Les blessures de Napoléon

Auteur(s) : RIAUD Xavier
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Napoléon a toujours essayé de tenir secret ses malaises et ses blessures pour éviter que la confusion et le désordre ne s’installent. « Il avait été très souvent  exposé dans ses batailles ; mais on le taisait avec le plus grand soin. Il avait recommandé, une fois pour toutes, le silence absolu sur toutes les circonstances de cette nature » (Las Cases, 1999). Pourtant, Antommarchi fournit un détail très précis des blessures de l’Empereur dans son rapport d’autopsie : « Le corps présentait (…) plusieurs cicatrices, à savoir : une à la tête, trois à la jambe gauche, dont une sur la malléole externe, une cinquième à l’extrémité du doigt annulaire ; enfin, il en avait un assez grand nombre sur la cuisse gauche » (Antommarchi, 1825).

Les blessures de Napoléon
Napoléon Ier blessé devant Ratisbonne, 23 avril 1809, par Pierre Gautherot, 1810
© RMN-GP, château de Versailles / Gérard Blot (site https://art.rmngp.fr)

Avant l’Empire

Après un accident de calèche dans sa jeunesse, il perd connaissance.
16 décembre 1793 : Au siège de Toulon, Bonaparte décide de mener l’assaut. Son cheval est tué sous lui et le jeune officier français décide de continuer à pied. Il est blessé grièvement à la cuisse par un coup d’esponton donné par un Anglais. Le rapport d’autopsie mentionne une « dépression profonde et pouvant admettre le poing » dans la cuisse gauche, un peu au-dessus du genou (Antommarchi, 1825). Napoléon a affirmé à Las Cases qu’il avait pensé perdre sa jambe. Le chirurgien Hernandez voulait l’amputer, mais sa cuisse a finalement guéri grâce aux bons soins de Jean-Mathieu Chargé (Las Cases, 1999 ; Goldcher, 2004).
Selon Boigey, il aurait été blessé à l’arme blanche à la cuisse et aurait été soigné par Hernandez, chirurgien de la marine et plus tard professeur dans les écoles de médecine navale de Toulon et de Rochefort (Boigey, 1930).

Décembre 1795 ou janvier 1796 : Avant de passer sa première nuit d’amour avec la veuve du général Beauharnais, alors qu’il se précipite pour la rejoindre, il est mordu plusieurs fois par un chien du voisinage au mollet (Goldcher, 2004).

11 juillet 1798 : Bonaparte est blessé à Damanhour en Égypte. Larrey signale que le « général en chef  reçut un coup de pied d’un cheval arabe, qui lui fit à la jambe droite une contusion assez forte pour qu’on dût craindre des accidents consécutifs : je fus assez heureux pour les prévenir et le conduire en très peu de temps à la guérison, malgré sa marche pénible et son activité naturelle qui l’éloignait du repos » (Larrey, 1812-1817 ; Marchioni, 2003).

22 juin 1803 : En tuant un sanglier, Bonaparte se blesse au cours d’une chasse. Il aurait écrit le lendemain à Joséphine pour lui raconter l’accident (Goldcher, 2004). Dans son exil à Sainte-Hélène, il le raconte à son premier confident et fait état d’« une forte contusion au doigt » (Las Cases, 1999). Au cours de l’autopsie, Antommarchi rapporte une cicatrice, dans son rapport, à « l’extrémité du doigt annulaire » (Antommarchi, 1825).

Sous l’Empire

23 avril 1809 : Au siège de Ratisbonne, Napoléon est blessé. C’est sa seconde blessure de guerre. Constant relate l’épisode : « Le coup avait été frappé si fort que l’Empereur était assis ; il venait de recevoir la balle qui l’avait frappé au talon. (…) Un aide de camp vint me chercher, et lorsque j’arrivai, je trouvai M. Yvan occupé à couper la botte de Sa Majesté, dont je l’aidai à panser la blessure. Quoique la douleur fût encore très vive, l’Empereur ne voulut même pas donner le temps qu’on lui remit sa botte, et pour donner le change à l’ennemi, et rassurer l’armée sur son état, il monta à cheval, partit au galop avec tout son état-major » (Constant, 2000). Dans ses Mémoires (2000), Constant raconte une deuxième fois l’événement et dit qu’il n’est arrivé qu’au moment où Yvan faisait le pansement, ce qui semble plus vraisemblable. Aubry (1977) affirme qu’un biscaïen l’aurait touché au talon droit. La contusion aurait touché un nerf et le pied aurait gonflé davantage dans sa botte qu’il n’avait pas ôtée depuis trois jours. Selon lui, Yvan l’aurait également pansé. Dans son Mémorial, Las Cases (1999) rapporte les propos de l’Empereur qui lui a dit qu’ « une balle lui avait frappé le talon. » Le biscaïen est exposé au musée de l’Armée à Paris.

