons, grâce au témoignage de ses petits-enfants (27), que leur grand-père n’a pas été blessé ces jourslà. Ne pouvant pas conduire et se déplaçant très difficilement, il est arrivé à Beynac parmi les occupants (sans doute une cinquantaine de personnes) d’un autobus de la TCRP (28). L’épouse d’un de ces derniers a d’ailleurs été tuée lors du trajet (29)… Tous ces gens et bien d’autres rescapés furent accueillis et secourus chez le général.
D’ailleurs, lors de l’opération de repérage puis de sauvetage des collections à Étampes, dès l’après-midi du 14 juin, personne ne fait état de la présence ou du passage de membres du personnel des Invalides. Nous ne trouvons pas de rapport d’une hospitalisation des sept blessés, ou de sépulture des trois morts du convoi. Le mystère demeure donc entier. Si cela avait été le cas, en ce qui concerne les blessés, le docteur Guilluy, médecin-chef de l’hôpital, en aurait certainement fait état. Quant aux Allemands, ils auraient automatiquement noté la présence d’une personnalité comme celle du commandant des Invalides. En dépit de son importance, il n’existe toujours pas aujourd’hui aux archives des Invalides, pas plus qu’aux archives de l’armée à Vincennes, ni dans les archives familiales, le moindre document se rapportant aux faits qui se sont déroulés à cette époque. Et nous ne savons toujours pas pourquoi, sur les quarante caisses prêtes depuis huit mois, seules celles dont nous venons de parler avaient pu être évacuées in extremis.

Les Invalides sous la botte

De différents endroits de province où elles avaient été mises à l’abri, des caisses contenant des objets provenant du musée de Malmaison furent transférées au château de Valençay (31) en octobre 1942. Peut-être contenaient-elles des éléments provenant du sauvetage effectué à Versailles? Le «trésor» est-il demeuré à Malmaison ? Avait-il, dès l’été 1940, réintégré les Invalides?
Jean Bourguignon, nous l’avons indiqué, était aussi le viceprésident du conseil d’administration du musée de l’Armée. Et ce n’était pas une fonction décorative : il fut un de ceux qui demeurèrent à leur poste avec la ferme intention de sauver un maximum des objets précieux dont ils se sentaient responsables.
Le 23 juin 1940, les vieux murs glorieux des Invalides virent Adolf Hitler se rendre sur le tombeau de l’Empereur. Et, dès le 24, le général Keitel, chef du haut-commandement de la Wehrmacht, donne l’ordre au contre-amiral Lorey, directeur du musée militaire de Berlin, de se charger du «retour immédiat des trophées de guerre d’origine allemande se trouvant à Paris ». Lorey, arrivé rapidement dans la capitale, va prendre dans un sens très large l’indication «d’origine allemande»! Les responsables du musée de l’Armée se voient alors pratiquement consignés dans leurs bureaux. Le contre-amiral et ses sbires fouillèrent et pillèrent les collections plusieurs mois durant. Ils sélectionnèrent avec soin un grand nombre d’objets, en commençant, bien entendu, par les trophées d’Austerlitz, de Wagram, etc. Mais ceci est une autre histoire.
Le sauvetage à Étampes d’une partie essentielle des collections napoléoniennes du musée de l’Armée, effectué en juin 1940 par le docteur Guilluy, le sénateur-maire Henry-Haye et son équipe, et dont deux officiers allemands, suivant les ordres de leur général, commandant la 44e division d’infanterie, furent à l’origine, méritait d’être conté.