La controverse porte sur le chirurgien qui aurait soigné Napoléon. Il a été dit que c’était Larrey, Heurteloup ou même Desgenettes. Mais les témoignages sont unanimes, et l’organisation du service de santé personnel de l’Empereur ne laisse aucun doute quant au chirurgien qui s’est occupé de lui. Il s’agit du baron Alexandre-Urbain Yvan, qui fût immortalisé par Pierre Gautherot sur sa toile en 1810, au pied de Napoléon. Yvan a toujours été aux côtés de Napoléon à partir de la campagne d’Italie. Devenu chirurgien en chef des Invalides en 1804, Yvan a pu assister à la toilette de l’Empereur. Omniprésent, il lui est même arrivé de dormir aux Tuileries afin que ce dernier puisse le solliciter à n’importe quel moment (Goldcher, 2004).

Quant à cette blessure, les témoignages sont aussi unanimes sur sa gravité qui s’est résumée à une simple contusion sous-malléolaire externe droite (Goldcher, 2001). Antommarchi signale dans son rapport d’autopsie « une sur la malléole externe (gauche), … »
Pourtant, concernant ce détail, personne n’a jamais posé une question qui semble fondamentale : « Et si Yvan n’avait pas été finalement celui qui avait effectué les premiers soins ? » Constant, dans ses Mémoires (2000), mentionne qu’il n’est arrivé qu’une fois Yvan en action, et pas avant, ce qui me semble plus proche de la réalité et concorde mieux avec les autres témoignages.

En vérité, Charles Regnault, chirurgien également sur place, aurait été le premier à appliquer un pansement aussitôt la blessure survenue avant qu’Yvan n’intervienne (Driout, 2000).
Disons ici quelques mots de Regnault. Né le 22 juin 1865, il s’est engagé à 18 ans comme élève chirurgien au 15e régiment de dragons. Il est chirurgien du 1er régiment de chasseur à cheval jusqu’en 1791, puis chirurgien des prisons de Paris entre 1791 et 1793. A partir de mars 1793, il set chirurgien de 3ème classe des hôpitaux ambulants de l’armée, et reste en garnison à Lille jusqu’en août 1797. Chirurgien de 2ème, puis de 1ère classe, il rejoint le 3ème bataillon du 95ème régiment. Il est de toutes les campagnes. Récipiendaire de la Légion d’honneur le 1er octobre 1807, avec le numéro 18422. En 1808, il est chirurgien-major dans les hôpitaux de l’armée, puis, en janvier 1810, nommé à l’armée d’Espagne. En novembre 1812, il est malade et se retrouve en congé à Metz. Le 24 juin 1813, il est attaché au quartier général de la Grande Armée de Dresde. Il fait la dernière campagne d’Autriche. En juin 1814, il exerce à l’hôpital de Besançon. Il est mis à la retraite anticipée en 1815 à cause de ses affinités bonapartistes. Il meurt en 1832.
Pour son pansement à Ratisbonne, il reçoit quatre bourses impériales destinées à ses quatre fils. Le maréchal Soult, quant à lui, lui aurait offert une montre à sonnerie (Driout, sans date).

6 juillet 1809 : À Wagram ou à Essling, il aurait reçu une balle qui lui aurait déchiré « la botte, le bas et la peau de la jambe gauche » (Las Cases, 1999).

Septembre 1808 : Au cours d’un jeu avec l’Impératrice et des proches, Napoléon fait une chute en courant (Constant, 2000). Il tombe de cheval également à plusieurs reprises et ses chutes le condamnent à plusieurs jours de repos (Toulon, campagne d’Italie, Saint-Jean-d’Acre, Boulogne et Arcis-sur-Aube).  À Marengo (1800), il manque de se noyer dans la vase (Goldcher, 2004).

15 septembre 1812 : Dans l’incendie de Moscou, ses cheveux sont brûlés (Constant, 2000).

Références bibliographiques :

– Antommarchi F., Mémoires du Docteur F. Antommarchi ou les derniers momens [sic] de Napoléon, Librairie Barrois L’Aîné, Paris, 1825.
– Aubry Octave, La vie privée de Napoléon, Bibliothèque napoléonienne, Tallandier (éd.), Paris, 1977.
– Boigey Maurice, « Les maux de Napoléon », in Chronologie – Sainte-Hélène : la maladie de l’Empereur, http://www.napoleonprisonnier.com, tiré de son article paru dans l’Almanach Napoléon, 1930, p. 1-2.
– Castelot André, Bonaparte, Librairie Académique Perrin, Paris, 1967.
– Castelot André, Napoléon, Librairie Académique Perrin, Paris, 1968.
– Constant, Mémoires intimes de Napoléon Ier, Mercure de France (éd.), Paris, 2000.
– De Las Cases Emmanuel, Mémorial de Sainte-Hélène, Le Grand Livre du Mois (éd.), Tome IV, Paris, 1999, (réédition de la première version de 1823).
– Driout Pierre, « Charles Regnault (1765-1832) », in http://pierre.driout.perso.sfr.fr, sans date, p. 1-7.
– Gallo Max, Napoléon, Magellan (éd.), 8 vol., Paris, 1998.
– Goldcher Alain, « Les blessures de Napoléon », in Revue du Souvenir Napoléonien, juin-juillet 2004 ; 453 : 3-7.
– Larrey Dominique Jean, Mémoires de chirurgie militaire et campagnes, Smith (éd.), 4 vol., Paris, 1812-1817, 4 vol.
– Marchioni J., Place à Monsieur Larrey, chirurgien de la Garde impériale, Actes Sud (éd.), Arles, 2003.

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