Notes

1. Le général Pierre Héring, qui quitte Paris le même jour, 12 juin, en repliant ses troupes sur la Loire. Il est remplacé par le général Henri Dentz qui va remettre la capitale aux Allemands le 14.
2. Archives communales de Versailles (désormais A.C.V.), dossier sous-cotes 5Z62 et 5Z77/22. Déclaration signée et enregistrée à l'hôtel de ville de Versailles le 13 juillet 1940 par devant le conseiller municipal délégué, le général Sutterlin. M. Lévêque précise que quarante caisses avaient été préparées, mais que seules furent chargées celles qu'il a indiquées.
3. Où le général Mariaux possédait sa maison de famille. Eugène Augustin Mariaux était né à Limoges en 1864 dans une famille où l'on compte de nombreux officiers. Polytechnicien, il fit la campagne de Chine. Chef d'escadron en 1912, nommé lieutenant-colonel lors de la bataille de la Marne, gazé en 1915, colonel en 1917, il sera amputé d'une jambe en 1918. Général en 1921, commandant de la Chambre des députés (1921-1924), commandant de l'Institution nationale des Invalides, il fut directeur du musée de l'Armée en 1924 jusqu'à sa mort en juin 1944.
4. Étampes est aujourd'hui dans le département de l'Essonne.
5. René Collard, Étampes au cours des journées tragiques de 1940 et 1944, récit illustré. 6. Photo prise par un soldat allemand anonyme.
7. D'infanterie.
8. Sénateur-maire de Versailles. Pendant la guerre de 14-18, jeune officier, il avait combattu à Verdun, été décoré, puis détaché auprès du corps expéditionnaire américain et enfin envoyé en mission aux États-Unis. Il va être nommé, en ce mois de juillet 1940, ambassadeur de France à Washington par le maréchal Pétain. D'où son absence quelques jours plus tard à Versailles : il était vraisemblablement parti pour Vichy. 9. A.C.V. cote 5Z62. Document manuscrit.
10. Ami proche de Henry-Haye, ce général de réserve assurait en particulier la direction de la défense passive de la ville de Versailles. Il était adjoint au maire. Alsacien, il servit d'interprète.
11. Dont son propre frère, Paul Haye, et son beau-frère, André Chambelland.
12. René Pichard de Page, conservateur de la bibliothèque municipale de Versailles.
13. Léo Crozet, du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale.
14. Par M. William, photographe installé alors au 47 de la rue du maréchal Foch, à Versailles.
15. Pierre Ladoué, conservateur en chef du musée de Versailles. Particulièrement ferme et courageux devant l'occupant, il a laissé un ouvrage concernant cette époque, Et Versailles fut sauvegardé : souvenirs d'un conservateur, 1939-1941, Paris, Henri Lefebvre, 1960, 101 p.
16. Jacques Jaujard, directeur de la conservation des musées nationaux, va jouer un rôle important, durant toute la guerre, dans la sauvegarde du plus grand nombre de nos oeuvres d'art, tenant tête, en particulier, à la commission Rosenberg, chargée par Adolf Hitler de saisir les biens artistiques appartenant à des Israélites.
17. Nous n'en avons malheureusement pas trouvé trace dans le dossier des Archives communales.
18. Jean Bourguignon, conservateur des musées, chargé des musées napoléoniens, et vice-président du conseil d'administration du musée de l'Armée.
19. C'est la veille que l'armistice avait été signé avec l'Allemagne.
20. État-major d'Étampes, Livre-souvenir, dont les rédacteurs étaient le capitaine Dr. Hans Malberg et le sous-officier Wolf von Niebelschütz.
21. A.C.V. cote 5Z62.
22. Paris, Plon, septembre 1972, 393 p. Compte tenu des positions prises par l'auteur, sa diffusion demeura très limitée.
23. Pages 114 et suivantes.
24. Le général Mariaux est sans doute revenu assez rapidement du Limousin après la signature de l'armistice. Mais Sutterlin n'en était pas certain quand il écrivait.
25. Nous n'avons pas pu trouver ce document.
 26. Op. cit., p. 123.
27. M. Jean-René Mariaux et Mmes ses deux soeurs, que je remer
cie pour leurs recherches et leur chaleureux accueil.
28. Transports en commun de la région parisienne (deviendra la RATP plus tard).
29. Une certaine Mme Collignon.
30. Photo extraite de son ouvrage cité, publié en 1972.
31. In L'Exode des musées, par Michel Rayssac, véritable somme de l'histoire des collections des musées français pendant la guerre. Il n'existe qu'une lacune dans son ouvrage : elle concerne le musée de l'Armée.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
494
Numéro de page :
7 p.
Mois de publication :
janvier, février, mars
Année de publication :
2013
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